Question de Mme HARRIBEY Laurence (Gironde - SOCR) publiée le 26/12/2019

Mme Laurence Harribey attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les inquiétudes liées à la réorganisation de la Miviludes (mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires).

La Miviludes est une mission interministérielle instituée auprès du Premier ministre par décret n° 2002-1392 du 28 novembre 2002, son action consiste à observer et à analyser les phénomènes sectaires, à coordonner l'action préventive et répressive des pouvoirs publics à l'encontre des mouvements sectaires, à informer le public sur les risques et les dangers auxquels les mouvements sectaires les exposent. En 2020, elle doit fusionner avec le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR). Ce comité est rattaché au ministère de l'intérieur, contrairement à la Miviludes, rattachée au Premier ministre.

La fin du rattachement aux services du Premier ministre signifie la perte évidente du caractère interministériel de la mission, pourtant indispensable, pour lui permettre de travailler dans de bonnes conditions puisque les pratiques sectaires couvrent, malheureusement, de très nombreux domaines : éducation, santé, sport… Par ailleurs, le « rapprochement » avec le SG-CIPDR fait légitimement craindre que les dérives sectaires ne soient désormais plus observées que sous l'angle de la radicalisation. Cette fusion risque de conduire à l'abandon des missions spécifiques conduites par la Miviludes au profit de la seule lutte contre la radicalisation islamiste, priorité du ministère de l'intérieur et du Président de la République.

De plus, l'heure n'est pas à la confiance envers le Gouvernement pour mener cette réorganisation au regard du désintérêt manifeste dont il fait preuve vis-à-vis de son objet de lutte : les sectes. À ce titre, la suppression du groupe « sectes » à l'Assemblée nationale ou encore la baisse des crédits affectés aux associations, renforcent cette impression. Déjà en 2017, la Cour des comptes publiait un rapport indiquant que les ressources budgétaires de la mission, au demeurant modestes, avaient été sensiblement réduites. Par ailleurs après son départ, l'ancien Président de la Miviludes n'a jamais été remplacé. Pourtant, le nombre de signalements en 2018 auprès de la Miviludes parle de lui-même : plus de 500 groupes sectaires et 500 000 adeptes dont 80 000 enfants sont aujourd'hui touchés par les phénomènes sectaires, constituant une menace bien actuelle pour notre société.

Au niveau des moyens humains le constat est similaire : un quart des effectifs de la Miviludes seront supprimés en 2020. Par ailleurs, le site internet de la Miviludes serait également menacé ; or ce site constitue le canal de contact privilégié des victimes. Plus inquiétante encore, est la nouvelle véhiculée par un proche de la Miviludes dans le journal Marianne : la destruction programmée de vingt-trois années d'archives. Nul besoin de disserter sur l'importance de ces archives qui constituent souvent la seule source de données aux policiers spécialisés dans la lutte antisecte. Ce serait un véritable gâchis ! Un gâchis également au regard des informations extrêmement précieuses pour comprendre la genèse et la propagation des mouvements sectaires en France.

Elle demande au Gouvernement d'apporter des garanties solides sur la continuité du combat contre les dérives sectaires et de conserver les archives et le site internet de la Miviludes.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 12/03/2020

La Cour des comptes avait, dès 2017, recommandé le rattachement de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) au ministère de l'intérieur pour permettre d'en renforcer le caractère opérationnel. Le Gouvernement a décidé de rattacher la MIVILUDES au ministère de l'intérieur. Ce nouveau rattachement fonctionnel s'explique par trois raisons principales : en premier lieu, la MIVILUDES pourra exercer ses missions en pleine articulation avec le SG CIPDR : les champs d'intervention de ces deux organismes ne se recouvrent pas totalement mais ils ont pour important point commun la lutte contre les nouvelles formes de radicalité et certains phénomènes d'emprise et d'enfermement ; parallèlement, le ministère de l'intérieur a, traditionnellement, une vocation d'animation interministérielle dans ses champs de compétence. Cette nouvelle organisation ne compromet pas, au contraire, la bonne prise en compte de la variété des problématiques liées aux dérives sectaires ; enfin, il est de bonne administration que l'action publique relève des ministères : cela permet au Premier ministre et à ses services de se concentrer sur leur rôle d'impulsion, de coordination et d'arbitrage. La coopération étroite avec les associations qui œuvrent depuis longtemps au soutien des victimes de dérives sectaires sera bien évidemment maintenue et à aucun moment il n'est question d'abaisser le niveau de vigilance (y compris sur l'anthroposophie) et de réaction des acteurs de la MIVILUDES ni de supprimer la remise de son rapport annuel. La MIVILUDES continuera d'assurer son travail de recueil des signalements et d'identification de réponses appropriées. L'article D. 132-1 du code de la sécurité intérieure (CSI) dispose que « le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) est présidé par le Premier ministre ou, par délégation, par le ministre de l'intérieur ». Y rattacher la MIVILUDES ne modifie donc en rien sa nature interministérielle. Par ailleurs, ce comité fixe et coordonne l'action des ministères. Enfin, le secrétariat général de ce comité, placé auprès du ministre de l'intérieur pour ses moyens de fonctionnement, veille à la cohérence de la mise en œuvre des orientations définies par le CIPDR et coordonne les ministères ainsi que les services déconcentrés de l'État ou les dirigeants d'organismes publics ou privés intéressés (articles D. 132-3 et D. 132-4 du CSI). Aussi, en étant rattachée au CIPDR, la MIVILUDES conserve-t-elle sa dimension interministérielle, son nom, ses agents, son site internet et ses archives, en partie numérisées. Elle ne disparaît donc pas. Le passage de ses effectifs à neuf agents fin 2019 correspond à des départs en retraite et des reclassements non remplacés sans qu'il n'y ait un lien de causalité avec son nouveau rattachement, et qui avaient été décidés antérieurement à ce rattachement.

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