Question de M. RAYNAL Claude (Haute-Garonne - SOCR) publiée le 31/01/2019

M. Claude Raynal attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les conséquences financières structurelles pour les petits commerçants des manifestations que connaît notre pays. Les débordements à l'occasion des différentes manifestations organisées par les « gilets jaunes » ont eu un impact significatif sur les petits commerçants notamment dans les centres des grandes villes.
Si ces externalités négatives à des revendications légitimes ne sont l'œuvre que d'une minorité, elles ont entraîné une baisse du chiffre d'affaires de l'ordre de 30 % pour les commerçants toulousains. Quant à ceux qui avaient loué un emplacement au marché de Noël, il est nécessaire de rappeler que, cinq samedis avant Noël, ils ont été obligés de fermer sur demande de la préfecture.
Ces fermetures s'accompagnent de conséquences à long terme pour les commerçants pour lesquels les réponses conjoncturelles sont insuffisantes. Ainsi, indépendamment des systèmes mis en place pour pallier l'urgence, par exemple la mobilisation d'un fonds d'intervention exceptionnel en Occitanie de trois millions d'euros pour venir en aide aux commerçants, artisans et entreprises des centres-villes touchés par les violences et compenser ainsi les pertes provoquées par les dégradations, il apparaît plus que jamais important d'accompagner les commerçants durement touchés durant ces périodes.
Partant de ce constat, il souhaite connaître les éléments structurels d'accompagnement à long terme que l'administration pourrait proposer à ces commerçants.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics publiée le 10/04/2019

Réponse apportée en séance publique le 09/04/2019

M. Claude Raynal. Monsieur le secrétaire d'État, cela fait vingt et une semaines, soit bientôt six mois, que les « gilets jaunes » contestent, dans nos centres-villes, l'action du Gouvernement ! Le plus long mouvement social de ces quarante dernières années ne suscite toujours pas, à ce jour, de réponse politique, seule à même d'y mettre un terme. En effet, si l'ordre public doit être la règle, la réponse ne saurait être uniquement répressive, d'autant que cette approche a eu des conséquences dramatiques pour nombre de manifestants parfaitement pacifiques.

Bientôt six mois que, chaque samedi, les centres-villes sont désertés ! Au-delà des destructions opérées par des groupuscules de casseurs, ceux des commerçants qui choisissent d'ouvrir leurs boutiques doivent subir des journées « ville morte », quand d'autres, par peur des pillages, gardent leurs rideaux baissés.

Nous le savons bien, le chiffre d'affaires perdu lors de ces journées, qui devraient être les meilleures du point de vue commercial, ne se rattrape jamais. Au fil du temps, le comportement des consommateurs évolue : ils choisissent d'aller dans les centres commerciaux de périphérie, ou de commander par internet, pour ne pas se trouver en ville au moment des manifestations.

Dès lors, l'attractivité future de nos centres-villes est gravement menacée et doit faire l'objet de toute l'attention de l'État comme des collectivités. Quant au fonds de 3 millions d'euros envisagé par le Premier ministre pour des opérations de promotion commerciale, il n'est pas à l'échelle de la problématique.

Concernant le soutien aux commerçants indépendants eux-mêmes, la réponse du Gouvernement est là aussi trop limitée, dans le temps comme dans ses effets, car l'étalement de la dette, qu'elle soit fiscale ou sociale, n'apporte aux entreprises qu'une solution de court terme.

Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances avait, en son temps, ouvert la voie à une possibilité d'exonérations de taxes et cotisations sociales. Pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d'État, le nombre d'exonérations accordées à ce jour et leur montant total ?

La grande absente des mesures annoncées par le Gouvernement reste la question de la dégradation de la trésorerie de ces sociétés ; on sait qu'elle préfigure souvent des redressements ou des liquidations. En la matière, vos appels incantatoires à la plus haute bienveillance des banques risquent d'être insuffisants.

Sur un autre plan, on entend que les compagnies d'assurance réfléchiraient à demander, à l'avenir, une surprime aux établissements commerciaux de centres-villes, ce qui reviendrait pour ceux-ci à subir une triple peine : réparations, perte de chiffre d'affaires, augmentation des primes d'assurance.

Alors, même si ce gouvernement, depuis vingt et une semaines, ne parvient pas à trouver de sortie à la crise politique, peut-être peut-il répondre aux attentes de nos concitoyens artisans et commerçants indépendants, qui, au fond, en paieront très largement la note !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Raynal, vous avez raison de souligner l'impact du mouvement dit des « gilets jaunes » sur l'activité des commerces de centres-villes et de périphérie.

Permettez-moi, avant de répondre à votre question relative aux modalités d'intervention du Gouvernement, de souligner que cet impact recouvre, évidemment, les charges liées à des sinistres ou à des dégradations, les pertes de chiffre d'affaires, mais aussi les nuisances apportées à l'image et à l'attractivité des centres-villes, ou encore les chocs psychologiques que subissent celles et ceux qui voient disparaître, parfois en quelques minutes, le fruit d'années de travail.

Nous estimons qu'ont eu lieu, depuis le début de ce mouvement, environ 10 000 sinistres, pour des dégâts dont le montant avoisine les 200 millions d'euros ; 5 200 entreprises, employant 74 000 salariés, ont eu recours au dispositif d'activité partielle, qui représente un engagement de l'État à hauteur de 40 millions d'euros ; enfin, 4 400 entreprises ont fait l'objet de mesures fiscales, notamment d'étalement de paiements et de report de délais, et 7 000 délais de paiement ont été accordés, soit sous forme classique, soit sous forme de report de termes d'échéances sociales.

La réponse du Gouvernement s'est faite en trois temps. Dès le mois de novembre 2018, c'est-à-dire dès les premiers jours de la mobilisation, nous avons demandé à l'ensemble de nos services d'être extrêmement bienveillants envers les commerçants et les chefs d'entreprises concernés, notamment par l'octroi de délais de paiement. Cela s'est fait dans le cadre d'une relation bilatérale assez informelle, mais courante en la matière, et nous avons veillé à ce que l'ensemble de nos services appliquent ces instructions.

Nous avons aussi permis l'accès de ces entreprises au dispositif d'activité partielle ; cela a concerné, je l'ai rappelé, 74 000 emplois.

En outre, nous travaillons étroitement avec la Fédération bancaire française et la Fédération française de l'assurance pour accélérer l'indemnisation des sinistres. Nous faisons en sorte, là aussi, que les acteurs du monde de l'assurance et de la banque soient extrêmement attentifs aux difficultés et évitent d'avoir recours aux méthodes que vous avez décrites.

En février dernier, Agnès Pannier-Runacher et moi-même avons renouvelé, sans terme défini, les mesures de bienveillance en matière d'étalement, mais nous avons également mis en place des équipes mobiles, formées par les différents services de l'État et les organismes consulaires, chargées d'aller directement à la rencontre des commerçants et des artisans concernés. En effet, nous avions constaté que beaucoup d'entre eux ne faisaient pas valoir leurs droits et n'avaient pas recours aux mesures que nous avions mises en place, soit pour des raisons de temps, soit du fait de craintes liées à des pratiques ou à des relations habituelles.

Le 6 mars dernier, enfin, nous avons encore reconduit ces dispositifs et mis en place la possibilité d'une remise partielle ou totale d'impôt direct. Je ne peux vous donner un bilan chiffré de cette mesure, monsieur le sénateur, tant elle est récente, mais nous l'avons appuyée sur une déclaration extrêmement simplifiée, mise à disposition tant des commerçants que de leurs associations sur le site du ministère. Les dossiers sont examinés au cas par cas ; nous sommes notamment attentifs à la perte d'activité et au manque de liquidité ou de trésorerie.

Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé, comme vous l'avez rappelé, qu'il mettrait en place un fonds de 3 millions d'euros pour accompagner les associations de commerçants, en liaison avec les collectivités. La ville de Toulouse a ainsi mobilisé un million d'euros, la région Occitanie a elle aussi mobilisé des fonds ; c'est heureux et cela doit nous permettre d'apporter une réponse aussi précise que possible.

Je vous précise enfin, en m'excusant, monsieur le président, de dépasser mon temps de parole, qu'une réunion du comité de suivi avec les associations de commerçants se tiendra de nouveau cet après-midi, comme nous le faisons régulièrement depuis maintenant plusieurs mois.

M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, il ne faudrait pas qu'un tel dépassement – quarante secondes ! – se renouvelle à chaque question ; réduire la longueur de vos réponses arrangerait tout le monde !

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