D. QUID DES RÉFORMES DE FOND ?

1. Politique du médicament : mieux vaut tard que jamais !

Votre rapporteur pour avis a déjà eu l'occasion de commenter la politique du médicament menée par le gouvernement. Il a notamment rappelé les principales mesures contenues dans le « plan médicament » présenté le 7 juin 2001 et il a également décrit les mesures contenues dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Si votre rapporteur pour avis reconnaît à bon droit que des efforts importants sont en passe d'être consentis, il tient cependant à rappeler les insuffisances de la politique du médicament, d'ailleurs analysées par la Cour des comptes dans son rapport sur le financement de la sécurité sociale de septembre 2001.

Ainsi, d'après la Cour des comptes, « la forte croissance des remboursements par l'assurance maladie des médicaments achetés en ville, et leur accélération en 2000, posent une double question : celle du financement de cette dépense qui augmente et qui probablement continuera à augmenter dans les prochaines années, et celle du choix des dépenses prises en charge par la collectivité ».

En outre, la Cour estime que la politique du médicament depuis 1998 a eu une efficacité limitée. Malgré une réflexion globale sur la politique du médicament et des objectifs ambitieux, les mesures prises depuis 1998 n'ont eu à ce jour qu'un faible impact sur les dépenses. La réforme annoncée le 18 février 1998 comprenait deux grands axes : garantir le bon usage du médicament, ce qui d'après la Cour des comptes « n'a pas été appliqué », et maîtriser la dépense pharmaceutique y donnant lieu à deux séries de mesures (génériques et réévaluation) annoncées en février 1998, complétées par une régulation financière, annoncée en juillet 1998.

Le constat que dresse la Cour de la politique du médicament menée par le gouvernement depuis 1998 est, à cet égard, particulièrement négatif :

- incapacité de la régulation financière conventionnelle à freiner les dépenses ;

- faible développement du marché des médicaments génériques ;

- effets encore limités de la réévaluation du service médical rendu.

En définitive, la Cour fait les trois remarques suivantes : « tandis que la régulation financière a atteint en 2000 son plafond de 3 % sans avoir atteint son objectif de maîtrise de la croissance des médicaments, les deux autres mesures - promotions des génériques et réévaluation de l'intérêt des médicaments - n'ont reçu qu'un début d'exécution ; les délais de mise en oeuvre (des réformes) ont été longs ; les mesures prises ont porté sur les producteurs et les distributeurs de médicaments mais pas sur les utilisateurs que sont les prescripteurs et les patients ».

En outre, la Cour analyse les obstacles de fond à la régulation du médicament ; deux obstacles majeurs sont ainsi mis en évidence :

- le système d'information reste presque entièrement dépendant de l'industrie ; une information indépendante sur le « bon usage du médicament » tarde à être développée ;

- il manque une réévaluation fréquente : pour devenir plus sélective, la procédure d'admission au remboursement nécessite l'octroi de plus de moyens à la commission de la transparence, ainsi que de réviser régulièrement les conditions de remboursement et les prix, et de cibler en priorité les produits les plus coûteux.

Votre rapporteur pour avis partage l'analyse ainsi présentée par la Cour des comptes et reste persuadé que la problématique de fond, celle du bon usage du médicament, est une des clés de l'efficacité de la politique du médicament dans notre pays.

Résumé des mesures annoncées en matière de politique de médicament et de leur degré de réalisation

Objectif et date

Évaluation des résultats

Réaliser un référentiel public sur les médicaments pour la fin 1998 (1)

Pas réalisé : objectif 1.1.2003

L'observatoire national des médicaments mettra en 98 en place des indicateurs de suivi des évolutions des ventes, des prescriptions et des consommations dans 5 classes

Pas réalisé : arrêt des travaux de l'observatoire en 1999-2000, reprise en 2001, mais a priori pas sur ces bases.

Mise en place de médecins évaluateurs accrédités par l'ANAES, chargés d'évaluer les pratiques de leurs confrères (2)

En cours , mais n'a pas encore débuté au début de 2001.

Elargir les missions de l'ANAES pur développer l'évaluation en médecine de ville, notamment grâce à la construction et à la diffusion de RBP (dispositions législatives début 99) (2)

Réalisé : décret du 28/12/1999 sur l'évaluation médicale et l'analyse de l'évolution des dépenses médicales.

Développer les recommandations de bonne pratique (RBP) (1)

Réalisé mais... : L'ANAES a effectivement développé les RBP, mais leur diffusion aux prescripteurs demeure très limitée.

Améliorer la FMC obligatoire, en passant d'une obligation formelle à un véritable entretien des connaissances (modif. Législatives début 99) ; Choix entre formations ou évaluation (2 + 3)

Non réalisé : Projet de loi en cours de préparation (discussion parlementaire en 2001 ?)

Développer un plan de communication en direction des assurés (« RMO pour patients ») pour promouvoir le bon usage des médicaments, dès avril 99 (3)

Non réalisé : seulement des campagnes ponctuelles

Développer l'automédication (1)

Non réalisé. L'automédication ne s'est pas développée (malgré un groupe de travail à l'AFSSAPS).

Réduire la durée d'instruction des médicaments innovants (1)

Sans objet. Cette durée est de toutes façons limitée par la directive UE à 180 jours. La CT et le CEPS ont cette préoccupation pour les médicaments innovants.

Responsabiliser les prescripteurs (cf. engagement conventionnel de prescrire les médicaments les moins onéreux) (1).

Non réalisé : la convention 97 a été annulée par le Conseil d'Etat. Aucune responsabilisation des prescripteurs actuellement.

Achèvement du répertoire des génériques (1)

Réalisé mais... Le répertoire existe, mais souffre de longs délais de publication, préjudiciables aux nouveaux génériques.

Contrôle de la qualité de tous les génériques (1)

Mettre en place un droit de substitution (1)

Réalisé en juin 1999 (LFSS pour 1999) mais droit encadré.

Inciter dans la convention les industriels à promouvoir les génériques (1)

Mentionné dans des conventions. Mais dépourvue de contenu concret, l'incitation semble être restée inefficace.

Doubler la part des génériques dans la consommation pharmaceutique d'ici fin 99 (1)

Non réalisé . Progression plus lente.

Diminuer les volumes des classes où sur consommation, notamment de 10 % en 18 mois (à la fin 99) pour antidépresseurs et certains antibiotiques en ville (1)

Non réalisé.

Redéfinition des critères de prise en charge des médicaments sur la base du SMR (1)

Réalisé : décret du 27 octobre 1999

Réévaluation des conditions de prise en charge et des prix des classes où le SMR est insuffisant (1)

Réalisé mais ... Réévaluation du SMR presque terminée (2.660 sur 4000 spécialités), mais peu d'effets en termes de changements de prise en charge et de prix.

Mettre en place un programme de baisse de prix dans les classes à SMR insuffisant, pour aboutir en 2 à 3 ans à un prix-cible par classe (2)

En cours . Début de mise en oeuvre en 2000 pour les 650 médicaments à SMR jugé insuffisant, dont les prix devront être baissés de 20 % en 3 ans.

Réduire les dépenses promotionnelles des laboratoires de 10 % de 98 à 99 (1)

Non réalisé.

Renforcer le contrôle de la publicité des médicaments et les sanctions (2)

En partie réalisé : possibilité de baisser les prix des médicaments dont des publicités ont été interdites.

Démographie médicale : reconvertir des médecins vers la médecine du travail ou scolaire : développer les activités non prescriptives à temps partiel pour les médecins libéraux (2)

Non réalisé.

Accélérer le codage des actes et des pathologies (2)

En partie réalisé. Codage des médicaments réalisé à 70 % (95 % sur le seul régime général) à ce jour et complet en 2002. Codage des pathologies : pas d'échéance.

Utilisation du réseau santé social pour mettre à disposition des professionnels des informations : « intranet santé » (2 + 3)

Réalisé mais... Opérationnel depuis octobre 98 : 70 % des médecins = informatisés début 99. Peu de services disponibles sur le réseau santé social.

Création de la clause de sauvegarde, concernant tous les acteurs de santé, en cas de dépassement de l'objectif annuel correspondant à l'évolution des besoins de santé : la clause ne jouerait que lorsque les mécanismes de responsabilité individuelle ou collective (génériques, bon usage...) ne suffisent pas (2)

En partie réalisé. LFSS 1999 : l'utilisation de la clause n'est pas exceptionnelle mais systématique, car l'objectif annuel fixé est bas. Le reversement ne touche que les laboratoires.

(1) : communication du 18 février 1998

(2) : point presse du 6 juillet 1998

(3) : point presse du 12 février 1999.

Source : rapport de la Cour des comptes sur le financement de la sécurité sociale (septembre 2001)

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