Question de M. BIGNON Jérôme (Somme - Les Indépendants) publiée le 08/03/2019

Question posée en séance publique le 07/03/2019

M. Jérôme Bignon. Le président Macron a affirmé au salon de l'agriculture que l'Europe doit avoir une politique agricole basée sur trois piliers forts : protéger, transformer et anticiper.

Le groupe allemand Südzucker, en restructurant son outil industriel Saint-Louis Sucre en France et en voulant fermer le site d'Eppeville dans la Somme, met en cause les piliers protection et anticipation : pas le moindre préavis, pas la moindre concertation !

Heureusement que la France et l'Allemagne sont étroitement unies par différents traités de coopération, le dernier ayant été signé à Aix-la-Chapelle…

Heureusement que la politique agricole commune existe depuis le traité de Rome. Qu'en serait-il autrement ?

À la veille des élections européennes, ce capitalisme débridé n'illustre pas de façon positive la coopération, pourtant souvent vantée, entre nos deux pays.

Cette décision, si elle devient effective, condamnera d'importants bassins de production de betteraves dans la Somme, l'Aisne, l'Oise et le Pas-de-Calais et affectera 1 275 exploitations agricoles, soit plus de 20 000 hectares.

Tout l'écosystème local avec plus de 600 emplois directs et indirects est déstabilisé et remis en cause : les salariés de l'usine, les transporteurs, les sous-traitants, les commerces locaux et les entrepreneurs agricoles sont violemment affectés.

Il est aujourd'hui impératif de préserver l'intégrité d'une filière française qui contribue chaque année pour 1,3 milliard d'euros à réduire le déficit de notre balance commerciale.

Le Gouvernement doit tout mettre en œuvre pour éviter cette décision, qui mettrait en danger une filière performante durement affectée par la fin des quotas et la chute des prix.

Monsieur le ministre, vous avez dit, mardi, à l'Assemblée nationale, que le sujet était grave et qu'il fallait réagir. Je suis d'accord avec vous ! Vous avez également dit que vous étiez en négociation avec la Commission européenne. Vous avez proposé aux députés de les associer aux réunions de travail avec la filière ; le Sénat aimerait également l'être, au même titre que nos collègues députés.

Pouvez-vous nous dire, si depuis mardi ce dossier a pu avancer et quelles sont les pistes de travail ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Éric Bocquet applaudit également)

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 08/03/2019

Réponse apportée en séance publique le 07/03/2019

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur Jérôme Bignon, la question que vous posez est une question grave pour la filière sucrière et betteravière française. Pour autant, je veux affirmer ici que, malgré les décisions que vous évoquez, la filière betteravière, dans son ensemble, n'est pas en danger et pourra continuer à fonctionner.

Toutefois, la décision unilatérale de Südzucker de quasiment fermer trois sites est absolument inacceptable. Le site de Cagny, dans le Calvados, concerne 1 100 planteurs, et 85 emplois directs devraient être supprimés ; celui d'Eppeville, dans la Somme, vise 1 400 planteurs, et 132 emplois directs devraient être supprimés et 122 transférés ; à Marseille, 5 emplois seulement seraient maintenus sur les 58 actuels.

Nous avons travaillé avec l'ensemble de la filière et des coopératives. Tous les parlementaires concernés sont invités cet après-midi même, à dix-sept heures, au ministère de l'agriculture et de l'alimentation, à une réunion de concertation. Dans une telle situation, c'est en totale transparence, en nous serrant les coudes et en travaillant avec tous les acteurs de la filière que nous y arriverons.

Vous avez été plusieurs à m'interpeller directement, vous-même, monsieur le sénateur Bignon, mais aussi Daniel Dubois, Corinne Féret, Samia Ghali et d'autres, et je crois que nous devons avancer dans une seule et même direction. Ensemble, nous devons affirmer que nous ne pouvons pas laisser faire les choses ainsi.

La semaine prochaine, mon collègue Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, et moi-même rencontrerons le président de Südzucker, afin de connaître ses intentions réelles. Je rappelle que 17 % de la filière betteravière est directement concerné.

Il nous faut aller plus loin pour réorienter et réorganiser cette filière. Nous travaillons dans ce sens avec l'ensemble des acteurs concernés.

La situation est grave, mais, comme le montre votre question, monsieur Bignon, elle est prise en compte par l'ensemble des parlementaires. Soyez assuré qu'elle l'est aussi par le Gouvernement, qui sera au rendez-vous pour négocier avec l'entreprise Südzucker et accompagner la filière !

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour la réplique.

M. Jérôme Bignon. Ce capitalisme sauvage entre États membres, ces intérêts court-termistes, ces distorsions de concurrence, ces usages dévoyés de l'argent public ne sont pas acceptables dans un marché unique européen, pas plus que ce non-respect des planteurs et des travailleurs. Néanmoins, je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

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