Question de Mme JOURDA Muriel (Morbihan - Les Républicains) publiée le 18/01/2019

Question posée en séance publique le 17/01/2019

Mme Muriel Jourda. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

« Je crois au bicamérisme, qui garantit une démocratie mieux équilibrée. Il n'est pas de République forte sans institutions puissantes. Nées de temps troublés, nos institutions sont résistantes aux crises et aux turbulences. » Sans doute, monsieur le Premier ministre, aurez-vous reconnu les mots d'Emmanuel Macron (MM. Julien Bargeton et André Gattolin applaudissent.), Président de la République, prononcés devant le Congrès en juillet 2017 et en juillet 2018.

Il avait raison : nous connaissons une crise sociale, une crise culturelle, une crise territoriale, mais nous ne connaissons pas de crise des institutions.


M. Roger Karoutchi. Eh oui !


Mme Muriel Jourda. Pourtant, dans sa Lettre aux Français, le Président de la République met en discussion la transformation du Sénat. Monsieur le Premier ministre, quelles sont vos intentions à l'égard de notre assemblée ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 18/01/2019

Réponse apportée en séance publique le 17/01/2019

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la sénatrice, vous avez cité le Président de la République s'adressant au Congrès. Vous auriez pu citer aussi – même si je reconnais que cela a moins de prestige – le Premier ministre s'exprimant pour la première fois devant le Sénat. (MM. Julien Bargeton et André Gattolin applaudissent.) Dans ce discours, en effet, j'avais marqué mon attachement au bicamérisme et au rôle essentiel, dans une démocratie, du dialogue permanent entre deux assemblées tirant leur légitimité de modes de désignation et de temporalités différents. C'est un élément constitutif de notre équilibre démocratique. Il n'est d'ailleurs pas propre au génie français, même si celui-ci est considérable, puisque, dans toutes les démocraties, c'est ce dialogue qui permet une forme de sagesse et d'équilibre.

Je n'ai donc aucun problème, madame la sénatrice, à dire, aujourd'hui comme toujours, mon attachement au bicamérisme et au Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.) Dire cela, vous pourrez le reconnaître, ne doit pas nous exonérer d'une réflexion sur le bon fonctionnement du bicamérisme ni sur la bonne désignation de ceux qui siègent dans ces deux instances.

Vous avez fait référence au mouvement des « gilets jaunes » : reconnaissez avec moi que, dans la très grande masse des revendications qui sont exprimées, dans leur très grande diversité, il y a aussi des questionnements, non pas forcément sur l'existence de telle ou telle assemblée, mais sur la capacité de telle ou telle à représenter correctement la population française.

M. François Grosdidier. Et l'exécutif ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je ne dis pas que ces revendications sont les seules, mais nous pouvons, je crois, reconnaître que ces questions peuvent se poser dans une démocratie comme la nôtre.

Le Président de la République, dans le débat qu'il a engagé, a ouvert un chapitre sur la démocratie et la citoyenneté. Posons donc les questions qui concernent la démocratie et la citoyenneté, qu'il s'agisse de la participation de nos concitoyens à la prise de décision, aux niveaux local comme national, de leur représentation, du fonctionnement de nos institutions ou du besoin de participation de nos concitoyens.

Le chef de l'État a souhaité ouvrir le débat sur ces sujets. Le président du Sénat, lors d'une conférence de presse tenue ce matin, a indiqué, comme il lui appartenait, l'attachement rappelé par le Président de la République au bicamérisme. Cette question ne se pose donc pas.

En revanche, je serai toujours ouvert à la discussion, qui doit être continue dans le temps, visant à faire en sorte que nos institutions fonctionnent mieux, que notre bicamérisme fonctionne mieux et que nos concitoyens soient toujours convaincus qu'il fonctionne comme il devrait fonctionner. Tel est le sens du débat : je crois que ces questions sont très raisonnables et intéressent nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour la réplique.

Mme Muriel Jourda. J'entends votre réponse, monsieur le Premier ministre. Nous sommes d'accord sur le fait qu'une réflexion doive être menée. Il faut d'ailleurs noter que celle-ci avait commencé dans les assemblées avant de se dérouler sur les ronds-points et que, à aucun moment, le Sénat ne s'y était montré hostile.

Puisque nous sommes en temps de grand débat, permettez-moi de faire quelques observations.

Tout d'abord, je rappellerai que, aux termes de la Constitution, le Président de la République est avant tout le garant des institutions.

M. Roger Karoutchi. Eh oui !

Mme Muriel Jourda. Sans doute devra-t-il résister à la tentation de jeter ces institutions en pâture à la population pour que le mécontentement de cette dernière change d'objet… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

J'ajoute que, ces derniers temps, le Président de la République semble finalement beaucoup s'inspirer du Sénat.

Ainsi, quand il évoque le travail mené sur le statut de l'élu devant les maires de l'Eure, il parle en réalité du rapport de Jean-Marie Bockel et de Mathieu Darnaud. Lorsqu'il évoque l'évolution de la loi NOTRe, il parle en fait de la proposition de loi de nos collègues Philippe Bas, Bruno Retailleau et Mathieu Darnaud. Quand il évoque l'adaptation locale de la limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure, il parle du rapport de nos collègues Michel Raison, Michèle Vullien et Jean-Luc Fichet. Lorsqu'il évoque les objectifs annuels en matière d'immigration dans sa Lettre aux Français, le Président de la République parle du récent amendement de notre collègue Roger Karoutchi.

M. le président. Il va falloir conclure, ma chère collègue ! La liste est tellement longue… (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

Mme Muriel Jourda. Lorsqu'il veut prendre des mesures contre les casseurs, il reprend la proposition de loi du président Retailleau.

Avant de songer à transformer le Sénat, peut-être l'exécutif devrait-il songer à transformer son regard sur le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme Victoire Jasmin applaudit également.) Nous ne sommes pas qu'un contre-pouvoir encombrant ; nous sommes aussi et avant tout la voix des territoires de France ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

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