Question de Mme GRUNY Pascale (Aisne - Les Républicains) publiée le 10/10/2019

Question posée en séance publique le 09/10/2019

Mme Pascale Gruny. Monsieur le ministre de l'agriculture, depuis quinze jours, les agriculteurs subissent de plein fouet les conséquences de l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen.

En Normandie et en Picardie, plus de 900 exploitations agricoles sont à l'arrêt. Près de 700 000 litres de lait sont détruits chaque jour, pour un manque à gagner déjà supérieur à 3 millions d'euros.

Les agriculteurs attendent avec impatience et appréhension les résultats des analyses des suies retombées sur les sols. Vous les annoncez pour la fin de semaine, mais pour eux, chaque jour qui passe est un jour de trop !

Plus grave encore, à ce jour, pas un centime ne leur a été versé. Vous comptez faire payer le pollueur, mais en attendant, c'est à la solidarité nationale de prendre le relais.

Monsieur le ministre, cette nouvelle crise intervient alors même que les agriculteurs sont descendus dans la rue, hier, pour crier leur détresse. Au vu des efforts considérables qu'ils ont consentis depuis trente ans pour bâtir une agriculture durable et de qualité, l'agri-bashing qu'ils subissent est insupportable. Ajoutons-y la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable, dite loi Égalim, qui n'a rien changé à leur situation, vos tergiversations à Bruxelles, qui font craindre pour l'avenir de la PAC, et l'inquiétude dans laquelle vous les avez plongés en signant l'Accord économique et commercial global avec le Canada, ou CETA.

Alors, monsieur le ministre, au vu de tous ces faits, je vous pose cette question simple : y a-t-il quelqu'un dans ce gouvernement qui défende encore nos agriculteurs et qui croie encore en l'agriculture française ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)


Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 10/10/2019

Réponse apportée en séance publique le 09/10/2019

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Madame la sénatrice Gruny, avant de vous répondre précisément, je veux faire une remarque : je crois vraiment que, quand il est question d'agriculture, il faudrait aussi en parler de façon positive, plutôt que de ne parler que de ce qui ne va pas ; ce n'est pas ainsi que nous réussirons ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Paul Émorine. C'est une réalité !

M. Didier Guillaume, ministre. Certes, il y a une réalité ; c'est pourquoi je m'apprête à répondre à la question de Mme Gruny. Cela dit, ce n'est pas en criant avec les loups qu'on règle les problèmes, mais en travaillant sur le terrain. (Protestations.)

C'est la raison pour laquelle, concrètement, le Gouvernement s'est mobilisé immédiatement, avec l'usine Lubrizol, dans une transparence totale. Les agriculteurs ne sont pas responsables de la situation ; ce sont des victimes et c'est en tant que tels qu'ils doivent être indemnisés à 100 % : tel est l'engagement que nous avons pris.

Pour ce faire, premièrement, hier après-midi, les dirigeants de Lubrizol étaient au ministère de l'agriculture et de l'alimentation ; ils ont annoncé qu'ils allaient faire des avances directes aux agriculteurs.

Deuxièmement, concernant la filière laitière, les choses sont déjà claires, comme vous le savez. Nous avons travaillé avec le Cniel, le Centre national interprofessionnel de l'économie laitière : il prendra le relais de ces avances. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Vous savez très bien que l'État ne peut pas verser des chèques à chaque agriculteur tous les jours ! C'est pourquoi les avances vont être faites de la sorte. Nous en sommes convenus avec l'association interprofessionnelle et le président de la chambre d'agriculture. Les choses avancent : le Cniel va faire les avances aux producteurs de lait. On détruit chaque jour pour 400 000 euros de lait ! Vous pensez bien que, plus on ira vite, moins il y aura besoin de dépenser.

Concernant les autres filières agricoles touchées et, notamment, l'arboriculture, nous avons travaillé hier après-midi avec le président de la chambre d'agriculture. Le Premier ministre a demandé à Mme Borne, Mme Buzyn et moi-même d'être présents vendredi. Une cellule de crise se réunit quotidiennement, et nous mettons en place une commission de transparence et de vigilance.

Je l'ai redit hier : tout sera fait le plus rapidement possible pour que les agriculteurs soient indemnisés. J'ai également affirmé, au nom du Gouvernement, qu'il serait inimaginable qu'un seul agriculteur mette la clé sous la porte parce qu'il n'aurait pas eu la trésorerie nécessaire pour surmonter cette crise. Nous ne laisserons pas faire cela : les agriculteurs sont victimes, ils ne sont pas responsables ! (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.

Mme Pascale Gruny. Nous ne crions pas avec les loups ! Vous avez bien vu, monsieur le ministre, que de toutes nos travées vous sont parvenues des questions relatives à l'agriculture. Il y a le feu !

Chez nous, une crise particulière s'ajoute à la crise générale. Certes, l'interprofessionnelle laitière procédera aux avances, mais ce n'est pas normal.

Je veux encore relayer une question que les agriculteurs se posent. On nous dit que l'usine paiera. Or c'est en vertu du principe de précaution que vous nous avez ordonné d'arrêter les cultures…

M. Didier Guillaume, ministre. Pour la santé des gens !

Mme Pascale Gruny. Mais si le nuage n'est pas toxique, qui paiera ? Est-ce l'État ? En tout cas, cela ne doit pas être les agriculteurs, et ce n'est pas le rôle des instances interprofessionnelles que d'assumer la charge de ces crises.

Beaucoup d'angoisse s'exprime sur tous ces sujets. Je vous le dis sincèrement : certes, il y a des réunions et des rencontres,…

M. le président. Il faut conclure !

Mme Pascale Gruny. … mais les agriculteurs n'ont pas confiance en vous, monsieur le ministre, parce qu'ils veulent des actes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean Bizet. Très bien !

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