N° 97

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 23 novembre 2000

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2001 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME IV

JUSTICE :

SERVICES GÉNÉRAUX

Par Mme Dinah DERYCKE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Robert Bret, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Edmond Lauret, François Marc, Bernard Murat, Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2585 , 2624 à 2629 et T.A. 570

Sénat : 91 et 92 (annexe n° 32 ) (2000-2001)

Lois de finances .

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir procédé à l'audition de Mme Marylise Lebranchu, Garde des Sceaux, ministre de la justice, le mardi 14 novembre 2000, la commission des Lois du Sénat, réunie le mardi 5 décembre 2000 sous la présidence de M. Pierre Fauchon, vice-président, a examiné, sur le rapport pour avis de Mme Dinah Derycke, les crédits consacrés aux services généraux du ministère de la justice (administration centrale - services judiciaires - juridictions administratives) inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001.

Mme Dinah Derycke, rapporteur pour avis, a souligné que les crédits du ministère de la justice enregistraient une progression de 3,1 % (à structure constante), deux fois supérieure à celle de l'ensemble des crédits de l'Etat, même si la part relative du budget de la justice dans le budget de l'Etat ne s'accroissait que lentement, passant de 1,62 % en 2000 à 1,63 % en 2001 à structure constante. Elle a précisé que les crédits consacrés aux services judiciaires comportaient de très importantes mesures nouvelles destinées à la mise en application de la loi du 15 juin 2000 relative à la présomption d'innocence, soit au total 454 créations d'emplois, plus une enveloppe de 261,7 millions de francs.

Tout en saluant cet effort budgétaire substantiel, elle s'est cependant demandé s'il serait suffisant pour permettre une amélioration du fonctionnement de la justice au quotidien, constatant que la situation des juridictions restait marquée par des délais de jugement excessifs, en particulier devant les cours d'appel. Elle a en effet relevé que les créations d'emplois, d'un nombre exceptionnellement élevé (525 pour les juridictions judiciaires et 90 pour les juridictions administratives) seraient absorbées par la mise en oeuvre des nouvelles réformes et ne se traduiraient pas immédiatement par des effectifs supplémentaires sur le terrain, en raison des délais de recrutement et de formation.

Après avoir noté la poursuite du programme d'investissements immobiliers, en dépit d'un faible taux de consommation des crédits d'équipement, et les progrès réalisés dans le sens d'une meilleure maîtrise des frais de justice, elle a évoqué les négociations en cours en vue d'une nécessaire refonte du dispositif d'aide juridictionnelle, accompagnée de mesures d'urgence, pour améliorer la rétribution des avocats, ainsi que la perspective de la réforme des tribunaux de commerce.

Après un échange de vues auquel ont participé notamment MM.  Christian Bonnet, Patrice Gélard, François Marc, Daniel Hoeffel, Jacques Mahéas, Charles Jolibois et Pierre Fauchon, la commission a considéré que la progression indéniable du budget de la justice demeurait néanmoins tout à fait insuffisante eu égard à l'ampleur des défis résultant d'une part, de l'asphyxie des juridictions confrontées à une judiciarisation croissante de la société et d'autre part, des moyens très importants nécessaires à la mise en oeuvre des nouvelles réformes.

La commission des Lois a donc émis un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés aux services généraux dans le projet de budget du ministère de la justice pour 2001.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La progression des crédits du ministère de la justice inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001, deux fois supérieure à celle de l'ensemble du budget de l'Etat, traduit la priorité maintenue en faveur du renforcement des moyens des juridictions dont la situation reste, cette année encore, caractérisée par des délais de jugement excessifs, en dépit d'une certaine stabilisation des flux d'affaires nouvelles.

Cependant, ce projet de budget de la justice pour 2001 est marqué par la perspective de la prochaine entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, qui suscite actuellement bien des inquiétudes au sein du monde judiciaire. Les représentants des principales organisations professionnelles de magistrats et de fonctionnaires de justice, entendus par votre rapporteur dans le cadre de la préparation de cet avis budgétaire, ont en effet fait part de leurs vives craintes que les moyens effectifs des juridictions ne leur permettent pas de faire face dans des conditions satisfaisantes à la mise en application de cette très importante réforme dès le 1 er janvier prochain.

Aussi votre commission des Lois, toujours particulièrement soucieuse d'une amélioration du fonctionnement de la justice au quotidien, a-t-elle souhaité analyser l'évolution des crédits à la lumière de la réalité des difficultés constatées sur le terrain et de la prise en compte des incidences des réformes nouvelles, qui ne sauraient être remises en cause par l'insuffisance de moyens.

Après avoir présenté l'évolution générale des crédits affectés aux services généraux du ministère de la justice et rappelé quelques données relatives à l'activité des juridictions, le présent avis s'attachera donc plus particulièrement à la portée des efforts de recrutement au regard des besoins nés de l'application des réformes nouvelles, avant d'aborder la poursuite du programme d'investissements immobiliers et les progrès réalisés dans la maîtrise des frais de justice.

Seront en outre évoquées deux questions d'actualité : d'une part, celle d'une nécessaire refonte du système d'aide juridictionnelle qui préoccupe aujourd'hui légitimement les avocats en raison de leur insuffisante rétribution à ce titre, et, d'autre part, celle de la réforme envisagée des tribunaux de commerce.

*

* *

I. UN BUDGET TOUJOURS PRIORITAIRE ET ENCORE EN PROGRESSION

Après l'augmentation significative des crédits pour 1998 (+ 4,03 %), pour 1999 (+ 5,59 %) et pour 2000 (+ 3,91 %), le budget de la justice demeure, cette année encore, une priorité.

En effet, les crédits de paiement demandés pour 2001, qui atteignent un montant total de 29.033,39 millions de francs, enregistrent une progression nominale de 6,35 % par rapport à 2000, tandis que les autorisations de programme augmentent de 10,86 %, avec un montant total de 1.749 millions de francs.

Cependant, à structure constante, la progression des crédits de paiement n'est que de 3,10 % car, au titre du budget 2001, il est procédé au transfert, sur les budgets des différents ministères, de la part employeur des cotisations d'assurance maladie des fonctionnaires civils titulaires de l'Etat, précédemment inscrites au budget des charges communes, soit 885,9 millions de francs pour le budget de la justice.

Cette augmentation des crédits du ministère de la justice, hors transferts, est deux fois supérieure à la moyenne des autres budgets civils (+ 1,6 %).

La part du budget de la justice dans le budget général de l'Etat ne s'accroît néanmoins que lentement, passant de 1,56 % en 1998 à 1,61 % en 1999, 1,62 % en 2000 et 1,63 % en 2001 1 ( * ) .

A. UNE NETTE PROGRESSION DES CRÉDITS POUR 2001

Le tableau suivant récapitule l'évolution des crédits des trois agrégats qui font l'objet du présent avis présenté par votre commission des Lois ; l'administration générale, les services judiciaires et les juridictions administratives.

Les crédits consacrés d'une part, aux services pénitentiaires et, d'autre part, aux services de la protection judiciaire de la jeunesse, sont quant à eux examinés dans le cadre de deux autres avis présentés au nom de votre commission des Lois, respectivement par nos collègues Georges Othily et Patrice Gélard.

Evolution des crédits de paiement 2 ( * )

Dotations 2000

Crédits demandés pour 2001

Evolution

Montant

% du total

Montant

% du total

2000-2001 en %

Ensemble du ministère de la justice dont :

27.299,24

(100 %)

29.033,39

(100 %)

+ 6,35

- administration générale

3.672,77

13,45

3.813,82

13,14

+ 3,84

- services judiciaires

11.743,07

43,02

12.603,25

43,41

+ 7,33

- juridictions administratives

845,56

3,10

887,63

3,06

+ 4,98

(en millions de francs)

Les trois agrégats étudiés connaissent donc une progression substantielle des crédits qui leur sont affectés.

Les crédits consacrés aux services judiciaires , qui représentent à eux seuls plus de 40 % du budget de l'ensemble du ministère, enregistrent l'augmentation la plus marquée, soit +7,33% en tenant compte des transferts.

Ils bénéficient en effet de nombreuses créations d'emplois et d'importantes mesures nouvelles correspondant notamment au financement de l'impact budgétaire de la mise en application de la loi du 15 juin 2000 relative à la présomption d'innocence.

En revanche, les crédits destinés d'une part, à l'administration générale et d'autre part, aux juridictions administratives progressent moins que le budget de l'ensemble du ministère.

* 1 A structure constante (1,68 % avec les transferts).

* 2 Y compris transferts.

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