Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 05/12/2019

M. Jean Louis Masson attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le fait qu'une décision récente du Conseil constitutionnel a estimé que l'instauration d'un seuil de 5 % des suffrages pour permettre à une liste d'obtenir des sièges aux élections européennes était justifiée par le souci d'éviter un émiettement de la représentation. Il semble donc a contrario que ce seuil de 5 % devienne une référence, un mode de scrutin plus restrictif ne pouvant être alors justifié que dans le but de garantir la création d'une majorité de gestion. Or pour les élections régionales et pour les élections municipales, les scrutins actuels attribuent une prime majoritaire à la liste arrivée en tête, ce qui garantit une majorité de gestion. Par contre, ces deux modes de scrutin prévoient un seuil éliminatoire au premier tour fixé à 10 % des exprimés en deçà duquel les listes concernées ne peuvent pas se présenter au second tour et sont donc éliminées, sauf si elles acceptent de fusionner avec une liste plus importante avec pour corollaire la perte de leur identité idéologique. Pour ces deux scrutins, le seuil de 10 % ne peut donc être justifié ni par la recherche d'une majorité de gestion, ni par la volonté d'éviter un émiettement car selon le Conseil constitutionnel, la référence est alors de l'ordre de 5 % des suffrages exprimés. Il lui demande donc s'il serait envisageable que pour les élections municipales et régionales à la proportionnelle avec prime majoritaire, le seuil d'élimination des listes candidates au premier tour soit ramené de 10 % à 5 %.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 11/06/2020

Dans sa décision n° 2019-811 QPC en date du 25 octobre 2019 le Conseil constitutionnel a confirmé que l'établissement d'un seuil de 5 % des suffrages exprimés comme condition pour accéder à la répartition des sièges lors de l'élection en France des représentants au Parlement européen était conforme à la Constitution. Ce faisant, le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé en opportunité politique. Il s'est borné à préciser que ce seuil de 5 % était conforme aux règles constitutionnelles :« 11. En second lieu, l'article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Il ne lui appartient donc pas de rechercher si l'objectif que s'est assigné le législateur aurait pu être atteint par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif poursuivi. 12. Il résulte de ce qui précède que, en fixant à 5 % des suffrages exprimés le seuil d'accès à la répartition des sièges au Parlement européen, le législateur a retenu des modalités qui n'affectent pas l'égalité devant le suffrage dans une mesure disproportionnée et qui ne portent pas une atteinte excessive au pluralisme des courants d'idées et d'opinions. ». En outre, le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion de se prononcer sur l'existence d'un seuil de 10 % des suffrages exprimés pour participer au second tour d'un scrutin de liste à répartition proportionnelle, sans qu'il n'ait jamais soulevé de question d'inconstitutionnalité. Ainsi, dans sa décision n° 82-146 DC du 18 novembre 1982, relative à la loi modifiant le code électoral et le code des communes et relative à l'élection des conseillers municipaux et aux conditions d'inscription des Français établis hors de France sur les listes électorales, il n'a pas soulevé d'office de question de conformité à la Constitution, alors que cette loi introduisait à l'article L. 264 du code électoral un seuil d'accès au second tour des élections municipales de 10% des suffrages exprimés. L'établissement d'un seuil de 10 % des suffrages exprimés pour se maintenir au second tour lors des scrutins de liste à répartition proportionnelle avec prime majoritaire permet de concilier les objectifs de constitution d'une majorité stable, d'évitement de la dispersion des voix et de respect de la pluralité des opinions, garantie par la Constitution. Le Gouvernement n'envisage donc pas, à ce jour, de modifier ce seuil fixé par la loi.

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