Question de Mme HARRIBEY Laurence (Gironde - SOCR) publiée le 11/07/2019

Mme Laurence Harribey attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'application de l'instruction ministérielle numéro INTK1804913J du 15 mai 2018 relative à l'indemnisation des services d'ordre à l'occasion d'événements sportifs ou culturels.
Censée « clarifier les critères et les conditions de l'indemnisation et instaurer un processus d'échanges préalables avec les organisateurs d'événements », cette instruction se heurte à l'opposition virulente des organisateurs de festivals. Les principales organisations syndicales, telles que l'union française des métiers de l'événement (UNIMEV), le SMA (syndicat des musiques actuelles) et le syndicat national du spectacle musical et de variété (PRODISS), ont demandé son annulation par recours gracieux, et les deux dernières ont déposé le 7 novembre 2018 une requête devant le Conseil d'État (numéro de dossier 425266), toujours en examen à l'heure actuelle.
Les organisateurs de festivals estiment en effet que les dépenses de sécurité dans « le périmètre missionnel » défini par la circulaire restent dans le champ des missions régaliennes, qui doivent être assumées par l'État. Ils rappellent également qu'ils déploient déjà des services de sécurité privés conséquents et croissants (+19% de dépenses entre 2015 et 2018) pour assurer l'accueil du public et la sécurité sur les événements. De ce fait, ils s'inquiètent des effets de cette instruction, qui pourrait selon eux mettre en danger la pérennité de nombreux festivals, mais également entraîner « une dégradation des conditions d'accueil des festivaliers » et « un renforcement des déséquilibres territoriaux ».
Un autre motif de grief concerne le côté unilatéral de l'appréciation des forces de l'ordre nécessaires à déployer sur les festivals par les services de la gendarmerie ou de la police, selon le cas, sans que les organisateurs puissent valider ces propositions. Ainsi, les devis présentés ne sont aucunement le fruit de concertations entre les forces de l'ordre et les organisateurs, entraînant de ce fait une contestation nourrie.
Ainsi, les organisateurs du festival Reggae Sun Ska, organisé en Gironde depuis 1998, se sont vu adresser un devis de gendarmerie à hauteur de 54 251€, avant d'en recevoir un second quelques semaines plus tard, revu à la baisse (22 042€). Cette baisse n'est pas issue d'une négociation, mais d'une erreur dans le premier devis, certaines missions prises en compte originellement n'entrant pas dans le champ missionnel tel que décrit par l'instruction ministérielle. Comment de telles erreurs, de l'ordre de 30 000 €, peuvent-elles avoir lieu ? Comment se fait-il que les organisateurs ne soient pas conviés à des réunions de concertation pour établir ces devis ?
A noter également que plus de 90 festivals se sont notamment engagés à ne pas signer la convention relative à cette instruction pour l'organisation de leur événement en 2019, ce qui laisse présager des risques réels quant à la sécurité des abords des événements.
Elle lui demande donc ce que le Gouvernement entend faire pour sortir de cette impasse sans mettre en péril les festivals indépendants, qui sont source de lien social, de maillage territorial, mais également de retombées économiques et d'attractivité pour les territoires.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 26/12/2019

Le remboursement des prestations assurées par les forces de sécurité intérieure au bénéfice de tiers est un principe prévu par la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité. Ainsi l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure dispose que ces services d'ordres « qui ne peuvent être rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de maintien de l'ordre » doivent être remboursés à l'État. Le périmètre et les éléments de tarification furent dès lors précisés dans divers textes règlementaires, instructions et circulaires, pour rendre leur application juste, équitable et raisonnée. Aussi, l'instruction ministérielle du 15 mai 2018 ne s'écarte pas de ces objectifs et n'introduit aucune pratique nouvelle. Le périmètre des missions facturables n'a pas été modifié dans le cadre de ce texte. Il reste stable et identique à celui défini par la précédente circulaire du 8 novembre 2010 : gestion des flux de population ou de circulation motorisée, constitution de dispositifs de gestion des flux sur la voie publique, mise en place de missions de sécurisation et de surveillance (patrouilles dynamiques, surveillance des caisses et des tribunes, inspection des tribunes et des parties communes, gardes statiques, etc.), activation du poste de police, mise à disposition de moyens de surveillance aérienne (aéronefs, drones), prestations d'escorte réalisées à la demande des organisateurs, etc. De même, les éléments de tarification n'ont pas été modifiés. Ils demeurent transparents. À cet égard, il est aisé de constater que les services d'ordres indemnisés ne génèrent aucun « bénéfice » pour l'État. Le coût réellement supporté par le contribuable n'est que partiellement compensé par la facturation. En revanche, l'instruction prévoit que des échanges entre les services de l'État et l'organisateur se tiennent très en amont. Il s'agit de modalités nouvelles appliquées à la phase d'élaboration des conventions entre l'Etat et les organisateurs, qui doivent permettre de définir de manière concertée, le périmètre des missions qui seront assurées sous convention. Cette culture de la concertation doit toutefois s'ancrer dans les pratiques. Malgré le caractère récent de cette circulaire, il est impératif dans le contexte de menace persistante que nous connaissons, de renforcer les mesures de concertation, de dialogue et de pédagogie dans le processus de facturation des services d'ordres indemnisés. C'est dans cet esprit que les ministres de l'intérieur et de la culture ont rappelé en juillet 2018 dans un communiqué de presse commun, la nécessité de prendre en compte les équilibres économiques de ces évènements. C'est aussi dans cet esprit que le Gouvernement, conscient des difficultés que rencontrent certains lieux ou évènements culturels face à l'accroissement des charges de sûreté, reconduit en 2020 le fonds de sécurisation des sites et évènements culturels, qui remplace depuis 2016 le fonds d'urgence. Doté de 2 M€, il doit permettre d'aider les entreprises du spectacle vivant et de presse à surmonter les surcoûts de contrôle et de sécurité rencontrés du fait de la menace terroriste ainsi qu'à améliorer les dispositifs de sécurité d'accueil du public. Concernant le festival Reggae Sun Ska qui se déroule au mois d'août en Gironde, le montant facturé en 2019, de 22 000 €, correspond à la juste définition des missions qui entrent dans le périmètre des services d'ordre indemnisés.

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