B. LES ALLIANCES ENTRE CONSOLIDATION ET ÉCLATEMENT

1. Un phénomène jusqu'alors structurant du transport aérien

La constitution d'alliances stratégiques mondiales est indéniablement le fait marquant du transport aérien ces dernières années. En effet, depuis dix ans, contrairement à de nombreux autres secteurs (télécommunications, finance, énergie...), le transport aérien se caractérise par la constitution d' un grand nombre d'alliances commerciales et l'existence, en proportion, d'un plus faible nombre de concentrations par fusions-acquisitions. Cette particularité découle de deux causes aux conséquences convergentes : la réglementation, tant européenne qu'américaine, qui entrave les rapprochements capitalistiques, et la politique d'organisation du trafic en « hubs » 21( * ) ,qui nécessite l'alimentation en passagers de la plate-forme de correspondance.

Au-delà de simples accords de coopération liant une compagnie à une autre, les alliances dites « stratégiques » se sont peu à peu imposées, ramifiées autour de grands pôles, chacun dominé par une compagnie « majeure » américaine. Leur contenu est plus ou moins étendu, mais les compagnies partenaires et leurs passagers peuvent y trouver les avantages suivants :

- enregistrement unique ;

- suivi automatique des bagages ;

- programmes de fidélisation commun ;

- partage des réseaux d'agences ;

- gestion commune des réclamations de passagers ;

- accroissement du nombre de destinations ;

- alimentation en passagers des « hubs » respectifs, permettant une meilleure exploitation ;

- achats communs (avions, équipements carburant, restauration à bord, maintenance, assistance en escale...).

Les compagnies cherchent à mettre en place par ce biais un réseau mondial, tout en rationalisant leurs moyens. Les alliances, censées à la fois accroître les taux de remplissage -et donc les recettes- et diminuer les coûts, ont peu à peu structuré le trafic aérien mondial. Ainsi, on estime qu'en 2000, cinq grandes alliances se sont partagé 70 % du trafic aérien régulier mondial, en s'appuyant sur les grandes plates-formes de correspondance européennes, américaines et asiatiques des pays membres.

Au mois de septembre 2001, la composition des alliances est la suivante :

- Star Alliance 22( * ) regroupe quinze compagnies dont Lufthansa, SAS, United Airlines, Air Canada et Singapour Airlines : elle représente 24 % du trafic mondial ;

- Oneworld regroupe huit compagnies, dont British Airways, Ibéria, Qantas et American Airlines : les compagnies membres totalisent 18 % du trafic mondial ;

- Wings regroupe KLM, Northwest, Continental et Malaysia Airlines, qui représentent, 12 % du trafic mondial.

- Qualiflyer Group regroupe toujours, formellement, autour de Swissair, onze compagnies européennes et représente 4 % du trafic mondial, même si ces compagnies rencontrent des difficultés qui pourraient affecter significativement leur stratégie ;

- SkyTeam regroupe, autour d'Air France et Delta Airlines, six compagnies et réalise 13 % du trafic mondial.

L'encadré suivant résume les poids relatifs de ces cinq alliances pour l'année 2000 :

POIDS DES ALLIANCES STRATÉGIQUES EN 2000

 

Trafic total (millions de -passagers-kiomètres transportés)

Part du trafic mondial

en 2000

STAR ALLIANCE

Air Canada, Air New Zealand, All Nippon Airways, Ansett Australia, Austrian Airlines, British Midlands, Lauda Air, Lufthansa, Mexicana, SAS, Singapore Alirlines, Thai Airlines, Tyrolean, United Airlines, Varig

657

24 %

ONEWORLD

Aer Lingus, American Airlines, British Airways, Cathay Pacifics, Finnair, Ibéria, LAN-Chile, Quantas

486

18 %

SKYTEAM

Aeromexico, Air France, Delta Airlines, Korean , CSA - Czech

364

13 %

WINGS

Continental, KLM, Northwest, Malaysia Airlines , Airlines, Alitalia

322

12 %

QUALIFLYER

Air Europe, Air Littoral, AOM, Air liberté, Crossair, LOT, Portugalia, Sabena, Swissair, TAP, Turkish Airlines, Volare Airlines

110 %

4 %

TOTAL

1 939

71 %

Source : Direction générale de l'aviation civile - septembre 2001 -

En ce qui concerne l'intégration d'Alitalia à l'alliance « Skyteam », et les relations entre cette compagnie et Air France, l'objectif recherché est l'intégration effective à l'hiver 2001/2002 de la compagnie italienne à l'alliance Skyteam, ainsi qu'à l'alliance Skyteam Cargo. Les quatre compagnies Air France, Alitalia, CSA et Delta ont par ailleurs demandé l'accord des autorités concurrentielles américaines, espérant l'obtenir d'ici au 1 er janvier 2002.

Les principaux objectifs de l'alliance entre Air France et Alitalia sont :

- la création d'un système « multi-hub » européen , composé de Paris (Charles-de-Gaulle), Milan (Malpensa) et Rome (Fiumicino), offrant des correspondances avec les plateformes des autres partenaires ;

- la coordination des services offerts aux passagers , incluant les réseaux, les programmes de fidélisation, la vente et le marketing. Un partenariat commercial fort sur les vols entre la France et l'Italie sera également mis en oeuvre, avec une phase transitoire de trois ans au cours de laquelle un partage à égalité des capacités et des résultats d'exploitation des lignes sera progressivement mis en place ;

- la coopération entre les deux compagnies dans les domaines du transport de fret, de la maintenance, de l'assistance en escale, des achats et des systèmes d'information.

Parmi les noms des compagnies évoquées pour rejoindre l'alliance Skyteam , citons le russe Aeroflot ou encore Thaï Airways dont la cohabitation avec Singapore Airlines dans Star Alliance s'avère délicate.

2. Une stratégie sans alternative ?

Alors qu'en 2000, les projets de fusion entre compagnies se multipliaient, tant sur le continent européen qu'aux Etats-Unis, l'échec de bon nombre de ces projets 23( * ) a mis long feu à la perspective d'une concentration du secteur à court terme. Toutefois, le ralentissement prévisible de la croissance du secteur et, surtout, les difficultés actuelles des compagnies, sont de nature à lancer un mouvement de restructuration, même si le contrôle des concentrations et les restrictions réglementaires apportées aux modalités de détention des participations au capital de compagnies étrangères, des deux côtés de l'Atlantique, restent deux facteurs contraires à une éventuelle concentration. A cet égard, des évolutions réglementaires sont envisagées au plan européen.

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