II. LE PLFSS 2002, PREMIER « COLLECTIF SOCIAL »

A. UNE INNOVATION CONSTITUTIONNELLE

Alors que le Sénat, depuis 1998, demande sans succès au gouvernement le dépôt de projets de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, le projet de loi de financement pour 2002 innove en comprenant trois articles constituant une sorte de loi de financement rectificative pour 2001. Le gouvernement a été contraint de déférer à cette réclamation répétée du Sénat suite aux décisions du Conseil constitutionnel de décembre 2000.

1. La question récurrente des « collectifs sociaux »

La loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale a prévu la possibilité pour un gouvernement de déposer des projets de loi de financement rectificative et a donné à ces derniers le caractère de projet de loi de financement de la sécurité sociale, leur rendant ainsi applicables les formalités d'annexes et d'examen.

Ainsi, comme le prévoit le deuxième alinéa du II de l'article LO 111--3 du code de la sécurité sociale, « seules des lois de financement peuvent modifier les dispositions prises » en vertu du domaine obligatoire et réservé des lois de financement.

Le Sénat a depuis 1997 regretté que le gouvernement n'utilise pas les lois de financement rectificatives afin de prendre en compte, en cours d'exercice, soit des écarts manifestes observés sur les prévisions de recettes ou les objectifs de dépenses, soit des mesures nouvelles ayant un impact sur eux. En l'absence de loi de financement de règlement, qui n'aurait guère de sens dans la mesure où les dispositions financières des lois de financement n'ont - à l'exception près des plafonds de trésorerie - aucun caractère limitatif ni contraignant, et de loi de financement rectificative, le Parlement n'est en effet jamais amené à débattre de l'exécution d'une loi de financement et des dérives éventuelles qu'elle a pu connaître.

Dans son rapport d'information au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur les lois de financement de la sécurité sociale 3 ( * ) , en 1999, Charles Descours souhaitait ainsi que soit définie une « pratique des lois de financement rectificatives » qu'il percevait essentiellement comme ayant pour but d'ajuster le niveau des plafonds de trésorerie.

Ce que serait une pratique des lois de financement rectificatives

« L'une des interrogations majeures de la représentation nationale à l'égard des lois de financement est probablement celle de l'évolution en cours d'année des masses financières tant en dépenses qu'en recettes sur lesquelles elle s'est prononcée en loi de financement initiale. Force est de constater que les deux dernières lois de financement ont vu une lente dégradation des « conditions générales de l'équilibre » sans que le Parlement en ait été saisi par la voie d'un projet de loi de financement rectificatif pourtant explicitement prévu par la loi organique. Votre rapporteur avait ainsi souligné que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 devrait probablement faire l'objet d'une révision en cours d'année, car fondé sur des hypothèses macro-économiques trop favorables et sur le pari que la dérive des dépenses d'assurance maladie allait être contenue par le plan Aubry de juillet 1998.

Le Gouvernement peut être amené à revenir vers le Parlement en cours d'année pour deux raisons : lorsque le plafond d'avances de trésorerie aux régimes de sécurité sociale devient insuffisant ; ou lorsque l'adoption de mesures correctrices est jugée nécessaire en cours d'année.

Il est vrai que ces mesures correctrices relèvent largement du pouvoir réglementaire, à l'exception des mesures portant sur le taux et l'assiette des prélèvements affectés à la sécurité sociale. Dès lors, il est indispensable de redonner à l'instrument du plafond d'avances de trésorerie son rôle originel de contrôle du déficit.

Votre commission des affaires sociales a manifesté ce souci à deux reprises :

- une première fois, en refusant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 une « majoration de confort » du plafond de recours à l'emprunt. A l'époque, le rapporteur de l'Assemblée nationale avait souhaité une telle majoration « afin d'éviter au Gouvernement de se voir reprocher de tarder à adresser un rapport au Parlement en cas de décret visant à relever ce plafond » 81( * ) . Votre commission n'aurait pas songé à adresser un tel reproche au Gouvernement car elle estimait que ce relèvement exigeait un projet de loi de financement rectificatif et qu'en outre, il convenait, en loi de financement initiale, de calculer au plus juste les plafonds d'avances de trésorerie ;

- une deuxième fois, en refusant dans le projet de financement de la sécurité sociale pour 1999 de ratifier le décret du 26 août 1998 qui, en dépit de la majoration finalement décidée en loi de financement initiale, avait dû procéder à un relèvement supplémentaire. La commission avait alors estimé qu'il convenait de porter un coup d'arrêt au recours systématique à la voie réglementaire et privilégier le dépôt d'un projet de loi rectificatif.

Votre rapporteur estime en effet que le plafond d'avances de trésorerie, qui est la disposition la plus « normative » ou contraignante des lois de financement, doit être, en cas de relèvement, l'occasion d'un débat au Parlement sur l'évolution des masses financières votées en loi de financement initiale.

Pour le reste, un débat d'orientation budgétaire élargi aux finances publiques permettrait de faire le point à la fin du premier semestre sur l'évolution des comptes sociaux, à partir du moment où la commission des comptes de la sécurité sociale du mois de mai deviendrait une commission « tous régimes ».

Votre rapporteur souhaite vivement que cesse la pratique systématique d'un relèvement par voie réglementaire des plafonds d'avances de trésorerie.

Il estime qu'il revient à une loi de financement rectificative de procéder à cet ajustement conforme à la lettre et l'esprit de la loi organique.

Cette autorisation parlementaire constitue une contrainte salutaire conduisant le Gouvernement à devoir s'expliquer devant la représentation nationale sur une dérive des comptes sociaux. »

Source : « Les lois de financement de la sécurité sociale », Rapport d'information au nom de la commission des affaires sociales, Charles Descours, Sénat, n° 433 (1998-1999).

Aujourd'hui, la question des lois de financement rectificatives a pris une dimension encore plus importante suite à la nécessité de financer les allégements de cotisations sociales par le FOREC, et donc aux transferts très complexes de ressources et de charges que la création de ce fonds a suscités. Une autre raison pour justifier des lois de financement rectificatives se trouve dans la pratique du rebasage de l'ONDAM qui revient à faire adopter par le Parlement un ONDAM calculé non pas à partir du dernier ONDAM voté par lui mais de sa prévision de réalisation, qui, elle, n'a aucun caractère législatif puisque communiquée lors de la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale. Enfin, chaque année d'exécution a révélé des écarts importants, de l'ordre de 4 %, entre les prévisions de recettes, et les objectifs de dépenses, et les réalisations. Le Parlement n'ayant pas la possibilité de prendre acte et de réviser les valeurs en cause n'a alors l'occasion ni de s'interroger sur la manière dont les surcroîts de recettes ont pu être financés, ni de se pencher sur les causes de la dérive des dépenses. La « cagnotte sociale » issue de la croissance a ainsi pu être dilapidée sans débat démocratique.

Malgré les déficits chroniques du FOREC, malgré le rebasage et les dépassements de l'ONDAM, malgré les écarts entre prévisions et réalisations, le gouvernement s'est ainsi toujours opposé à déposer un projet de loi de financement rectificative.

C'est pourquoi le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, qui comprend trois articles constituant en son sein une sorte de projet de loi de financement rectificative, apparaît comme une innovation, dont l'origine se trouve non pas dans une volonté du gouvernement mais dans les conséquences des décisions du Conseil constitutionnel.

* 3 « Les lois de financement de la sécurité sociale », Rapport d'information au nom de la commission des affaires sociales, Charles Descours, Sénat, n° 433 (1998-1999).

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