4. Quid des cliniques privées ?

L'année dernière, le prédécesseur de votre rapporteur pour avis avait déjà dénoncé le peu de considération dont faisait preuve le gouvernement à l'égard des cliniques privées.

La crise sociale concerne aujourd'hui l'ensemble des établissements de santé privés sur tout le territoire et tous les personnels, notamment soignants. Elle résulte en particulier de la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail dans les cliniques.

Aujourd'hui, on peut estimer le déficit de postes d'infirmiers dans les cliniques privées à plus de 7.000, sur un total de 35.000. De plus, les cliniques peinent à recruter des médecins en gynécologie obstétrique et en anesthésie. En outre, l'hospitalisation privée ne peut, dans les conditions tarifaires actuelles, assurer l'égalité de traitement avec les hôpitaux publics et, en conséquence, assumer sa place, pourtant légitime et décisive dans le paysage hospitalier français. Selon la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), l'écart entre la rémunération des infirmiers du secteur public et ceux du secteur privé est de 14 % en faveur du secteur public.

La réduction du temps de travail équivalant à 10 % environ de la durée totale de travail doit être majoritairement compensée (7 %) par des embauches de personnels possédant les qualifications nécessaires au maintien de la qualité des soins et des services. Une telle compensation pourrait notamment être financée par la suppression de la taxe sur les salaires permettant, compte tenu de son montant et de sa proportionnalité aux salaires bruts de financer - sans majoration budgétaire - les conséquences de la réduction du temps de travail dans le secteur de l'hospitalisation privée ainsi qu'une partie importante des créations d'emplois nécessaires dans le secteur public. Le rapport de notre collègue sénateur Alain Lambert prônant une suppression progressive de cette taxe, a montré d'ailleurs les effets négatifs sur l'emploi. 50 ( * )

Ces mesures à destination des cliniques sont d'autant plus nécessaires que leur situation financière est aujourd'hui considérée comme critique. La rentabilité économique des établissements hospitaliers privés chute et a atteint un niveau alarmant de 0,8 % en 1998, en baisse d'un point par rapport à 1997. La généralisation de la dégradation des résultats se traduit globalement par une baisse du taux de résultat net et une augmentation du nombre d'établissements déficitaires de 66 % entre 1997 et 1998. La solvabilité de ces établissements est également en baisse ainsi que leur indépendance financière et le niveau de leurs capitaux propres.

Cette situation est d'autant plus injuste et économiquement absurde que le programme d'évaluation des coûts hospitaliers (le PMSI) montre que, même une fois les charges propres au service public déduites et les honoraires des médecins libéraux inclus, le même acte de soin revient 30 à 50 % moins cher dans le privé qu'à l'hôpital public. Les cliniques effectuent aujourd'hui un tiers des accouchements, la moitié des interventions chirurgicales, 80 % de la chirurgie ambulatoire. Les charges des cliniques ont augmenté de 15 à 20 % au cours des sept dernières années d'après la FIEHP. En outre, une récente étude du ministère de l'emploi et de la solidarité a montré que les petites cliniques spécialisées sont les plus rentables de l'hospitalisation privée, secteur dont la croissance annuelle subit cependant un ralentissement ces dernières années. En 1997 et 1998, la progression moyenne du chiffre d'affaires des quelques 1.200 cliniques s'établit à 3,3 % alors qu'elle était de 4,5 % les années précédentes.

Comme votre rapporteur pour avis a déjà eu l'occasion de le souligner, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 ne contient aucune mesure en faveur des cliniques privées, à l'exception de la dotation de 150 millions de francs (22,87 millions d'euros) pour le Fonds de modernisation des cliniques privées, soit la même somme que l'année précédente, ce qui est véritablement dérisoire.

Votre rapporteur pour avis ne peut donc s'étonner devant les revendications des représentants des cliniques privées, médecins et directeurs notamment, qui exigent une enveloppe de 910 millions d'euros (6 milliards de francs) pour pouvoir recruter, mais surtout garder, leurs infirmières en raison des distorsions de statut entre le privé et le public découlant notamment de la création de 45.000 emplois supplémentaires dans l'hôpital public d'ici trois ans, annoncée par le gouvernement.

* 50 « La taxe sur les salaires ou comment s'en débarrasser », rapport d'information au nom de la commission des finances, Alain Lambert , Sénat, n° 8 (2001-2002).

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