Question de Mme NOËL Sylviane (Haute-Savoie - Les Républicains) publiée le 27/06/2019

Mme Sylviane Noël attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur la nécessité de reconnaître un droit à la différenciation tarifaire du prix de l'eau pour les intercommunalités.

En confiant les compétences d'eau potable et d'assainissement aux intercommunalités d'ici le 1er janvier 2020, la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite NOTRe) a accéléré un mouvement déjà engagé dans les territoires. Cette intercommunalisation des compétences eau et assainissement va donner lieu à l'application provisoire de tarifs différents de ceux antérieurement fixés par les communes.

Actuellement, nombre de ces intercommunalités rencontrent de grandes difficultés pour mener à bien cette harmonisation tarifaire « dans un délai raisonnable », tant les disparités entre les communes sont grandes. En effet, les dispositions réglementaires en matière d'eau potable ne permettent pas, à ce jour, suffisamment de souplesse pour trouver des alternatives à la mise en place d'un tarif commun immédiat, et ce malgré les travaux de fusion en cours sur cette compétence sensible. De plus, les usagers restent particulièrement sensibles au prix de l'eau qui leur sera appliqué.

Par ailleurs, cette question de l'harmonisation tarifaire est également liée à celle de l'harmonisation des modes de gestion des services publics repris par les intercommunalités. Bien qu'il soit théoriquement possible de faire coexister plusieurs modes de gestion d'un même service public, l'harmonisation de ces modes de gestion doit être privilégiée pour parvenir à une gestion homogène du service et de ses tarifs, sur l'ensemble du territoire intercommunal.

Or, un tel dispositif existe pour l'assainissement alors qu'il n'est pour l'instant que « toléré » en matière d'eau, selon les préfectures, et en s'appuyant sur des éléments jurisprudentiels.
Aussi, comme cela se pratique déjà dans l'exercice de la compétence de collecte des ordures ménagères avec le lissage de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, il serait opportun de permettre, a minima, de reconnaître la possibilité à ces intercommunalités de recourir à un lissage du prix de l'eau.

Cela permettrait d'introduire un droit à la différenciation tarifaire, non pas seulement en raison d'un mode de gestion différencié de la compétence, mais aussi en raison de motivations techniques objectives démontrées (exemple : réseau non maillé avec modalités de production de l'eau potable sensiblement différente et au coût de production différent).

Chaque intercommunalité a des spécificités qui lui sont propres (modes de production de l'eau, mode de traitement, coût de production) et dont il faut tenir compte pour réussir au mieux ce transfert de compétence.

De toute évidence, la reconnaissance juridique de cette différenciation tarifaire et de cette possibilité de recourir au lissage, apporterait à ces intercommunalités, la souplesse et les outils attendus et indispensables à la réussite de leur transfert de la gestion de l'eau et à l'harmonisation de leurs modes de gestion.

Elle souhaiterait donc connaître les intentions du Gouvernement en ce domaine et aimerait savoir si des dispositions seront prises prochainement pour proposer cette possibilité de lissage et de différenciation tarifaire à ces intercommunalités s'agissant des tarifs de l'eau potable.

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Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales publiée le 09/01/2020

Le transfert des compétences « eau » et « assainissement » ne se traduira pas nécessairement par une harmonisation immédiate de la tarification et des modes de gestion au sein d'un même établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, même si une convergence tarifaire doit être recherchée à terme au sein de l'intercommunalité, afin de respecter le principe d'égalité de traitement des usagers devant le service public. La constitution d'un EPCI implique une harmonisation des conditions de gestion, des tarifs et redevances du service public exercée à son échelle. Pour autant aucune disposition du code général des collectivités territoriales (CGCT) n'en fixe le terme. Par ailleurs, des aménagements à ce principe sont possibles, dans le respect de certaines conditions. Il convient de distinguer deux phases : jusqu'à échéance des contrats en cours : en vertu de l'article L. 5211-17 du CGCT, « l'établissement public de coopération intercommunale est substitué de plein droit, à la date du transfert de compétences, aux communes qui le composent dans toutes leurs délibérations et tous leurs actes ». Ce même article précise également que « les contrats sont exécutés dans les conditions antérieures jusqu'à leur échéance, sauf accord contraire des parties ».L'EPCI à fiscalité propre se trouve donc, du fait du transfert des compétences, lié par les contrats éventuellement souscrits dans les domaines des compétences transférées. Aussi, la multiplicité des conditions initiales d'exécution entraîne nécessairement, au stade du transfert de la compétence, une disparité des prix sur le territoire communautaire. Rien n'interdit cependant aux parties aux contrats en cause, si elles le souhaitent, d'engager des discussions en vue d'une modification négociée des clauses, dans les limites inhérentes aux avenants ; à échéance des contrats : L'EPCI à fiscalité propre doit dans un second temps harmoniser les contrats et tendre vers une convergence des tarifs. Le principe d'égalité des usagers devant le service public impose au service de traiter les usagers sur un pied d'égalité, sans discrimination, dans la mesure où les usagers se situent dans des situations comparables au regard du service. Ce principe garantit l'égalité d'accès au service et l'égalité de traitement, notamment tarifaire. En application de ce principe, le Conseil d'État a admis de longue date que la fixation de tarifs différents applicables pour un même service rendu à diverses catégories d'usagers d'un service public implique, à moins qu'elle ne soit la conséquence nécessaire d'une loi, soit qu'il existe entre les usagers des différences de situation appréciables en relation directe avec le service assuré ou lié à des sujétions imposées ou subies par l'usager du service, soit qu'une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service ou de l'ouvrage commande cette mesure (CE, section, 10 mai 1974, Denoyez et Chorques). La différence de situation qui justifie l'établissement de règles différentes doit être en relation directe avec le service assuré ou liée à des sujétions imposées ou subies par l'usager du service. Ainsi, une commune ne peut instituer de tarifs différents à raison du lieu de résidence des usagers dans la mesure où le financement de ce service est assuré non par le contribuable mais par l'usager (CAA Lyon, 13 avril 2000, Commune Saint-Sorlin). En revanche, dans une commune desservie par deux réseaux d'adduction d'eau potable, des tarifs différenciés peuvent être établis compte tenu des caractéristiques différentes de chacun des réseaux (configuration topographique nécessitant des installations spécifiques sur l'un d'eux tels que des suppresseurs et eu égard à la vocation touristique plus marquée de l'une des parties de la commune qui engendre d'importantes fluctuations de population) (CE, 26 juillet 1996, Association Narbonne Libertés). Le cadre juridique actuel garantit donc aux acteurs locaux une certaine souplesse de gestion en matière budgétaire et tarifaire de façon à prendre en compte la réalité des situations locales dans l'exercice de ces compétences.

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