C. VERS UNE RÉFORME DE L'ORGANISATION DES ACTIVITÉS PORTUAIRES

Le Ministre de l'agriculture et de la pêche et le ministère de l'équipement devraient annoncer les suites qu'ils entendent donner au rapport sur les ports de pêches. Ce rapport, remis le 23 juin dernier, a procédé à une étude de la situation et des activités des ports de pêche après l'audition de nombreux acteurs. Il aboutit à la conclusion que la gestion, pour être efficace, devrait relever des acteurs locaux.

Selon les auteurs, il devrait en résulter une meilleure adaptation à la diversité de nos secteurs littoraux et une gestion réactive, en adéquation avec les besoins des utilisateurs et au moindre coût. Ils soulignent que si, actuellement, à quelques exceptions près, les comptes des ports de pêche sont équilibrés, il n'en demeure pas moins qu'ils restent fragiles et que la situation peut s'inverser. Le rapport considère que sauf cas particulier, un gestionnaire unique pour l'abri portuaire est le mieux à même de réaliser des économies d'échelle, d'optimiser l'utilisation de l'ensemble portuaire entre toutes les activités, et de diversifier l'activité pour maintenir la pleine utilisation du patrimoine.

Les concédants ont, directement ou indirectement, investi dans le passé et investiront encore sans visibilité, sans engagement d'apport durable des navires, donc en prenant un risque important qui ne peut être assumé par les usagers : Relever les tarifs face à une activité en déclin pour " équilibrer " le budget est, en effet, la pire des politiques, le navire étant par essence mobile. Le concédant assumant de fait les conséquences des évolutions économiques, le rapport estime qu'il importe de lui donner la pleine responsabilité de la décision, à un niveau en rapport avec l'impact global du système portuaire, c'est-à-dire selon les cas, communal, départemental, régional, ou éventuellement national.

Les auteurs constatent, par ailleurs, que seuls payent ad valorem les produits passant en criée, pour toutes les taxes, redevances, cotisations. Les produits ne passant pas en criée ne payent que très partiellement, sur une base déclarative. Les contrôles de toute nature sont, en outre, principalement ciblés sur les produits passant en criée. Les auteurs soulignent qu'un système assis sur la valeur du poisson en criée pousse à l'évasion et est sans rapport avec le service rendu.

Ils considèrent également que les fonctions liées à la première mise en marché des produits n'ont pas de lien obligatoire avec celles qui sont exercées par un port et suggèrent de dissocier les entités juridiques. Le système actuel de concessions des criées, à une Chambre de commerce et d'industrie (CCI) le plus souvent, est considéré comme, lourd, coûteux, opaque, peu réactif, inadapté à une gestion commerciale dynamique.

Le rapport observe qu'en Europe du Nord, la concentration des lieux de débarquement et des points de première mise en marché s'est organisée très tôt, alors que la France se distingue par l'existence de 43 criées indépendantes. Il relève que si elles se justifient en partie par des habitudes de consommation de poisson frais d'espèces recherchées, ce phénomène de bases avancées, la raréfaction de la ressource, la consommation croissante de poisson d'origine lointaine, le développement des moyens de communication, l'expansion de la grande distribution, font que les pratiques des pêcheurs évoluent, et notamment que les navires sont moins attachés à leur port d'origine qu'autrefois.

Les auteurs constatent, en outre, que l'avenir des ports et des halles à marée dépend de l'attractivité qu'ils exercent sur les patrons pêcheurs et les mareyeurs. Cette attractivité est fonction des attaches familiales, des services rendus, du montant des redevances et taxes, des lieux de pêche, et surtout de la valorisation locale du poisson. Les criées se sont orientées vers des domaines spécifiques : certaines, locales, valorisent bien des espèces nobles grâce à un débouché de produits très frais de haut de gamme dans des agglomérations proches ; certaines sont spécialisées en poisson de faible valeur mais profitent bien d'une demande forte et rémunératrice tirée par l'Europe de Sud ; d'autres, régionales, forment les prix mais à un niveau assez bas car soumise à la pression des importations ; d'autres enfin voient leur valorisation régresser du fait d'une inadéquation de l'offre et de la demande en nature d'espèces, quantité, qualité, taille, services, ouverture du marché. Les auteurs relèvent, à partir de ce constat, que le nombre de navires diminuant, certaines de ces dernières criées ont atteint un niveau qui les rend très fragiles.

A partir de ce constat, les auteurs de ce rapport formulent les propositions suivantes :

Les compétences de l'Etat en ce qui concerne tous les ports d'intérêt national pourraient être transférées aux régions et l'actuel cadre juridique d'affectation des ports entre départements et communes, pourrait être assoupli. Il s'agit en fait de libérer la possibilité de choix du meilleur niveau d'exercice de la responsabilité du concédant et de la gestion.

Le concédant, collectivité territoriale, conserverait la responsabilité des investissements lourds des infrastructures portuaires et des grandes décisions stratégiques, la gestion courante des ports s'effectuant sous le régime d'un affermage dont les durées ne dépasseraient pas 10 à 12 ans.

La redevance d'équipement portuaire (REPP), redevance ad valorem, sans lien avec le service rendu, serait remplacée par une redevance calculée en fonction de la taille du navire et en fonction de la durée qu'il passe à quai. Elle serait à la charge des pêcheurs et des armateurs, dont les navires sont les bénéficiaires des services en cause.

La concession des moyens de première mise en marché et la concession portuaire seraient dissociées chaque fois que possible. Cette séparation rendrait les fonctions -services aux navires et services aux produits-, distinctes et plus transparentes. Ce dédoublement permettrait aussi de redéfinir la géographie des ports et des halles à marée, les uns et les autres pouvant participer à des regroupements fonctionnels, organiques et géographiques qui leur soient propres. Par contre la séparation, sur un même site, des concessions ports de pêche, ports de commerce et ports de plaisance ne semble pas réaliste compte tenu de l'importance des ouvrages communs.

La quasi-totalité des prestations des halles à marée pourrait être assimilée à des prestations à caractère privé qui seraient supportées en grande partie par les acheteurs. En conséquence la taxe de criée serait, dans la pratique, remplacée par des tarifs de prestations.

Il revient aux pouvoirs publics d'apporter une garantie d'accès au marché pour les pêcheurs, et l'assurance, pour les consommateurs, que les réglementations statistiques et sanitaires sont effectivement appliquées. Des centres d'enregistrement et d'identification -à créer- joueraient ce rôle, dévolu à certains ports dont les fonctions s'exerceraient sur une portion de littoral de taille variable selon l'importance de la pêche locale. Grâce aux moyens informatiques modernes, ces centres enregistreraient les notes de vente, des éléments des livres de bord et identifieraient les produits.

Pour une meilleure qualité, l'identification et la traçabilité des produits doivent être recherchées lors de la première mise en marché. Dans cette perspective, il est proposé que :

- la formation des trieurs s'organise sous l'égide des responsables des criées et de l'Office Interprofessionnels des produits de la mer et de l'aquaculture (OFIMER) ;

- le contrôle de premier niveau pour le classement qualité relève de la responsabilité contractuelle, des criées, des centres d'identification et d'enregistrement, et de l'OFIMER ;

- le contrôle de second niveau soit effectué, sous la responsabilité des services de l'Etat, par des sondages mieux répartis et non réservés aux criées agréées ;

- la saisie des éléments d'identification et le contrôle de premier niveau soient opérés sur le lieu de débarquement du poisson ;

- l'identification et la traçabilité du produit soient du ressort de centres d'enregistrement et d'identification habilités à délivrer les documents ad hoc ;

- le financement de ces opérations d'identification et de contrôle de premier niveau soit assuré par un prélèvement sur l'aval de la filière.

Les auteurs du rapport jugent souhaitable que l'action de l'OFIMER porte en priorité sur les activités d'encadrement des opérations de première mise en marché et de contrôle de premier niveau, car la promotion des produits relève plus d'une interprofession en période de raréfaction de la ressource et de demande supérieure à l'offre.

Une réglementation bien conçue et mieux appliquée devrait permettre une meilleure commercialisation du produit et sa valorisation, en apportant toutes les garanties de qualité. Les auteurs du rapport jugent que l'Etat doit jouer pleinement son rôle en cadrant les moyens limités dont il dispose sur la base d'une stratégie clairement définie. Il pourrait coordonner les interventions locales sous la responsabilité des préfets en employant des méthodes qui ont été appliquées avec succès dans d'autres domaines : pôle de compétence, mission inter-service et guichet unique.

Votre rapporteur pour avis partage les grandes orientations de rapport. Il estime que la séparation des activités portuaires et des activités liées aux criées est, en effet, de nature à clarifier les missions de chacun. Le remplacement de la REPP par une redevance calculée en fonction de la taille du navire et de la durée qu'il passe à quai permettrait, par ailleurs, de rapprocher le prix payé du coût du service rendu. On peut se demander si, à terme, le coût de ces prestations ne sera pas pris en charge par les collectivités territoriales auxquelles on confiera la responsabilité des ports.

Il s'interroge en revanche sur la pertinence des propositions assimilant la quasi totalité des prestations des halles à marée à des prestations à caractère privé devant faire l'objet d'une facturation individualisée en fonction de chaque prestation servie. Ce dispositif pourrait, en effet, présenter plusieurs inconvénients : favoriser l'éclatement des prestations alors même que l'on cherche depuis des années à favoriser des économies d'échelle, réduire le caractère redistributif des tarifications qui, jusqu'à présent, permettait de réduire les frais exigés des petits pêcheurs.

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