Question de M. MICHEL Jean-Pierre (Haute-Saône - SOC) publiée le 15/01/2009

M. Jean-Pierre Michel souhaite appeler l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur la décision du tribunal de première instance des Communautés européennes au sujet de l'Organisation des Moudjahidines du Peuple d'Iran (OMPI), principal mouvement d'opposition iranienne, membre de la Commission du Conseil National de la Résistance Iranienne qui, le 4 décembre 2008, a annulé la décision du Conseil des ministres du 15 juillet 2008 qui réinscrivait l'OMPI, à la demande de la France, sur la liste des organisations terroristes. Cet arrêt précise que le Conseil a violé les droits de la défense et a porté atteinte au droit fondamental de l'OMPI à un contrôle juridictionnel effectif et que le Conseil n'a pas pu démontrer que l'OMPI était impliqué dans le terrorisme. La décision ajoute que les éléments du dossier fourni par la France au Conseil ne sont pas fondés sur des données « exactes et pertinentes » qui satisferaient aux exigences de preuve, en outre, le Conseil n'a pas expliqué les raisons spécifiques pour lesquelles les actes imputables à des individus prétendument membres de l'OMPI doivent être imputés à l'OMPI. Aussi, l'appréciation donnée par le Conseil des ministres ne viendrait pas d'une autorité judiciaire compétente et indépendante, mais du ministère des affaires étrangères français. De plus, la France, sous prétexte de confidentialité, n'a pas accepté de soumettre ses preuves au tribunal. Cet arrêt fait suite à celui prononcé par la plus haute juridiction britannique qui a enjoint à son gouvernement de supprimer l'OMPI de sa liste des organisations terroristes, ce qui a été fait. Ces multiples décisions ont affirmé sans exception que l'OMPI n'est pas impliqué dans le terrorisme et n'a pas l'intention de s'y impliquer. Enfin, le 17 décembre dernier, le tribunal de première instance des Communautés européennes a jugé irrecevable la demande du Conseil, et a donc jugé que sa décision du 4 décembre était exécutoire. Pour des motivations qu'il ne s'explique pas, le Conseil a maintenu jusqu'à ce jour l'OMPI sur la liste des organisations terroristes à la demande de la France et ce depuis le début de l'année 2008. Plus de 2000 parlementaires à travers l'Europe dont une majorité de députés français et une centaine de sénateurs, ainsi que des majorités des parlements britannique, italien, belge, 150 députés fédéraux allemands et de nombreux députés européens de tous courants politiques ont appelé à l'application des décisions de la juridiction européenne par le Conseil des ministres et par les États membres.
Cependant, malheureusement, on se trouve encore devant des informations préoccupantes selon laquelle la France tenterait d'ignorer cet arrêt et chercherait à maintenir l'OMPI sur la liste afin de satisfaire vraisemblablement le régime iranien. Il s'agit notamment d'une réponse à la question d'une sénatrice lors de l'audition du ministre des affaires étrangères et européennes, le 10 décembre 2008, par la commission des affaires étrangères du Sénat.
Il lui demande quelle sera maintenant, après les dernières décisions du tribunal du Luxembourg, la position de la France ? Notre pays va-t-il enfin se soumettre aux décisions de la justice européenne et donc ne plus s'opposer à ce que l'OMPI ne figure plus sur la liste des organisations terroristes ? Il lui rappelle que cette décision est d'une importance capitale, notamment pour les réfugiés iraniens qui se trouvent sur le territoire irakien alors que l'Irak n'entend pas aujourd'hui assurer leur protection et menace de les expulser.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la coopération et de la francophonie publiée le 04/02/2009

Réponse apportée en séance publique le 03/02/2009

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, auteur de la question n° 391, adressée à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Jean-Pierre Michel. Du fait de l'organisation de nos débats, j'ai déposé ma question voilà plusieurs semaines. Le contexte ayant évolué, vous me permettrez, monsieur le secrétaire d'État, de modifier légèrement le contenu de ma question.

Je souhaite appeler l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur la décision du tribunal de première instance des Communautés européennes concernant l'Organisation des Moudjahidines du peuple d'Iran, l'OMPI, principal mouvement d'opposition iranienne, membre de la Commission du Conseil national de la Résistance iranienne présidée par Mme Maryam Radjavi. Cette décision du 4 décembre 2008 a annulé la décision du Conseil des ministres de l'Union européenne du 15 juillet 2008, qui réinscrivait l'OMPI, à la demande de la France, assumant alors la Présidence de l'Union européenne, sur la liste des organisations terroristes.

Cet arrêt, assez sévère, précise que le Conseil des ministres a violé les droits de la défense et porté atteinte au droit fondamental de l'OMPI à un contrôle juridictionnel effectif et qu'il n'a pas pu démontrer que l'OMPI était impliqué dans le terrorisme. Il est ajouté que les éléments du dossier fourni par la France au Conseil ne sont pas fondés sur des données « exactes et pertinentes » qui satisferaient aux exigences de preuve et qu'en outre le Conseil n'a pas expliqué les raisons spécifiques pour lesquelles les actes imputables à des individus prétendument membres de l'OMPI doivent être imputés à cette organisation.

Aussi, l'appréciation donnée par le Conseil des ministres proviendrait, selon le tribunal de Luxembourg, non pas d'une autorité judiciaire compétente et indépendante, mais du ministère des affaires étrangères français. De plus, la France, sous prétexte de confidentialité, n'a pas accepté de soumettre ses preuves au tribunal. On verra tout à l'heure pourquoi !

Cet arrêt fait suite à de nombreux autres, notamment à l'arrêt prononcé par la plus haute juridiction britannique, qui a enjoint à son gouvernement de supprimer l'OMPI de sa liste des organisations terroristes, disposition que la Chambre des Communes a adoptée à l'unanimité. Ces multiples décisions ont affirmé sans exception que l'OMPI n'était pas une organisation terroriste et qu'elle n'entendait pas le devenir.

Enfin, le 17 décembre dernier, le tribunal de première instance des Communautés européennes a jugé que la demande du Conseil était irrecevable et que sa décision du 4 décembre était exécutoire.

Le Conseil des ministres a maintenu l'OMPI sur la liste des organisations terroristes, et ce jusqu'à lundi dernier. Entre-temps, la France a fait savoir par la voix de M. Kouchner, notamment lors de son audition devant la commission des affaires étrangères du Sénat, qu'elle n'entendait pas se soumettre à la décision des autorités judiciaires européennes.

Aujourd'hui, le Conseil des ministres a dû se plier, sur un plan tant juridique que politique, car tous les États membres n'étaient pas du même avis, aux décisions de la justice européenne. C'est bien le moins !

L'OMPI a donc été radiée, le 26 janvier dernier, de la liste des organisations terroristes. M. Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, et M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État chargé des affaires européennes, ont déclaré lors d'une conférence de presse qu'il s'agissait d'une décision d'ordre judiciaire, qu'ils n'approuvaient pas cette décision, que le problème politique restait entier et que la France se réservait le droit de faire appel de cette décision. On est d'ailleurs en droit de se demander auprès de qui. Peut-être pourrez-vous me répondre sur ce point, monsieur le secrétaire d'État ?

Ma question, qui n'a pas changé sur le fond, est la suivante : quelle est vraiment la position de la France ? Pourquoi s'acharne-t-elle à demander que l'OMPI demeure inscrite sur la liste des organisations terroristes, nonobstant toutes les décisions judiciaires, notamment européennes ? S'agit-il vraiment de satisfaire les demandes du régime iranien ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Je comprends, monsieur le sénateur, que vous ayez légèrement modifié le texte de votre question, car ce dossier évolue d'une semaine à l'autre.

La France a pris note de l'arrêt du tribunal de première instance des Communautés européennes, le TPICE, du 4 décembre 2008, annulant la décision du Conseil de l'Union Européenne du 15 juillet 2008, qui inscrivait de nouveau l'Organisation des Moudjahidines du peuple d'Iran, l'OMPI, sur la liste européenne des personnes et des entités impliquées dans des actes de terrorisme.

La France a cependant estimé, et peu de changements sont intervenus depuis lors, que l'inscription de l'OMPI sur la liste européenne, en juillet dernier, était fondée puisqu'elle s'appuyait sur une instruction devant une juridiction nationale. Notre pays a donc souhaité que l'OMPI soit de nouveau inscrite sur la liste antiterroriste européenne dans le cadre de la révision de cette liste, qui intervient à chaque semestre.

Cette demande de réinscription n'ayant pu recueillir le consensus des États membres, le Conseil a adopté, le 26 janvier dernier, une liste révisée n'incluant pas l'OMPI. La France s'est abstenue, afin de ne pas bloquer l'adoption de la liste sur laquelle figure l'ensemble des entités et des groupes terroristes faisant l'objet de mesures restrictives de la part de l'Union européenne.

Par ailleurs, la France a déposé, le 21 janvier dernier, un pourvoi contre l'arrêt du TPICE du 4 décembre 2008 devant la Cour de justice des Communautés européennes.

L'inscription ou non de l'OMPI sur la liste antiterroriste européenne n'affecte pas notre évaluation, à titre national, de cette organisation. À cet égard, il convient de rappeler qu'une information judiciaire a été ouverte en 2001 par le parquet antiterroriste du tribunal de grande instance de Paris, à l'encontre de membres présumés de l'OMPI, pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Cette procédure est toujours pendante devant le parquet. À ce jour, vingt-quatre personnes ont été mises en examen.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, qui, bien entendu, ne me satisfait pas.

La procédure que vous mentionnez a été ouverte en 2001, il y a huit ans !

Ayant été magistrat dans une vie antérieure, je ferai plusieurs remarques.

Soit ce dossier contient des éléments à l'encontre des personnes mises en examen, auquel cas le parquet, dont on nous répète assez qu'il n'est pas une autorité indépendante, doit demander au juge d'instruction une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, qui rendra un jugement.

Soit il n'y a rien dans le dossier, et chacun sait que c'est le cas en l'occurrence. Les personnes mises en examen ont d'ailleurs toutes été remises en liberté, se sont dispersées un peu partout en France à la suite d'arrêtés d'expulsion rendus à leur encontre, qui ont ensuite été invalidés par le tribunal administratif. Ils sont tous revenus aujourd'hui à Auvers-sur-Oise, où ils sont installés depuis 1981.

Il est donc choquant que le Gouvernement se fonde sur cette procédure, par ailleurs couverte par le secret de l'instruction, pour justifier sa position. Il serait bien inspiré de prier le procureur de la République de Paris, M. Jean-Claude Marin, qui n'est pas homme à refuser ses sollicitations, de demander un renvoi devant le tribunal.

En outre, la demande de retrait de l'OMPI de la liste des organisations terroristes est soutenue par de nombreux parlementaires dans toute l'Europe, y compris français, en l'occurrence par une majorité de députés, toutes tendances confondues, et par une centaine de sénateurs, et non des moindres, de toutes sensibilités, dont je ne citerai pas les noms par respect pour la parole qu'ils ont donnée à l'OMPI.

Le Gouvernement est dans une situation assez paradoxale vis-à-vis du régime iranien. Il compte parmi ses rangs une secrétaire d'État chargée des droits de l'homme et rend service à un régime qui, on le sait, ne cesse de bafouer les droits de l'homme. En soutenant un régime qui applique la peine de mort de façon intensive et fait exécuter sur la place publique des femmes, des jeunes gens et des enfants, un régime qui ne reconnaît aucune liberté publique, nous faisons fausse route, même si nous partageons des intérêts commerciaux avec ce pays !

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