Question de Mme GRELET-CERTENAIS Nadine (Sarthe - SOCR) publiée le 18/01/2019

Question posée en séance publique le 17/01/2019

Mme Nadine Grelet-Certenais. Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail.

Le 30 décembre dernier, pour les fêtes de fin d'année, est paru un décret d'application de la loi joliment intitulée « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », un décret visant à renforcer le contrôle des chômeurs, dans l'idée que les Français les plus fragiles seraient responsables de leur exclusion.

Voici donc comment ce décret entend responsabiliser « ceux qui déconnent », qui « n'ont pas le sens de l'effort », selon les termes choquants employés sans vergogne par le Président de la République : dès le premier refus d'une offre, le chercheur d'emploi pourra être radié des listes de Pôle emploi ; l'offre raisonnable d'emploi est redéfinie, le salaire précédent n'étant plus un motif de refus ; dès le premier manquement, l'allocation sera non plus suspendue, mais supprimée, et le chercheur d'emploi ne conservera donc plus ses droits ; enfin, la surveillance sera assurée par un journal de bord numérique permettant le contrôle des chômeurs en temps réel.

Bien sûr, les syndicats ont fortement réagi contre ce nouveau caporalisme déshumanisé visant les demandeurs d'emploi. On ne peut pas vouloir baisser le chômage en radiant les allocataires ou en accroissant la précarité des exclus de l'emploi.

En raison de la masse des dossiers suivis et de l'explosion des CDD de moins d'un mois, les agents de Pôle emploi estiment que ce climat de suspicion dénature leur mission. Sans compter que vous avez supprimé 800 postes dans la dernière loi de finances…

Ne serait-il pas temps, madame la ministre, à l'heure où vous semblez vouloir adopter une autre attitude à l'égard des syndicats et en vue du grand débat, de modifier votre analyse de la situation de l'emploi, de privilégier enfin l'accompagnement des précaires plutôt que leur sanction et de questionner non seulement l'employabilité des personnes, mais aussi le nombre et la qualité des emplois proposés par les entreprises ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

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Réponse du Ministère du travail publiée le 18/01/2019

Réponse apportée en séance publique le 17/01/2019

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la sénatrice Grelet-Certenais, vous m'interrogez sur le décret du 30 décembre dernier pris en application de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Le sens du contrôle est double : d'une part, dans tout système de solidarité collective, il faut un équilibre de droits et de devoirs ; d'autre part, il a été empiriquement constaté, par les équipes de Pôle emploi, que le contrôle permet parfois de remobiliser. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Sur les 300 000 demandeurs d'emploi contrôlés aléatoirement par Pôle emploi au cours de la dernière vague, 66 % cherchaient activement un emploi et 20 % étaient découragés. On peut comprendre que, après avoir entrepris de très nombreuses démarches, on baisse un jour les bras, parce que la situation paraît un peu désespérante. Dans ces cas, le contrôle a permis une remobilisation du demandeur et des équipes de Pôle emploi, avec à la clé de très beaux succès.

Restaient 14 % qui ne cherchaient pas activement un emploi, sans avoir de difficultés particulières de santé, de logement ou d'éloignement, difficultés compréhensibles dont le contrôle tient compte. Pour ceux-là, oui, le contrôle a été revu.

Il l'a été aussi parce qu'il était injuste et inéquitable. En effet, dans le cadre de l'offre raisonnable d'emploi, un dispositif que les gouvernements précédents n'ont jamais supprimé et que vous avez donc également soutenu, madame la sénatrice, une femme seule habitant en zone rurale et contrainte par les horaires de crèches pour pouvoir travailler pouvait être sanctionnée parce qu'elle avait refusé un emploi, alors qu'un cadre vivant dans une métropole et exerçant un métier pour lequel il n'y a pas de chômage n'était pas forcément sanctionné.

Nous avons simplement instauré un dispositif plus équitable, fruit de l'expérience de terrain des agents de Pôle emploi, dans lequel on ne pourra plus être sanctionné pour une raison sur laquelle on n'a pas prise.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Concrètement, le demandeur d'emploi et son conseiller définiront dès le premier jour sur quelles bases l'emploi sera recherché et contrôlé. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais, pour la réplique.

Mme Nadine Grelet-Certenais. Avec ce décret, madame la ministre, vous poursuivez une logique technocratique et ajoutez de la culpabilité à la précarité. Vous mettez en danger une population déjà affectée par le sentiment d'injustice.

M. François Patriat. Vous n'avez pas écouté la réponse !

Mme Nadine Grelet-Certenais. Ce décret est de très mauvais augure en vue de la réforme systémique de l'assurance chômage actuellement sur la table des négociations.

Vous parlez d'équilibre des droits et des devoirs, mais quid des fraudeurs fiscaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Éliane Assassi applaudit également.)

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