C. QUELLE PRISE EN COMPTE DES TRAVAUX DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE DU SÉNAT ?

1. Les travaux de la commission d'enquête

L'année 2000 a vu la création de deux commissions d'enquête parlementaire sur les prisons à l'Assemblée nationale et au Sénat.

La commission d'enquête du Sénat a souhaité concentrer ses investigations sur la situation des maisons d'arrêt. Après une soixantaine d'auditions et la visite de vingt-huit établissements, elle a proposé de mettre en oeuvre trente mesures d'urgence, afin d'améliorer sans attendre les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires. Elle a ainsi notamment proposé :

- de déconcentrer la gestion des affectations des détenus en établissements pour peine et de supprimer le centre national d'observation ;

- de renforcer les unités fermées des hôpitaux psychiatriques et de doubler le nombre de lits en unités pour malades difficiles (UMD) ;

- de pourvoir l'ensemble des postes de personnels actuellement vacants ;

- de revaloriser les métiers de l'administration pénitentiaire, afin de les rendre plus attractifs ;

- de développer la formation continue des personnels ;

- de lancer un plan de réhabilitation sur cinq ans du parc pénitentiaire sous la forme d'une loi de programme ;

- de créer une agence pénitentiaire, structure publique chargée de gérer de manière autonome les investissements et la maintenance ;

- de doubler les crédits consacrés à l'entretien des bâtiments ;

- d'instituer un minimum carcéral pour les indigents ;

- d'harmoniser à la baisse les tarifs des cantines ;

- de supprimer le prélèvement sur le produit du travail des détenus destiné à les faire participer à leurs frais d'entretien ;

- d'allonger la durée des activités proposées aux détenus au cours de la journée de détention ;

- d'harmoniser les règlements intérieurs des établissements pénitentiaires par catégorie d'établissement ;

- de réduire à vingt jours la durée maximale de placement au quartier disciplinaire ;

- d'améliorer l'accueil des familles et de favoriser le projet des associations visant à améliorer cet accueil ;

- d'expérimenter la transformation d'établissements pénitentiaires en établissements publics administratifs dotés d'un conseil d'administration.

La commission d'enquête a présenté ses conclusions le 5 juillet dernier et espérait que des mesures d'urgence pourraient être prises sans tarder.

2. Les réponses du Gouvernement

Le 8 novembre dernier, à l'occasion de l'inauguration de l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire, le Premier ministre a fait deux annonces importantes Il a tout d'abord annoncé le lancement d'un plan de rénovation des établissements pénitentiaires devant mobiliser dix milliards de francs sur six ans.

Le Premier ministre a précisé qu'un établissement public serait mis en place pour assurer la réalisation de ce vaste plan de rénovation. Le garde des sceaux a indiqué, lors de son audition par votre commission des lois, qu'un conseil d'orientation comprenant notamment des parlementaires serait mis en place au sein de l'établissement public.

Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé l'élaboration d'une loi pénitentiaire , dont la discussion au Parlement pourrait débuter à l'automne 2001. Il a ainsi défini le contenu futur de la loi : " Elle définira le sens de la peine, les missions de l'administration pénitentiaire, les règles fondamentales du régime carcéral en encadrant les nécessaires restrictions aux libertés individuelles, les conditions générales de détention. Elle permettra en outre de regrouper et d'harmoniser toute une série de textes aujourd'hui épars. Cette grande loi suivra aussi les préconisations du Premier président Canivet et des députés de la commission d'enquête sur les prisons ".

3. La nécessité d'agir vite

Les mesures annoncées par le Gouvernement sont importantes. Elles ne répondent pourtant pas entièrement aux préoccupations de la commission d'enquête du Sénat, qui souhaitait la mise en service rapide de mesures d'urgence. Les propos du Premier ministre précédemment cités montrent d'ailleurs que les préconisations des sénateurs ne retiennent guère l'attention du Gouvernement...

Ainsi, la commission d'enquête du Sénat avait souhaité l'organisation d'un débat d'orientation sur les prisons, mais le Gouvernement n'a pris aucune initiative en ce sens. Dans ces conditions, M. Jean-Jacques Hyest a posé le 21 novembre dernier au garde des sceaux une question orale avec débat sur les suites susceptibles d'être données aux travaux de la commission d'enquête.

La ministre de la justice a indiqué que certaines des propositions de la commission d'enquête étaient à l'étude, en particulier celles relatives à l'affectation des condamnés. Elle a notamment précisé que " certaines affectations pourraient être décidées sans passage par le centre national d'orientation de Fresnes, car, si c'est parfois une commodité, ce n'est pas une obligation en droit ".

Il reste que la principale réponse du Gouvernement aux travaux des commissions d'enquête, à savoir l'élaboration d'une loi pénitentiaire redéfinissant les mesures de l'administration pénitentiaire, le rôle des personnels, les droits et devoirs des détenus, nécessitera certainement un délai très long de mise en oeuvre concrète.

Or, certaines mesures utiles pourraient être prises sans attendre l'aboutissement de ce chantier important.

Aussi, nos excellents collègues, MM. Jean-Jacques Hyest et Guy Cabanel, respectivement président et rapporteur de la commission d'enquête du Sénat, ont-ils pris l'initiative de déposer, le 30 novembre dernier, une proposition de loi 1 ( * ) destinée à mettre en oeuvre rapidement les quelques propositions de la commission d'enquête relevant du domaine législatif. Cette proposition de loi prévoit :

- l'interdiction de maintenir en maison d'arrêt les condamnés à des peines d'une durée supérieure à un an d'emprisonnement ;

- la possibilité d'affecter en établissements pour peine les prévenus dont l'instruction est achevée, les appelants ou les personnes ayant formé un pourvoi en cassation ;

- la possibilité pour le juge de l'application des peines de prononcer une suspension de peine à l'égard des condamnés atteints d'une maladie grave mettant en jeu le pronostic vital ;

- enfin, la création d'un contrôleur général des prisons, conformément à la proposition formulée par la commission sur le contrôle externe des établissements pénitentiaires présidée par M. Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation.

A ce stade, votre commission des lois doit constater que les propositions de la commission d'enquête du Sénat n'ont guère été suivies d'effet et que les propositions formulées par le Gouvernement risquent de n'avoir un véritable impact sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires que dans plusieurs années.

* 1 Proposition de loi n° 115 relative aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et au Contrôle général des prisons.

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