Question de M. MADRELLE Philippe (Gironde - SOC) publiée le 05/07/2012

M. Philippe Madrelle appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur la situation de la filière viti-vinicole bordelaise soumise à une très forte concurrence mondiale.

Il souligne le coût très bas des vins d'appellation d'origine contrôlée Bordeaux et Côtes de Bordeaux, alors que les viticulteurs ont consenti de gros efforts en accord avec la réforme des conditions de production. En outre, les cotisations volontaires obligatoires s'appliquent de façon très inégalitaire au sein d'une même région viticole : c'est ainsi qu'entre les AOC les plus modestes (4,72€ /hl) et les plus prestigieuses (10,39€ /hl), il existe un facteur multiplicateur de 2 alors que le prix peut être multiplié par 100, voire plus.

En conséquence, il lui demande s'il ne juge pas opportun d'envisager une révision du mode de calcul des cotisations volontaires obligatoires afin de rétablir une certaine équité entre les viticulteurs dont la survie professionnelle s'avère de plus en plus complexe dans le contexte de crise.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 03/10/2012

Réponse apportée en séance publique le 02/10/2012

M. Philippe Madrelle. Monsieur le président, le vignoble girondin, premier producteur mondial de vin d'appellation d'origine contrôlée, ou AOC, n'échappe pas aux effets de la crise mondiale.

Depuis 2008, les ventes ont globalement diminué. Seuls les premiers grands crus classés, comme d'ailleurs tous les produits de luxe, se portent bien.

Il ne faudrait pas - et je sais, monsieur le ministre, que vous en êtes parfaitement conscient - que cette vitrine de luxe dissimule une réalité très hétérogène : en effet, sur 728 millions de bouteilles vendues en 2011, les grands crus prestigieux n'étaient que quelques millions de bouteilles.

Cette vitrine de l'exportation cache la situation de grande précarité dans laquelle se débattent actuellement de trop nombreux viticulteurs. Ceux-ci ont dû et doivent encore faire face à la baisse des cours et à l'augmentation des stocks, la montée en puissance des achats asiatiques étant loin de concerner l'ensemble des producteurs.

Il est patent que l'organisation commerciale des viticulteurs est inadaptée au marché, notamment dans le domaine du vrac : la multiplicité des acteurs vignerons, des caves coopératives et des négociants amplifie la baisse des prix face à une distribution puissante et hyper-concentrée.

Le conseil général de la Gironde, que j'ai l'honneur de présider, a mis en place deux plans triennaux de soutien à la filière viticole.

De très nombreux viticulteurs vivent actuellement dans une grande précarité ; certains même survivent avec le revenu de solidarité active versé par le conseil général.

Par ailleurs, n'oublions pas que de trop nombreux viticulteurs ont dû consentir de gros efforts d'investissement pour se conformer aux contraintes imposées par la réforme des conditions de production. De ce fait, et faute de financements adaptés aux structures de taille modeste, de nombreuses exploitations se trouvent aujourd'hui étranglées.

Ces viticulteurs ne refusent pas de payer la cotisation volontaire obligatoire, mais ils contestent des inégalités trop importantes au sein d'une même région viticole. En effet, si cette contribution est payée par tous les viticulteurs, ils n'en tirent pas tous le même profit.

La contribution par hectolitre s'élève à 4,72 euros pour le bordeaux AOC, à 7,79 euros pour le Saint-Émilion AOC et à 10,39 euros pour le Saint-Émilion Grand Cru.

Entre les appellations les plus modestes et les plus prestigieuses, il y a donc un facteur multiplicateur de 2, alors que le prix de vente du vin peut être multiplié par 100, voire davantage !

Pour qu'un barème plus équitable puisse être défini, il faudrait d'abord que toutes les interprofessions françaises, en particulier le conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux, enregistrent l'ensemble des transactions en vrac et en bouteilles, et non pas seulement les transactions réalisées en vrac.

Cette mesure, qui n'a aucune conséquence financière, apaiserait un climat tendu et permettrait de mettre à la disposition des syndicats viticoles et agricoles des informations claires et précises, sans porter atteinte à la confidentialité des données recueillies.

On comprend parfaitement le souhait de ces viticulteurs d'une répartition plus égalitaire des contributions volontaires obligatoires et d'une information transparente sur l'utilisation de ces fonds, qu'ils souhaiteraient voir affectés en priorité à la viticulture.

J'ajoute qu'une confirmation du projet de libéralisation des droits de plantation proposé par la Commission européenne et approuvé en 2008 par les ministres européens de l'agriculture - la France était alors représentée par M. Barnier - serait catastrophique.

Je vous remercie vivement, monsieur le ministre, pour la vigueur avec laquelle vous combattez ce projet.

La partie n'est pas gagnée mais, alors que le compte à rebours est lancé, je sais que nous pouvons compter sur votre détermination comme sur celle du Gouvernement pour réunir une majorité qualifiée au sein du Conseil des ministres de l'Union européenne afin de revenir sur cette libéralisation.

Dans ces conditions, chacun comprendra que le climat n'est pas nécessairement serein au sein de nos vignobles girondins, d'autant que l'on s'attend à une baisse de la récolte 2012, en Gironde comme ailleurs.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur Madrelle, je veux reprendre à mon compte un certain nombre de vos remarques.

D'abord, il ne faudrait pas oublier que la viticulture, comme beaucoup de secteurs d'activité, souffre actuellement de la crise.

Comme vous l'avez indiqué dans votre conclusion, la récolte sera historiquement basse en 2012. Au moins pouvons-nous nous consoler à la pensée qu'il en sera de même partout dans le monde, de sorte que le risque est moindre pour nous de perdre nos parts de marché, qui sont très importantes.

À propos des contributions volontaires obligatoires dans le Bordelais, je rappelle que les interprofessions ont, par définition, la liberté de fixer leurs règles et qu'il est difficile à l'État d'interférer avec leurs choix. Le rôle de l'État est seulement de garantir le caractère obligatoire de la contribution.

Toutefois, j'ai bien écouté votre démonstration au sujet du barème en vigueur : entre les différentes appellations, les écarts ne correspondent pas à la valeur ajoutée liée à la production de tel ou tel vin. Peut-être conviendrait-il que nous entamions une discussion avec les interprofessions ? L'État n'a pas le pouvoir de prendre une décision, mais il peut favoriser l'évolution des choses dans le dialogue. Il est certain qu'une répartition plus équilibrée serait à mes yeux souhaitable. Les interprofessions ont un rôle à jouer.

Je sais qu'un plan important, « Bordeaux demain », a été mis en place pour valoriser la filière sur le plan commercial.

Comme vous l'avez très bien dit, monsieur Madrelle, nous avons besoin de mieux nous organiser. Même dans une grande région viticole comme le Bordelais, dont les performances commerciales sont importantes et l'histoire ancienne, des progrès sont encore possibles ; je crois d'ailleurs que c'est aussi le cas dans d'autres régions.

À un moment ou à un autre, nous devrons avoir une discussion globale sur cette question avec l'ensemble des acteurs de la viticulture.

Il y a aussi des enjeux majeurs à l'échelle européenne, en particulier sur la question des droits de plantation.

Je mène cette bataille avec d'autres pays et j'espère bien faire prévaloir une position qui me semble parfaitement évidente : le vin n'est pas un produit comme les autres. On ne peut pas considérer que seuls les signaux du marché peuvent fixer les volumes de production ; la production de vin a besoin d'être organisée.

Avec la plateforme signée par une dizaine de pays, j'espère bien peser sur la Commission européenne pour que la décision prise en 2008 soit remise en cause.

Peut-être savez-vous qu'il y a une autre bataille au sujet de l'appellation « château ». Je suis monté au créneau pour dire tout le mal que je pense de la décision de la Commission européenne, en particulier des conditions dans lesquelles elle a été prise, et pour tâcher de la faire évoluer.

Comme vous, je suis très attaché à la viticulture. Je pense qu'elle représente un atout majeur pour notre pays et que nous devons lui donner les moyens d'être performante en matière économique et écologique, pour qu'elle reste le fleuron de la représentation de notre pays partout dans le monde !

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui me satisfait tout à fait.

Nous savons que vous êtes conscient de toutes les difficultés de la viticulture et nous comptons sur votre détermination.

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