Question de M. COURTEAU Roland (Aude - SOC) publiée le 02/10/2003

M. Roland Courteau attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur l'importante question des crues dévastatrices et meurtrières du fleuve Aude et tout particulièrement dans la basse plaine. Il souhaite lui faire part du sentimemt d'interrogation, qui s'est emparé des populations et des élus, à la suite d'informations selon lesquelles un nouveau coup d'arrêt pourrait être porté au projet d'aménagement des basses plaines de l'Aude, destiné à assurer la protection des lieux habités contre les inondations, la stabilisation des berges et le ressuyage des terres. Il lui indique qu'il s'agit là d'un projet d'aménagement d'un secteur subissant régulièrement les crues destructrices d'un fleuve qui est domanial. Il lui précise également avoir saisi à de nombreuses reprises les gouvernements successifs sur l'urgence qu'il y avait à traiter, enfin, d'un problème particulièrement grave, comme cela fut cruellement démontré, lors des dernières inondations de novembre 1999, avec la mort de plusieurs personnes et de très importants dégâts. Il insiste, de même, pour préciser que la situation actuelle est une situation à risque, puisque rien n'a été entrepris depuis cette date à l'exception de la mise en service du chenal de Coursan. Il lui signale, en effet, que la dernière crue de 1999, pourtant si meurtrière, a été dépassée par le passé et le sera dans l'avenir. Enfin, il lui rappelle qu'une réflexion a été engagée sur ce secteur depuis plus de vingt-cinq ans et que par ailleurs, lors des séances au Sénat du 17 juin 1994 et du 12 décembre 1995, les ministres de l'environnement de l'époque lui avaient précisé " qu'ils avaient demandé que les services de l'Etat procèdent à une étude des différentes solutions envisageables afin d'arrêter définitivement et en liaison avec les partenaires concernés les travaux nécessaires... ". Or, le temps a passé et la crainte est donc vive que ce projet d'aménagement des basses plaines de l'Aude ne prenne un énième retard, repoussant, encore une fois, la réalisation des travaux de protection à une date indéterminée, avec toutes les conséquences qu'un tel report pourrait avoir pour la sécurité des personnes. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir, d'une part, lui faire un point précis sur l'évolution d'un dossier essentiel en termes de sécurité et si l'Etat entend mettre tout en oeuvre, en ce qui le concerne, pour que rapidement et concrètement soient apportées les réponses attendues en matière de protection des lieux habités. De même, il l'interroge pour savoir si, en particulier, sera bien pris en compte, l'objectif d'optimiser la protection des villes de Sallèles- d'Aude et de Cuxac-d'Aude, par la mise en place rapide des financements relatifs aux aménagements nécessaires.

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Réponse du Ministère de l'écologie et du développement durable publiée le 08/10/2003

Réponse apportée en séance publique le 07/10/2003

M. Roland Courteau. Comme chacun des membres de cette assemblée, vous conservez très certainement le souvenir, madame la ministre, des terribles inondations qui frappèrent voilà quatre ans, en novembre 1999, plusieurs départements du Midi, tout particulièrement les départements de l'Aude et de l'Hérault.

Ce fut une immense tragédie pour l'Aude, avec notamment la mort de plusieurs personnes, de très importants dégâts et des populations à jamais traumatisées. Celles-ci éprouvent de surcroît une angoisse permanente à l'idée qu'un jour prochain les mêmes causes pourraient provoquer les mêmes effets.

C'est dans un tel contexte, madame la ministre, qu'il vous faut juger du bien-fondé du cri d'alarme que je veux lancer aujourd'hui, devant le Sénat, s'agissant du problème majeur des crues dévastatrices et meurtrières du fleuve Aude.

En effet, la situation que nous vivons encore à l'heure actuelle, tout particulièrement dans les basses plaines de l'Aude, est à haut risque, puisque rien n'a été entrepris depuis cette nuit tragique de novembre 1999, à l'exception toutefois de la mise en service du chenal de dérivation de Coursan. Pis encore, certaines digues relevant de la SNCF ou de Voies navigables de France, à l'origine de l'effet de vague lors de leur rupture, ont été reconstruites à l'identique. L'angoisse des populations est d'autant plus grande que l'ampleur de la dernière crue, dans cette zone des basses plaines, a été dépassée à de nombreuses reprises par le passé et le sera sans nul doute encore dans l'avenir. D'où l'urgence d'agir pour ne plus avoir à revivre de tels cataclysmes.

Une réflexion a été engagée voilà de nombreuses années, et j'avais ici même, en 1994, puis en 1995 et en 1996, alerté vos prédécesseurs, lesquels m'avaient répondu que « les services de l'Etat procédaient à une étude des différentes solutions envisageables afin d'arrêter définitivement, en liaison avec les partenaires concernés, les travaux nécessaires ».

Depuis, les années ont passé... D'où ma question : va-t-on enfin aboutir ? Pouvez-vous, madame la ministre, faire un point précis sur l'évolution du dossier, l'objectif étant triple : assurer la protection des lieux habités contre les inondations, stabiliser les berges et contribuer au ressuyage des terres.

Je veux le souligner ici, l'Association interdépartementale des basses plaines de l'Aude a accepté la maîtrise d'ouvrage pour l'aménagement d'un secteur subissant, de façon récurrente, les crues dévastatrices d'un fleuve qui, faut-il le rappeler, est domanial. En ce qui concerne les financements, ils ont été mis en place après bien des efforts, et je veux espérer qu'ils ne seront pas remis en question.

Quand aboutira-t-on, madame la ministre ? Le temps presse, car chaque jour, chaque mois de retard nous rapproche peut-être d'une nouvelle catastrophe.

Certes, il revient à chacun de prendre l'exacte mesure de l'enjeu et de ses responsabilités propres. Il est cependant de mon devoir de vous prévenir que les populations, au premier rang desquelles les élus, ne comprendraient pas qu'un énième retard repousse, encore une fois, la réalisation des travaux de protection à une date indéterminée, avec toutes les conséquences qu'un tel report pourrait avoir concernant la sécurité des personnes.

Par conséquent, pouvez-vous rassurer les populations et leurs élus, madame la ministre, sur les délais de mise en oeuvre et leur exposer un calendrier précis ?

Enfin, pouvez-vous m'indiquer si l'objectif d'optimiser la protection des villes de Sallèles-d'Aude et de Cuxac-d'Aude sera bien pris en compte, par la mise en place de financements relatifs aux aménagements nécessaires ?

M. René-Pierre Signé. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le sénateur, le bassin de l'Aude fait partie des bassins cévenols, exposés à des crues dévastatrices et concernés, en priorité, par les actions de relance de la politique gouvernementale de prévention des risques liés aux inondations que j'ai développées depuis le printemps de 2002.

On peut, à ce propos, parler d'un « tryptique » : il y a, d'abord, les dispositions contenues dans la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages ; il y a, ensuite, l'appel à projet lancé le 1er octobre 2002, destiné à promouvoir les programmes d'action innovants menés à l'échelle des bassins versants ; il y a, enfin, la réforme du dispositif de prévision des crues, que j'ai entreprise avec Gilles de Robien.

Le bassin de l'Aude bénéficiera prioritairement, je l'ai dit, de ces dispositions, mais il est indispensable que certains projets locaux fassent l'objet de réflexions supplémentaires avant de recevoir l'agrément et l'aide de l'Etat.

Au début de l'année 2002 - je suis au regret de devoir vous le dire - peu de progrès avaient en effet été accomplis depuis la crue meurtrière de novembre 1999 pour améliorer la prévention des inondations dans les basses plaines de l'Aude, bien que d'importants moyens financiers aient été inscrits à cette fin par l'Etat et la région dans le contrat de plan pour les années 2000 à 2006.

Tout d'abord, les plans de prévention des risques prescrits dans le bassin de l'Aude à la suite de la crue de 1999 n'étaient toujours pas approuvés. Les services de l'Etat portent une part de responsabilité dans ce retard, mais ils ne sont pas seuls en cause.

Ensuite, le préfet de l'Aude avait reçu de la part de l'Association interdépartementale des basses plaines de l'Aude un programme de travaux ambitieux, mais discutable, c'est le moins que l'on puisse dire, comportant des opérations coûteuses à l'aval de Coursan et un projet de « poldérisation » conduisant à entourer de hautes digues, construites dans le lit majeur de l'Aude, le centre ancien de Cuxac-d'Aude et le lotissement des Garrigots, qui avait été dévasté par la crue de 1999.

L'étude jointe au dossier montrait que, en cas de grande crue, ces deux endiguements, s'ils étaient construits, auraient pour conséquence de relever fortement le niveau du fleuve en crue et d'accélérer sa vitesse d'écoulement, au détriment des zones non endiguées. Je dois dire que, s'agissant du traitement des inondations, ce genre de situation n'est pas unique dans l'Aude : on a toujours tendance à se protéger soi-même au détriment des autres !

De plus, ces deux endiguements susciteraient un risque accru dans les zones endiguées, aucune digue n'étant totalement à l'abri d'un risque de submersion par une crue plus importante que celle que pour laquelle elle a été conçue, ni d'un risque de rupture par érosion ou déstabilisation par les flots.

Avant de mettre le dossier à l'enquête, le préfet, inquiet de ces effets prévus, a demandé à l'inspection générale de l'environnement une expertise, de façon à s'assurer que ce programme était le meilleur possible. Cette expertise a été menée au second semestre de 2002. Elle a été présentée à l'ensemble des acteurs concernés au premier semestre de 2003, avant d'être rendue publique.

L'expertise a confirmé les craintes du préfet quant aux endiguements proposés pour la commune de Cuxac-d'Aude auxquels, d'ailleurs, le maire de cette commune n'était pas favorable.

Les experts se sont interrogés sur les travaux de recalibrage du lit de l'Aude à l'aval de Coursan, dont le coût de réalisation apparaît hors de proportion avec les résultats escomptés. Ces travaux ne permettraient en effet d'évacuer à l'aval guère plus de 200 mètres cubes par seconde supplémentaires, alors que les débits débordant en cas de crue exceptionnelle dépassent 2 000 mètres cubes par seconde.

L'expertise a reconnu, en revanche, tout l'intérêt technique des travaux d'amélioration des capacités de ressuyage des basses plaines, qui devraient être entrepris rapidement

Elle a également mis en évidence le fait qu'un certain nombre d'actions qui pourraient contribuer à la réduction des risques n'ont pas été menées avec suffisamment d'énergie depuis 1999. De nombreux bâtiments endommagés en 1999 ont été reconstruits à l'identique. De nouvelles constructions ont été édifiées dans les zones inondables ! Rien n'a été entrepris pour ralentir les inondations à l'amont, en tête de bassin, ni même pour réduire le risque de rupture des remblais de la voie ferrée et du canal qui traversent le lit de l'Aude entre Sallèles et Cuxacs-d'Aude, remblais qui se sont pourtant rompus lors de toutes les grandes crues survenues depuis leur construction.

J'ai donc demandé au préfet de revoir le programme d'ensemble pour les basses plaines de l'Aude. Certaines actions seront mises en oeuvre telles qu'elles sont aujourd'hui prévues ; d'autres doivent être réétudiées dans l'intérêt de tous.

Toutefois, j'ai tenu à ce que cette révision méthodologique du programme soit encouragée par une grande ouverture de ma part en matière de financements.

Je suis, en effet, disposée à mobiliser en faveur du bassin de l'Aude les moyens nécessaires à la mise en oeuvre d'un programme efficace. J'ai d'ailleurs donné au préfet des instructions pour qu'il propose aux élus de ce département de s'engager dans un tel programme.

Si le projet qui me revient reçoit l'agrément de mes services, je suis disposée, monsieur le sénateur, compte tenu des enjeux humains qui s'attachent à la prévention des inondations dans l'Aude, à réviser les clés de financement des subventions d'Etat pour les aligner sur des clés de financement plus avantageuses obtenues au titre des projets des bassins sélectionnés dans le cadre de l'appel à projets d'octobre 2002.

Je suis, par ailleurs, disposée, en vue de contribuer à la révision des projets, à dégager sans attendre des moyens permettant de constituer une équipe de projet au sein de la principale institution maître d'ouvrage.

Pour ce qui concerne les actions de réduction de la vulnérabilité, dont l'Etat est le maître d'ouvrage, tous les moyens financiers nécessaires seront mis à disposition du préfet. Je songe, en particulier, à ceux qui seront indispensables pour achever la mise au point des plans de prévention des risques d'inondation.

En outre, j'ai décidé, en accord avec Gilles de Robien, d'installer à Carcassonne le nouveau service de prévision des crues de l'Etat qui couvrira les trois départements des Pyrénées-Orientales, de l'Aude et de l'Hérault et qui sera doté des moyens nécessaires pour élaborer de meilleures prévisions et des informations plus pertinentes au profit des maires. D'ores et déjà, l'actuel service d'annonce des crues de l'Aude bénéficie de l'appui technique du Service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations - le SCHAPI - que j'ai inauguré à Toulouse au début du mois de septembre 2003 et que je doterai de moyens humains supplémentaires en 2004.

Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, l'Etat n'entend en rien se désengager en matière de prévention des inondations dans votre département, tout au contraire. Mais son action ne sera efficace que si les collectivités territoriales du bassin de l'Aude, dans les trois départements sur lesquels ce bassin s'étend, collaborent entre elles pour promouvoir un programme global, incluant en particulier des actions de ralentissement des écoulements dès le haut bassin, et pour instaurer une véritable solidarité entre l'aval et l'amont.

C'est à cette rupture culturelle que j'ai invité les collectivités territoriales et les différents acteurs au travers de la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, qui a été votée à l'unanimité.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Je souhaite remercier Mme la ministre de sa réponse.

Je dois cependant souligner que, en cas de nouveau « coup dur », les populations des zones concernées demanderont des comptes.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. A tout le monde, monsieur le sénateur !

M. Roland Courteau. Oui, mais plus particulièrement aux pouvoirs publics, qui s'étaient engagés, à l'époque, à trouver des solutions. J'ai cité tout à l'heure les propos de vos prédécesseurs : les pouvoirs publics ne pourront plus dire qu'ils ignoraient qu'il y avait grande urgence à agir.

Quant aux élus, madame la ministre, ils n'accepteront plus d'assumer le rôle de boucs émissaires.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Bien sûr !

M. Roland Courteau. Les responsabilités devaient être clairement établies ; voilà qui est fait, madame la ministre !

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