Question de Mme GRUNY Pascale (Aisne - Les Républicains) publiée le 11/04/2019

Mme Pascale Gruny attire l'attention de M. le ministre de l'action et des comptes publics sur la définition du travail dissimulé prévue par le code de la sécurité sociale. Bien évidemment, il convient de lutter efficacement contre ce fléau. Toutefois le problème est que le code du travail (C. trav., art. L. 8221-1) retient une définition particulièrement large de cette notion. Ainsi, le seul fait de mentionner, sur le bulletin de paie, un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué constitue une dissimulation d'emploi salarié (C. trav., art. L. 8221-5). En outre, depuis 1997, on assiste à une inflation législative, un empilement de lois et de décrets de sorte que la matière est devenue ardue voire incompréhensible même pour les professionnels les plus avertis. Certains auteurs sont même allés jusqu'à dire que la notion de travail dissimulé était totalement banalisée et que la plupart des entreprises la pratiquaient sans même le savoir. Pire, certains sites (tel le site www.lecerclelafay.fr) regorgent d'exemples de ce que les agences de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) entendent par travail dissimulé ou « fraude sociale » : le cas de « mamie bistro » qui aide bénévolement son conjoint, la femme qui remplace au pied levé son mari emmené aux urgences, le client du bar qui vient rapporter son verre au comptoir, un ami qui donne un coup de main à son voisin, la personne qui vient aider son frère sur un marché, les laissés-pour-compte qui reçoivent un modeste pécule, l'entraide familiale... Quant aux conséquences de cette « fraude sociale », elles sont insensées : une procédure contradictoire réduite à la portion congrue, un redressement forfaitaire par salarié non déclaré avec des taux de majorations de retard « aggravés », une possibilité pour les organismes de recouvrement de procéder, sur une période de cinq années, à l'annulation totale des réductions ou exonérations de cotisations ou contributions sociales, un refus de délivrance de l'attestation de vigilance, la mise en œuvre de la procédure de saisie conservatoire, l'inscription de privilège... Bref, un arsenal considéré par la doctrine comme une « une violence juridique et économique inouïe ». Elle lui demande donc ce que le Gouvernement entend proposer afin de redéfinir la notion de travail dissimulé, de proportionner les sanctions à l'infraction commise et d'améliorer le caractère contradictoire de cette procédure.

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Transmise au Ministère des solidarités et de la santé


Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 05/09/2019

Le code du travail interdit le travail dissimulé selon deux axes précisément définis. D'une part, l'article L. 8221-3 du code du travail interdit le travail dissimulé par dissimulation d'activité, c'est-à-dire l'exercice d'une activité à but lucratif par toute personne qui se soustrait à certaines obligations définies par l'article susvisé. D'autre part, l'article L. 8221-5 du même code interdit le travail par dissimulation d'emploi salarié, les différents cas étant limitativement énoncés par l'article. Appartient à cette catégorie la dissimulation d'une partie de la rémunération du salarié sur son bulletin de paie, telle que celle que vous signalez, et qui grève celui-ci dans ses droits en même temps qu'elle constitue une fraude fiscale et sociale. L'incrimination de ces comportements poursuit différents objectifs : la protection des personnes vulnérables et la lutte contre l'esclavage moderne, la garantie de l'ouverture des droits sociaux des travailleurs concernés, le maintien d'une juste concurrence entre les acteurs économiques et la préservation de l'équilibre des finances de la sécurité sociale. A ces fins, les organismes de recouvrement mènent des opérations de contrôle, à l'issue desquelles des sanctions peuvent être décidées. Pour autant, la législation prévoit que l'employeur redressé pour travail dissimulé bénéficie du caractère contradictoire du contrôle, lequel a été récemment renforcé. Ce principe consiste à permettre au cotisant qui reçoit les conclusions des investigations sous forme d'une lettre d'observation de pouvoir faire part de ses éléments contradictoires dans un délai de 30 jours dont il peut demander, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, la prolongation à 60 jours. L'agent en charge du contrôle est tenu d'apporter une réponse aux observations du cotisant. De plus, la personne contrôlée bénéficie d'un délai de 2 mois pour saisir la commission de recours amiable après décision définitive de l'organisme. L'employeur qui s'estime mis en cause à tort doit prouver l'absence de caractère intentionnel du défaut de déclaration au sens du droit pénal. En l'absence de cette preuve, le bénéfice des mesures de réduction ou d'exonération, totale ou partielle, peut être supprimé. Toutefois, cette suppression est modulée, comme le prévoit l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale (modifiée par la loi de financement de la sécurité sociale de 2019). En effet, lorsque la dissimulation d'activité ou de salarié représente une proportion limitée de l'activité, l'annulation des réductions et exonérations de cotisations de sécurité sociale ou de contributions est partielle. La proportion des réductions et exonérations annulées est calculée selon le montant des rémunérations éludées et sur la période concernée par le travail dissimulé. Non seulement ces initiatives récentes pour permettre de proportionner les sanctions à la réalité des faits ont pour effet de réduire le risque de sanction pour les employeurs ayant commis une fraude d'ampleur limitée, mais elles s'inscrivent dans un cadre plus large visant à améliorer les relations entre les URSSAF et les personnes contrôlées, tout en renforçant les capacités des organismes à lutter contre les fraudes. A cet égard, il faut souligner l'importance des actions de prévention et de communication réalisées par les organismes qui, si elles ne sont pas aussi médiatisées que les quelques cas de contrôles qui ont retenu votre attention, constituent pourtant une activité nettement plus importante pour la lutte contre les fraudes.

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