Question de Mme SOLLOGOUB Nadia (Nièvre - UC) publiée le 28/02/2019

Mme Nadia Sollogoub attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les règles relatives au remboursement de la dotation jeune agriculteur (DJA). Le candidat à l'installation bénéficiant des aides doit s'engager à exercer pendant dix ans la profession d'agriculteur à titre principal en qualité de chef d'exploitation. Cela signifie qu'il doit consacrer plus de 50 % de son temps de travail et tirer au moins 50 % de ses revenus des activités de production agricole et forestière ainsi que des activités, touristiques ou autres, qui sont dans le prolongement de la production agricole ou forestière et qui ont pour support l'exploitation. Pourtant, un jeune agriculteur ayant bénéficié d'une installation aidée peut parfois être contraint de repenser son projet ou de quitter le métier avant la période de dix ans à laquelle il s'était engagé. Le fait de bénéficier d'un congé parental d'éducation par exemple a été réglé et permet d' interrompre cet engagement sans remettre en cause l'attribution des aides. De même, un jeune agriculteur contraint de changer d'exploitation pour des raisons de force majeure dûment motivées par un rapport du préfet du département d'origine peut être également maintenu dans ses droits aux aides. Et il est normal que la viabilité minimale de l'installation soit un critère essentiel, afin que les aides ne soient pas versées sur des bases fantaisistes et au bout du compte en pure perte. À l'inverse, lorsque la réussite de l'installation, donc les résultats de la jeune exploitation, dépassent trop le plan initial, le bénéficiaire peut se voir exiger le remboursement total de la dotation jeune agriculteur ainsi que des bonifications d'intérêt au titre des prêts à moyen terme spéciaux dont il a bénéficié. Ainsi en est-il par exemple d'un jeune exploitant agricole attributaire de la DJA dont le revenu disponible agricole moyen sur les cinq premières années d'installation est supérieur au plafond de trois fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) de référence. Or, compte tenu des aléas conjoncturels que connaissent les exploitations agricoles, on peut s'étonner de voir ainsi pénalisés des résultats trop rapidement positifs. Elle lui demande en conséquence, compte tenu des difficultés récurrentes auxquelles font face les jeunes agriculteurs, s'il ne serait pas plus pertinent de maintenir les aides acquises au cours de cinq premières années et de ne prendre en compte les résultats d'exploitation correspondants que pour l'éligibilité aux demandes futures.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 19/02/2020

Réponse apportée en séance publique le 18/02/2020

Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le ministre, ma question porte sur la dotation jeune agriculteur (DJA).

Vous le savez, l'État détermine le cadre réglementaire national de la politique d'installation et de transmission en agriculture. Passées les cinq premières années, les agriculteurs qui ont bénéficié de la DJA sont contrôlés. Le plan de développement de l'exploitation impose de respecter un revenu global professionnel, une moyenne sur cinq ans, qui doit être situé entre un et trois SMIC. En cas de non-respect, le remboursement est demandé.

Vous ne pouvez pas l'ignorer, de nombreux cas ne répondent pas à ces critères. Certains agriculteurs n'atteignent pas sur la période des cinq ans un revenu moyen à la hauteur du SMIC et doivent faire face à une double peine. Ces exploitations sont en difficulté ; rembourser l'aide perçue les met encore plus en difficulté.

À l'opposé, il y a également des agriculteurs qui réussissent trop et sont pénalisés quand ils atteignent un revenu supérieur à trois fois le SMIC. Cela semble tout à fait paradoxal.

Si l'on peut bien comprendre que les aides ne soient pas versées sur des bases fantaisistes et, au bout du compte, en pure perte, il existe, malgré tout, des aléas conjoncturels que connaissent de nombreuses exploitations agricoles. On peut en particulier s'étonner que les résultats trop rapidement positifs des agriculteurs soient pénalisés.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Madame la sénatrice, votre question porte sur les règles relatives au remboursement de la DJA lorsque le revenu professionnel global moyen sur les cinq premières années est supérieur à trois fois le SMIC.

Nous le savons, c'est un vrai problème. Comment dire au bout de plusieurs années à un jeune ou à un moins jeune qu'il a « trop bien travaillé » et qu'il doit rembourser les sommes perçues ? Le sujet est épineux ; nous en avons beaucoup parlé avec les jeunes agriculteurs, et nous y avons travaillé. Nous essayons de trouver la solution.

Je ne souhaite pas qu'une telle situation puisse perdurer. Quand on fait un parcours d'installation, on travaille sur l'ensemble des années. Tant mieux si les jeunes arrivent à gagner de l'argent ; dommage si d'autres n'y arrivent malheureusement pas.

Plusieurs outils sont mobilisés dans le cadre de la DJA ou du second pilier de la PAC. Nous voulons avancer.

Nous sommes en train de réfléchir avec les jeunes agriculteurs sur le dispositif qui fixe le seuil de revenu maximal à trois SMIC. En cas de dépassement, le préfet est tenu de prononcer une déchéance. Or ces dépassements sont parfois liés à des circonstances exceptionnelles. Nous avons besoin de réponses.

Une instruction technique a été publiée en 2018. En dehors des cas de force majeure et de cas précis, aucune dérogation à la demande de remboursement pour dépassement de seuil ne peut être accordée. C'est la règle.

Mais nous devons aller plus loin et solliciter auprès de l'agent comptable de l'Agence de services et de paiement (ASP) un échéancier. Il faut donner toutes les possibilités aux jeunes agriculteurs pour qu'ils ne soient pas pénalisés.

Aujourd'hui, selon les chiffres fournis par les services, environ 80 % des dossiers examinés ont pu obtenir une suite favorable. Il en reste encore 20 % pour lesquels ce n'est pas le cas.

Dans le cadre des prochaines programmations, il faut absolument que le dispositif soit assoupli et plus progressif, afin d'éviter au maximum les remboursements de DJA. C'est un engagement que j'ai pris. Pour l'instant, je ne peux pas répondre favorablement à votre question ; mais nous y répondrons favorablement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour la réplique.

Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le ministre, vous vous en doutez bien, votre réponse me fait extrêmement plaisir.

J'espère malgré tout que, pour les 80 % ayant trouvé une suite favorable, il ne s'est pas agi de fixer un échéancier et d'étaler le remboursement, car la pénalisation est exactement la même pour les agriculteurs.

Certes, c'est compliqué. Il faut intégrer le fait que le plan de développement d'exploitation part sur des moyennes et des prévisions très difficiles à établir, dans la mesure où les cours ne sont pas connus. Au demeurant, on travaille avec ces évolutions climatiques difficiles complètement à l'aveugle.

À l'évidence, si l'on considère que la DJA est une aide à caractère économique à l'installation, de même que pour n'importe quelle activité – là, il s'agit d'une activité agricole –, c'est la seule configuration dans laquelle elle peut éventuellement être remboursable. Quand une entreprise s'installe, à aucun moment, on ne demande, qu'il s'agisse d'un conseil régional ou d'une communauté de communes, aux jeunes qui se sont installés de rembourser parce qu'ils ont rencontré des difficultés ou parce qu'ils ont trop bien réussi ; dans aucun autre secteur d'activité on ne se trouve dans une telle configuration.

M. Didier Guillaume, ministre. Je suis d'accord !

Mme Nadia Sollogoub. Je vous demande vraiment de continuer. Nous serons derrière vous.

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