Question de M. MARSEILLE Hervé (Hauts-de-Seine - UC) publiée le 06/02/2019

Question posée en séance publique le 05/02/2019

M. Hervé Marseille. Monsieur le président, je ne sais plus si ces ovations s'adressent au président Karoutchi ou à moi-même : j'en suis ému ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Monsieur le Premier ministre, à mon tour, je voudrais évoquer les suites de ce que l'on appelle « le grand débat » et qui se poursuit, nous dit-on, jusqu'au 15 mars. Il faudra en tirer les conséquences et, le moment venu, le chef de l'État et le chef du Gouvernement devront discerner ce qui apparaît dans les conclusions de ce débat pour présenter des réponses sous une forme ou sous une autre.

Notre collègue Roger Karoutchi vient de le rappeler, le Parlement est fait pour cela et il est disponible pour discuter des réponses susceptibles d'être apportées à tous ceux qui débattent aujourd'hui. Le Parlement ne s'use que si l'on ne s'en sert pas ! Il est donc indispensable, effectivement, de présenter devant l'Assemblée nationale et le Sénat les propositions qui pourront être portées par la voie législative.

Le chef de l'État et le chef du Gouvernement peuvent aussi utiliser une autre voie, Mme le garde des sceaux vient de le rappeler : elle est prévue par la Constitution, elle est légitime, c'est celle du référendum. Si tel était le cas, il est clair que nous sommes nombreux, ici, à souhaiter qu'une telle consultation populaire n'ait pas lieu le jour des élections européennes. Ne mélangeons pas les choses ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

À l'évidence, pour des raisons dont chacun se souvient, nous n'avons pas eu le débat approprié à l'occasion de l'élection présidentielle. Nous en mesurons aujourd'hui les conséquences.

Il est indispensable que nous puissions avoir un vrai débat sur la construction européenne. L'Europe est en crise, l'Europe est malade. Nous voyons jour après jour les soubresauts attristants du Brexit.

Nous voyons également combien l'Europe ne s'occupe malheureusement ni de la taxation des GAFA, ni des problèmes migratoires,…


M. le président. Votre question, mon cher collègue !


M. Hervé Marseille. … ni, plus généralement, des problèmes auxquels les Français attendent des réponses.

Nous souhaitons donc, monsieur le Premier ministre, que la France retrouve le rôle moteur qui doit être le sien en Europe et que nous puissions avoir ce débat.

Évitons, pour cela, d'organiser un référendum le jour des élections européennes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 06/02/2019

Réponse apportée en séance publique le 05/02/2019

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Il a de la chance notre collègue Hervé Marseille !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Hervé Marseille, sachant que vous alliez poser une question après le sénateur Roger Karoutchi, je me suis dit qu'il serait conforme à l'usage, mais aussi utile, évidemment, que je vous apporte personnellement des éléments de réponse, lesquels rejoindront sans doute également les questions formulées par M. Karoutchi.

Mme Catherine Procaccia. On attend de voir !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur Marseille, le grand débat a commencé et, alors même que beaucoup s'interrogeaient sur les formes qu'il prendrait, nous constatons, par le nombre de réunions organisées et le nombre de contributions directement produites par les Français, une très grande appétence de nos concitoyens pour ces discussions. C'est plutôt une bonne nouvelle à mes yeux.

On peut toujours, ici ou là, dire que telle ou telle réunion ne ressemble pas à ce que l'on aurait souhaité dans l'idéal. Toutefois, les réunions sont nombreuses, elles interviennent dans de grandes villes comme dans de toutes petites communes et elles permettent à nos concitoyens de s'exprimer.

Pour vous dire la vérité, je pense que c'est un moment important, utile et passionnant.

Alors que l'exercice commence à peine, nombre de responsables politiques, en particulier, s'interrogent déjà sur les points de sortie, qu'il s'agisse des solutions ou des instruments qui seront utilisés pour parvenir à celles-ci.

Cette interrogation est évidemment légitime, mais je crois qu'il est objectivement trop tôt, non seulement pour répondre sur le fond – le débat n'a pas encore produit tous ses effets –, mais aussi pour répondre définitivement à la question des instruments.

Je voudrais néanmoins esquisser quelques pistes, monsieur Marseille.

Premièrement, je ne crois clairement pas qu'un instrument unique soit de nature à traiter l'ensemble des questions qui auront été évoquées pendant le grand débat.

Il appartiendra au Président de la République de décider si, oui ou non, il veut utiliser l'article 11 de la Constitution. Peut-être souhaitera-t-il poser aux Français la question d'une adoption directe de tel ou tel projet. C'est son droit le plus strict, et je pense que chacun, dans cette assemblée, le respecte.

En tout état de cause, je ne crois pas qu'un seul référendum, quand bien même il porterait sur plusieurs projets de loi, suffise à intégrer l'ensemble de ce qui est dit, mais aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, de ce qui ne l'est pas… Certains sujets sont en effet rarement évoqués dans les débats.

Il faut donc s'attendre à ce que, soit par le référendum, soit par la discussion législative naturelle, soit par d'autres instruments – j'ai entendu les organisations syndicales et patronales ainsi que les associations d'élus évoquer la possibilité, sur certains thèmes, de mettre en place des processus de concertation desquels pourrait émerger, sinon un consensus, du moins une élaboration collective de solutions.

N'ayons pas peur de cette profusion d'instruments. Elle est, me semble-t-il, exactement à la hauteur des attentes des Français, compte tenu de la diversité des sujets.

J'entends enfin la remarque que vous avez formulée, qui rejoint celle de M. Karoutchi, sur une forme de désaccord quant à l'idée d'organiser un référendum le jour du scrutin prévu pour les élections européennes. J'en prends acte.

Vous avez formulé en ce sens un certain nombre d'arguments. Ils sont parfaitement légitimes.

On pourrait aussi ajouter, peut-être, qu'une multiplication des consultations requiert une organisation assez lourde pour les services des collectivités territoriales.

Aujourd'hui, monsieur Marseille, rien n'est décidé. Certes, dans le monde dans lequel nous vivons, dès que l'on commence à réfléchir à une hypothèse, elle se transforme immanquablement en un fait, puis en une vérité… Mais pourquoi ne pourrions-nous pas soumettre cette idée à la consultation ?

Le scrutin du 26 mai sera d'une importance absolument considérable pour la construction européenne et pour notre pays. Le débat doit avoir lieu. Nos concitoyens doivent dire clairement ce qu'ils souhaitent et ce qu'ils veulent assumer s'agissant de la construction européenne. Nous avons tous à y gagner, j'en suis intimement convaincu.

Tout ce qui aurait pour effet de remettre en cause la clarté du débat serait probablement à écarter.

C'est d'autant plus vrai que, référendum ou pas, monsieur le sénateur, depuis très longtemps, lors des élections européennes, on parle finalement assez peu des élections européennes, et beaucoup des questions politiques nationales.

Mme Laurence Cohen. Ah, ça…

Mme Cécile Cukierman. Avec un référendum, encore plus !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Nous le savons tous, nous l'avons tous vécu et nous n'avons pas envie que cela recommence ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

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