Question de M. DAGBERT Michel (Pas-de-Calais - SOCR) publiée le 13/03/2019

Question posée en séance publique le 12/03/2019

M. Michel Dagbert. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Madame la garde des sceaux, au terme du grand débat voulu par M. le Président de la République pour répondre à la crise des « gilets jaunes », il ne vous aura pas échappé que, pour une grande majorité d'entre eux, nos concitoyens doutent de la capacité des seules institutions à apporter des réponses aux grandes questions du moment. Au-delà du doute, nous pouvons considérer qu'il y a même, dans leur expression, une forme de défiance à l'égard de la communication des institutions publiques comme de celle des grandes entreprises privées, faisant leur la phrase devenue célèbre d'une humoriste : « On ne nous dit pas tout ! » (Sourires.)

C'est pour répondre à ce besoin d'une information objective que des femmes et des hommes se sont exposés pour rendre publics des faits répréhensibles par notre droit. Les plus connus, Alain Robert, Hervé Falciani, Stéphanie Gibaud ou encore Irène Frachon, peuvent être considérés comme les précurseurs de ceux qu'on appelle communément les « lanceurs d'alerte ». Dans ces conditions, l'accord trilogue – Parlement européen-Conseil-Commission européenne – intervenu hier, 11 mars, sur la directive relative aux lanceurs d'alerte, sur le fondement de la proposition de notre collègue eurodéputée Virginie Rozière, doit être salué.

Madame la garde des sceaux, pouvez-vous nous exposer la position que défendra la France dans trois jours, c'est-à-dire le 15 mars prochain, sur cette question ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. André Gattolin applaudit également.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 13/03/2019

Réponse apportée en séance publique le 12/03/2019

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Dagbert, je vais tout vous dire ! (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)

Vendredi dernier, lors du conseil Justice et affaires intérieures à Bruxelles, j'ai répété que la France souhaitait clairement l'adoption rapide de ce projet de directive avant les prochaines élections.

M. David Assouline. Vous avez la même position que les Autrichiens et les Hongrois !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Ce texte, qui est inspiré de la loi Sapin II, protégera plus efficacement les lanceurs d'alerte dans l'ensemble des pays de l'Union européenne.

La France a toujours soutenu le principe d'un texte unique, au champ d'application large, couvrant de très nombreux domaines d'action de l'Union, y compris, d'ailleurs, la fiscalité. Aujourd'hui, l'essentiel de la directive fait donc l'objet d'un accord avec le Parlement européen.

Il restait un point de divergence sur la hiérarchie des canaux de signalement.

M. David Assouline. Oui !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Conseil, au sein duquel la position de la France n'était d'ailleurs pas isolée, souhaitait conserver comme principe – c'est du reste l'état du droit en France – l'obligation pour le lanceur d'alerte d'en référer d'abord en interne,…

M. David Assouline. En somme, de se dénoncer !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. … non pas nécessairement auprès de son employeur, mais auprès d'un interlocuteur impartial tenu à une obligation de stricte confidentialité. Nous pensons en effet que c'est ainsi que l'on peut mettre un terme le plus rapidement possible à une violation dénoncée. C'est d'ailleurs le cas dans la majorité des situations. Ce principe était assorti d'exceptions extrêmement larges, permettant au lanceur d'alerte de signaler directement les faits auprès d'interlocuteurs externes, comme un syndicat ou un défenseur des droits, lorsque le signalement en interne risquait de l'exposer à des représailles, par exemple, ou bien de provoquer la disparition de preuves.

Contrairement à ce que les médias ont expliqué ces derniers jours, la France ne souhaite pas retarder l'adoption de ce texte. C'est pourquoi nous avons accepté de supprimer cette hiérarchie des canaux de signalement. Nous allons ainsi parvenir à un texte assurant une protection maximale des lanceurs d'alerte, tout en instituant un mécanisme solide juridiquement et proportionné aux différents niveaux de gravité des signalements effectués.

Nous touchons au but avec un accord en vue d'ici à vendredi prochain.

M. David Assouline. Accord conclu avec Orban et consorts !

M. le président. La parole est à M. Michel Dagbert, pour la réplique.

M. Michel Dagbert. Madame la garde des sceaux, je vous remercie de votre réponse. Nous voici rassurés parce que, comme vous venez de le dire, un article du journal Le Monde du 9 mars n'avait pas manqué de nous étonner, puisqu'il laissait entendre que la France partageait les mêmes réticences que l'Autriche et la Hongrie sur ce texte.

Les travées depuis lesquelles je m'exprime et nombre de parlementaires se reconnaissent difficilement dans les arguments que vous aviez alors avancés pour justifier votre timidité sur le sujet. Nous nous reconnaissons davantage dans cette citation de Jean Jaurès : « Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire » ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Pierre Laurent applaudit également.)

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