C. L'ÉVOLUTION CONTRASTÉE DU DROIT DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

Alors que les technologies évoluent à un rythme très rapide, le cadre réglementaire français s'adapte de façon chaotique à ces mutations . Si certains sujets -tel l'accès à l'Internet à haut débit- ont récemment pu évoluer, d'autres restent en souffrance, parfois à cause de tergiversations politiques. Ainsi le Gouvernement est-il tenté de faire évoluer le droit en dehors du Parlement , compte tenu des positions parfois adoptées par sa majorité- on pense notamment au sujet du dégroupage de la boucle locale-, ou encore à faire purement et simplement l'économie du débat, avec la transposition par ordonnances des directives communautaires.

1. Une perspective d'avenir : la généralisation de l'Internet à haut débit

L'année 2000 va voir l'émergence et le développement de l'accès à l'Internet à haut débit, c'est à dire avec des bandes passantes larges, permettant la transmission plus rapide de signaux plus nombreux. Cet accès est essentiel pour le développement de nombreux services de la société de l'information.

Certes, la fourniture, depuis 1996, de connexions à Internet à haut débit est déjà juridiquement possible sur les réseaux câblés . Même si la situation juridique complexe issue du " plan câble " a, un temps, ralenti la commercialisation de tels services sur des réseaux appartenant à France Télécom mais exploités par ses concurrents, les arbitrages rendus par l'ART en la matière et la mise en vente progressive par France Télécom de ces réseaux ont contribué à rendre possible l'extension de tels services. Ainsi, d'après l'association des villes câblées, au 31 mars 2000, ce sont 63 844 16 ( * ) personnes qui étaient abonnées à Internet via le câble, contre 22 605 17 ( * ) abonnés au téléphone via le câble et 2,8 millions de personnes aux services de télévision câblée.

D'autres technologies vont désormais pouvoir être mobilisées pour les connexions à Internet à haut débit : c'est le cas des technologies " xDSL " mises en oeuvre sur le réseau téléphonique traditionnel, de la boucle locale radio et de la téléphonie mobile de troisième génération, deux technologies pour lesquelles des autorisations ont été ou sont en cours d'attribution dans notre pays.

a) Le déploiement des technologies " xDSL " sur le réseau téléphonique traditionnel

Une réelle avancée technologique

Techniquement, les technologies " xDSL " permettent, sur le réseau téléphonique commuté classique, fait de fils de cuivre, de faire passer, en quelque sorte " au dessus " des conversations téléphoniques analogiques classiques, des données numériques.

L'ADSL (Asymetric Digital Subscriber Line) est une des technologies de la famille xDSL, qui comprend plusieurs normes (le HDSL, le HDSL 2, le VDSL...) et qui est en constante évolution.

L'ADSL utilise les fréquences supérieures aux fréquences du réseau analogique (de 25kHz à 1,1 MHz), avec des techniques de codage et de modulations numériques complexes. Plus précisément, la bande passante disponible est divisée en sous-porteuses : une partie est dédiée au trafic remontant du client vers le réseau, l'autre au trafic descendant du réseau vers le client. Les débits offerts sont asymétriques. La norme spécifie des débits maxima : descendant (centre vers client), jusqu'à 8Mb/s, remontant (client vers centre), jusqu'à 640kb/s.

L'avantage principal de cette technologie est de pouvoir offrir des services de transmission des données à haut débit sur une infrastructure existante, donc sans nécessiter de travaux de génie civil.

Concrètement, le débit du réseau est significativement amélioré par rapport à une connexion à Internet " classique ", (avec un modem analogique) : la transmission est jusqu'à 70 fois plus rapide .

Un développement commercial à peine amorcé

C'est en 1998 que France Télécom a commencé l'expérimentation de cette technologie sur quatre sites (Noisy le Grand ; Rennes ; Le Mans et Nice). En 1999, son offre de connexion rapide à Internet au moyen de la technologie ADSL (" Netissimo " et " Turbo IP ") a reçu l'homologation tarifaire du ministre (le 12 juillet 1999) et a fait l'objet d'un développement commercial à compter du 3 novembre 1999, pour les six premiers arrondissements de Paris, Issy-les-Moulineaux, Vanves et Neuilly-sur-Seine.

Alors que France Télécom, encore titulaire d'un monopole de fait sur la partie terminale du réseau, annonçait la poursuite du déploiement géographique de son offre, pour la proposer, en 2001, dans 250 villes de France, un recours a été déposé auprès du Conseil de la Concurrence par des opérateurs concurrents afin d'assurer les conditions du développement de la concurrence sur un segment de marché (la boucle locale) encore largement dominé par France Télécom.

C'est ainsi qu'après avoir interrogé l'ART, le Conseil a enjoint, dans une décision du 18 février 20000, à France Télécom " de proposer aux opérateurs tiers, dans un délai maximum de huit semaines à compter de la notification de la présente décision, une offre technique et commerciale d'accès au circuit virtuel permanent pour la fourniture d'accès à Internet à haut débit par la technologie ADSL ou toute autre solution technique et économique équivalente permettant aux opérateurs tiers l'exercice d'une concurrence effective, tant par les prix que par la nature des prestations offertes ".

Le Conseil a en effet considéré que l'offre de France Télécom d'un service d'accès à haut débit à Internet constituait pour les clients finals et pour les fournisseurs de services une innovation porteuse d'un progrès incontestable, en termes de capacité de réseau et de rapidité d'accès, comme en témoignait d'ailleurs l'attente qu'elle suscite chez les usagers résidentiels et chez les professionnels d'Internet. Le Conseil a donc estimé que la mise en oeuvre de cette innovation, lorsqu'elle implique l'accès à des infrastructures détenues en quasi monopole , ne devait pas se faire dans des conditions telles qu'elle interdisait dans les faits aux autres opérateurs de télécommunications de commercialiser leurs propres services d'accès à haut débit à Internet , concurrents de ceux de l'opérateur historique. La restriction de concurrence intervenant au moment du lancement de l'innovation a été considéré par le Conseil comme revêtant un caractère " grave et immédiat " nécessitant l'adoption de mesures d'urgence permettant aux opérateurs tiers l'exercice d'une concurrence effective, tant par les prix que par la nature des prestations offertes.

C'est d'ailleurs la volonté de ne pas entraver le développement des technologies xDSL qui a conduit le ministre de l'industrie à préconiser le dégroupage de la boucle locale et le Gouvernement à prendre un décret en ce sens, qui devrait permettre, notamment, la généralisation d'offres concurrentes à compter de 2001.

S'agissant de France Télécom, en juin 2000, les offres de l'opérateur couvraient 60 communes représentant 11,5 millions d'habitants ; fin 2000 300 communes et 19 millions d'habitants devraient être couverts par cette technologie.

En ce qui concerne les nouveaux entrants, un groupe de travail sur le dégroupage a été établi en février 2000 à l'initiative de l'ART, qui a poursuivi ses travaux tout au long de l'année. Ceux-ci ont conduit à la mise en place d'un processus d'expérimentations à l'été 2000.

La première phase d'expérimentations a débuté le 3 juillet 2000 sur sept sites, tant à Paris qu'en province. 25 opérateurs se sont portés candidats pour expérimenter des technologies xDSL, 20 contrats expérimentaux ont été signés et 5 sont en cours de signature. 12 opérateurs ont déjà obtenu à titre expérimental un accès dégroupé au réseau, les problèmes constatés étant essentiellement d'ordre opérationnel.

La deuxième phase est mise en oeuvre depuis la fin septembre 2000. Trente sept opérateurs (25 opérateurs de la première phase plus 12 nouveaux opérateurs) se sont d'ores et déjà portés candidats pour réaliser des expérimentations sur un ou deux sites (Paris et province). 4 nouveaux sites expérimentaux, dont 1 site en zone rurale, compléteront les 7 sites ouverts pour la première phase. Cette deuxième phase devrait permettre de tester sur le terrain les différentes procédures opérationnelles définies dans le cadre des groupes de travail et pour les opérateurs de tester d'autres types d'équipements avec différents constructeurs.

Votre rapporteur pour avis estime que cette technologie doit être utilisée sans tarder. Le fait que l'ART ait été obligée d'émettre des " recommandations " pour sa mise en oeuvre montre que certains seraient tentés de faire traîner les choses, ce qui n'est pas acceptable.

b) L'attribution des licences de boucle locale radio

L'accès à Internet à hauts débits peut également se faire par l'installation d'une boucle locale radio, technologie qui permet aux opérateurs de télécommunications de raccorder directement, par voie hertzienne, des clients à leurs réseaux. L'introduction de systèmes de boucle locale radio constitue ainsi un enjeu majeur pour les télécommunications en France, en contribuant d'une part à l'ouverture d'une concurrence effective et durable sur la boucle locale et d'autre part à l'accès aux services à haut débit.

Elle constitue une solution attractive et innovante permettant de proposer des offres de téléphonie et de services Internet à hauts débits concurrents et complémentaires des moyens filaires actuels comme la fibre optique, le câble ou l'ADSL. Elle présente l'avantage d'une certaine souplesse de mise au oeuvre, requiert des investissements progressifs et permet une offre de gammes de services importante.

De nombreux pays européens ont engagé une procédure d'attribution de telles licences : Allemagne, Espagne, Irlande, Royaume-Uni, Pays-Bas, de même que les Etats-Unis. Le schéma d'attribution français est clairement orienté vers la fourniture de services à haut débit, qui semble aujourd'hui constituer le marché porteur pour ce type de réseau.

La quantité de spectre attribuée par opérateur est en effet relativement importante, notamment pour les hauts débits (2x112 MHz dans la bande des 26 MHz contre 2x56MHz en Allemagne). En outre, l'ensemble des licences attribuées en France permettront d'offrir des services à haut débit, ce qui n'est pas nécessairement le cas dans l'ensemble des pays (l'Irlande a par exemple choisi d'attribuer 4 licences haut débit et 4 licences bas débit).

Le calendrier européen d'introduction de cette technologie est indiqué ci-après :

CALENDRIER D'ATTRIBUTION DES LICENCES DE BOUCLE LOCALE RADIO
EN EUROPE AU 30 AVRIL 2000

Pays

Lancement de la procédure de sélection

Attribution des licences

Allemagne (2 soumissions)

1 ère étape : 10 juillet 1998

2 ème étape : 14 avril 1999

1 ère étape : septembre 1998

2 ème étape : 25 août 1999

Belgique

septembre 2000

NC

Danemark

2 étapes :

7 avril 2000-septembre 2000

Décembre 2000

Espagne

Octobre 1999

18 avril 2000

Finlande

NC

janvier 1999

France

30 novembre 1999

juillet 2000

Irlande

février 1999

septembre 1999

Italie

Consultation publique-novembre 1999

NC

Norvège

7 novembre 1999

mars 2000

Pays-Bas

juillet 2000

septembre 2000

Royaume-Uni

septembre 2000

NC

Suisse

8 mars 2000

NC

Source : DRS Group et ART NC : non communiqué

En France, un avis d'appel à candidatures a été publié le 30 novembre 1999, qui définissait les modalités et les conditions d'attribution des autorisations d'établissement et d'exploitation " d'un réseau ouvert au public de boucle locale radio pour le territoire métropolitain ", pour chacune des régions métropolitaines et pour les quatre départements d'outre-mer, soit au total 54 licences (2 nationales ; 44 régionales en métropole -soit 2 par régions- et 8 licences pour les départements d'outre mer).

La procédure de sélection a été instruite par l'ART pour le compte du ministre chargé des télécommunications, conformément à l'article L.33-1 du code des postes et télécommunications. Le Secrétaire d'Etat à l'Industrie a confirmé les choix de l'ART en attribuant des autorisations de boucle locale radio nationales et régionales à dix opérateurs, comme l'indique le tableau suivant :

CANDIDATS RETENUS POUR L'ATTRIBUTION
DES LICENCES DE BOUCLE LOCALE RADIO

Nom du candidat

Actionnaires

Licences obtenues

Belgacom France

Belgacom (100 %)

7 licences : Bretagne, Champagne-Ardenne, Nord-Pas-de-Calais, Basse-Normandie, Haute-Normandie, Pays de la Loire ; Picardie

BLR Services

LD Com (50,1 %) - Teligent France (40 %) - Artemis (9,9 %)

8 licences : Alsace, Bourgogne, Centre, Languedoc-Roussillon, Lorraine, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire, Picardie, Poitou-Charentes, PACA, Rhône-Alpes

Broadnet France

Broadnet Holding BV (90 %) - Axa (9,9 %)

14 licences : Alsace, Aquitaine, Bretagne, Centre, Ile-de-France, Languedoc-Roussillon, Lorraine, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire, Picardie, Poitou-Charentes, PACA, Rhône-Alpes

Cegetel Caraïbes

Cegetel (85 %) - Media Overseas (12 %), AIS (3 %)

2 licences : Guadeloupe, Martinique

Cegetel La Réunion

Cegetel (100 %)

1 licence : La Réunion

Completel 1

Completel Europe (100 %)

4 licences : Auvergne, Corse, Franche-Comté, Limousin

Informatique Télématique 1

SPI (69,68 %) - Part'Com (6,08 %) - CDC Innovatech (2,03 %)

1 licence : Guyane

FirstMark Communications

FirstMark Communications Europe (34 %) - Suez Lyonnaise des Eaux (18 %) - Groupe Arnault (18 %) - Rallye (10 %) - Rothschild (10 %) - BNP Paribas (10 %)

1 licence : Métropole

Fortel

Prority Wireless BV (groupe UPC) (47,5 %) - Marine Wendel (47,5 %) - Sogetec (groupe NRJ) (5 %)

1 licence : Métropole

LandTel France

7 licences : Aquitaine, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Ile-deFrance, Limousin, Poitou-Charentes

Siris 1

Deutsche Telekom (100 %)

2 licences : Auvergne, Corse

XTS Network Caraïbes

XTS Network

3 licences : Guadeloupe, Guyane, Martinique

XTS Network Océan Indien

XTS Network

1 licence : La Réunion

1 Completel, Siris et Informatique Télématique s'étant désistés, les régions ou DOM correspondants feront l'objet d'un nouvel appel à candidatures.

Le montant des investissements prévus par les projets sélectionnés s'élève à 18 milliards de francs sur la période 2000-2004 ; 6.400 créations d'emplois sont envisagées par les opérateurs.

Votre commission déplore qu'à la suite du désistement, le 21 juillet 2000, de Completel et de Siris, suivis d'Informatique Télématique, deux régions (la Corse et l'Auvergne) se retrouvent sans opérateur régional de boucle locale radio et trois autres (Franche Comté, Limousin, Guyane) avec un seul opérateur régional. Ce résultat, peu en phase avec le souci d'aménagement du territoire censé orienter toute la procédure de sélection, a suscité certaines interrogations quant à la méthode proposée par l'ART et entérinée par le ministre.

En effet, la société Siris (filiale à 100 % de Deutsche Telekom), candidate pour l'ensemble des régions, a considéré que l'obtention de deux d'entre elles (Corse et Auvergne) n'était pas pour elle " un objectif suffisant ", d'après le communiqué diffusé par l'ART.

La société Completel, qui, à l'issue de la procédure de sélection, pouvait obtenir une licence dans quatre régions (Auvergne, Corse, Franche-Comté et Limousin), a préféré retirer ses candidatures, considérant notamment que " les objectifs de couverture qu'elle avait présentés pour ces régions n'étaient pas finalement compatibles avec ses prévisions financières ".

En outre, la société Informatique Télématique SA, qui pouvait obtenir une licence en Guyane, s'est elle aussi désistée.

Certes, comme l'a aussitôt fait remarquer l'Autorité, les deux opérateurs bénéficiaires d'une licence nationale de boucle locale radio (FirstMark et Fortel) ont des engagements de couverture qui leur imposent d'être présents dans toutes les régions métropolitaines . Ceci veut dire que chaque région métropolitaine bénéficiera, au moins, des services de ces deux opérateurs de boucle locale radio, auxquels viennent s'ajouter les opérateurs choisis sur une base régionale.

Il n'en demeure pas moins que la situation actuelle paraît éminemment regrettable à votre commission.

Souhaitons que le nouvel appel à candidatures (pour deux licences régionales en Corse et en Auvergne, ainsi que pour une en Franche-Comté, Guyane et Limousin) aboutisse rapidement à la sélection d'opérateurs aptes à fournir aux territoires concernés les services de télécommunications si utiles à leur développement économique. Après le lancement officiel de la procédure, par la publication de l'avis du ministre de l'industrie, le calendrier retenu est assez serré, puisque la date limite de dépôt des candidatures devrait être fixée au 15 novembre et la publication des résultats par l'autorité devrait intervenir le 30 janvier 2001 au plus tard.

Votre commission insiste pour que tout retard de déploiement puisse être évité : les candidats devraient être tenus de formuler des engagements de déploiement aux même dates d'échéance que celles prévues dans le cadre de la procédure initiale.

On ne peut que souhaiter un aboutissement rapide de cette phase de sélection.

c) L'appel à candidatures pour la téléphonie mobile de troisième génération

L'Internet mobile à hauts débits

Si le trafic écoulé aujourd'hui par les mobiles est essentiellement constitué par de la voix, cette situation devrait évoluer rapidement : le trafic de données sur les réseaux GSM 18 ( * ) devrait, d'après l'Association des opérateurs GSM, représenter 20 % du trafic d'ici 2002 et 50 % d'ici cinq ans.

Les messages courts, par exemple, qui représentent la forme la plus simple de transmission de données par l'intermédiaire d'un téléphone mobile, ont été au nombre de 230 millions à être échangés en France en 1999, contre 500 millions en Allemagne.

Ce mouvement va s'amplifier avec, dès 2000, la mise en service de la technologie GPRS (General Packet Ratio Service) sur les réseaux GSM, qui va permettre d'augmenter les débits de transmission accessibles à partir d'un mobile (jusqu'à 115 Kb/s contre 9,6Kb/s aujourd'hui).

Outre cet accroissement du débit, la diffusion du protocole WAP (Wirclen Application Protocol) qui adapte Internet à l'environnement mobile, va généraliser l'accès Internet depuis une téléphonie mobile.

Mais c'est surtout le déploiement des systèmes de troisième génération dits UMTS (Universal mobile Telecommunications System) qui offrent les plus grandes perspectives. Ces systèmes permettront d'offrir, via les téléphones portables, une large gamme de services à hauts débits intégrant la voix, les données et les images.

Par une décision du 28 juillet 2000, l'ART a proposé au ministre chargé des télécommunications les modalités et les conditions d'attribution des autorisations pour l'introduction en France métropolitaine des systèmes mobiles de troisième génération (3G).

Le Gouvernement a publié le 18 août 2000 l'appel à candidatures qui marque officiellement le lancement la procédure pour l'octroi de quatre licences de portée métropolitaine sur une durée de quinze ans. Chaque opérateur se verra attribuer la même quantité de fréquences, dans le cas précis 2 X 15 MHz.

La procédure de sélection des opérateurs se déroulera selon le calendrier ci-dessous :

18 août 2000

- publication de l'avis d'appel à candidatures

31 janvier 2001

- dépôt des dossiers de candidatures

- début de la sélection

- 28 février 2001, au plus tard

- publication de la liste des candidats et de leurs principaux actionnaires

31 mai 2001

- publication par l'Autorité du compte rendu et du résultat motivé de la sélection

30 juin 2001, au plus tard

- délivrance par le ministre chargé des télécommunications des autorisations à chacun des candidats retenus

juillet 2001

- premières attributions de fréquences aux opérateurs

Rappelons que la décision du Parlement européen et du Conseil en date du 14 décembre 1198 relative à l'introduction coordonnée dans la Communauté des systèmes mobiles de troisième génération prévoyait notamment que les Etats membres devaient la permettre de manière progressive sur leur territoire pour le 1 er janvier 2002.

Votre commission regrette que le Parlement n'ait pas été associé à l'élaboration de la procédure de sélection, qui a été considérée, à tort, comme un débat d'experts. Elle prend acte de l'engagement du Gouvernement de transmettre au Parlement les cahiers des charges des licences avant leur attribution.

Une méthode d'attribution " mixte "

Votre rapporteur pour avis ne reviendra pas sur les termes d'un débat qui semble désormais clos sur le mode de sélection à retenir pour l'octroi des licences de troisième génération, entre la proposition initiale de l'ART de la pure sélection sur dossier (méthode dite du " beauty contest ", le " concours de beauté " ou encore de la " soumission comparative "), ou celle des enchères, (censée, en théorie, aboutir à l'optimum économique s'agissant de l'attribution d'une ressource rare), méthode utilisée dans nombre de pays européens et ayant conduit, il est vrai, à faire peser sur les opérateurs des montants très importants.

En Europe, sept pays ont opté pour la mise aux enchères des licences (Royaume-Uni, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Autriche, Danemark, Italie), d'autres pour la sélection sur dossier (Luxembourg, Finlande, Suède, Portugal, Islande et Espagne). A la clôture de la procédure allemande, le 18 août 2000, le montant cumulé des enchères atteignait dans ce pays le chiffre record de 330 milliards de francs.

La méthode finalement retenue en France est une méthode mixte, de sélection sur dossier avec versement d'une " redevance d'utilisation des fréquences " pour le moins conséquente (32,5 milliards de francs par licence).

Les candidats seront donc sélectionnés en France par la méthode de la soumission comparative, comme cela fut le cas pour la boucle locale radio. Cette méthode s'appuiera sur quatorze critères de sélection, répartis en trois volets : technique, commercial et financier. Chaque candidature fera l'objet d'une notation sur chacun de ces critères, déterminant une note globale sur 500 points. Les quatre candidats qui recevront les quatre meilleures notes globales se verront attribuer une licence.

Les critères majeurs sont les suivants :

- " ampleur et rapidité de déploiement du réseau " (100 points) ;

- " cohérence et crédibilité du projet " (100 points) ;

- " cohérence et crédibilité du plan d'affaires " (75 points) ;

- " offre de services " (50 points).

Ces critères correspondent aux objectifs de développement de nouveaux services et fonctionnalités et de couverture du territoire dans les meilleurs délais possibles.

Par ailleurs, des dispositions de l'appel à candidatures visent à assurer qu'il sera exigé des opérateurs la fourniture d'un service présentant réellement les qualités de la troisième génération, et de portée métropolitaine. Les engagements des candidats portant en particulier sur l'ampleur et la rapidité de déploiement du réseau , l'offre de services et la qualité de service, seront repris en tant qu'obligations dans leur autorisation.

D'autres dispositions visent à établir les conditions d'une concurrence effective et équilibrée entre les différents opérateurs appelés à évoluer sur le marché de la troisième génération. Ainsi, le ou les opérateurs 3G ne disposant pas d'ores et déjà de licence GSM pourront compléter leur couverture au cours des premières années de déploiement grâce à l'itinérance entre les systèmes 3G et GSM, dès lors qu'ils auront satisfait à des exigences préalables et minimales de couverture. Par ailleurs, le partage des sites sera favorisé et permettra aux opérateurs 3G ne disposant pas d'infrastructures mobiles en France d'accéder, de la même manière que leurs concurrents qui en disposeraient, aux sites existants.

Des redevances aux montants importants

Au nom de " l'occupation du domaine public hertzien " lié au développement des services de troisième génération mobile, l'avantage de l'attribution des fréquences pour les licences de troisième génération donnera lieu au paiement d'une redevance d'un montant total cumulé de 32,5 milliards de francs par opérateur. Ce montant se répartit en une première composante traduisant l'avantage immédiat lié à l'attribution de la licence et une seconde correspondant à la valeur d'usage du spectre des fréquences hertziennes publiques.

Le graphique suivant détaille le calendrier de paiement prévisionnel de ces redevances :

Source : projet de loi de finances

Notons toutefois que les montants sont exprimés en francs courants ; le montant de 32,5 milliards de francs par opérateur équivaut à environ 25 milliards de francs en valeur actualisée.

L'article 23 du projet de loi de finances pour 2001 fixe, comme indiqué ci-dessus, l'échéancier du paiement des redevances " au titre de l'utilisation des fréquences allouées ", somme dont le montant cumulé (130 milliards de francs) sera affecté, d'une part au fonds de réserve pour les retraites et, dans la limite de 14 milliards de francs pour chacune des années 2001 et 2002, à la Caisse d'amortissement de la dette publique.

2. Des avancées en demi-teinte : l'impossible modernisation du cadre législatif français ?

a) Les ratés de l'amendement " dégroupage "

Une volonté largement partagée : parachever l'ouverture à la concurrence des télécommunications

Depuis l'ouverture totale du secteur des télécommunications à la concurrence au 1 er janvier 1998, les acteurs se sont pour la plupart d'abord concentrés, outre le téléphone mobile, sur l'acheminement du trafic sur longue distance ou sur le marché des entreprises.

Le marché dit de la " boucle locale " (partie terminale du réseau entre le poste de l'abonné et le commutateur auquel il est rattaché, qui permet à l'opérateur d'accéder directement à l'abonné) est quant à lui resté sous le monopole de fait de France Télécom , malgré certaines brèches, comme des raccordements d'entreprises sur des boucles optiques, le développement très progressif de services téléphoniques et Internet sur le câble, ou l'expérimentation de la technologie des boucles locales radio.

Or, l'accroissement du trafic lié à Internet offre, sur ce marché, de fortes perspectives de croissance. En outre, l'utilisation des infrastructures locales existantes constitue une opportunité pour le développement de nouveaux services , comme cela a été dit ci-dessus en matière d'accès à Internet haut débit par les technologies xDSL, par exemple.

L'exercice d'une concurrence effective sur ce marché est donc rapidement devenue une préoccupation non seulement pour les opérateurs concernés et les principaux observateurs du secteur 19 ( * ) , mais également par les autorités intéressées (Commission, Conseil de la concurrence), pour l'ART et, plus récemment, pour le Gouvernement, longtemps réticent mais finalement conscient, -officiellement depuis septembre 1999-, de la nécessité de préciser le cadre réglementaire afin de permettre un large accès de nos concitoyens à de nouveaux services.

La technique proposée est celle du " dégroupage " de la boucle locale, qui consiste à permettre aux nouveaux opérateurs d'utiliser le réseau local de l'opérateur historique pour desservir directement leurs abonnés, contre une rémunération de ce dernier par les dits opérateurs. Ainsi, il n'y a plus d'obligation, pour les clients des opérateurs nouveaux entrants, de prendre un abonnement auprès de France Télécom pour accéder aux services de l'opérateur qu'ils ont choisi. Cette solution, qui rend effective la concurrence, est une alternative à la duplication du réseau existant par les nouveaux entrants, solution lourde à mettre en oeuvre et économiquement inefficace.

Un règlement européen en cours d'adoption devrait d'ailleurs imposer le dégroupage dans toute l'Union à compter du 1 er janvier 2001.

Contrairement à ce qui a été parfois affirmé, ou sous-entendu, cet accès direct peut être organisé dans des conditions telles qu'il assure une juste rémunération de l'opérateur historique et qu'il respecte les exigences de péréquation géographique entre les abonnés et de qualité du réseau.

Comme l'explique le rapport remis en Juillet 2000 par M. Pierre Fritz sur " le dégroupage de la boucle locale : comparaisons internationales " , nombre de pays ont déjà mis en oeuvre un tel accès direct à l'abonné, notamment les Etats-Unis, alors qu'une proposition de règlement de la Commission européenne avalisé lors du Conseil Télécom du 30 octobre dernier, tend à en faire la norme dans l'Union, d'ici au 1 er janvier 2001.

C'est dans ce contexte que le ministre chargé des télécommunications, M. Christian Pierret, annonçait, en septembre 1999, être convaincu de la nécessité d'introduire une telle possibilité pour les consommateurs français.

Chronique d'une mort annoncée : le rapport Montcharmont

Ce constat n'était pourtant pas unanimement partagé : outre la réticence de France Télécom, pour des raisons qui s'expliquent aisément, un rapport d'information du député Gabriel Montcharmont, au nom de la Commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale 20 ( * ) se déclarait " opposé [...] à l'autorisation du dégroupage du réseau de France Télécom et de tout autre réseau local de communication sans accord libre et préalable de son propriétaire ". Ce rapport estimait en effet que le dégroupage créerait " des conflits " -l'économie monopolistique est en effet par nature moins conflictuelle que l'économie de marché, mais doit-elle être préférée pour autant ?- et faciliterait " les stratégies d'écrémage du marché " .

Enfin, le rapporteur estimait que " l'adoption d'un amendement au projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire autorisant les collectivités locales à déployer des réseaux de fibres noires conduira, rapidement, à multiplier les offres de boucles locales alternatives qui permettront d'offrir des liaisons à hauts débits et seront très concurrentielles par rapport au réseau filiaire classique ", assertion pour le moins cocasse quant on connaît le contexte d'adoption (cf. ci-dessous) et le contenu de ces dispositions qui s'apparentent largement, compte tenu de la position adoptée par la majorité de l'Assemblée nationale, à une liberté en trompe-l'oeil ! Le Gouvernement s'est d'ailleurs déjà engagé à modifier les dispositions.

Le retrait de l'amendement " dégroupage " et le contournement du Parlement

Passant outre ce plaidoyer pro statu quo , le Gouvernement a déposé un amendement au projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques lors de la discussion en première lecture à l'Assemblée nationale, imposant à compter du 1 er janvier 2001 un accès à la boucle locale dans des conditions objectives, transparentes et non-discriminatoires, à des tarifs reflétant les coûts correspondants et permettant d'éviter une discrimination fondée sur la localisation géographique.

Mais sous la pression de certains députés de la majorité plurielle, le ministre de l'Industrie a finalement retiré cet amendement, qui n'a même pas été discuté malgré le souhait de certains députés socialistes de le voir adopté . Un texte identique, déposé par votre rapporteur ainsi que par nos collègues Xavier Pelchat et Alain Joyandet, lors de la discussion du projet de loi sur la communication audiovisuelle au Sénat, n'a pas connu de sort plus heureux lors de l'examen à l'Assemblée nationale du texte voté par le Sénat.

Aussi, est-ce par voie réglementaire (décret n° 2000-881 du 12 septembre 2000) que le dégroupage de la boucle locale a été introduit en droit français. Un règlement européen en cours d'adoption viendra prochainement consolider la base légale sur laquelle repose ce texte réglementaire.

Ce contournement du Parlement est très regrettable.

b) Les infrastructures passives des collectivités locales : un ouvrage encore sur le métier

Une liberté refusée aux collectivités locales

Depuis plusieurs années, de nombreuses collectivités territoriales se sont trouvées confrontées à une absence d'offres permettant, pour leurs administrés ou pour elles-mêmes, de réduire le prix des communications ou de répondre, dans des conditions raisonnables, aux besoins d'accès à des services de télécommunications à haut débit.

Aussi ont-elles parfois pris des initiatives en matière, notamment, d'équipement de leur territoire en infrastructures de télécommunications " passives " -infrastructures dites de " fibres noires "- installées par elles mais destinées à être exploitées par des opérateurs de télécommunications.

Le principe de telles initiatives, reconnu légitime par la Commission européenne, le Conseil de la Concurrence et l'ART, avait d'ailleurs été avalisé par une conférence de presse du premier ministre du 19 janvier 1999.

Afin de sécuriser juridiquement ces initiatives qui n'étaient pas explicitement prévues par le code des collectivités locales, lors des débats sur le projet de loi d'aménagement du territoire en 1999, proposé, à l'initiative de votre rapporteur, un dispositif législatif consacrant et encadrant cette intervention.

Les propositions, pourtant équilibrées, du Sénat se sont malheureusement heurtées, malgré le dépôt, par le Gouvernement, d'un amendement voisin de celui de votre rapporteur, à l'hostilité de certains députés, l'Assemblée nationale adoptant finalement un texte si confus et restrictif que la nouvelle liberté offerte aux collectivités locales est unanimement considérée comme un faux semblant .

Ainsi un intéressant article de doctrine relevait, dans l'" Actualité juridique - Droit administratif " de décembre 1999 21 ( * ) qu'" il n'est pas certain toutefois que le texte adopté le 6 mai 1999 soit à même de clore définitivement tout contentieux en la matière (...) " Pire, la loi n'aurait même rien apporté par rapport à la situation antérieure où, faute de base légale, la jurisprudence était restrictive et hésitante : " il n'est pas certain pour autant que l'état du droit ait évolué de manière substantielle depuis l'intervention des députés " .

Paradoxalement, la procédure définie par la loi pour mettre en oeuvre le principe de liberté d'action qu'elle affirme est d'ores et déjà apparue aux élus comme une restriction du champ de leurs interventions. C'est en tout état de cause ce qui ressort du bilan de l'application de l'article L.1511-6, confirmant ce que votre commission avait dénoncé dès l'adoption de ces dispositions par les députés.

L'article L.1511-6 du code général des collectivités territoriales prévoit en effet, la possibilité d'une telle mise à disposition d'infrastructures " dès lors que l'offre de services ou de réseaux de télécommunications à haut débit qu' [elles] demandent n'est pas fournie par les acteurs du marché à un prix abordable ou ne répond pas aux exigences techniques et de qualité qu' [elles] attendent ".

Le texte prévoit également " la mise en oeuvre d'une procédure " (non définie) " de publicité permettant de constater la carence et d'évaluer les besoins des opérateurs " et limite à une période de huit ans la durée d'amortissement des investissements prise en compte pour évaluer le prix de la location (contre plus du double en général dans le secteur privé). Parallèlement, il exclut la possibilité pour les collectivités de devenir opérateur de télécommunications.

Le moins que l'on puisse dire est que ce dispositif législatif, dont l'interprétation est complexe, mérite d'être précisé !

On peut d'abord s'interroger sur le contenu exact de la notion de " carence " de l'initiative des opérateurs mise en avant par l'article L.511-6, dont la mise en oeuvre pratique est difficile.

Ensuite, la procédure de publicité " ad hoc " à mettre en oeuvre peut légitimement susciter des interrogations de la part des élus. Il conviendrait à tout le moins d'en préciser les objectifs et la nature.

Enfin, la limitation à 8 ans de la période d'amortissement des investissements prise en compte pour la fixation du tarif de location constitue une mesure exorbitante du droit commun ; elle est ressentie pas les élus comme une contrainte supplémentaire, qui limite de fait les initiatives des collectivités en augmentant artificiellement le prix de location. En effet, le coût d'installation des fibres noires est constitué, pour l'essentiel, du coût des travaux de génie civil, amortis sur une durée beaucoup plus longue.

Un Gouvernement tardivement rallié aux propositions du Sénat

Présentant cette proposition comme une avancée majeure vers la société de l'information -alors qu'il s'agit d'un simple retour à la case départ : celle des propositions du Sénat-, le Comité interministériel sur la société de l'information du 10 juillet dernier a proposé de modifier l'article L. 1511-6 dans le futur projet de loi sur la société de l'information en supprimant l'obligation d'amortissement sur une durée maximale de huit ans et la mention du constat d'une éventuelle carence. Votre rapporteur regrette que le Gouvernement ne se propose pas de préciser la procédure de " publicité " imposée par ledit article.

En conséquence, il est indiqué dans le relevé de conclusions du comité interministériel que " le Gouvernement propose une nouvelle rédaction, plus ouverte, de l'article L.1511-6 ". Que ne s'est-il rallié, en 1999, à cette position, défendue par le Sénat !

c) Un débat introuvable : la taxe professionnelle de France Télécom

Votre commission pour avis demande depuis plusieurs années que la taxe professionnelle de France Télécom soit versée aux collectivités locales et non à l'Etat, hélas sans succès.

Pourtant, chaque année depuis l'examen, en juin 1996, d'un amendement de votre rapporteur en ce sens, le Gouvernement donne des " assurances " et indique que le projet de loi de finances de l'an prochain serait l'occasion d'envisager un transfert conforme à la décentralisation et à l'autonomie des collectivités locales. Le système actuel, hérité de la loi du 2 juillet 1990 sur l'organisation du service public de La Poste et des télécommunications, est manifestement inadapté à l'existence d'un secteur désormais libéralisé et pourrait même entraîner des distorsions de concurrence défavorables à l'opérateur public.

Diverses solutions transitoires et divers systèmes ont été proposés par le Sénat, parmi lesquels :

- effectuer un transfert pur et simple au bénéfice des collectivités d'implantation ;

- affecter le produit de cette taxe pour moitié aux collectivités d'implantation des établissements de l'opérateur et pour moitié à la péréquation nationale de la taxe professionnelle ;

- affecter une partie de ce produit à un fonds géré paritairement entre l'Etat et les élus, permettant de compenser le surcoût occasionné à La Poste par sa contribution à l'aménagement du territoire.

A l'heure où l'autonomie fiscale des collectivités locales est menacée par les réformes fiscales unilatéralement décidées par l'Etat, le retour à la normale pour le versement de la taxe professionnelle de France Télécom s'impose plus que jamais.

d) Le Parlement contourné : la transposition de directives par ordonnances

Ce ne sont pas moins de neuf directives relatives aux télécommunications qui sont concernées par l'habilitation demandée par le Gouvernement à transposer ces textes par ordonnances.

L'appréciation qu'il faut porter sur une méthode aussi expéditive a été remarquablement exprimée lors de la discussion du projet de loi n° 473, par le rapporteur au fond de la Commission des Lois, M. Daniel Hoeffel, ainsi que par celui de la Commission des Affaires économiques, notre collègue Ladislas Poniatowski.

Votre commission regrette que des sujets tels que l'évaluation du coût du service universel des télécommunications ou encore la mise en place de l'annuaire universel des télécommunications ne fassent pas l'objet d'un débat au Parlement.

Votre rapporteur sera particulièrement attentif aux dispositions qui seront proposées à la ratification du Parlement.

3. Un chantier pour l'avenir : la révision des directives européennes sur les télécommunications

La Commission européenne a adopté le 12 juillet dernier un " paquet " de propositions qui a pour but de moderniser le cadre réglementaire actuel des télécommunications. Huit textes ont au total été proposés, qui remplaceront les 28 textes actuellement en vigueur. Sept textes devront être examinés selon la procédure de la codécision entre le Conseil et le Parlement européen.

Les propositions sont les suivantes :

- une directive-cadre pour les réseaux et services de communications électroniques, qui abroge 7 directives en vigueur et 2 décisions et fixe les dispositions " horizontales " du nouveau cadre réglementaire ;

- une directive relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques, qui vise à harmoniser les règles concernant l'autorisation de fourniture de ces services, aujourd'hui différentes dans les Etats membres ;

- une directive relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion, qui établit un cadre pour les accords relatifs à l'accès et à l'interconnexion dans l'ensemble de l'Union européenne ;

- une directive concernant le service universel et les droits des utilisateurs, qui reprend et renforce les textes existants en la matière ;

- une directive concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques, qui met à jour la directive actuellement en vigueur afin de garantir sa " neutralité technologique " et la couverture des nouveaux services de communications ;

- un règlement relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale , qui rendra obligatoire, dans toute l'Union européenne, au plus tard le 31 décembre 2000, l'accès totalement dégroupé et l'accès partagé à la paire torsadée de cuivre des opérateurs puissants sur le marché. Comme il a déjà été dit, ce règlement a fait l'objet d'un accord de principe unanime des Etats membres au Conseil Télécom du 3 octobre ;

- une décision relative à un cadre réglementaire pour la politique en matière de spectre radioélectrique dans la Communauté européenne, qui établit un cadre politique et juridique dans la Communauté afin d'harmoniser l'utilisation du spectre radioélectrique ;

- et une directive relative à la libéralisation du secteur , qui consolidera les directives existantes, prise par la Commission en application de ses compétences propres en matière de règles de concurrence.

Le nouveau cadre réglementaire proposé par la Commission vise à :

- simplifier et clarifier le cadre réglementaire actuel : le nombre d'instruments législatifs est divisé par trois et les règles sont allégées pour faciliter l'accès au marché ;

- assurer une transition progressive de la réglementation sectorielle vers le droit communautaire de la concurrence : la nouvelle réglementation s'applique essentiellement aux opérateurs considérés comme dominants selon le droit communautaire de la concurrence ;

- soumettre les services concurrents ou substituables à des règles semblables et indépendantes de la technologie mise en oeuvre pour leur fourniture ;

- maintenir les obligations de service universel afin d'éviter tout phénomène d'exclusion de la société de l'information ;

- libéraliser effectivement le dernier segment du marché des télécommunications en procédant au dégroupage de l'accès à la boucle locale.

Le règlement sur le dégroupage devrait être adopté dès le mois de décembre.

Les six autres textes en codécision sont destinés à être adoptés simultanément. Leur examen par le Conseil et le Parlement européen s'étalera sous les présidences française et suédoise, avec pour objectif prioritaire d'aboutir rapidement à des positions communes sur la directive cadre, la directive relative à l'accès et l'interconnexion et la directive relative aux autorisations. L'adoption formelle de ces six textes n'interviendra en tout état de cause pas avant la mi-2001 .

La directive sur la libéralisation du secteur sera arrêtée par la Commission, après l'avis des Etats membres et du Parlement européen, en même temps que les textes soumis à la codécision.

Du processus de consultation des Etats membres et des acteurs du marché suivi par la Commission dans l'élaboration de ses propositions résulte que le paquet réglementaire reflète, dans l'ensemble, un compromis considéré comme globalement acceptable par les autorités françaises .

Les propositions relatives au service universel s'éloignent cependant des positions des autorités françaises : aucun mécanisme clair n'est prévu pour réévaluer le périmètre des obligations de service universel, non plus que le financement d'éventuelles nouvelles obligations par le biais du fonds de service universel. Le principe retenu à ce stade est le financement d'éventuels nouveaux services qui seraient inclus dans le champ du service universel par le budget de l'Etat. Votre commission souhaite que soit infléchie cette proposition initiale pour permettre l'inclusion, à terme, des services pertinents de la société de l'information dans le périmètre du financement du service universel .

D'autres points de caractère plus technique soulèvent des observations de fond, tels les conditions d'octroi des droits de passage , qui ne seraient plus liées à l'obtention d'une autorisation individuelle, les prescriptions en matière de mécanisme d'assignation de fréquences ou d'organisation d'un marché secondaire des fréquences ou l'extension des obligations en matière d'accès et d'interconnexion à l'ensemble des installations du réseau de télécommunications de l'opérateur historique.

Votre commission ne manquera pas, au cours de la session à venir, de poursuivre l'examen de ces propositions de directives.

* 16 Noos (ex Lyonnaise Câble) en totalise 32 200 ; France Télécom Câble 21 000.

* 17 Dont 19 000 abonnés pour UPC France.

* 18 Norme de téléphonie mobile.

* 19 Voir notamment les articles suivants : " Réseaux locaux : comment le libéralisme français assure le maintien du monopole ", Les Echos du 7 juillet 1999 ; " France Télécom : la vraie fin du monopole ", Les Echos du 2 décembre 1999 ; ou encore La Tribune du 30 novembre 1999 (interview du Commissaire Erkki Liikanen).

* 20 Rapport n° 1735, AN, onzième législature, sur l'application de la loi de réglementation des télécommunications.

* 21 Article du professeur Pierre Cambot " Collectivités locales et initiative privée en matière de télécommunications ", AJDA, 20 décembre 1999.

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