Question de M. PELLEVAT Cyril (Haute-Savoie - Les Républicains) publiée le 07/03/2019

M. Cyril Pellevat attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'importation de soja américain en vue de la production de biocarburant.
Traditionnellement, les États-Unis exportent près de 60 % de leur soja à la Chine, mais à la suite des récentes tensions entre ces deux pays, après la taxation des graines de soja américain, il leur faut trouver de nouveaux débouchés. Et ils visent l'Union européenne. En conséquence, à l'automne 2018, les négociations entre le président des États-Unis et celui de la Commission européenne ont accru de 112 % l'acquisition européenne de soja américain. Mais alors que la Commission européenne limite la production européenne de biocarburants de première génération, il semblerait que l'importation de soja soit ouverte à cette même fin.
Cette décision commerciale apparaît comme un coup porté à la production de matières premières pour les biocarburants au sein de l'Union européenne. Les agriculteurs français ne comprennent pas cette mesure. Quant à l'Union européenne, elle ne peut choisir de remplacer l'huile de palme par une matière première tout aussi nuisible à l'environnement.
Il lui demande comment il peut expliquer la position européenne qui va à l'encontre des objectifs européens en matière d'environnement, d'énergie et d'agriculture, et lui demande la position française sur ce sujet.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 17/06/2020

Réponse apportée en séance publique le 16/06/2020

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 678, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Cyril Pellevat. Monsieur le ministre, traditionnellement, les États-Unis exportent près de 60 % de leur soja en Chine. Néanmoins, résultat de deux années de tensions entre ces deux pays, la Chine a augmenté la taxation des graines de soja américain. Dès lors, les États-Unis cherchent de nouveaux débouchés. Ils ont, de ce fait, visé l'Union européenne. En conséquence, à l'automne 2018, les négociations entre le président des États-Unis et celui de la Commission européenne ont entraîné une augmentation de 112 % de l'importation de soja américain par l'Union européenne.

La Commission européenne essaie de limiter la production européenne de biocarburants de première génération, et il semblerait que l'importation de soja ait été permise à cette même fin. Cette décision commerciale apparaît comme un coup porté à la production de matières premières pour les biocarburants au sein de l'Union européenne, et les agriculteurs français ne comprennent pas cette mesure. Quant à l'Union européenne, elle ne peut choisir de remplacer l'huile de palme par une matière première tout aussi nuisible à l'environnement.

On sait que le soja est également utilisé pour nourrir les bêtes destinées à produire de la viande. À ce sujet, Emmanuel Macron a indiqué en 2019 vouloir une souveraineté protéinique de la France. Ainsi, comment expliquer la position européenne, qui va à l'encontre de la déclaration du Président de la République et des objectifs européens en matière d'environnement, d'énergie et d'agriculture ? Pourriez-vous nous indiquer la position française sur ce sujet ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur, cher Cyril Pellevat, la position de la France est très claire. Vous l'avez rappelé, le Président de la République a exprimé sa volonté d'une souveraineté protéique. Cette dernière est indispensable pour la nourriture des animaux, pour l'alimentation humaine et pour la transformation de nos cultures ; elle est surtout indispensable pour mettre un terme à notre dépendance au soja américain, qui traverse l'Atlantique pour arriver sur notre continent. Vous l'avez dit, chaque fois, le développement durable en prend un coup…

De son côté, l'Union européenne prend ses décisions comme elle l'entend. Elle fixe un cadre très clair pour les biocarburants. Ainsi, pour contribuer aux objectifs d'énergies renouvelables, les biocarburants doivent respecter les critères de durabilité fixés par la directive sur les énergies renouvelables de 2009. Ces critères portent tant sur la production de biomasse que sur les gaz à effet de serre dégagés sur toute la chaîne de production. Ils seront d'ailleurs renforcés en 2021. C'est la raison pour laquelle la France s'inscrit dans le cadre des décisions de l'Union européenne.

Le 29 janvier 2019, la Commission européenne a reconnu le système de certification de la production du soja américain comme étant compatible avec les normes de durabilité de l'Union européenne. La reconnaissance de ce système facilite l'incorporation de soja américain dans les carburants européens. Cela n'était nullement interdit auparavant. Mais c'est parce que nous considérons que les biocarburants issus de soja certifié durable peuvent contribuer aux objectifs d'énergies renouvelables dans les transports qu'une telle incorporation est autorisée.

Vous le voyez, la réglementation européenne ne discrimine pas les matières premières entre elles, mais impose des critères de durabilité. Le gouvernement français est vigilant à cet égard, en particulier pour les biocarburants incorporés. C'est pourquoi il soutient le renforcement de la traçabilité et des contrôles. Il ne peut s'opposer à l'entrée sur le territoire de matières premières – en l'occurrence le soja américain – qui respectent le même cahier des charges européen.

À la rentrée, le Gouvernement présentera son plan stratégique « protéines végétales », qui s'inscrit dans le cadre d'un plan « protéines » européen – je devais le détailler au printemps, mais le Covid ne l'a pas permis. Le but est de garantir une autonomie protéique, pour que nous ne dépendions plus des tourteaux de soja américains qui traversent l'Atlantique !

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