Question de M. GATTOLIN André (Hauts-de-Seine - Écologiste) publiée le 15/01/2016

Question posée en séance publique le 14/01/2016

M. André Gattolin. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

Le 31 décembre dernier, à minuit, la journaliste française Ursula Gauthier a dû quitter la République populaire de Chine, où elle était correspondante permanente de L'Obs, après une virulente campagne de dénigrement orchestrée par les autorités de ce pays.

Son crime ? Avoir décrypté, pour la presse française, l'instrumentalisation politique faite des attentats de Paris par un régime chinois désireux de justifier, aux yeux de l'opinion internationale, la répression et la sinisation forcée de la minorité musulmane ouïghoure.

Que la Chine censure sa presse n'est pas nouveau ; qu'elle s'autorise à censurer la nôtre, au motif que des Chinois pourraient la lire, constitue un précédent inconcevable. C'est pourtant bien ce qui vient de se passer !

Confrontée à une situation similaire en 2009, notre diplomatie avait pu éviter l'expulsion de journalistes, en brandissant la menace de la réciprocité.

M. Roger Karoutchi. C'était avec Sarkozy !

M. André Gattolin. Cette fois-ci, il n'en a rien été. Le Gouvernement français s'est, jusqu'à présent, contenté d'exprimer des « regrets » et un « attachement à la liberté de la presse » si timides que le milieu journalistique et les médias internationaux s'en sont émus.

Ma question est aussi simple que claire : le Gouvernement français entend-il, fût-ce tardivement, condamner officiellement cette expulsion avec la plus grande fermeté ? Entend-il convoquer l'ambassadeur de Chine à Paris ?

En l'absence d'une réaction sans ambiguïté de la France, le risque est grand que des pressions toujours plus fortes s'exercent à l'encontre des autres correspondants établis en Chine et que nos grands médias finissent par renoncer à y être présents. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes publiée le 15/01/2016

Réponse apportée en séance publique le 14/01/2016

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur André Gattolin, la France regrette vivement que les autorités chinoises aient décidé de ne pas renouveler la carte de presse de Mme Gauthier à compter du 31 décembre dernier.

C'est pourquoi le ministre des affaires étrangères et du développement international, Laurent Fabius, a fait passer des messages très clairs à la Chine, dès le début de cette affaire, pour lui demander de revenir sur cette décision : d'abord à Pékin, par l'intermédiaire de notre ambassadeur, à deux reprises, puis à Paris, par le biais de l'ambassadeur de Chine, à trois reprises.

Nous avons aussi mobilisé l'Union européenne, qui s'est exprimée dans le même sens par une déclaration sans équivoque.

Nous espérons donc que la Chine pourra, après réflexion, autoriser Mme Gauthier à poursuivre son travail sur place.

La liberté d'expression, la liberté de pensée, la liberté de la presse, le libre exercice du métier de journaliste sont des valeurs fondamentales, auxquelles nous sommes profondément attachés. La France sait trop bien quelles menaces pèsent sur ceux qui s'expriment librement. Les attentats du 7 janvier 2015 nous l'ont durement rappelé.

Le rapport de décembre 2015 de Reporters sans frontières a montré, une fois encore, que les journalistes pouvaient être victimes de l'inacceptable. Notre conviction est qu'il est dans l'intérêt de tous qu'ils puissent exercer librement leur profession, partout où ils le veulent.

M. François Grosdidier. C'est de la langue de bois !

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Nous continuerons donc à défendre cette position et à expliquer à nos interlocuteurs partout dans le monde pourquoi ces valeurs sont fondamentales et quel est leur intérêt de les mettre en application. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour la réplique.

M. André Gattolin. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de votre réponse, mais les mots ont un sens : en l'occurrence, vous « regrettez », mais vous ne condamnez pas...

Bien sûr, le ministre des affaires étrangères s'est exprimé en privé, mais une prise de position publique est nécessaire. Nous ne pouvons pas nous borner à tenir un discours général sur les droits de l'homme et la préservation des libertés, dont la liberté de la presse.

La situation devient dramatique. Hier encore, un grand défenseur des droits de l'homme, M. Peter Dahlin, a été arrêté en Chine. Il y a un durcissement. Nous ne pouvons pas passer cela sous silence. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

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