Question de M. MADRELLE Philippe (Gironde - SOC) publiée le 21/02/2013

M. Philippe Madrelle appelle l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, sur les difficultés budgétaires auxquelles sont actuellement confrontées les caisses d'allocations familiales (CAF), alors que les dépenses de solidarité ne cessent de croître. La progression du nombre d'allocataires entraîne une augmentation des flux d'accueil, des charges nouvelles et ne permet pas aux caisses de remplir leur mission de service public à travers la convention d'objectifs et de gestion (COG). En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser les moyens qu'elle compte prendre pour que les caisses d'allocations familiales demeurent des acteurs essentiels de la mise en œuvre des politiques de solidarité familiale et sociale.

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Réponse du Ministère chargé de la famille publiée le 22/05/2013

Réponse apportée en séance publique le 21/05/2013

M. Philippe Madrelle. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les inquiétudes des présidents des caisses d'allocations familiales, notamment des six caisses d'Aquitaine, en ce qui concerne les moyens budgétaires qui leur sont dévolus et les charges de travail croissantes que les caisses doivent assurer. Ce n'est pas le fait de ce gouvernement, cela vient de plus loin.

Les caisses d'allocations familiales sont, nous le savons, des acteurs majeurs des politiques de solidarité familiale et sociale aux côtés des conseils généraux. Elles mettent en œuvre une offre globale de services aux allocataires autour de quatre missions essentielles : la conciliation de la vie familiale, de la vie professionnelle et de la vie sociale, le soutien à la fonction parentale, l'accompagnement des familles, enfin, la création des conditions favorables à l'autonomie et à l'insertion sociale et professionnelle.

Sur la période 2009-2012, les CAF ont porté deux nouveaux projets d'ampleur : la mise en œuvre du revenu de solidarité active et le renforcement du développement de l'accueil des jeunes enfants.

Président de conseil général, je constate au quotidien l'augmentation des dépenses de solidarité et je m'interroge, avec mes collègues, sur les réponses qu'il convient d'y apporter, réponses difficiles à trouver dans le contexte de contrainte budgétaire auquel nous sommes tous confrontés. Mais c'est un autre problème.

Dans le département de la Gironde, entre 2009 et 2012, le nombre d'allocataires de la CAF a progressé de 6,6 % et, sur cinq ans, il a augmenté de 12 %. La traduction de cette situation, c'est que la CAF de la Gironde doit faire face à une fréquentation physique extrêmement forte - 372 500 visites en 2012, en hausse de 7 % par rapport à 2011 -, et elle n'a pas la capacité de prendre en charge la totalité des appels téléphoniques. L'objectif de taux d'appels traités par les agents n'est pas atteint et accuse un retard préjudiciable par rapport à l'engagement de service.

Sur l'ensemble de notre pays, soixante-deux caisses se trouvent en difficulté et ne parviennent pas à remplir leurs engagements relatifs, notamment, au traitement des appels téléphoniques et des dossiers des minima sociaux.

Vous connaissez, madame la ministre, le rôle essentiel des CAF, leur expérience et leur compétence en matière d'offre au service à la petite enfance, à l'accompagnement de la parentalité, à l'animation de la vie sociale. Leurs personnels sont exigeants et souhaiteraient pouvoir assurer leurs missions dans de meilleures conditions, tout en faisant face à la progression des flux ainsi qu'à une augmentation considérable des charges de travail liée à de nouvelles missions, conséquence de la précarisation de certaines situations familiales. Et cette surcharge de travail contraint les CAF à fermer partiellement certains accueils, à recourir aux heures supplémentaires. Tout cela entraîne une dégradation de la qualité du service public, alors que la nature des missions effectuées par les CAF exigerait le maintien et le renforcement du réseau, avec des structures de taille humaine, autonomes et responsables, capables de rester proches et à l'écoute des citoyens en participant au renforcement du lien social par leur rôle d'amortisseur social.

C'est la raison pour laquelle je vous demande, madame la ministre, de veiller à ce que les effectifs des CAF continuent de croître, notamment avec des emplois pérennes et non pas des contrats à durée déterminée. Il serait me semble-t-il opportun d'envisager des procédures de simplification des dossiers en matière d'accès aux droits, afin de réduire les indus de prestations, sources d'inquiétude pour les usagers.

Le contexte d'accroissement des inégalités sociales et de la précarité exige des services publics performants, capables de répondre à notre devoir de solidarité. Nous savons pouvoir compter sur l'engagement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Monsieur le sénateur, votre question s'inscrit dans le prolongement de la question précédente, posée par Mme Létard.

Ma réponse comportera plusieurs éléments.

Le Gouvernement ne méconnaît pas la hausse de la charge de travail à laquelle les CAF, d'une façon générale, doivent faire face depuis le début de la crise économique. Nous ne pouvons qu'être d'accord sur ce constat.

Alors que nous finalisons la nouvelle convention d'objectifs et de gestion, je me suis entretenue avec les partenaires sociaux et les directeurs de CAF ; je tiens à souligner que j'ai reçu les syndicats de personnels, ce qu'aucun ministre n'avait fait auparavant, pour entendre directement, au-delà de leurs revendications, leur témoignage concernant leurs conditions de travail et les évolutions à leur avis nécessaires en vue d'améliorer ces dernières.

Vous avez raison de le souligner, monsieur le sénateur, le rôle des caisses d'allocations familiales est souvent méconnu du grand public, alors que c'est une aide fondamentale pour les familles les plus modestes et les plus fragiles. Nous devons en démontrer l'importance à nos concitoyens.

Je précise à cet égard que l'augmentation de la charge de travail des CAF résulte en grande partie de la gestion du revenu de solidarité active. Or les demandes des départements aux allocations familiales sont toutes différentes, et je suis prête à discuter de ce problème avec les présidents de conseil général.

Certains départements demandent aux caisses d'allocations familiales de gérer quasiment l'intégralité du dossier d'instruction du RSA, tandis que d'autres veulent partager cette tâche. La charge de travail attendue des CAF n'est donc pas la même selon les départements. Dans ces conditions, l'affectation des moyens et des effectifs afférents à ces missions devient extrêmement complexe.

Pour ma part, je préconise une véritable harmonisation entre les départements, afin qu'ils s'entendent sur la nature des tâches demandées aux caisses d'allocations familiales.

Je suis tout à fait ouverte à l'engagement d'une véritable discussion sur les rôles respectifs du conseil général et de la caisse d'allocations familiales dans la gestion du dossier de RSA, dans la mesure où cet élément « embolise » énormément les caisses d'allocations familiales.

Il est vrai que le nombre de dossiers à traiter par les CAF s'est accru durant les dernières années et que les résultats des caisses les plus « performantes » - je n'aime pas trop cet adjectif - se détériorent. D'ailleurs, ce phénomène est général et l'on enregistre une dégradation à la fois des conditions de travail des agents et des conditions d'accueil des allocataires, les premiers devant d'ailleurs faire face à un nombre grandissant d'incivilités.

En outre, plusieurs CAF sont contraintes de fermer leurs guichets, soit temporairement, soit de façon régulière. Cette dernière solution n'est pas acceptable, car elle est contraire à la vocation d'accueil du public.

C'est la raison pour laquelle la maîtrise de la charge de travail des CAF est un objectif prioritaire de la future convention d'objectifs et de moyens.

Nous nous battons sur deux fronts : le maintien des effectifs pour les années à venir, dans le cadre des contraintes budgétaires dont il faut être bien conscient ; le recours aux emplois d'avenir en faveur de jeunes issus de quartiers difficiles, au sein desquels les CAF souffrent également d'un surcroît de travail.

Cette interconnexion entre l'embauche de jeunes et le renforcement des équipes existantes au sein des caisses d'allocations familiales nous semble tout à fait positive.

Au demeurant, la réponse en termes d'effectifs n'est pas en elle-même suffisante. Elle doit être accompagnée d'un véritable travail de simplification que nous devons mener à deux : l'État doit, par décrets ou circulaires, faciliter la procédure, mais la caisse nationale des allocations familiales doit s'engager beaucoup plus résolument dans cette œuvre de simplification.

Pour ce faire, nous allons demander à la CNAF, au travers de la nouvelle convention d'objectifs et de gestion, de formuler de véritables propositions concernant la dématérialisation des dossiers, avec une réflexion sur les pièces justificatives considérées comme indispensables, les demandes étant parfois redondantes du fait des exigences multiples à cet égard, ainsi que sur la gestion des prestations.

La conjonction de ces deux facteurs nous permettra peut-être d'envisager un avenir meilleur pour les CAF. Mais le travail de simplification ne doit pas être seulement un vœu pieu ; des propositions très concrètes doivent être présentées. L'État prendra sa responsabilité en la matière, mais la CNAF doit faire de même. Ces objectifs seront inscrits dans la future convention d'objectifs et de gestion.

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

Tout en étant bien conscients du contexte actuel de crise économique, nous sommes nous aussi convaincus du rôle vital des caisses d'allocations familiales pour leurs usagers.

Vos propos concernant la simplification et votre souci d'harmoniser la gestion du RSA vont dans le bon sens. C'est pourquoi je ne doute pas de votre volonté de procéder aux changements nécessaires.

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