Question de M. de ROCCA SERRA Louis Ferdinand (Corse-du-Sud - RI) publiée le 14/12/2000

En 1988, face aux nombreux attentats perpétrés en Corse et afin d'y maintenir néanmoins une bonne couverture des risques, les compagnies d'assurance s'étaient regroupées sous la forme d'un " pool des risques aggravés ". Ce dispositif a été reconduit chaque année en dépit de son coût élevé jusqu'au 31 décembre 2000 et a permis le maintien d'une offre d'assurance dans des conditions satisfaisantes aussi bien pour les risques des particuliers que pour ceux des entreprises et des collectivités territoriales. Or, le Gouvernement a dissous ce pool le 30 juin 2000 pour les seules collectivités territoriales corses et les établissements publics. Cette situation paradoxale contraint aujourd'hui les collectivités publiques de Corse à subir les lois concurrentielles du marché de l'assurance, alors que les sociétés privées et les particuliers peuvent bénéficier d'une tarification par le biais du pool corse. Cette situation est contraire aux dispositions de l'article L. 126-2 du code des assurances qui organise la mutualisation du risque, notamment celui des attentats, qui n'est pas spécifique aux départements de Corse. Or, l'on constate que cette mutualisation est dévoyée d'autant que, pour la France continentale, les assureurs instituent une surprime de 1,70 % alors que la Corse bénéficie du " privilège " d'une surprime de 30 %. En conséquence, M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra demande à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie pourquoi le pool des risques aggravés a été supprimé pour les seules collectivités, comment il entend remédier à cette situation et qu'adviendra-t-il lorsqu'une collectivité ne pourra s'assurer, faute de moyens financiers suffisants.

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Réponse du ministère : Commerce extérieur publiée le 31/01/2001

Réponse apportée en séance publique le 30/01/2001

M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. Monsieur le secrétaire d'Etat, en 1988, face aux
nombreux attentats perpétrés en Corse et afin d'y maintenir une bonne couverture des
risques, les compagnies d'assurance s'étaient regroupées sous la forme d'un pool des
risques aggravés. En dépit de son coût élevé, ce dispositif a été reconduit chaque année,
jusqu'au 31 décembre 2000 et a permis le maintien d'une offre d'assurance dans des
conditions satisfaisantes, aussi bien pour les risques des particuliers que pour ceux des
entreprises et des collectivités territoriales.
Or, le Gouvernement a dissous ce pool le 30 juin 2000, mais seulement pour les collectivités
territoriales corses et pour les établissements publics. Cette situation paradoxale contraint
aujourd'hui les collectivités publiques de Corse à subir les lois concurrentielles du marché de
l'assurance, alors que les sociétés privées et les particuliers peuvent bénéficier d'une
tarification par le biais du pool corse.
Pour illustrer mes assertions, je citerai le cas du conseil général de la Corse-du-Sud, qui
vient de procéder à une nouvelle mise en concurrence de son service assurance dommages
aux biens : le résultat de l'appel d'offres est tout à fait éclairant puisque l'offre s'établit à 27
francs le mètre carré avec une garantie maximale égale à 50 millions de francs contre des
offres qui s'établissent en moyenne à 3 francs le mètre carré pour une garantie maximale de
150 millions de francs sur le continent !
Cette situation est contraire aux dispositions de l'article L. 126-2 du code des assurances,
qui organise la mutualisation du risque, notamment celui des attentats - qui n'est
malheureusement pas spécifique aux départements de Corse. Or, on constate aujourd'hui
que cette mutualisation est dévoyée, d'autant que, pour la France continentale, les assureurs
instituent une surprime de 170 % alors que cette surprime est, en Corse, de 30 %.
A l'évidence, monsieur le secrétaire d'Etat, les collectivités territoriales de Corse sont
aujourd'hui victimes de cette situation, qui ne peut qu'être préjudiciable à la plus grande partie
d'entre elles, alors que leur situation financière est déjà des plus précaires.
Lors de la discussion sur l'avenir de la Corse concernant les accords dits « de Matignon », ce
problème avait été évoqué à plusieurs reprises. Je rappelle ainsi que, le 27 juin 2000, le
représentant du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie nous avait assuré que
son ministère étudiait avec la fédération des sociétés d'assurance une solution et que le suivi
des éventuelles difficultés serait pris en charge par le ministre lui-même.
Qu'en est-il aujourd'hui ? Pourquoi avoir dissous le pool corse pour les seules collectivités
territoriales ? Que comptez-vous faire pour remédier à cette situation ? Qu'adviendra-t-il
lorsqu'une collectivité ne pourra s'assurer faute de moyens financiers suffisants ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, comme
vous l'indiquez, la récurrence du risque d'attentat en Corse a conduit les assureurs à mettre
en place, il y a maintenant douze ans, une structure d'assurance particulière pour les biens
concernés par ce risque, le pool des risques aggravés.
La baisse très significative du nombre de demandes adressées au pool depuis trois ans a
conduit les assureurs à envisager la dissolution de cette structure, dont le coût très élevé,
avec 120 millions de francs de sinistres pour 40 millions de francs de primes, a été supporté
par la profession. Cette dissolution, qui, évidemment, est à l'initiative non pas du
Gouvernement mais des organisations professionnelles, était prévue depuis plusieurs années.
A la demande du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, les assureurs ont
néanmoins accepté de mettre en place une ultime phase transitoire de dix-huit mois, à
compter du 1er juillet 2000 et jusqu'au 31 décembre 2001, avant un retour à une situation de
droit commun, sous la forme d'un bureau des risques aggravés.
Ce bureau des risques aggravés a pour objet de permettre une couverture d'assurance pour
les risques de particuliers et d'entreprises qui ne trouveraient pas à s'assurer. Ces biens sont
assurés selon des conditions de primes et de franchises particulières, plus élevées que pour
des biens non concernés par le risque d'attentat, sans que ces conditions permettent
d'équilibrer primes et sinistres.
Les assureurs ont choisi de ne plus couvrir les biens des collectivités publiques dans le cadre
de cette structure pour deux raisons.
D'une part, les collectivités publiques ont, depuis 1998, l'obligation de mettre en concurrence
les offres d'assurance si le montant estimé du contrat est supérieur à 300 000 francs, ce qui
est incompatible avec un placement contrôlé.
D'autre part, depuis la création du pool des risques aggravés en 1988, les biens des
collectivités publiques représentent 40 % des primes et 15 % des indemnités versées, ce qui
permet le retour à des conditions d'assurance de droit commun.
Il est donc difficile d'envisager des mesures d'ordre général. Cependant, quelques cas
ponctuels délicats ont été portés à la connaissance des services du ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie, qui est intervenu auprès des associations professionnelles pour
leur demander de les résoudre. D'après les contacts que le ministère de l'économie, des
finances et de l'industrie a pu avoir, ces cas ponctuels devraient pouvoir être réglés à court
terme.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. de Rocca Serra.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. Monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse ne me
satisfait qu'à moitié, vous vous en doutez bien. Toutefois, je prends acte de ce que vous
venez d'affirmer au terme de votre intervention, et j'attends donc de voir comment va évoluer la
situation.
Cela étant dit, il s'agit d'un problème récurrent qui pose nombre de questions à l'ensemble
des représentants des collectivités territoriales de Corse, et je souhaite ardemment qu'il
puisse être définitivement réglé, car nous risquons de rencontrer certaines difficultés très
graves. En effet, même si la situation semble aujourd'hui être plus calme, nous restons à la
merci d'une reprise éventuelle des attentats visant, comme cela a été le cas ces dernières
années, les bâtiments appartenant aux collectivités locales.
M. le président. Pas seulement dans l'île de Corse, ailleurs aussi !

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