Question de M. TEMAL Rachid (Val-d'Oise - SOCR) publiée le 25/07/2019

M. Rachid Temal interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, au sujet des conditions de financement de notre démocratie.
Les élections européennes du 26 mai 2019 ayant mis en lumière de nombreuses difficultés de financement du système démocratique français, il aimerait savoir quelles dispositions sont prévues, notamment dans le cadre des lois organique n° 2017-1338 et n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique pour pallier celles-ci.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'intérieur publiée le 15/01/2020

Réponse apportée en séance publique le 14/01/2020

M. Rachid Temal. Notre démocratie repose sur une promesse d'égalité – un citoyen, une voix –, mais cette promesse s'estompe.

En effet, monsieur le secrétaire d'État, qui décide du contenu du débat démocratique dans notre pays ? Les citoyens ? Les médias ? Ou bien encore les partis ? En tout cas, nul ne penserait aux banques… Pourtant, ce sont elles qui tiennent entre leurs mains les clés du financement de nos campagnes électorales ; ce sont elles qui décident de notre avenir, sans jamais se présenter à une élection.

Le gouvernement auquel vous appartenez avait pourtant pris une bonne initiative avec la création, au travers de la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, d'une banque publique de la démocratie ; mais, depuis lors, ni son ni image !

J'ai donc interrogé, en juillet 2018, la garde des sceaux sur ce sujet. Elle m'indiqua en retour que la « condition de “défaillance de marché” posée par le législateur ne paraissait pas caractériser la situation actuelle ». Pourtant, lors de la campagne pour les élections européennes, voilà quelques mois, il ne s'est pas passé une semaine sans qu'une liste ne fasse part de ses difficultés à trouver des financements ou ne lance une souscription.

Monsieur le secrétaire d'État, notre démocratie a besoin de pluralisme et les carences sont bien réelles. La banque publique de la démocratie doit devenir une réalité, utile non aux seuls partis, mais bien à notre démocratie. Les pistes sont nombreuses et les formes peuvent varier, s'articulant autour d'outils connus de tous ; je pense à la Caisse des dépôts et consignations ou à la Banque publique d'investissement.

Monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures concrètes le Gouvernement compte-t-il prendre pour faire aboutir cette belle promesse de la banque publique de la démocratie ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique a institué un médiateur du crédit afin de favoriser le pluralisme politique par la facilitation de son financement. Ce médiateur a pour mission de contribuer à rapprocher les candidats, partis et groupements politiques et les banques.

Dans son rapport rendu le 30 septembre dernier, à la suite des élections européennes du 26 mai 2019, le médiateur n'a pas relevé de difficultés systémiques, corroborant ainsi l'analyse menée en 2017 par l'inspection générale des finances et l'inspection générale de l'administration.

Toutefois, ce rapport a mis en lumière que, sur les trente-quatre listes de candidats aux élections européennes, huit ont été confrontées à des difficultés pour obtenir l'ouverture d'un compte bancaire, alors même que le législateur garantit un droit au compte, tandis que neuf partis ont essuyé un refus de prêt bancaire.

Ces chiffres révèlent une situation perfectible et le médiateur a fait plusieurs propositions de nature à la faire évoluer. Il appelle notamment à la réduction des délais pour les ouvertures de comptes bancaires, pour la délivrance des moyens de paiement et pour l'instruction des demandes de prêt.

À l'inverse, il est important que les candidats et les partis connaissent mieux les critères et exigences des établissements bancaires. Le site internet de la médiation, en cours de construction, devrait faciliter l'information sur les dispositifs en vigueur ou en cours de mise en place.

Au-delà de ces actions de sensibilisation, le médiateur a fait plusieurs recommandations visant à élargir l'accès de tous les candidats à la propagande, ce qui passe notamment par un surcroît de dématérialisation.

Par ailleurs, le rapport du 30 septembre 2019 met l'accent sur la nécessité, pour les candidats et les partis politiques, de recourir aux autres modalités de financement qui leur sont ouvertes, au-delà des aides publiques : appels aux dons de sympathisants et militants, emprunts auprès des partis et, désormais, auprès des particuliers. Cette dernière modalité a d'ailleurs été largement mise en œuvre lors des récentes élections européennes.

De même, en application de la loi du 2 décembre dernier, qui entrera en vigueur le 30 juin 2020, les partis et candidats pourront recueillir des fonds via un financement participatif.

Mme la présidente. La parole est à M. Rachid Temal, pour la réplique.

M. Rachid Temal. Monsieur le secrétaire d'État, vous nous dites que, finalement, il n'y a pas de difficultés, tout en admettant que neuf listes en ont connu pour accéder à un financement… Nous savons tous ici combien il est difficile d'obtenir un prêt bancaire pour financer une campagne ; on le voit notamment à l'approche des élections municipales.

Il faut donc agir ! Monsieur le secrétaire d'État, votre réponse m'inquiète d'autant plus qu'elle renvoie à d'autres sources de financement, les banques n'ayant aucune obligation. Je considère pour ma part qu'il revient à l'État de mettre en place la banque publique de la démocratie – c'était d'ailleurs le sens de l'article 30 de la loi du 15 septembre 2017 –, de sorte que chaque Français puisse être candidat à une élection. Sans cela, c'est encore une fois l'argent qui décide de qui peut ou non être candidat dans notre démocratie ; c'est très grave.

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