3. Quelle évolution pour le service universel des télécommunications ?

a) Une évolution attendue depuis bientôt quatre ans : l'annuaire universel des télécommunications.

La loi de 1996 avait prévu, en contrepartie de l'ouverture à la concurrence, qui pouvait être une source de complexité accrue pour les abonnés par rapport au monopole, l'élaboration d'un annuaire rassemblant les coordonnées de tous les abonnés , quels que soient le réseau de télécommunications (fixe, mobile...) et l'opérateur choisis, ainsi que la fourniture d'un service de renseignements universel . Comme on l'a indiqué, cet annuaire et ce service faisaient même, de par la loi, partie du service universel des télécommunications.

La liste consolidée de l'ensemble des abonnés de tous les opérateurs, servant à établir cet annuaire, devait être, en vertu de la loi, gérée par un organisme indépendant . Cet organisme, juridiquement distinct des opérateurs, devait voir ses missions et ses critères de désignation précisés par un décret pris en Conseil d'Etat . Il était indiqué qu'il ne pouvait lui-même éditer d'annuaire universel, mais devait revendre la liste exhaustive des abonnés, à un prix orienté vers les coûts, aux éditeurs d'annuaires et notamment à France Télécom, chargé, par la loi, d'éditer un annuaire universel.

Pourtant, quatre ans après le vote de ces dispositions, il n'existe toujours pas en France d'annuaire rassemblant les coordonnées de tous les abonnés, alors que notre pays compte plus de deux dizaines de millions d'abonnés au téléphone mobile !

En 1998, deux ans après le vote de la loi, alors que le décret n'était toujours pas sorti -retard que votre commission avait d'ailleurs déjà largement condamné- une directive européenne a en effet quelque peu fragilisé l'édifice mis au point par l'article 8 de la loi du 26 juillet 1996, avant même que celui-ci n'entre réellement en vigueur, faute de décret.

En effet, l'article 6 de la directive 98/10/CE dite " ONP/téléphonie vocale " a établi que tous les organismes qui attribuent des numéros de téléphone doivent répondre à toutes les demandes " raisonnables " de cession de leurs listes d'abonnés , à des conditions qui soient équitables, orientées vers les coûts et non discriminatoires. Comme cela vient d'être dit, le droit français ne prévoyait que l'obligation pour les opérateurs de communiquer leurs listes d'abonnés à l'organisme gestionnaire de la liste nécessaire à l'édition de l'annuaire universel, et non à toute personne formulant une demande raisonnable.

Cette obligation communautaire prive l'organisme dont la création avait été envisagée par le législateur de la perspective de jouir de la gestion exclusive de la liste universelle, et l'expose à une concurrence éventuelle qui pourrait compromettre son équilibre financier. C'est pourquoi une modification législative doit être apportée afin, d'une part, de transposer en droit français les dispositions de l'article 6 de la directive 98/10/CE et, d'autre part, de supprimer la référence à l'organisme prévu à l'article L. 35-4 du code des postes et télécommunications. Tout éditeur aura la faculté de s'adresser à chacun des opérateurs pour obtenir communication de sa liste d'abonnés, en vue de publier un annuaire . En outre, France Télécom continuera d'être chargé d'éditer un annuaire universel et d'assurer un service de renseignement universel dans le cadre de ses obligations de service universel. L'opérateur aura la possibilité, pour remplir effectivement cette obligation, de s'adresser à chacun des opérateurs pour obtenir les listes d'abonnés nécessaires.

Interrogée à ce sujet, l'administration indique qu'un projet de texte modifiant la disposition concernée du code des postes et télécommunications aurait déjà été rédigé par les services.

La directive concernée figure d'ailleurs dans la liste des textes que le Gouvernement demande au Parlement de l'habiliter à transposer par ordonnances . Une analyse détaillée de ce sujet figure dans le rapport pour avis rédigé au nom de votre commission par notre collègue Ladislas Poniatowski.

Votre commission souhaite la modification rapide de ces dispositions, mais regrette qu'elle ne donne pas lieu, compte tenu de la méthode de transposition retenue par le Gouvernement, à un débat plus approfondi au Parlement.

b) Une évolution requise par le droit communautaire : la prise en compte des avantages induits.

Si être opérateur de service universel entraîne des coûts, cela peut générer également des effets positifs, notamment en termes de notoriété et d'image, qualifiés " d'avantages induits ".

La prise en compte de ces avantages induits n'est pas prévue explicitement par le décret du 13 mai 1997 relatif au financement du service universel. Or, la directive 97/33/CE du 30 juin 1997, relative à l'interconnexion dans le secteur des télécommunications prévoit que, dans le coût du service universel, doivent être pris en compte les avantages induits retirés par l'opérateur chargé de la fourniture du service universel.

D'ailleurs, l'ART avait indiqué, dans son avis sur le projet de décret relatif au financement du service universel que, dans le cadre du programme de travail pour la mise en oeuvre du décret : " la question des effets économiques induits et des avantages immatériels découlant de la fourniture du service universel sera (...) examinée ".

Des travaux ont d'ailleurs été engagés pour quantifier ces effets, quantifiés entre 200 et 550 millions de francs par des études commandées par l'ART.

La directive 97/33 figurant au rang des directives que le Gouvernement demande au Parlement de l'autoriser à transposer par ordonnances, il est probable que l'article L. 35-3 du code des postes et télécommunications régissant le mode de calcul des coûts du service universel sera révisé prochainement pour y inclure l'obligation fixée par la directive.

Votre commission regrette, là encore, que le choix d'une transposition par ordonnances ne réduise le débat sur cette question à sa plus simple expression.

c) Une évolution qui se fait attendre : le contenu du service universel des télécommunications.

Le législateur a prévu, en 1996, que le contenu du service universel des télécommunications soit, le cas échéant, complété au cours du temps. L'article L. 35-7 du code des postes et télécommunications inséré par cette loi, a même précisé le mécanisme devant conduire à l'extension du champ du service universel. Votre commission y avait d'ailleurs particulièrement veillé.

La loi indique ainsi que, " au moins une fois tous les quatre ans " -formulation destinée à donner une date butoir tout en préservant la possibilité d'agir avant ce terme-, le Gouvernement dépose au Parlement un rapport sur l'application du chapitre du code des postes et télécommunications consacré au service universel des télécommunications. Il est précisé que ce rapport peut proposer d'étendre le champ du service universel , en fonction des besoins de la société et de l'évolution des technologies.

En outre, sur proposition de votre commission , la loi a prévu que la première édition de ce rapport comporte un bilan de la couverture du territoire par les réseaux de radiotéléphonie mobile et fait des propositions pour couvrir " les zones faiblement peuplées du territoire " et " les routes nationales et autres axes routiers principaux " par au moins un service de radiotéléphonie mobile terrestre ou satellitaire. Le rapport est en outre chargé de préciser les moyens nécessaires pour atteindre cet objectif, notamment au moyen d'un investissement commun des différents opérateurs.

La loi a donc fixé un rendez-vous très précis pour faire évoluer le service universel des télécommunications. Votre commission déplore que le Gouvernement n'ait d'ailleurs pas respecté l'échéance de juillet 2000 fixée par le législateur pour le dépôt dudit rapport, dont la rédaction n'est encore, d'après les informations communiquées à votre rapporteur, qu'à ses débuts.

Deux sujets semblent devoir faire, dans cette perspective et compte tenu de l'évolution des technologies et des besoins de la société, l'objet d'un examen particulièrement attentif. Il s'agit, d'une part, de l'accès à Internet à haut débit et, d'autre part, -cela vient d'être évoqué-, de la couverture territoriale de la téléphonie mobile.

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