Question de M. MARTIN Pascal (Seine-Maritime - UC) publiée le 08/10/2020

M. Pascal Martin attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur la situation des distributeurs de produits énergétiques.
À compter du 1er janvier 2022, l'installation dans les bâtiments neufs ou le remplacement d'un matériel existant par des chaudières au fioul et à charbon seront interdites.
Alors que le Premier ministre a défendu la nécessité « d'une écologie de proximité de quartier et de terrain », cette décision d'interdiction ne sera pas sans conséquences sur la profession et sur les consommateurs eux-mêmes : elle va fragiliser l'emploi des 15 000 salariés de la distribution des énergies hors réseaux dans un contexte économique déjà difficile.
Elle va s'attaquer à l'énergie de chauffage principale des territoires ruraux les plus éloignés des grandes métropoles. En effet, le fioul domestique est aujourd'hui la troisième énergie de chauffage en France. Les consommateurs de fioul vivent majoritairement dans les territoires ruraux, en maisons individuelles qui, le plus souvent, ne sont pas accessibles au gaz de réseau.
Elle ne prend pas en considération l'absence de solutions alternatives aux combustibles liquides. Le fioul est particulièrement utilisé dans des zones où les températures hivernales sont basses. La substitution des chaudières à fioul par des pompes à chaleur géothermiques représente un coût financier élevé (de 18 000 à 20 000 €).
Elle ne va pas laisser le temps aux distributeurs de fioul de s'adapter aux changements d'énergies et va fragiliser la sécurité d'approvisionnement des autres énergies distribuées (gaz non routier agricole, bâtiment et travaux publics, transports, stations–services rurales, granulés de bois)
Enfin, cette décision semble ignorer le virage écologique que la filière fioul a amorcé depuis deux ans. En effet, les distributeurs de fioul ont engagé avec les autres secteurs concernés (chaudiéristes, chauffagistes, filière agricole) un processus de transition rapide vers le bio fioul, un bio liquide de chauffage qui intègre une part d'ester méthylique d'acide gras (EMAG), de colza cultivé et transformé en France. Ce bio fioul est une énergie renouvelable, locale qui répond aux enjeux de transition écologique, d'indépendance nationale et de justice sociale. Il est par conséquent indispensable de permettre aux consommateurs chauffés au fioul domestique de passer progressivement au bio fioul de chauffage.
Il lui demande de bien vouloir lui préciser sa position.

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Réponse du Ministère auprès de la ministre de la transition écologique - Transports publiée le 16/12/2020

Réponse apportée en séance publique le 15/12/2020

Mme le président. La parole est à M. Pascal Martin, auteur de la question n° 1291, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.

M. Pascal Martin. Monsieur le ministre, ma question concerne la situation des distributeurs de produits énergétiques.

À compter du 1er janvier 2022, l'installation dans les bâtiments neufs ou le remplacement d'un matériel existant par des chaudières au fioul et à charbon seront interdits.

Alors que le Premier ministre a récemment défendu la nécessité « d'une écologie de proximité, de quartier et de terrain », cette décision d'interdiction ne sera pas sans conséquence sur la profession et sur les consommateurs eux-mêmes.

Tout d'abord, elle va fragiliser l'emploi des 15 000 salariés de la distribution des énergies hors réseau dans un contexte économique déjà difficile.

Ensuite, elle va s'attaquer à l'énergie de chauffage principale des territoires ruraux les plus éloignés des grandes métropoles. En effet, le fioul domestique est aujourd'hui la troisième énergie de chauffage en France. Les consommateurs de fioul vivent majoritairement dans les territoires ruraux, en maisons individuelles, qui, le plus souvent, ne sont pas accessibles au gaz de réseau.

En outre, elle ne prend pas en considération l'absence de solutions alternatives aux combustibles liquides. Le fioul est particulièrement utilisé dans des zones ou les températures hivernales sont basses, et le remplacement des chaudières à fioul par des pompes à chaleur géothermiques représente un coût financier élevé, de 18 000 à 20 000 euros.

Par ailleurs, elle ne va pas laisser le temps aux distributeurs de fioul de s'adapter aux changements d'énergie et va fragiliser la sécurité d'approvisionnement des autres énergies distribuées.

Enfin, cette décision semble ignorer le virage écologique que la filière fioul a amorcé depuis deux ans. En effet les distributeurs de fioul ont engagé avec les autres secteurs concernés, c'est-à-dire les chaudiéristes, les chauffagistes et la filière agricole, un processus de transition rapide vers le biofioul, un bioliquide de chauffage qui intègre une part d'ester méthylique d'acide gras de colza cultivé et transformé en France.

Ce biofioul est une énergie renouvelable, locale, qui répond aux enjeux de transition écologique, d'indépendance nationale et de justice sociale. Il est, par conséquent, indispensable de permettre aux consommateurs chauffés au fioul domestique de passer progressivement au biofioul de chauffage.

Je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir me préciser votre position.

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Monsieur le sénateur, Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, n'ayant pu être présente aujourd'hui, elle m'a chargé de vous répondre.

La date pour la fin de l'installation de nouvelles chaudières au fioul et à charbon dans les bâtiments neufs est la mi-2021, et l'année 2022 pour les bâtiments existants. Il ne s'agit nullement d'imposer le remplacement d'équipements existants qui fonctionnent ni d'ailleurs d'empêcher leur entretien ou les réparations. En revanche, il s'agit de donner des signaux clairs pour engager nos concitoyens à opter pour des solutions de chauffage plus économes et moins émettrices de gaz à effet de serre.

Cette mesure, inspirée d'une proposition de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), fera l'objet d'un décret, dont la préparation est en cours, en association avec les filières professionnelles. Je pense notamment aux fournisseurs de combustibles ou encore aux fabricants et installateurs d'équipements.

Depuis plusieurs années, la part du fioul domestique utilisé pour le chauffage par les ménages est en nette diminution : une baisse de 30 % est intervenue entre 2011 et 2018.

Plusieurs solutions de remplacement du fioul existent pour les particuliers, notamment les chaudières biomasse à granulés, les pompes à chaleur ou les cycles solaires combinés. De nombreuses aides ont été mises en place. Je pense notamment aux primes CEE, au Coup de pouce chauffage ou encore à MaPrimeRénov'. Près de 150 000 équipements au fioul ont ainsi été retirés en 2019 au profit des énergies renouvelables ou d'équipements au gaz très performants.

Le Gouvernement est conscient des évolutions auxquelles devront faire face les professionnels. L'incorporation de biocarburants ne peut cependant constituer une voie d'avenir que si elle permet une décarbonation totale à un horizon rapide.

Aujourd'hui, seul le fioul à 7 % de biofioul est autorisé. Une procédure pour un biofioul à 30 % est en cours d'examen.

Le Gouvernement est également attentif aux conditions de production des matières premières : la quantité de biocarburants produits sur des terres agricoles est limitée au niveau européen et le gisement français est déjà utilisé.

Enfin, l'incorporation de 30 % de biofioul permettrait de réduire seulement de 15 % les émissions de gaz à effet de serre, un taux largement inférieur aux solutions alternatives comme la pompe à chaleur.

Mme le président. La parole est à M. Pascal Martin, pour la réplique.

M. Pascal Martin. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Il importe de prendre en compte cette période transitoire pour les professionnels et les particuliers, qui ont tous la volonté de s'adapter aux nouvelles énergies. Les coûts sont élevés. J'ai entendu les préconisations du Gouvernement, mais j'insiste sur les attentes fortes, notamment en milieu rural, concernant ce mode de chauffage.

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