Question de Mme ASSASSI Éliane (Seine-Saint-Denis - CRCE) publiée le 16/05/2019

Mme Éliane Assassi demande à M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement, si le nombre de places d'hébergement du service intégré de l'accueil et de l'orientation (SIAO) de Seine-Saint-Denis va être pérennisé à hauteur de son voisin parisien. Durant la période hivernale, environ 15 000 places ont été créées sur tout le territoire français, parmi elles, 6 000 seront pérennisées, soit un ratio de 40 %.
L'Île-de-France a bénéficié de l'ouverture d'environ 6 000 places, dont 2 200 seront pérennisées, soit 37 %. Néanmoins, 1 400 places ont d'ores et déjà été fléchées pour Paris, soit un ratio de 54 % de pérennisation de places pour ce département (2 600 places ouvertes durant l'hiver). Ainsi, le reste de l'Île-de-France ne bénéficierait que de 800 places à se répartir, soit un taux global de pérennisation de 17,4 %. Or d'après les estimations du SIAO de Seine-Saint-Denis, le nombre de places nécessaires en plus pour pourvoir à toutes les demandes de mises à l'abri serait d'un peu plus de mille.
Ainsi, elle lui demande si la création de places (en lieu et place de la pérennisation de places qui n'ont pas été ouvertes en quantité suffisante cet hiver), à la hauteur des pérennisations de son voisin parisien a été étudiée et si elle sera mise en œuvre.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 05/06/2019

Réponse apportée en séance publique le 04/06/2019

Mme Éliane Assassi. Madame la ministre, en avril dernier, je suis allée visiter les locaux d'Interlogement 93, dont dépend le service intégré de l'accueil et de l'orientation – ou SIAO – de la Seine-Saint-Denis. J'ai été témoin de la détresse à la fois des personnes qui attendent des heures au téléphone pour s'entendre dire qu'il n'y aura pas de place de mise à l'abri – y compris pour des femmes enceintes –, mais aussi de celles et de ceux qu'on appelle les répondants, et qui opposent donc des refus tout au long de la journée.

Pour la première fois durant la dernière période hivernale, y compris dans les grands froids, le 115 de la Seine-Saint-Denis n'a pas pu couvrir toutes les demandes de mise à l'abri, malgré des renforts hivernaux.

Depuis le début du gel des places hivernales, le 115 enregistre quotidiennement 400 demandes non pourvues, dont 50 % émanent d'enfants.

M. le ministre Denormandie avait annoncé un programme de pérennisation de places hivernales en mars dernier. Nous avons appris le 10 mai que seules 157 places seront mises à disposition du SIAO 93. Or, d'après les estimations, il en faudrait plus de mille ! Nous sommes particulièrement surpris, pour ne pas dire révoltés, du sort réservé à notre département et, surtout, aux sans-abri.

Le ratio de pérennisation s'établit à vingt points de moins que le ratio national et francilien ; l'égalité républicaine est ici écornée. Clairement, le Gouvernement refuse de prendre ses responsabilités en matière d'hébergement et, de facto, ces difficultés seront reportées sur les collectivités locales et les services déconcentrés, déjà surchargés.

Les personnes en grande détresse s'abriteront – elles le font déjà, d'ailleurs – dans des hôpitaux, dans des commissariats, aux urgences hospitalières, dans les parkings, dans les entrées d'immeubles. Malheureusement, elles ne disparaîtront pas. Limiter les places ne limitera pas le nombre de personnes sans abri !

Madame la ministre, alors que le Premier ministre s'est engagé dans un travail de fond pour l'égalité républicaine en Seine-Saint-Denis, que proposez-vous ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Assassi, votre question souligne les efforts réalisés par l'État pour les publics sans domicile, même si vous considérez que ceux-ci sont insuffisants. La mise à l'abri des plus démunis est en effet un enjeu de solidarité nationale. Des milliers de gens dorment encore dans la rue et, tant que ce sera le cas, l'action conduite par le Gouvernement devra se poursuivre.

Face à cette réalité, le Gouvernement agit à la fois avec humilité et détermination afin qu'une solution adaptée soit trouvée pour tout le monde.

Jamais autant de moyens n'ont été consacrés à l'hébergement d'urgence : 2 milliards d'euros. Tout à la fois, cela traduit la réalité de l'importance des besoins, que vous avez soulignée, mais cela signifie aussi qu'avec les 6 000 places pérennisées à la sortie de l'hiver, l'État finance et gère avec les associations 145 000 places en moyenne, soit autant de femmes, d'hommes et d'enfants qui ne dorment pas dehors.

Parmi les 6 000 places au niveau national, près de 160 ont été pérennisées en Seine-Saint-Denis. Ces places s'ajoutent aux places pérennisées l'hiver dernier. Ce sont ainsi quasiment 500 places qui ont été pérennisées en deux ans.

Vous soulignez que le nombre de places pérennisées à Paris est supérieur, avec 1 076 places – et non 1 400 comme vous l'avez évoqué. Mais le taux de places pérennisées par rapport au nombre de places demandées par les services déconcentrés est le même à Paris qu'en Seine Saint-Denis : il est de 76 %.

Le ministre de la ville et du logement, Julien Denormandie, est très attentif aux enjeux de répartition territoriale des places d'hébergement : il s'agit de ne pas concentrer la misère dans les endroits les plus en difficulté.

C'est en ce sens, par exemple, que, lors de la campagne hivernale, le Gouvernement a choisi d'ouvrir des sites en plein cœur du VIIe arrondissement de Paris, dans des locaux appartenant au ministère du logement et au ministère des armées.

En Seine-Saint-Denis, le taux d'équipement en places d'hébergement est de 9,6 places, tous hébergements confondus, pour 1 000 habitants. Celui-ci est largement supérieur au taux d'équipement régional, qui est de 6,9. La stratégie régionale de pérennisation des places hivernales vise à réduire ces déséquilibres territoriaux.

C'est d'ailleurs la même stratégie qui a été appliquée dans le cadre de la gestion des réservations des nuitées hôtelières. En effet, les SIAO réservent des nuitées hôtelières en dehors de leur département d'implantation, ce qui a conduit à une surmobilisation de certains territoires, notamment celui de la Seine-Saint-Denis.

Les objectifs du plan Hôtel 2015-2017 en termes de localisation ont ainsi permis un desserrement de la réservation hôtelière sur le territoire de la Seine-Saint-Denis par les autres SIAO franciliens.

Vous le constatez, madame la sénatrice, l'action du Gouvernement vise à la fois la satisfaction des besoins et la réduction des déséquilibres territoriaux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour la réplique.

Mme Éliane Assassi. Madame la garde des sceaux, ma question porte malheureusement sur une réalité, et il faut des actes plus forts que ce qui a été fait peut-être ces derniers temps. Je ne suis pas la seule à le dire : je suis accompagnée aujourd'hui d'agents du SIAO 93, qui vivent avec grande détresse le fait d'être obligés de refuser des places à des centaines de personnes dans mon département.

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