Question de M. LONGEOT Jean-François (Doubs - UC) publiée le 18/04/2019

M. Jean-François Longeot attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la contrebande de tabac en bande organisée, en France. À ce jour, l'article 414 du code des douanes prévoit que « la peine d'emprisonnement est d'une durée de dix ans et l'amende peut aller jusqu'à dix fois la valeur de l'objet de la fraude soit lorsque les faits de contrebande, d'importation ou d'exportation portent sur des marchandises dangereuses pour la santé, (…) soit lorsqu'ils sont commis en bande organisée ».
L'examen de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude a été l'occasion d'ouvrir le débat sur l'échelle des peines prévues en cas de contrebande de tabac commis en bande organisée. Il s'agit d'un phénomène mondial qui, au sein de l'Union européenne seule, amène à une perte annuelle de plus de 10 milliards d'euros de recettes fiscales.
Selon le rapport du 30 mars 2015 du centre d'analyse du terrorisme, « la contrebande de cigarette représente plus de 20 % des sources criminelles de financement des organisations terroristes ». Or, ce trafic, dont l'une des sources principales est notamment l'Algérie en ce qui concerne la France, prend de l'ampleur tant il semble rentable, facile à mettre en oeuvre et surtout peu risqué.
Aussi, il lui demande de bien vouloir lui communiquer, annuellement pour la période 2015 à 2018, sur le fondement de ce délit douanier, le nombre définitif d'affaires traitées, le nombre de condamnations définitives prononcées, le total de peines d'emprisonnement fermes prononcées, le total de peines d'emprisonnement avec sursis prononcées, le total de peines d'emprisonnement fermes en attente d'exécution au 1er janvier 2019, le total du montant des amendes infligées et le nombre de mineurs définitivement condamnés.

- page 2053


Réponse du Ministère de la justice publiée le 19/09/2019

La lutte contre le trafic de cigarettes constitue la grande priorité de la coopération entre la douane française et la douane algérienne. La coopération opérationnelle entre les services des deux pays a été renforcée en 2018, notamment suite aux décisions prises lors de la rencontre entre les deux directeurs généraux à Marseille en avril 2018. Cette coopération se poursuivra en 2019 autour de trois axes principaux : - échanges d'informations sur les réglementations en vigueur ainsi que sur les constatations importantes réalisées sur nos résidents respectifs ; - échange d'agents des douanes entre plateformes portuaires et aéroportuaires ; -  mise en place d'actions coordonnées de contrôle. En outre, un « conseiller régional jumelage » français sera affecté en mai 2019 à Alger, pour une période de deux ans, dans le cadre du jumelage européen visant à créer une centrale d'analyse de risques et de ciblage en Algérie sur le modèle du service d'analyse de risques et de ciblage de la douane française. Ce conseiller établira, avec les partenaires algériens de la douane et l'équipe projet franco-italienne (dirigée par un agent cadre supérieur de la douane), le plan de travail des prochains mois. Ces travaux feront l'objet d'un suivi régulier dans le cadre de comités de pilotage trimestriels. Le ciblage en matière de trafic de cigarettes sera la priorité de ce projet, qui contribuera plus largement à renforcer les liens opérationnels entre douanes française et algérienne. Enfin, la douane française coopère régulièrement avec l'unité d'enquêtes de l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) spécialisée dans la lutte contre le commerce illicite de produits du tabac, aussi bien à l'importation en provenance de pays tiers qu'en circulation intra-communautaire, que ces produits soient d'origine tierce ou communautaire (usines clandestines). Dans ce cadre, les services de la douane française participent à des opérations douanières conjointes ou à des opérations de renseignement. Cette coopération opérationnelle entre la douane française et l'OLAF est, bien entendu, susceptible de bénéficier à l'action conjointe de la France et de l'Algérie dans ce domaine. 1/ Nombre d'affaires traitées au parquet : 7 780 affaires de contentieux de contrebande de tabac, impliquant 11 400 personnes, ont fait l'objet d'une procédure judiciaire dont l'orientation s'est effectuée entre 2015 et 2018 (affaires dites « terminées au parquet »). Certaines des infractions associées sont de type douanier (par exemple, la « détention de tabac manufacturé sans document justificatif régulier, fait réputé importation en contrebande ») d'autres non (par exemple, la « détention illégale de plus de 2 kgs de tabac manufacturé »). Parmi ces 11 400 personnes, 8 300 n'ont pas été poursuivies : 4 500 ont vu leur affaire classée sans suite pour défaut d'élucidation, pour infraction non poursuivable, ou pour inopportunité des poursuites, 3 500 ont vu leur affaire classée après une procédure alternative, 300 ont fait l'objet d'une composition pénale réussie. Les 3 100 autres personnes ont été poursuivies, dont 2 300 vers un tribunal correctionnel. Le nombre de personnes poursuivies augmente fortement sur la période 2015-2018 : de 502 en 2015 à 964 en 2018.


Tableau 1 : Auteurs dans les affaires de contrebande de tabac traités par les parquets entre 2015 et 2018

 Type d'orientation

2 015

2 016

2 017

2 018

 Ensemble de la période

 Ensemble 

2 464

2 761

2 901

3 254

11 380

 CSS pour défaut d'élucidation

231

238

280

454

1 203

 CSS pour infraction non poursuivable

674

752

631

634

2 691

 CSS pour inopportunité des poursuites

145

152

119

224

640

 Procédure alternative réussie

855

947

794

879

3 475

 Composition pénale réussie

57

70

69

99

295

 Transmissions au juge d'instruction

80

119

302

170

671

 Transmissions au tribunal correctionnel

419

472

676

745

2 312

 Transmissions au juge pour enfant

3

11

30

49

93

 Source : Ministère de la Justice / SG / SDSE / fichier Cassiopée

 Champ : affaires de contrebande de tabac orientées au parquet entre 2015 et 2018
Parmi les 7 780 affaires de contentieux de contrebande de tabac orientées entre 2015 et 2018, 3 780 sont des affaires de nature douanière. Ces dernières impliquent 6 100 personnes. Parmi elles, 4 150 n'ont pas été poursuivies. En particulier, 2 350 ont vu leur affaire classée sans suite pour défaut d'élucidation, pour infraction non poursuivable ou pour inopportunité des poursuites tandis que 1 650 ont vu leur affaire classée après une procédure alternative et 150 ont fait l'objet d'une composition pénale réussie. En outre, 1 950 personnes impliquées dans ces délits ont été poursuivies entre 2015 et 2018, dont les deux-tiers (1337) devant un tribunal correctionnel.

 Tableau 2 : Auteurs dans les affaires de contrebande de tabac de nature douanière traités par les parquets entre 2015 et 2018 

 Type d'orientation 

2015

2016

2017

2018

 Ensemble de la période 

 Ensemble

1299

1425

1635

1713

6072

 CSS pour défaut d'élucidation 

14

46

31

29

120

 CSS pour infraction non poursuivable 

418

494

421

451

1784

 CSS pour inopportunité des poursuites 

89

98

77

160

424

 Procédure alternative réussie 

428

434

407

396

1665

 Composition pénale réussie 

25

36

37

45

143

 Transmissions au juge d'instruction 

75

93

251

152

571

 Transmissions au tribunal correctionnel 

248

222

399

468

1337

 Transmissions au juge pour enfant 

2

2

12

12

28

 Source : Ministère de la Justice / SG / SDSE / fichier Cassiopée 

 Champ : affaires de contrebande de tabac de nature douanière orientées au parquet entre 2015 et 2018 
2/ Jugements en première instance (1) : 1 200 personnes poursuivies pour un délit de contrebande du tabac ont été condamnées sur la période 2015-2018, dont 26 mineurs, hors jugements en cour d'assises. C'est nettement moins que les 2 400 personnes poursuivies devant un tribunal correctionnel ou auprès d'un juge pour enfants sur la même période. L'écart entre ces deux effectifs s'explique essentiellement par le fait que le contentieux lié au tabac est tendanciellement en hausse. Or, les condamnations observées à un moment T correspondent à des affaires poursuivies à une date antérieure, alors qu'elles étaient moins nombreuses qu'en T. Le décalage est d'autant plus important que la moitié des personnes poursuivies devant un tribunal correctionnel sur ce contentieux font l'objet d'une citation directe, qui est une procédure longue. Une part importante des personnes poursuivies en fin de période 2015-2018 n'ont donc pas encore été jugées.

Tableau 3 : Condamnations de contrebande de tabac en première instance entre 2015 et 2018

Année de jugement

Nombre de condamnations prononcées

Nombre de mineurs condamnés

2015

175

0

2016

253

1

2017

364

6

2018

430

19

Ensemble de la période 2015-2018

1 222

26

Source : Ministère de la Justice / SG / SDSE / fichier Cassiopée

Champ : jugements prononcées en tribunal correctionnel, tribunal pour enfant, auprès d'un juge pour enfant, tribunal correctionnel pour mineur, envers une personne poursuivie pour une infraction principale du contentieux de la contrebande du tabac entre 2015 et 2018.
Parmi les 1 200 personnes condamnées en 1re instance, près de 900 l'ont été à des peines d'emprisonnement, 300 exclusivement en ferme, et près de 600 avec du sursis. Près de 300 personnes ont été condamnées en peine principale à une amende, pour un total de 1,85 million d'euros, soit une moyenne de 6 950 euros par condamné.

Tableau 4 : Peines prononcées de contrebande de tabac en première instance entre 2015 et 2018

Année de jugement

Total peines d'emprisonnement fermes 

Total peines d'emprisonnement avec sursis

Total amendes infligées

2015

43

73

736 812

2016

72

109

427 345

2017

88

178

222 228

2018

93

228

462 759

Ensemble de la période 2015-2018

296

588

1 849 144

Source : Ministère de la Justice / SG / SDSE / fichier Cassiopée

Champ : jugements prononcées en tribunal correctionnel, tribunal pour enfant, auprès d'un juge pour enfant, tribunal correctionnel pour mineur, envers une personne poursuivie pour une infraction principale du contentieux de la contrebande du tabac, douanière ou non entre 2015 et 2018
Parmi les 940 personnes condamnées pour un délit de contrebande de tabac de nature douanière, près de 750 l'ont été à des peines d'emprisonnement, 260 exclusivement en ferme et près de 500 avec une partie sursis. Près de 200 personnes ont été condamnées en peine principale à une amende, pour un total de 1,76 million d'euros, soit une moyenne de 8 800 euros par condamné. Les amendes sont donc nettement plus élevées lorsque les délits sont de nature douanière.

Tableau 5 : Condamnations de contrebande de tabac de nature douanière en première instance entre 2015 et 2018

Année de jugement

Nombre de condamnations prononcées

Nombre de mineurs condamnés

2015

143

0

2016

191

0

2017

277

3

2018

327

7

Ensemble de la période

938

10

Source : Ministère de la Justice / SG / SDSE / fichier Cassiopée

Champ : jugements prononcées en tribunal correctionnel, tribunal pour enfant, auprès d'un juge pour enfant, tribunal correctionnel pour mineur, envers une personne poursuivie pour une infraction principale du contentieux de la contrebande du tabac, douanière ou non entre 2015 et 2018

Tableau 6 : Peines prononcées de contrebande de tabac de nature douanière en première instance entre 2015 et 2018

Année de jugement

Total peines d'emprisonnement fermes 

Total peines d'emprisonnement avec sursis

Total amendes infligées

2015

37

67

723 238

2016

59

90

417 395

2017

79

145

193 681

2018

83

184

430 159

Ensemble de la période 

258

486

1 764 473

Source : Ministère de la Justice / SG / SDSE / fichier Cassiopée

Champ : jugements prononcées en tribunal correctionnel, tribunal pour enfant, auprès d'un juge pour enfant, tribunal correctionnel pour mineur, envers une personne poursuivie pour une infraction principale du contentieux de la contrebande du tabac de nature douanière entre 2015 et 2018
[1] La source du casier judiciaire national qui contient les condamnations définitives n'a pas été utilisée dans la mesure où les données 2018 ne sont pas disponibles et celles sur 2017 sont encore provisoires. La source Cassiopée a été préférée, mais celle-ci ne fournit que les jugements en première instance.

- page 4796

Page mise à jour le