Question de M. COURTEAU Roland (Aude - SOC) publiée le 12/11/1998

M. Roland Courteau attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les conséquences que pourrait avoir, notamment pour les agences de l'eau, la mise en oeuvre de la taxe générale sur les activités polluantes. Il lui indique que les instances du bassin, attachées aux spécificités des problèmes de l'eau, qui doivent, selon elles, se traiter sur la base d'une approche, par bassin versant, s'interrogent sur les risques que pourrait faire courir cette mesure sur la pérennité des politiques de l'eau. Selon ces instances, l'intégration du domaine de l'eau dans une politique de fiscalité écologique doit être abordée non pas en termes de " recentralisation étatique ", mais en termes de " subsidiarité " où chaque " niveau " trouvera sa place légitime. C'est pourquoi il lui demande quelles sont les dispositions qu'elle entend mettre en oeuvre pour que le système français de gestion de l'eau ne soit pas fragilisé et que le rôle fondamental que tiennent les comités de bassin ne soit pas remis en cause par l'application de la TGAP.

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Réponse du ministère : Aménagement du territoire publiée le 27/07/2000

Réponse. - La ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a pris connaissance, avec intérêt, des questions relatives à la réforme du financement de la politique de l'eau. La taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) n'est pas un impôt supplémentaire. C'est un instrument de modernisation, de simplification et de plus grande efficacité de la fiscalité écologique, à prélèvements globaux constants. A cet effet, la TGAP a une vocation universelle vis-à-vis de l'ensemble des activités polluantes ; elle est le cadre naturel d'accueil de la future écotaxe, actuellement en discsussion sur la plan communautaire. En effet, jusqu'à présent, la fiscalité de l'environnement reposait sur un très grand nombre de taxes affectées, au rendement inégal et dont la fonction était de procurer les ressources nécessaires à la réparation des dommages occasionnés à l'environnement par les activités polluantes. Cette fonction permettait donc de réparer les dommages, dans les limites de ressources collectées ; elle n'incitait en revanche qu'insuffisamment à la limitation des activités polluantes et à l'adoption de comportements vertueux et plus respectueux de la préservation d'un environnement de qualité. A cet égard, la fiscalité de l'environnement traditionnelle, faute d'adresser un signal-prix au niveau nécessaire, ne permettait pas d'appliquer dans sa plénitude le principe pollueur-payeur. Il s'agit aujourd'hui de mieux pouvoir prévenir afin, demain, de moins réparer. La TGAP, en déconnectant le rendement de l'instrument fiscal du montant des ressources nécessaires à la réparation des dommages - qu'il faut, sans aucun doute, poursuivre - permettra d'adresser un signal-prix approprié. A titre d'exemple, l'augmentation de 50 % de la taxe sur la mise en décharge votée en 1998 par le Parlement dans le cadre de la TGAP, a été combinée avec la réduction de 20,6 % à 5,5 % du taux de TVA appliquée aux activités de collecte sélective, de tri et de valorisation matière. A travers ces deux mesures, le Gouvernement, conformément à la communication de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement du 28 août 1998 au conseil des ministres, a clairement indiqué aux acteurs concernés qu'il souhaitait privilégier, dans les différents modes de traitement des déchets ménagers, la collecte séparative sur la mise en décharge et sur le recours à l'incinération, pour lequel le taux applicable de TVA demeure inchangé. Les pollutions de l'eau avaient vocation à être parties prenantes de la TGAP. Mais le système français de gestion de l'eau, fondé sur une gestion par bassin versant et sur le principe de " l'eau paye l'eau ", est un système qui, malgré quelques imperfections auxquelles il convient de remédier, a fait preuve d'efficacité depuis plus de trente ans ; ce système fait d'ailleurs largement école tant sur le plan communautaire qu'au-delà. La ministre a donc souhaité préserver, valoriser et améliorer le système français de l'eau, ainsi qu'elle l'avait indiqué lors de la communication effectuée sur ce sujet, en conseil des ministres, le 20 mai 1998. Les conditions dans lesquelles l'eau serait partie prenante de la TGAP n'ont donc été validées par la conférence des présidents de comité de bassin. Cette concertation a, en effet, permis de dégager des principes d'application de la fiscalité environnementale au secteur de l'eau qui permette une meilleure application du principe " pollueur-payeur " garantissant ce qui fait la force du système français de l'eau. Défini par la loi de 1964, le système des redevances des agences de l'eau s'est en effet pour l'essentiel inscrit dans une logique mutualiste afin de financer des programmes pluriannuels de dépollution. Ce système doit être réformé et complété afin d'inciter les maîtres d'ouvrage à réduire les rejets polluants grâce à une meilleure application du principe pollueur-payeur. La redevance de pollution domestique est à l'heure actuelle payée par les abonnés domestiques selon une procédure complexe et opaque de contre-valeur. Il sera proposé qu'une redevance de pollution urbaine soit acquitée par les services publics d'assainissement, soumis aux obligations des directives communautaires et de la loi de 1992 et compétents pour prendre les décisions nécessaires pour la préservation de la qualité des eaux. Le montant sera directement lié à l'importance des pollutions nettes rejetées. Comme le Gouvernement s'y est engagé, cette réforme ne devra pas se traduire par une aggravation de la pression fiscale sur l'usage domestique. Les pollutions agricoles sont actuellement concernées par la redevance sur les pollutions liées aux activités d'élevage dont les modalités avaient été définies en 1994 dans le cadre du programme de maîtrise des pollutions agricoles. Dans le cadre de la réforme de ce programme, cette redevance portant sur les seuls élevages sera remplacée par une redevance plus équitable portant sur les excédents d'azote, quelle que soit leur provenance, minérale ou organique. Calculée sur la base d'un bilan global par exploitation, elle appliquera le principe pollueur-payeur puisque seules les exploitations dont la fertilisation est déséquilibrée y seront assujetties. Les consommations d'eau, lorsqu'elles sont excessives peuvent conduire à une diminution des débits des cours d'eau incompatible avec le maintien de leur qualité écologique et avec les risques de sécheresse. La redevance prélevée sur les consommations d'eau est actuellement particulièrement inéquitable puisque s'y applique un coefficient d'usage qui revient à faire varier la taxation d'un même mètre cube d'eau selon que l'eau est utilisée pour l'irrigation, l'industrie ou pour la consommation des ménages, et ce, systématiquement au détriment de l'usager domestique. La disparition de ces coefficients d'usage, accompagnée d'un dispositif d'incitation à la bonne gestion de l'eau, permettrait d'assurer la neutralité de la redevance selon les types d'usages de l'eau, la rendant ainsi plus incitative pour une gestion économe de l'eau. Cette redevance, dont l'assiette sera définie par la loi, pourra être modulée selon l'intérêt patrimonial de la ressource en eau où s'effectue le prélèvement. Enfin, est étudiée la création de redevances sur les ouvrages et les aménagements qui modifient le régime des eaux (imperméabilisation, remblais en zone inondables, déviation des cours d'eau), ainsi que sur les rejets de substances radioactives et sur l'augmentation de la température des cours d'eau. Des propositions seront soumises en ce sens à l'examen du Parlement au premier semestre 2001, dans le cadre d'un projet de loi sur l'eau modifiant les lois du 16 décembre 1964 et du 3 janvier 1992, afin de mettre en uvre les dispositions et les incitations qui apparaissent aujourd'hui nécessaires pour l'amélioration de la qualité des eaux de nos rivières. Ce projet de loi visera également à encadrer les prochains programmes d'intervention des agences de l'eau. Les missions de celles-ci en matière de préservation et reconquête de la qualité de l'eau et des écosystèmes aquatiques seront ainsi confirmées et précisées. Ainsi, le système des redevances sera intégralement préservé pour financer les actions d'intérêt commun dans chaque bassin. La TGAP elle-même ne concerne donc pas les redevances mais regroupe des prélèvements sur des produits polluants non concernés par le système des agences de l'eau. Ont ainsi été décidées la taxation des produits polluants dans les lessives, dont celles qui contiennent des phosphates, celle des produits phytosanitaires et celle des granulats, créée par la loi de financement de la sécurité sociale.

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