Projet de loi de finances pour 2002 - Tome IX - Consommation et concurrence

TERRADE (Odette)

AVIS 89 - TOME IX (2001-2002) - COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES

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Table des matières




N° 89

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 novembre 2001

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 2002 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME IX

CONSOMMATION ET CONCURRENCE

Par Mme Odette TERRADE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Gérard Larcher, président ; Jean-Paul Emorine, Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Jean-Marc Pastor, Mme Odette Terrade, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Patrick Lassourd, Bernard Piras, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Marcel-Pierre Cleach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Detraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Paul Dubrule, Bernard Dussaut, André Ferrand, Hilaire Flandre, François Fortassin, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Charles Guené, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kerguéris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, René Monory, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 3262 , 3320 à 3325 et T.A. 721

Sénat
: 86 et 87 (annexe n° 11 ) (2001-2002)


Lois de finances.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Si la concurrence est une affaire de marché et la consommation une affaire privée, toutes deux présentent la singularité d'appeler nécessairement un contrôle étatique efficace pour assurer leur fonctionnement : contrôle des concentrations d'entreprise et sanction des pratiques anticoncurrentielles ou déloyales, d'une part ; contrôle de la qualité et de la sécurité des produits et services proposés aux consommateurs, d'autre part.

La problématique du contrôle s'est encore trouvée au coeur de l'actualité cette année : les nouvelles alertes relatives à l'encéphalite spongiforme bovine (ESB), qui ont conduit en novembre 2000 à l'interdiction absolue des farines animales ; les débats provoqués, durant l'été 2001, par les arrachages sauvages de champs expérimentaux de cultures génétiquement modifiées ; les rejets de projets de fusions franco-françaises par la Commission européenne... Tout ceci concourt à souligner l'importance, pour nos concitoyens, de l'examen des crédits consacrés à la consommation et à la concurrence dans le projet de loi de finances pour 2002.

Cet examen porte, bien sûr, sur l'adéquation entre le volume de ces crédits et les besoins à couvrir : 192 millions d'euros -en hausse de 2,2 %- pour un champ de responsabilité très large, relevant à la fois de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et du secrétariat d'Etat aux PME, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Mais cet examen porte aussi sur la qualité de la politique nationale alimentée par ces crédits, sur la dynamisation au sein de l'enveloppe budgétaire et sur l'articulation des politiques nationale et communautaire, particulièrement imbriquées en matière de consommation et de concurrence.

Pour procéder à cet examen, votre rapporteur pour avis a choisi de se placer du point de vue du consommateur, notamment du plus vulnérable, dont la protection physique et économique lui semble devoir être garantie à tout prix afin d'optimiser sa sécurité et de prévenir son exclusion. A cet égard, la prochaine introduction de l'euro fiduciaire et la montée en puissance des nouvelles technologies -biotechnologies (OGM) et commerce électronique- constituent de grands défis, sur lesquels votre rapporteur pour avis s'engage à exercer toute sa vigilance.

CHAPITRE IER -

LES ORIENTATIONS BUDGÉTAIRES

I. UN BUDGET MODESTE

Insérés parmi les crédits consacrés au budget « économie, finances et industrie », dont ils ne représentent que 1,3 %, les crédits de la consommation et de la concurrence sont regroupés au sein de l'agrégat n° 17 relatif à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

Cet agrégat regroupe :

- les crédits de fonctionnement et d'équipement de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ;

- les crédits d'intervention de la DGCCRF, qui comprennent les subventions de fonctionnement à l'Institut national de la consommation (INC), à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFFSA) et aux organismes de défense des consommateurs.

Associant les actions en matière de consommation et de concurrence, ces crédits demeurent ainsi peu lisibles.

Le budget de la concurrence et de la consommation pour 2002 s'élève à 191,88 millions d'euros contre 187,74 millions d'euros en 2001, soit une augmentation de 2,2 %.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS PAR TITRE
(en millions d'euros)

 

LFI 2001

PLF 2002

EVOLUTION (%)

Dépenses ordinaires (DO), dont :

- Moyens des services

- Interventions publiques

182,40

174,77

7,63

187,84

180,22

7,62

+2,98

+3,12

-0,13

Dépenses en capital

Crédits de paiement (CP)

5,34

4,04

-24,35

Total (DO + CP)

187,74

191,88

+2,2

Autorisations de programmes

3,51

2,82

-19,66

Les dépenses ordinaires s'élèvent à 187,84 millions d'euros contre 182,40 millions d'euros en 2001, soit une progression de 2,98 %. Elles représentent la quasi totalité du budget affecté à la consommation et à la concurrence.

Les moyens des services sont en augmentation de 3 % par rapport à 2001 et atteignent 180,22 millions d'euros, soit 96 % des dépenses ordinaires.

Ces dotations couvrent les dépenses de personnel (145,54 millions d'euros) et de fonctionnement (34,68 millions d'euros) de la Direction Générale de la Consommation, de la Concurrence et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), des services déconcentrés et de la commission de la sécurité des consommateurs (CSC), ainsi que les subventions de fonctionnement de l'Institut national de la consommation (INC) et de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA).

L'INC bénéficie pour 2002 d'une subvention de fonctionnement de 3,81 millions d'euros, comme en 2001 et en 2000. L'AFSSA bénéficie, quant à elle, d'une nouvelle augmentation de sa subvention de fonctionnement qui s'élève, pour 2002, à 3,12 millions d'euros contre 2,79 millions d'euros en 2001. Cette subvention vient compléter celle du ministère de l'agriculture, qui s'élève à 33,26 millions d'euros pour 2002.

Les crédits d'intervention , qui sont pour l'essentiel affectés aux organisations de consommateurs, s'élèvent pour 2002 à 7,62 millions d'euros, pratiquement comme en 2001 et 2000.

Les dépenses en capital . Les crédits de paiement s'élèvent à 4 millions d'euros contre 5,34 millions d'euros en 2001. Les autorisations de programme sont ramenées de 3,5  à 2,8 millions d'euros.

Votre rapporteur pour avis se félicite de la poursuite de la progression des crédits affectés à la Direction générale de la concurrence et de la consommation et de la répression des fraudes, qui illustre le souci des pouvoirs publics de préserver les moyens de cette politique, dont les ambitions avaient fortement pâti, ces dernières années, d'un désengagement marqué de l'Etat. Elle se félicite, en particulier, de la création de 27 nouveaux emplois de catégorie A à la DGCCRF, dont 22 visent à renforcer les actions de lutte contre les encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles (ESST), après la création de 12 postes en 2001 rompant avec la suppression de 55 postes budgétaires entre 1997 et 2000. La priorité accordée à la sécurité des consommateurs et la réactivité en cas de crise impliquent que l'on donne à cette administration les moyens de remplir ses missions.

II. UNE ADMINISTRATION QUI SE MODERNISE

A. LES MISSIONS ET LES MOYENS DE LA DGCCRF

Sous la responsabilité du Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et des secrétaires d'Etat qui en dépendent, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) a la mission de réguler et contrôler les marchés pour assurer leur bon fonctionnement, au bénéfice de tous les acteurs économiques : particuliers, entreprises, collectivités publiques.

On peut regrouper les missions de la DGCCRF en trois catégories : celles relatives à la concurrence, celles relatives à la sécurité des consommateurs et enfin les missions visant à garantir la qualité et la loyauté des produits et des services.

En matière de concurrence , la direction générale favorise le libre jeu de la concurrence et veille notamment au bon équilibre des relations entre producteurs et consommateurs afin de :

- lutter contre les pratiques anticoncurrentielles (ententes, abus de position dominante) ;

- contrôler les concentrations d'entreprises (dont la notification à la DGCCRF a été rendue obligatoire par la loi sur les nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001, au-delà de certains seuils) ;

- sanctionner les pratiques restrictives de concurrence (pratiques discriminatoires, reventes à perte, non-respect des délais de paiement...) et les violations de la réglementation économique (concurrence déloyale : contrefaçons, soldes...) ;

- contrôler le respect des règles de concurrence concernant les marchés publics ou les délégations de service public, en apportant notamment une assistance importante aux différentes collectivités publiques.

En ce qui concerne la sécurité des consommateurs , la direction générale élabore et réalise des plans de surveillance par produits et des programmes de contrôle en entreprise afin de vérifier la sécurité des prestations de service et des produits alimentaires ou industriels.

Elle suit au niveau européen les indices de dangerosité des produits qui lui sont communiqués par les autorités des Etats membres de l'Union européenne et collabore, avec les ministères chargés de l'agriculture et de la santé, aux opérations conjointes menées en matière de sécurité alimentaire (ESB, OGM, listéria...). Elle participe à toutes les opérations de sécurité domestique.

En matière de qualité et de loyauté des produits et services -protection économique du consommateur-, la direction générale effectue des contrôles en entreprise et au stade de la distribution et traite les plaintes qui lui sont transmises. Ces actions peuvent conduire à des prélèvements qui sont ensuite analysés par les laboratoires de la direction générale ou des laboratoires agréés. Elles visent à prévenir :

- les tromperies et falsifications sur les produits (règles et signes de qualité) ;

- les pratiques de vente préjudiciables au consommateur (publicité mensongère, faux rabais, ventes liées) ;

- l'absence d'affichage des prix, de facturation ou d'information du consommateur.

La DGCCRF dispose, pour remplir sa mission, d'implantations dans toute la France, à proximité des usagers, consommateurs, entreprises et élus. Elle emploie 3.735 agents, répartis entre l'administration centrale à Paris, 101 directions départementales et plusieurs unités spécialisées.

En effet, la DGCCRF est implantée au chef lieu de chaque département métropolitain et d'outre-mer. Elle dispose, en outre, de 16 secteurs et de 8 antennes infra-départementales, ainsi que de 8 laboratoires interrégionaux d'analyse et de recherche (Bordeaux, Lille, Marseille, Massy, Montpellier, Rennes, Saint-Denis de la Réunion, Strasbourg, lequel est spécialisé dans les organismes génétiquement modifiés et nécessite donc des investissements importants afin d'attirer les compétences et d'acquérir du matériel). Plusieurs antennes ayant été fermées pour des raisons d'économies en 2000 et 2001, les contrôles sont désormais réalisés à partir du chef lieu de département. La construction d'un neuvième laboratoire en région lyonnaise est à l'étude.

B. LA DGCCRF EN COURS DE RÉFORME

La DGCCRF s'est engagée dans une opération de modernisation de ses structures et de son fonctionnement, initiée par une réorganisation de l'administration centrale en 1998.

Les principaux objectifs de cette réorganisation étaient, d'une part, de rationaliser et de simplifier les structures et, d'autre part, d'adapter la DGCCRF aux évolutions économiques.

Depuis 1999, la DGCCRF a notamment poursuivi la mise en réseau informatique de ses services déconcentrés et de son administration centrale et le déploiement de son système informatisé de gestion des enquêtes.

Cette réorganisation a permis à la DGCCRF d'appréhender les dossiers de manière plus globale et plus dynamique. La direction générale a ainsi gagné en efficacité, en rapidité et en réactivité.

Les nombreuses crises récentes dans le domaine alimentaire impliquent de nouvelles adaptations dans le mode de fonctionnement des services ainsi que le strict respect des impératifs du Code de procédure pénale.

Le premier acte de cette prochaine réforme d'ensemble de la DGCCRF a consisté en l'adoption de l'article 81 de la loi sur les nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001, qui a conféré aux agents de la DGCCRF une compétence territoriale nationale pour l'accomplissement de leurs missions essentielles (relevant du livre IV du code de commerce et du livre II du code de la consommation). Cet élargissement de la compétence territoriale exige une organisation permettant d'éviter des interventions successives ou concomitantes auprès d'une même entreprise.

Le deuxième acte sera l'adoption de plusieurs textes dont le conseil d'Etat vient d'être saisi et dont les points principaux sont les suivants :

Création de trois services à compétence nationale (SCN) :

- SCN d'enquêtes de concurrence, de consommation et de répression des fraudes ;

- SCN des laboratoires ;

- SCN de l'école de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Création de huit directions de région à compétence territoriale élargie pour ce qui concerne les enquêtes de concurrence et de vins et spiritueux.

Confirmation du rôle de cellule de base des direction départementales, cadres d'intervention privilégiés de la DGCCRF, et du rôle de coordination et d'animation des directions de région.

Autorisation aux stagiaires des écoles de participer, au titre de leur formation pratique, à des enquêtes sur le terrain, et à des spécialistes de la direction générale d'intervenir comme agents assistants des enquêteurs territorialement compétents, pour celles des missions non couvertes par la compétence territoriale nationale.

Cette réforme aura naturellement des conséquences sur l'organisation de l'administration centrale, à commencer par la disparition prévisible d'un de ses bureaux (sur les 26 qu'elle compte).

Enfin, pour compléter la réforme, une actualisation de l'instruction générale sur le contentieux est en cours et un projet d'instruction générale aux services sera finalisé et diffusé après publication des textes portant réforme de la DGCCRF.

Votre rapporteur pour avis souhaite que ces nouveaux textes contribuent, en la modernisant, à simplifier et rendre encore plus efficace l'administration de la DGCCRF à l'égard des usagers.

Depuis plusieurs années, la DGCCRF développe, par ailleurs, une politique d'ouverture vers d'autres directions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, d'autres services ministériels et organismes publics et vers ses homologues étrangers .

Des protocoles ou plans d'action communs ont ainsi été mis en place au cours des dernières années avec la direction générale des impôts (DGI), la direction générale de la comptabilité publique (DGCP), la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) et la direction générale de l'industrie, des technologies de l'information et des postes ( DIGITIP), visant essentiellement à renforcer la coopération dans l'ensemble des domaines touchant à la protection des consommateurs.

Dans ses domaines de compétence, la DGCCRF entretient des relations étroites (souvent formalisées par des protocoles) avec les autres ministères, tels l'Agriculture, la Santé, la Justice ou la Jeunesse et les Sports ainsi qu'avec certains organismes publics.

Le 24 septembre 1999, la DGCCRF, la Direction Générale de l'Alimentation (DGAL) et la Direction Générale de la Santé (DGS) ont signé un protocole qui fixe les modalités de coopération entre les trois administrations chargées de veiller à la sécurité en matière d'alimentation humaine et animale. Les mêmes administrations ont signé, le 27 septembre 1999, un protocole spécifique définissant leurs relations avec l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA).

Un protocole de coopération a été également signé le 1 er décembre 1999 entre la DGCCRF et l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS).

Votre commission encourage le développement de ces coopérations, tout particulièrement en matière de sécurité alimentaire, où la réactivité face aux crises et l'efficacité des contrôles dépendent très largement de la bonne coordination entre les administrations.

CHAPITRE II -

LA POLITIQUE DE LA CONSOMMATION

Les pouvoirs publics poursuivent leur politique de la consommation soit directement, grâce aux services de la DGCCRF, soit indirectement, grâce au concours des mouvements consuméristes.

I. LE SOUTIEN AUX MOUVEMENTS CONSUMÉRISTES

Le soutien aux mouvements consuméristes prend la forme d'un soutien aux associations agréées de consommateurs et à l'Institut National de la Consommation.

A. LES ASSOCIATIONS AGRÉÉES DE CONSOMMATEURS : DES RELAIS INDISPENSABLES DE LA POLITIQUE DE PROTECTION DES CONSOMMATEURS

Les associations constituent des relais indispensables de la politique de protection des consommateurs. Par leurs actions de formation, de conseil et d'information, elles sont des partenaires privilégiés des pouvoirs publics. Elles jouent, en outre, un rôle de médiation des conflits.

1. Un mouvement associatif dynamique

Parmi ces associations, les associations agréées au sens des articles L.421-1 et suivants du code de la consommation 1( * ) jouent un rôle essentiel. Leur agrément leur permet en effet :

- d'intervenir devant les juridictions civiles pour soutenir la demande en réparation d'un consommateur lésé ;

- de se porter partie civile, s'il y a atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs ;

- de représenter plusieurs plaignants devant les tribunaux, dans le cas d'un préjudice causé par un même professionnel ;

- de demander au juge civil la suppression des clauses abusives dans les contrats qui sont proposés aux consommateurs ;

- de demander au tribunal civil ou pénal de faire cesser des agissements illicites ou de supprimer des clauses illicites dans un contrat ou dans une catégorie de contrats.

On recense au niveau national 18 associations agréées.

LES ASSOCIATIONS AGRÉÉES DE CONSOMMATEURS

ADEIC-FEN

Association d'éducation et d'information du consommateur de l'Education nationale

AFOC

Association FO Consommateur

ALLDC

Association Léo Lagrange pour la Défense des Consommateurs

ASSECO-CFDT

Association Etudes et consommation CFDT

CGL

Confédération générale du logement

CNAFAL

Conseil national des associations familiales laïques

CNAFC

Conseil national des associations familiales catholiques

CNL

Confédération nationale du logement

CLCV

Confédération logement et cadre de vie

CSF

Confédération syndicale des familles

FF

Familles de France

FNAUT

Fédération nationale des associations d'usagers des transports

FR

Familles rurales

INDECOSA - CGT

Association pour l'information et la défense des consommateurs

salariés

ORGECO

Organisation générale des consommateurs

UFC - QUE CHOISIR

Union fédérale des consommateurs - Que choisir ?

UFCS

Union féminine civique et sociale

UNAF

Union nationale des associations familiales

Ces associations assurent deux catégories de missions :

- l'aide aux consommateurs par des actions d'information et de soutien dans le règlement des litiges ;

- la représentation des consommateurs auprès des pouvoirs publics ou des professionnels.

La concertation entre les pouvoirs publics et les associations de consommateurs est, en particulier, institutionnalisée au sein du Conseil national de la consommation (CNC).

Les associations agréées participent également à de multiples instances nationales telles que  la Commission de la sécurité des consommateurs (CSC), la Commission des clauses abusives, le Conseil national du crédit. Elles sont représentées à la Commission nationale d'équipement commercial, au Comité national de l'euro et dans de nombreuses autres instances.

Au niveau local, les associations agréées sont représentées dans une vingtaine d'instances départementales telles que les Commissions de surendettement, les Commissions départementales d'équipement commercial (CDEC), les Commissions de conciliation des loyers, etc.

Ainsi associées aux politiques mises en oeuvre par les pouvoirs publics, aussi bien en matière de sécurité domestique que de lutte contre le surendettement ou de certification des produits industriels et des services, ces associations ont une charge de travail considérable et un rôle social important, qui justifient le soutien des pouvoirs publics.

Votre rapporteur estime, à ce propos, que ce rôle mériterait d'être pleinement reconnu à travers la création d'un « statut d'élu social » qui permettrait aux membres de ces associations d'exercer leurs différentes fonctions dans de meilleures conditions et de bénéficier de formations.

Un tel statut ne manquerait pas d'attirer de jeunes actifs vers l'action associative, en renfort des retraités, qui représentent aujourd'hui la plus grande part des militants associatifs.

2. Un financement public qui se stabilise

Les subventions de l'Etat aux associations de consommateurs inscrites dans le projet de loi de finances pour 2002 s'élèvent à 7,62 millions d'euros (50 millions de francs), comme en 2001 et 2000.

Votre rapporteur pour avis s'était félicitée, l'an passé, de la stabilisation des subventions aux associations, après une longue période de réduction des aides aux organisations consuméristes. Votre rapporteur constate cependant que la reconduction à l'identique en 2002 du budget 2001 représente une baisse en termes réels et que le niveau des crédits affectés aux associations est encore en deçà de qu'il était en 1990 où ils s'élevaient à 10,67 millions d'euros (70 millions de francs).


Votre rapporteur pour avis insiste en outre pour que les crédits affectés à ces subventions ne fassent pas l'objet cette année, comme trop souvent ces dernières années, de mesures de régulation budgétaire.

Ces mesures de régulation, qui frappent le budget des associations sans qu'elles puissent s'y préparer ont, en effet, ces dernières années, été fréquentes. Encore en 2001, 0,76 millions d'euros ont ainsi fait l'objet d'une régulation budgétaire.

Dans ce secteur, comme dans d'autres, les associations, avec peu de moyens, prolongent et démultiplient l'action de l'Etat. C'est pourquoi, il est de mauvaise politique de rechercher dans les subventions qui leur sont destinées une source d'économie budgétaire. Compte tenu des montants en jeu, leur éventuelle contribution à la réduction des déficits publics ne peut être significative. En revanche, la suppression de quelques dizaines de milliers de francs de subventions interrompt des actions que seules ces associations assurent.

C'est en particulier le cas des centres techniques régionaux de la consommation (CTRC) . Ces centres assurent des permanences permettant d'aider les particuliers à résoudre leurs difficultés relatives à la consommation. Alors que le passage à l'euro va susciter de nouveaux sujets d'intervention pour eux, les CTRC ont appris en septembre 2001 que le budget qui leur serait consacré en 2001 serait amputé de 36 % par rapport aux crédits ouverts en 2000. Le Gouvernement justifie cette mesure par les réserves importantes constituées, selon lui, par certains CTRC.

Si l'existence de ces réserves était avérée, elle ne saurait justifier une telle amputation budgétaire, qui conduit plusieurs CTRC à cesser leur activité (émissions télévisées...), voire à licencier, comme l'envisage le CTRC d'Ile-de-France, ou même fermer.

Il ne faut pas oublier l'importance de la dimension de proximité dans la politique de consommation. Votre rapporteur pour avis estime que l'échelon régional, où se situent les CTRC, représente un niveau pertinent pour l'efficacité et l'adéquation aux besoins d'information, de formation et de soutien juridique des consommateurs, et souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur le sort des 70 salariés employés sur l'ensemble du territoire par les CTRC et souvent extrêmement qualifiés en droit de la consommation.

Elle souhaite que le Gouvernement engage une concertation avec les CTRC sur cette question budgétaire. Si des économies budgétaires doivent être réalisées, elles ne devraient pas se faire sur de petites sommes qui priveraient pourtant le mouvement consumériste d'un outil indispensable.

Votre rapporteur pour avis souligne également les difficultés qu'entraînent les retards dans les versements des subventions aux associations. Depuis plusieurs années, l'administration verse un premier acompte de 50% des subventions en février, pour ne verser le reste qu'au mois de novembre ou décembre .

Cette année encore, les associations n'avaient en octobre, ni touché la seconde moitié de leur subvention, ni même eu connaissance de la répartition du restant des subventions. Ces pratiques conduisent à faire vivre les associations la quasi totalité de l'année avec 50 % de leur subvention sans avoir jamais la certitude de pouvoir toucher le reste . Or, les critères d'attribution de subventions, détaillés ci-après, sont connus dès juin et permettent le calcul mathématique de la subvention. Les considérations administratives qui pourraient expliquer le retard des versements ne doivent pas l'emporter sur l'urgence de l'action de terrain.

Il serait de ce point de vue souhaitable d'étendre la pratique des contrats d'objectifs triennaux aux associations de consommateurs. En échange d'un engagement sur des objectifs précis, les associations obtiendraient ainsi l'assurance de pouvoir engager une action sur le long terme.

La Confédération Logement et cadre de vie a déjà signé une telle convention triennale en matière d'environnement ; une nouvelle convention, relative au secteur du logement est en cours d'élaboration, mais le manque d'allant du ministère de l'économie sur ce type de convention est regrettable. Un tel système de contractualisation serait un facteur essentiel de dynamisation du mouvement consumériste, même au sein d'une enveloppe budgétaire stable.

3. La répartition des subventions

Les subventions accordées au mouvement consumériste en 2001 se répartissent de la façon suivante :

- 3,48 millions d'euros sont destinés aux organisations nationales de consommateurs ;

- 2,04 millions d'euros d'euros sont destinés aux associations locales de consommateurs ;

- 1,45 million d'euros est destiné aux CTRC, à l'échelon régional.

Au plan national, les subventions aux organisations nationales de consommateurs ont été ces dernières années réparties de la façon suivante :

(en euros)

ASSOCIATIONS 2( * )

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

ADEIC

AFOC

ALLDC

ANC*

ASSECO-CFDT

CGL

CNAFAL

CNAFC

CNAPFS

CNL

CLCV

CSF

Familles de France

Familles rurales

FNAUT**

INDECOSA-CGT

ORGECO

UFC

UFCS

UNAF

TOTAL

57 017,91

267 687,36

23 123,16

64 946,33

101 921,31

71 267,02

71 736,41

37 761,77

54 576,29

119 993,99

239 922,13

201 775,42

185 720,41

228 028,36

24 670,21

128 808,90

132 012,77

462 364,30

159 767,94

34 755,63

2 667 857,65

50 567,40

236 531,51

14 638,17

74 496,01

101 432,10

38 960,41

73 736,51

32 852,34

54 588,38

106 997,52

232 960,36

194 600,63

195 752,37

241 584,31

18 805,36

114 988,50

126 737,69

465 237,04

137 265,18

33 166,81

2 545 898,59

45 739,13

205 176,56

39 754,89

63 112,37

79 607,35

31 253,88

56 958,46

21 162,36

34 863,26

111 620,43

193 070,89

169 747,10

167 267,67

218 108,05

13 898,47

94 530,13

119 186,32

422 443,24

155 894,97

29 620,69

2 273 016,22

39 119,64

201 807,44

39 490,85

60 119,64

85 166,71

25 804,74

47 120,16

18 579,72

41 708,98

91 789,25

191 834,22

149 323,20

163 901,44

181 929,46

12 666,23

94 037,72

125 352,88

405 196,53

122 998,61

27 695,41

2 125 642,84

48 035,16

152 492,47

9 639,66

30 076,51

62 463,55

24 203,87

50 576,49

28 425,49

48 007,11

90 584,14

187 510,77

141 886,28

161 500,98

181 257,31

87 986,26

113 543,88

392 653,63

108 240,78

1 919 084,33

68 329,48

237 170,27

41 460,80

79 743,64

40 066,04

65 856,15

33 284,35

51 486,76

120 287,15

248 696,79

229 729,24

211 638,42

236 835,65

118 906,73

180 874,05

543 910,96

164 210,15

27 440,82

2 699 927,43

79 562,07

259 222,63

71 098,11

84 765,77

63 040,11

88 490,56

70 175,94

136 994,80

268 656,63

263 326,10

239 281,39

233 442,44

126 591,53

196 600,69

601 813,38

174 524,55

27 440,82

2 985 027,52

101 120,20

232 097,53

100 508,27

79 640,74

71 069,14

92 822,09

74 787,52

147 821,43

289 014,37

278 893,89

233 545,03

231 365,32

123 805,83

178 150,70

558 895,63

209 722,44

27 440,82

3 030 700,95

(*) L'ANC n'a pas demandé le renouvellement de son agrémen,t qui a expiré le 3 avril 1997

(**) L'agrément de la FNAUT a expiré le 29 juin 1998, puis été rétabli le 2 décembre 1999


Ces subventions sont réparties en fonction des critères suivants :

- implantation locale et activité des associations dans les départements. Cette présence sur le terrain est déterminante dans le calcul des dotations de fonctionnement des organisations nationales, puisque 80 % des crédits aux organismes nationaux sont répartis en proportion des actions subventionnées localement ;

- participation aux travaux du conseil national de la consommation ;

- participation aux travaux de normalisation et de certification.

Le quatrième critère -relatif à la publication de revues- a été supprimé.

Votre commission souligne que la stagnation des subventions devrait conduire les pouvoirs publics à valoriser des associations qui effectuent des efforts de coordination avec les autres associations . Il importe, en effet, compte tenu du nombre des associations de consommateurs -qui fait certainement la richesse du mouvement consumériste-, de développer les actions communes et la pratique du mandatement dans les différentes commissions où les associations de consommateurs sont représentées.

Votre commission estime également que la France a besoin, dans un contexte marqué par la multiplication des incidents mettant en cause la sécurité des consommateurs, d'un mouvement consumériste fort. Elle engage en conséquence les associations de consommateurs à développer leurs activités et à renforcer leurs actions d'information et de prévention à l'attention de tous les publics et, en particulier, des plus défavorisés.

B. L'INSTITUT NATIONAL DE LA CONSOMMATION : UN ÉTABLISSEMENT QUI ATTEND DE SA TUTELLE LES MOYENS DE SON REDRESSEMENT

Créé par la loi de finances pour 1966, l'Institut national de la consommation (INC), désormais établissement public national à caractère industriel et commercial, a été conçu par le législateur pour être un organisme pluridisciplinaire de services aux consommateurs et à leurs organisations.

L'INC est, en effet, à la fois un centre d'essais comparatifs, un centre d'information et de documentation sur la consommation et un organisme d'études et de formation à destination du mouvement consumériste.

Bien que l'INC ne soit plus l'unique référence des consommateurs, il dispose d'un capital de notoriété important avec son magazine « 60 millions de consommateurs » et demeure le seul centre d'essais et de documentation à la disposition des associations de défense des consommateurs.

1. La poursuite de la réforme de l'Institut national de la consommation

Comme votre commission le souligne depuis plusieurs années, l'INC traverse une crise financière grave et, plus encore, une crise d'adaptation de ses missions à un environnement qui a considérablement évolué depuis sa création.

Cette situation, qui perdure depuis 1994, date de l'adoption par le Conseil d'administration d'un premier plan de redressement, commence à recevoir une solution, qui doit être appuyée .

Conformément aux préconisations du rapport de M. Robert Rochefort, directeur du CREDOC, et de celui de l'Inspection des finances, il a été procédé en 2001 à la redéfinition des missions et des structures de l'INC. Trente cinq ans après la création de l'établissement, un décret, paru le 4 avril 2001 , a réformé l'INC avec un objectif double : clarifier ses missions et renforcer l'efficacité de ses structures.

Le décret précise les trois missions assignées à l'INC :

- fournir un appui technique aux organisations de consommateurs selon une contractualisation et un cahier des charges annuel résultant d'une concertation ;

- regrouper, produire, analyser et diffuser des informations, études, enquêtes et essais ;

- mettre en oeuvre des actions de formation et d'éducation sur les questions de consommation.

Ces missions, qui attestent la double vocation de l'INC à l'égard des associations de consommateurs comme du public, doivent être à la base d'un nouveau projet d'établissement avec une logique d'objectifs, qui prendra la forme d'un contrat d'objectifs et de moyens. Cette contractualisation vise à responsabiliser les partenaires.

Le décret modifie également la composition du Conseil d'administration de l'Institut national de la consommation afin d'en accroître l'efficacité. Il comprend désormais 16 membres -sans suppléants-, rééligibles une seule fois : sept représentants des consommateurs, deux représentants de l'Etat, deux représentants du personnel de l'INC et cinq personnalités qualifiées. Il se trouve ainsi resserré et assure un meilleur équilibre dans la représentation de ses composantes.

Enfin, il clarifie la fonction des différents organes de responsabilité et prévoit également une rationalisation de la gestion , passant par la tenue d'une comptabilité analytique détaillée dont les modalités seront définies dans le contrat d'objectifs.

Le décret n° 2001-300 du 4 avril 2001 a donc fait le choix de maintenir l'activité éditoriale de l'INC comme moyen d'information du public. Les rapports cités précédemment suggéraient de distinguer nettement dans les structures et la comptabilité de l'organisme, ce qui relevait de l'activité éditoriale à caractère commercial, de ce qui avait trait à l'aide permanente accordée au réseau des organisations de consommateurs et au pôle de réalisation d'essais comparatifs.

Ces rapports constataient, en effet, que la situation précaire de l'INC tenait largement à la concurrence faite à sa revue « 60 millions de consommateurs » par la presse généraliste ou spécialisée, et surtout par la revue éditée par l'Union française des consommateurs -l'UFC-, « Que choisir ? ». Cette concurrence s'est encore traduite en 2000 par un recul de la diffusion, qui était de 127.200 exemplaires pour les ventes totales (abonnements et kiosque) contre 170.000 en 1992 pour les seules ventes en kiosque.

Outre les difficultés liées à la viabilité économique de la revue , les rapports précités mettaient également l'accent sur le risque juridique encouru par l'INC du fait de son activité éditoriale , alors que les règles de concurrence proscrivent les aides aux entreprises susceptibles de fausser celle-ci. Ce risque juridique s'est concrétisé en décembre 2000 sous la forme d'une décision du Conseil de la concurrence, saisi par l'UFC et la CLCV. Certes, cette décision a été infirmée par la Cour d'Appel de Paris, mais l'issue du pourvoi en cassation est incertaine, et il ne faut pas exclure un recours à l'échelon européen sur le fondement de l'article 92 du traité de Rome.

Tirant les conséquences d'une situation dans laquelle l'activité éditoriale est déficitaire et insuffisamment professionnalisée, et des risques juridiques encourus, ces rapports préconisaient donc une filialisation de l'activité commerciale.

Cette solution n'a pas été retenue. Alors que l'essentiel du déficit de l'établissement est imputable à la revue, la question reste entière de savoir dans quelle mesure la revue « 60 millions de consommateurs » participe d'un service public et peut être financée par la subvention publique.

Enfin, les rapports précités préconisaient de contractualiser les relations de l'INC avec l'Etat et avec les mouvements de défense des consommateurs.

Se fondant sur l'expérience des contrats de plan des entreprises publiques, ces rapports estimaient qu'un contrat d'objectifs pluriannuel serait de nature à « clarifier » les relations entre l'INC et la tutelle. Il était proposé également que le contrat qui lierait l'INC et les associations de consommateurs définisse les services que celui-ci peut leur apporter.

Un contrat d'objectifs et de moyens est en cours de négociation entre l'INC et sa tutelle , mais sa finalisation a été retardée par la vacance du poste de Président du conseil d'administration pendant six mois. Les associations de consommateurs n'ayant pu s'accorder sur une candidature unique d'un de leurs membres, le Secrétaire d'Etat aux PME, au commerce, à l'artisanat et à la consommation a finalement proposé la candidature d'une personnalité qualifiée. Depuis octobre 2001, l'INC a donc reçu une impulsion nouvelle imprimée par son nouveau président, M. Christian Babusiaux et par sa directrice, Mme Maïté Errecart.

Votre rapporteur pour avis appelle de ses voeux l'aboutissement du dialogue entre l'INC et sa tutelle , afin que l'établissement puisse redémarrer sur des bases claires et solides définies dans ce contrat d'objectifs et de moyens.

2. Un budget qui stagne

En 2000, l'INC a dégagé un résultat comptable négatif de 0,76million d'euros -5 millions de francs- sur un budget de 12,96 millions d'euros -85 millions de francs-. Ce déficit illustre la fragilité du redressement financier opéré ces dernières années (excédents de 0,78 millions d'euros en 1997 puis de 0,41 millions d'euros en 1999). L'INC a souffert en 2000 de la baisse de ses ressources financières : malgré la stabilité de la subvention publique, l'établissement a enregistré une baisse des ventes des publications, en particulier en kiosque -suivant en cela la tendance générale des ventes de magazines- et de moindres encaissements au titre des prestations de services. Le déficit qui en a résulté s'est trouvé majoré du fait de provisions importantes pour risques, eu égard aux procédures en cours.

La crise financière de l'INC n'est donc pas dépassée.

Au cours des années 1993 à 1995, l'INC avait, en effet, connu une crise financière sévère qui s'était traduite par un déficit cumulé de près de 8,23 millions d'euros -54 millions de francs-. Ces difficultés étaient liées pour l'essentiel à la chute des ventes en kiosque de la revue (-58 % entre 1988 et 1995 et -42,5 % entre 1993 et 1994), ainsi qu'à la baisse des abonnements.

Dans le même temps, le montant de la subvention de l'Etat avait connu une évolution « en accordéon » avec une tendance fortement marquée à la baisse. La baisse de près de 30 % de la subvention de l'Etat en 1993 et en 1994, intervenant en même temps que la baisse des ressources propres de l'Institut, n'avait fait qu'amplifier la crise financière.

Le retour à l'équilibre, de 1996 à 1998, n'a été obtenu qu'au prix d'une réduction sévère des dépenses et de la mise en oeuvre d'un plan social, en 1995, qui a ramené les effectifs de 120 à 80.

Ce retour à l'équilibre était cependant précaire. Le déficit enregistré en 2000 et celui qui s'annonce pour 2001 épuisent les réserves de l'établissement et ne laissent aucune marge de sécurité en cas de nouvelle baisse des ventes du mensuel.

L'INC a accompli de gros efforts de rationalisation depuis sa crise financière de 1993-1994. L'établissement se trouve aujourd'hui démotivé par le manque de perspectives, par son trop faible dimensionnement et par l'appauvrissement de son savoir-faire.

La signature du contrat d'objectifs et de moyens devra donc trouver son expression dans le montant correspondant de subvention alloué à l'INC. La reconduction en 2002 de la dotation 2001 de 3,81 millions d'euros ne répond pas aux besoins de cet établissement.

A en croire les estimations de la direction de l'INC, une augmentation de 1,37 millions d'euros de la subvention initialement prévue serait de nature à permettre à l'INC de mener la politique d'investissement que chacun juge nécessaire au regard de l'extension du champ de la consommation (services, santé, environnement, nouvelles technologies, services publics, secteurs nouvellement ouverts à la concurrence...) et de la nécessité d'une diffusion de l'information sur divers médias (presse, télévision, radio, Internet...).

En outre, une dotation exceptionnelle devrait, en complément, servir à la relance du titre « 60 millions de consommateurs » en finançant des campagnes d'abonnement -le coût de conquête d'abonnés s'évalue à 12 euros par abonné-. C'est à ce prix qu'une spirale vertueuse pourra être enclenchée et redonner à l'INC les moyens d'atteindre les objectifs convenus avec l'Etat.

Ce prix doit être rapporté à la situation des agences sanitaires (AFSSA, INVS, Etablissement du sang...), qui partagent avec l'INC la préoccupation de la sécurité des citoyens- consommateurs et qui ne consomment leur budget qu'à hauteur des quatre cinquièmes, accumulant le plus souvent des fonds de roulement et affichant des postes vacants . Votre rapporteur pour avis estime que la rationalité budgétaire devrait conduire à dégager la marge de manoeuvre qui permettrait de remettre l'INC sur les rails .

II. LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS

Les crédits affectés à la DGCCRF et aux associations concourant à un même objectif : la protection du consommateur. Parmi les priorités de cette politique, il faut relever cette année : la sécurité alimentaire, la protection des consommateurs en situation de fragilité, et enfin la protection des consommateurs face aux défis que constituent les nouvelles technologies.

A. LA SÉCURITÉ DES PRODUITS ET DES ALIMENTS : UNE NÉCESSITÉ VITALE POUR LES CONSOMMATEURS RECONNUE PAR LES POUVOIRS PUBLICS

La crise de l'ESB qu'a traversée la France a laissé des traces durables, entamant la confiance des consommateurs, que l'industrialisation alimentaire de masse avait éloignés de la confrontation au risque inhérent au vivant. Restaurer cette confiance prendra du temps et exige de la part du Gouvernement une grande transparence et une extrême rigueur dans les contrôles. La traçabilité devient un impératif primordial pour les distributeurs, tout autant que l'étiquetage qui fournit l'information et assure le droit au choix.

1. La mobilisation forte de la DGCCRF

Si l'année 2000 n'a pas été marquée par des crises alimentaires aussi fortes qu'en 1999 -hormis quelques bouffées épidémiques de listériose et les nouveaux développements de la crise de l'ESB-, les préoccupations des consommateurs se sont affirmées et la DGCCRF a répondu par une très forte mobilisation.

Les contrôles s'intègrent dans des programmations nationales ou régionales, ciblées par exemple sur des denrées spécifiqu es, sur leurs ingrédients ou sur des conditions particulières de commercialisation (par exemple contrôle sur les marchés de plein air). En parallèle sont organisés des plans de surveillance renouvelés annuellement, dont l'objectif est d'apprécier à une large échelle la qualité sanitaire des produits visés. La DGCCRF programme ainsi chaque année une série de plans de surveillance visant divers contaminants susceptibles d'altérer les denrées alimentaires, les résidus de pesticides dans les fruits et légumes, les céréales, la contamination des denrées par listeria monocytogènes...

A ces actions s'ajoute le travail permanent des directions départementales à l'égard des entreprises implantées dans leur ressort territorial , qui font l'objet de contrôles approfondis sur sites. Il s'agit non seulement de vérifier la qualité finale des produits alimentaires destinés à l`alimentation humaine ou animale, mais aussi d'apprécier les conditions dans lesquelles ils sont fabriqués. A ce stade, les enquêteurs vérifient les produits, mais aussi les ingrédients utilisés pour leur fabrication, les produits de nettoyage utilisés dans les installations, les matériaux employés pour l'emballage des produits alimentaires. Les relations avec les entreprises permettent également de les alerter sur les défaillances de leur système de production et de les mettre en demeure d'améliorer la maîtrise des risques identifiés lors du contrôle. Pour optimiser les contrôles, la DGCCRF a développé des réseaux spécialisés d'enquêteurs où sont partagées les expériences, développé des formations spécifiques et initié des enquêtes. Sans être exhaustif, citons le réseau de sécurité microbiologique des aliments, ceux consacrés aux eaux embouteillées, à l'alimentation animale, aux compléments alimentaires, aux matériaux d'emballage des denrées alimentaires, etc. La publication des résultats des contrôles est un élément de nature à restaurer la confiance des consommateurs, qui jusqu'à présent n'avaient souvent accès qu'à des informations communiquées en situation de crise.

En 2000, la DGCCRF a multiplié les contrôles et les mesures de précaution, essentiellement pour prévenir l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB).

Les mesures de précaution qui ont été prises constituent une étape majeure dans la prévention du risque d'ESB.

La France a lancé au deuxième semestre 2000 une campagne de dépistage de l'ESB visant les animaux malades et abattus d'urgence dans le grand Ouest de la France. Ces tests, qui ont permis d'étudier la prévalence de la maladie chez certaines catégories d'animaux à risque, ont eu pour effet d'accroître le nombre de cas décelés d'ESB. L'opinion a été informée avec transparence.

La liste des matériaux à risque spécifié (M.R.S.) a été renforcée : la rate, le thymus et les intestins de tous les bovins ont été retirés de la chaîne alimentaire et la mesure a été appliquée aux produits introduits ou importés.

Enfin, l'interdiction générale des farines animales dans l'alimentation de tous les animaux de consommation restera le fait marquant de l'année 2000.

L'arrêté du 14 novembre 2000, pris dans un contexte d'affrontement sur ce sujet au sein de l'Union européenne, a finalement conduit cette dernière à adopter à son tour une mesure d'interdiction des farines au niveau communautaire.

La DGCCRF a été fortement sollicitée et mobilisée dans cette affaire, tant dans la conception du dispositif que, bien entendu, dans son contrôle. La rapidité de la mise en oeuvre étant une exigence absolue, les services ont dû vérifier le retrait effectif des farines ou des aliments en contenant, chez les fabricants et les distributeurs. Les contrôles ont été menés avec une grande célérité, comme il se devait pour assurer l'efficacité de la mesure.

L'action de la direction générale en matière de sécurité alimentaire est aujourd'hui devenue une mission pérenne . Pour accroître la réactivité et l'efficacité en cas de risque, potentiel ou avéré, la DGCCRF a renforcé son dispositif de gestion des alertes avec la création au sein d'un bureau unique, le bureau « sécurité », d'une unité d'alerte , qui doit assurer les échanges dans le cadre de la gestion des alertes et participer à la définition des actions à mener pour écarter le risque.

La coopération interministérielle et interdirectionnelle est particulièrement nécessaire dans le domaine de la sécurité alimentaire : expertise commune, interventions coordonnées ou conjointes, échanges d'informations. 2000 a été une année de mise en oeuvre et de mise à l'épreuve des protocoles de coopération qui unissent la DGCCRF et la Direction Générale des Douanes (DGDDI), la Direction Générale de la Santé (DGS), la Direction Générale de l'Alimentation (DGAL), mais aussi l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA).

La sécurité alimentaire a fait l'objet d'une communication forte auprès du public . Dans un contexte de grande sensibilité de l'opinion au sujet de la sécurité alimentaire, le gouvernement a organisé plusieurs manifestations au cours du 2ème semestre 2000 dans le cadre des Etats Généraux de l'Alimentation (EGA), auxquels la DGCCRF a naturellement contribué.

Enfin, par le biais de l'ordonnance d'août 2001 transposant une directive communautaire, les pouvoirs des administrations chargées du contrôle alimentaire ont été renforcés par l'ajout au code de la consommation de dispositions préventives de police administrative , pouvant aller en cas de besoin jusqu'à la fermeture d'un établissement, ainsi que par un régime de sanctions pénales en cas de non-respect des dispositions applicables en la matière. Ces mesures de prévention et de contrôle ont pour but de prévenir les risques pour la santé publique, d'assurer la loyauté des transactions commerciales et de protéger les intérêts des consommateurs.

Par ailleurs, la coopération communautaire en matière de contrôle s'est développée en 2000. L'Office alimentaire et vétérinaire, qui dépend de la direction générale de la Santé et de la protection du consommateur à la Commission, a pour mission de contrôler la mise en application dans la Communauté de la législation, notamment dans le domaine de la sécurité des aliments. Pour ce faire, ses agents interviennent régulièrement dans les Etats membres pour vérifier l'efficacité des systèmes de contrôle mis en place. En 2000, six inspections ont été menées en France ; depuis le début de cette année, trois inspections, pour lesquelles la DGCCRF est mobilisée, ont été ou vont être menées. Les conclusions de ces missions sont rendues publiques. Par ailleurs, une évolution se dessine dans la réglementation communautaire pour promouvoir une démarche harmonisée dans le domaine du contrôle, notamment pour l'élaboration des programmes de contrôle. Ceux-ci viseront certes à dépister les produits susceptibles de présenter des risques pour la santé des consommateurs, mais aussi à identifier tout manquement à la législation alimentaire. De même, pour éviter que les enquêtes ne soient entravées par l'impossibilité de recueillir les informations nécessaires dans un autre Etat, des procédures d'assistance administrative vont être proposées. On s'oriente à moyen terme vers un réseau européen du contrôle alimentaire , qui devrait permettre d'éviter notamment que les produits importés de pays tiers n'entrent sur le territoire communautaire par la porte d'entrée la moins vigilante.

2. Des avancées juridiques communautaires en préparation en matière de sécurité et de traçabilité

La Commission a réorganisé les services concernés par la santé humaine alimentaire, en séparant les services chargés respectivement de l'élaboration des textes législatifs, de la consultation scientifique et de contrôle et en améliorant la transparence et la diffusion de l'information. Il s'en est suivi une profonde restructuration de la Direction Générale Santé et Consommation, chargée non seulement de la politique des consommateurs, mais aussi de la protection de leur santé.

Plusieurs dispositions représentant des avancées majeures pour la traçabilité et la sécurité son en cours de négociation :

a)  en ce qui concerne la traçabilité

L'approche européenne, exprimée à travers le Livre blanc du 12 janvier 2000 sur la sécurité alimentaire, englobe toute la chaîne de production, « de la fourche à la fourchette ». Une telle ambition passe par une amélioration de la traçabilité et donc de l'étiquetage, afin d'informer le consommateur, tant sur la nature, la composition et les spécificités d'une denrée alimentaire que sur son mode de fabrication, son origine ou ses qualités nutritionnelles.

Ainsi, la Commission européenne a proposé le 6 septembre 2001 une modification de la directive 2000/13 sur l'étiquetage des denrées alimentaires . Cette proposition tend à abolir la règle des 25 %, selon laquelle les étiquettes ne sont pas tenues de mentionner la composition individuelle des ingrédients composés qui représentent moins de 25 % de l'ensemble du produit final. Elle établit également une liste des ingrédients susceptibles de provoquer des allergies ou des intolérances. Elle donne enfin une définition précise du terme « viande » -muscle rattaché au squelette- ,permettant de clarifier l'étiquetage des produits à base de viande (charcuterie, plats cuisinés, conserves de viande...).

Votre rapporteur pour avis se félicite de la plus grande précision de l'étiquetage qui résulterait d'une telle disposition. Elle attire toutefois l'attention sur le danger de l'excès d'information, qui nuirait à la lisibilité de l'étiquette. Pour être efficace, l'information doit être non seulement disponible mais aussi claire, précise et compréhensible.

En matière d'étiquetage, il convient d'évoquer deux acquis majeurs. L'un concerne la viande bovine : le règlement n° 1760/2000 a récemment instauré un système réglementaire d'étiquetage de la viande bovine , composé de mentions obligatoires et de mentions volontaires encadrées, et un système de traçabilité. Les mentions obligatoires sont applicables à tous les stades de transformation des viandes bovines, des abattoirs à la remise au consommateur final. Votre rapporteur pour avis regrette, sur ce point, que certaines dispositions françaises, particulièrement importantes pour le consommateur, ne soient plus obligatoires (indication de la catégorie et de la race de l'animal).

L'autre concerne le poisson : en vertu du nouveau règlement de base sur l'organisation commune de marché dans le secteur des produits de la pêche et de l'aquaculture , tous les produits de la mer proposés à la vente au détail au consommateur final devront comporter, dès le 1 er janvier 2002, la dénomination commerciale de l'espèce, la méthode de capture ou de production (pêche en eau douce, en mer ou en aquaculture) et la zone de production du poisson (Atlantique Nord ou Sud, mer du Nord, Méditerranée...). La traçabilité instaurée tout au long de la chaîne de commercialisation devra être assurée par un étiquetage ou un emballage du produit ou par tout document commercial, comprenant au minimum le nom scientifique du produit, son classement tarifaire et, le cas échéant, le numéro d'agrément sanitaire de l'entreprise. En cas d'importation, l'importateur communautaire répondra de l'exactitude des informations contenues sur l'étiquette ou mentionnées dans le document commercial d'accompagnement.

b) en ce qui concerne la sécurité

En application du Livre blanc sur la sécurité alimentaire cité plus haut, la Commission propose, avant la fin de 2001, la création d'une autorité alimentaire européenne et un nouveau cadre juridique concernant, notamment, l'hygiène des denrées alimentaires.

L'Autorité alimentaire européenne

Cette autorité alimentaire européenne sera fondée sur les principes du niveau le plus élevé d'indépendance, d'excellence scientifique et de transparence. L'Autorité devrait être indépendante des intérêts industriels et politiques, être soumise à un contrôle public rigoureux, être une référence scientifique reconnue et travailler en étroite collaboration avec les organismes scientifiques nationaux.

Les tâches de l'Autorité consisteraient essentiellement à évaluer et à faire connaître les risques . La gestion des risques, y compris la législation et les contrôles, doit rester de la compétence des institutions européennes, qui sont responsables devant le public européen. A ce propos, le Sénat a adopté en juin 2001 une résolution sur la sécurité alimentaire, rapportée au nom de votre commission par M. Jean Bizet, qui insiste pour que l'Autorité Alimentaire européenne ne soit pas investie de la responsabilité de gestion des risques et, en particulier, du système d'alerte rapide.

Le Conseil d'administration de l'Autorité, nommé pour cinq ans, sera composé de conseillers issus de différentes agences alimentaires nationales ainsi que de représentants de la Commission, du Parlement européen et des différentes professions concernées.

Il est prévu que les tâches de l'Autorité comprendront :

- l'évaluation des risques fondée sur des avis scientifiques concernant toutes les questions ayant un impact direct ou indirect sur la santé et la sécurité des consommateurs, en rapport avec la consommation de denrées alimentaires. Elle couvrira donc la production primaire de denrées alimentaires (aspects agricoles et vétérinaires), les processus industriels, le stockage, la distribution et le commerce de détail. L'Autorité s'occupera également des questions de santé et de bien-être des animaux et prendra en considération les évaluations de risques dans d'autres domaines, notamment les secteurs de l'environnement et de la chimie, lorsque celles-ci interagissent avec les évaluations de risques relatives à l'alimentation ;

- la récolte et l'analyse de l'information : le Livre blanc estime qu'il est urgent de trouver et d'exploiter les informations actuellement disponibles dans la Communauté et le monde entier sur les questions de sécurité alimentaire. L'Autorité aura un rôle préventif à jouer en élaborant et en mettant en oeuvre des programmes de surveillance et de contrôle de la sécurité alimentaire. Elle devra établir un réseau de contacts avec des agences similaires, des laboratoires et des groupes de consommateurs dans l'ensemble de l'Union européenne et les pays tiers ;

- la communication : l'Autorité devra prendre des dispositions particulières pour informer toutes les parties intéressées de ses conclusions, en ce qui concerne non seulement les avis scientifiques, mais aussi les résultats de ses programmes de surveillance et de contrôle. L'Autorité doit devenir le premier point de contact où adresser automatiquement les demandes d'informations scientifiques sur la sécurité alimentaire et les questions de nutrition ou signaler les problèmes constatés. Une Autorité bien visible faisant preuve de résolution en matière de sécurité alimentaire constituera un élément clé du rétablissement et du maintien de la confiance des consommateurs européens.

Le budget de départ de l'Autorité avoisinera 40 millions d'euros, pour 250 employés, puis passera à 70 millions d'euros environ, pour 330 salariés. La question pendante du siège de l'Autorité devrait être résolue prochainement et autoriser sa mise en route rapide, comme le souhaite votre rapporteur pour avis.

Dans la perspective d'une protection toujours plus grande du consommateur, votre rapporteur pour avis exercera sa vigilance sur les modalités de mise en place de l'Autorité alimentaire européenne et sur son mode de fonctionnement.

La refonte de la législation communautaire, notamment par la proposition de règlement sur l'hygiène des denrées alimentaires

Les propositions de la Commission visent à rendre chaque acteur composant la chaîne alimentaire responsable au premier chef de la sécurité alimentaire. Elles tendent aussi à fusionner, harmoniser et simplifier les prescriptions détaillées dans 17 directives concernant l'hygiène des aliments.

La proposition de règlement relatif à l'hygiène des denrées alimentaires actualise les dispositions de la directive n° 93/43/CEE du Conseil du 14 juin 1993 relative à l'hygiène des denrées alimentaires, en étendant leur application à tous les stades de la chaîne de production et de distribution, y compris à celui de la production primaire.

La réforme de la législation européenne sur l'hygiène alimentaire prévoit d'abroger les prescriptions détaillées qui figurent dans les directives sectorielles en vigueur pour les denrées animales, les exploitants devant désormais définir eux-mêmes les mesures de sécurité sanitaire à respecter, comme c'est déjà le cas pour les denrées végétales.

A cet effet, elle prévoit la mise en oeuvre du système HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point), selon lequel les entreprises alimentaires -à l'exception toutefois des producteurs primaires- doivent elles-mêmes identifier les dangers et les points critiques de leur mode de production et mettre en oeuvre les moyens de les prévenir. Les mesures préventives prises dans ce cadre doivent être consignées dans un registre des autocontrôles.

Des guides de bonnes pratiques d'hygiène pourront néanmoins être élaborés par les fédérations professionnelles pour guider les entreprises dans cette démarche.

Parallèlement, ce texte devrait servir de fondement à l'élaboration d'objectifs de sûreté alimentaire (OSA) , destinés à orienter les professionnels sur les résultats à atteindre dans ce domaine. Dans l'attente de leur élaboration, les critères définis dans les directives sectorielles restent en vigueur.

Par ailleurs, la proposition de règlement participe au renforcement de la traçabilité des denrées alimentaires à travers deux types de dispositions. Elle soumet, d'une part, l'ensemble des entreprises du secteur alimentaire à une obligation d'enregistrement auprès de l'autorité compétente, le numéro attribué à cette occasion devant accompagner le produit jusqu'à destination. Elle impose, d'autre part, aux opérateurs de garantir l'efficacité des procédures de retrait du marché en cas de risque pour la santé des consommateurs.

Enfin, elle autorise une certaine flexibilité dans l'application de ces règles en faveur des petits établissements , notamment ceux situés dans des régions soumises à des contraintes géographiques particulières, ainsi que pour la fabrication de produits traditionnels , sous réserve que la mise en oeuvre des objectifs de sûreté alimentaire ne soit pas menacée.

Le caractère prégnant des préoccupations de sécurité alimentaire ne doit pas, pour autant, occulter l'avancée majeure que représente, du point de vue de la protection des consommateurs, l'accord intervenu sur la réforme de la directive 92/59 relative à la sécurité générale des produits . Cet accord, largement préparé sous présidence française, permettra d'instaurer au plan communautaire une exigence générale de sécurité pour tout produit placé sur le marché ou mis à la disposition des consommateurs.

Les principales modifications de la directive 92/59, applicable sous deux ans, portent sur :

- une clarification des produits visés par les règles relatives à la sécurité générale des produits ; à l'avenir, celles-ci s'appliqueront à l'ensemble des produits de consommation, y compris les produits « migrant » du secteur professionnel vers le marché grand public et les produits utilisés ou mis à la disposition des consommateurs par des prestataires de services, tels que les instituts de beauté, les hôtels, etc... ;

- une meilleure définition et un renforcement des responsabilités des producteurs et des distributeurs, y compris la responsabilité de rappeler des produits dangereux, le cas échéant ;

- une transparence accrue, qui impose aux producteurs et aux distributeurs d'informer les autorités et de collaborer avec elles si des produits se révèlent dangereux ; elle donne également aux consommateurs le droit de savoir quels produits sont dangereux et quelles mesures ont été prises ;

- une surveillance plus active du marché et une meilleure collaboration entre les autorités nationales de contrôle, y compris l'établissement d'un réseau européen de sécurité des produits ;

- des critères plus stricts en matière d'évaluation de la sécurité des produits ;

- des règles simplifiées permettant d'intervenir rapidement au niveau communautaire pour retirer les produits dangereux du marché et des règles de fonctionnement renforcées pour le système communautaire d'alerte rapide.

Votre rapporteur pour avis se félicite de ce pas important en vue d'une sécurité accrue de l'environnement de consommation, qu'elle souhaite élargir au champ des services. Elle appelle de ses voeux la transposition rapide de cette directive par les autorités françaises.

3. Des insuffisances persistantes à pallier rapidement

Les progrès développés ci-dessus sont loin d'assurer l'entière sécurité des consommateurs.

Instance consultative placée sous une triple tutelle ministérielle, le Conseil National de l'Alimentation (CNA) représente toute la « chaîne alimentaire » (agriculteurs, transformateurs, industriels, artisans, restaurateurs, distributeurs) et la société civile (consommateurs, usagers). En cette qualité, il a rendu récemment deux avis, très éclairants, qui mettent au jour la nécessité de nouvelles mesures pour permettre l'effectivité du principe de précaution et de la traçabilité.

Le principe de précaution

Le Conseil national de l'alimentation (CNA) estime, tout d'abord, qu'il convient de définir le principe de précaution et d'en prévoir une définition spécifique au domaine alimentaire. La définition posée par la loi Barnier du 2 février 1995, qui se fonde principalement sur le caractère irréversible des atteintes à l'environnement, paraît insuffisante.

Le CNA s'accorde à réserver l'application du principe de précaution à « un risque susceptible de générer un danger dont l'aléa peut être apprécié par une hypothèse sérieuse, appuyée sur une information pertinente, quoique non vérifiée scientifiquement ».

Le CNA estime, en outre, que la mise en oeuvre du principe de précaution relève avant tout de la compétence et de la responsabilité de l'Etat mais que l'efficacité d'une politique fondée sur ce principe ne doit pas seulement reposer sur l'Etat. Celui-ci, en effet, ne peut pas avoir une connaissance exhaustive de la diversité des processus de production, de transformation, de transport des denrées alimentaires. Les entreprises ont donc un rôle à jouer.

Certes, les entreprises ne doivent pas être confrontées à l'obligation de prendre seules des mesures au-delà de leurs obligations générales de sécurité résultant des textes en vigueur, car elles ne disposent souvent pas de l'expertise scientifique nécessaire.

Il faut en revanche créer pour les entreprises un devoir d'alerte . Selon le CNA, ceci suppose de leur ouvrir, par des moyens à déterminer, la possibilité de demander un avis à l'AFSSA.

Enfin, le CNA appelle de ses voeux une « réflexion sur les modes alternatifs d'indemnisation » des consommateurs dans l'impossibilité d'engager la responsabilité collective d'une entreprise. Il évoque la création d'un fonds de garantie, une assurance de type « catastrophes naturelles », une responsabilité collective des filières ou bien encore une assurance directe obligatoire.

La traçabilité

Si de nombreuses améliorations sont en cours, notamment dans les entreprises, le Conseil constate que, sauf dans la filière bovine, la traçabilité est encore très partielle et reste en général une stratégie d'entreprise plutôt qu'une stratégie collective.

Il dénonce le peu d'initiatives collectives structurantes au sein des filières au regard du développement de très nombreux outils par des entreprises souvent spécialisées dans l'échange de données informatisées et l'existence de standards internationaux. En outre, les nouveaux systèmes de transfert d'informations laissent entrevoir des possibilités immenses en ce qui concerne le développement de l'information sur les denrées alimentaires. Au-delà des informations strictement relatives à la sécurité des aliments, des informations relatives, par exemple, aux particularités éthiques ou environnementales des modes de production peuvent être acheminées. Au plan réglementaire, la possibilité plus large, ouverte par la loi d'orientation agricole de 1999, de prévoir des dispositions par décret, n'a pas encore été utilisée depuis deux ans.

Les principes mêmes de la fixation des règles de traçabilité n'ont pas encore été établis , notamment sur le point de savoir ce qui relève de la responsabilité de l'Etat, de celle des filières et de celle des entreprises.

C'est pourquoi le Conseil estime que plusieurs décrets, mis à l'étude dès l'adoption de la loi d'orientation agricole, devraient être rapidement publiés , notamment en ce qui concerne la filière bovine et les organismes génétiquement modifiés. D'autres décrets devraient être préparés dans les domaines et selon les modalités qui résultent des analyses ci-dessous.

Le Conseil appelle à une clarification du concept de « traçabilité », invoqué sans discernement.

En matière de sécurité des aliments, les exigences des consommateurs sont très fortes. La traçabilité à finalité sanitaire , qui permet des mesures de gestion des risques a posteriori en permettant le retrait ciblé de produits non-conformes, est donc un outil nécessaire.

En matière d'information sur la qualité des denrées alimentaires, et notamment des modes de production des produits, les attentes consuméristes sont aussi réelles. Pour permettre de donner une information loyale aux consommateurs, la mise en oeuvre d'une traçabilité à finalité informative est souhaitable.

Cependant, le Conseil considère que la traçabilité doit rester au service d'intentions viables pour les filières et d'informations attendues par les consommateurs. Ainsi, le Conseil demande de ne pas laisser croire que la traçabilité permettrait d'acheminer toute l'information relative à un produit. Elle permet uniquement de faire suivre, d'un stade de la filière à un autre, une information prédéfinie. Les informations à acheminer, dès lors qu'aucune obligation réglementaire n'existe déjà, doivent donc être débattues au sein de chaque filière et entre tous les maillons qui la constituent. Le Conseil estime que les pouvoirs publics devraient considérer cette négociation comme un préalable à chaque décret qu'ils seront amenés à prendre et qui concerne la traçabilité dans les filières agroalimentaires. Les membres du Conseil estiment qu'une réelle structuration des filières agricoles et alimentaires, par exemple de la filière poisson, est indispensable pour l'expression d'intérêts collectifs négociés relatifs à la traçabilité.

Enfin, le CNA met en garde contre une utilisation dévoyée de la traçabilité. La traçabilité doit être construite comme un outil de confiance pour le consommateur et non comme un instrument de marketing. Le Conseil demande à cet égard aux pouvoirs publics de veiller à ce que la réglementation sur la publicité trompeuse soit scrupuleusement appliquée. Une traçabilité ne doit évidemment pas être mentionnée si elle n'est pas assurée. Mais, en outre, ni la publicité, ni certaines mentions valorisantes, ne doivent donner à penser que des produits ont été obtenus dans des conditions notablement différentes d'autres produits de la même famille, au seul motif que leur traçabilité serait assurée.

Votre rapporteur pour avis souligne l'intérêt de ces contributions du CNA. Elle est préoccupée par les lacunes et les imprécisions qu'il relève, tant dans l'application du principe de précaution que dans la mise en oeuvre de la traçabilité. Elle invite le Gouvernement à s'inspirer des suggestions du Conseil, qu'elle estime innovantes et constructives pour une meilleure sécurité des consommateurs.

4. Conforter la situation des Marchés d'intérêt national, maillon essentiel de la sécurité alimentaire

Les Marchés d'intérêt national (MIN), services publics dont l'activité s'étend sur la France entière, sont des marchés de gros agro-alimentaires, des parcs logistiques et des plate-formes multimodales à vocation régionale, nationale et internationale au service de tous les professionnels. En assurant l'approvisionnement de tous les types de professionnels de l'alimentaire -notamment-, les MIN assurent une mission spécifique dans la mise en oeuvre de la traçabilité et des contrôles -assurés sur place par la DGCCRF, la Direction des douanes et les services vétérinaires- pour garantir la sécurité tout au long de la chaîne alimentaire.

Ils ont consenti à cette fin des investissements importants , inclus dans l'enveloppe des 68 millions d'euros qu'ils ont globalement investis en 2000. Les obligations réglementaires en matière de produits carnés les y ont contraints ; l'entrée en vigueur prochaine des exigences de traçabilité pour les produits de la mer et de l'aquaculture commande également des adaptations du secteur marée ; enfin, l'exigence de qualité pourrait s'imposer, dans un avenir proche, sur la commercialisation des fruits et légumes, au vu des études menées par la Commission européenne sur les résidus de pesticides.

Une réflexion sur la qualité s'est engagée au sein des MIN ; elle pourrait aboutir à une démarche collective de certification ou de qualification HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point), qui présenterait l'avantage de permettre aux MIN de se positionner comme un circuit de commercialisation sécurisé, offrant toutes les garanties aux consommateurs.

Ces démarches, pour être menées avec plus de sérénité, gagneraient à être complétées par des évolutions du cadre législatif et foncier , dont la responsabilité repose sur les pouvoirs publics. Il conviendrait, en effet, de sécuriser le cadre juridique de l'exercice de l'activité des MIN. Ce cadre a été fixé par l'ordonnance 67-808 du 22 septembre 1967 -codifiée depuis par l'ordonnance 2000-912 du 18 septembre 2000- et par le décret n°68-659 du 10 juillet 1968 portant organisation générale des marchés d'intérêt national. Les lois de décentralisation du début des années 1980 n'ont pas intégré la modification de ce cadre, si bien que des contradictions gênantes existent entre ces deux sources de droit et que les MIN se trouvent fréquemment en situation d'infraction au droit.

Le statut juridique des MIN s'inscrit dans une ambiguïté fondamentale : les MIN sont partagés entre la dimension de service public de leur activité -animation du territoire, approvisionnement du commerce de proximité, sédentaire ou forain- et sa gestion privée. Ils doivent marier le financement privé au contrôle public de la domanialité.

C'est dans cette optique que le gouvernement a prévu, dans le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier déposé au Sénat le 30 mai dernier, de permettre aux opérateurs de détenir des droits réels sur les immeubles qu'ils occupent . Ainsi, l'article 31 ouvre la possibilité de reconnaître aux entreprises des droits réels sur l'emprise du marché d'intérêt national de Paris-Rungis, en fonction de leurs efforts en matière d'investissement. Le présent article déroge donc à la fois aux dispositions de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation et de la loi n° 94-631 du 25 juillet 1994 relative à la constitution de droits réels sur le domaine public de l'Etat. D'ores et déjà, les multiples collectivités publiques propriétaires ont consenti à se priver, pour un temps limité, de l'usage de leurs parcelles, dans le cadre de la convention de 1964 signée avec l'Etat et reprise dans la convention de 1967 mettant à disposition de la SEMMARIS, société gestionnaire du marché, lesdits terrains.

Les nouveaux titres d'occupation conféreront à leurs titulaires un droit réel dont l'attribution sera subordonnée à un effort d'investissement correspondant. Ils seront délivrés par la société gestionnaire, après avis du préfet, ce qui permettra une souplesse de gestion nécessaire à la vie du marché. Ils seront, en outre, cessibles, transmissibles et pourront faire l'objet d'un nantissement ou d'une hypothèque ; ils ouvriront également la possibilité de recourir au crédit-bail, ce mode de financement étant cependant strictement réservé aux équipements et aménagements exclusivement affectés à l'activité des opérateurs. Ces dispositions permettront ainsi aux opérateurs du marché, non seulement de valoriser leurs investissements, mais également de disposer d'une garantie suffisante pour obtenir les concours bancaires souhaités et nécessaires.

En contrepartie de ces avantages, il est prévu de transformer par voie réglementaire les actuels périmètres de protection -périmètres interdisant les implantations de grossistes- entourant le marché de Rungis en deux étapes, pour rendre la réglementation conforme au droit européen en supprimant les distorsions de concurrence, ce qui permettra d'éteindre les contentieux en cours. En effet, certains sites illégaux avaient été commis par la puissance de tutelle du MIN ; plusieurs grossistes ont ainsi pu gagner des recours devant le Conseil d'Etat.

Ainsi, seraient réunies, en faveur du développement du marché d'intérêt national de Paris-Rungis, les conditions nécessaires permettant de satisfaire, à la « respiration » souhaitable des entreprises dans la vie économique d'aujourd'hui, sans méconnaître ni les intérêts du consommateur, ni l'équilibre souhaitable entre les différentes formes de distribution.

Votre rapporteur pour avis souhaite que ces dispositions soient prises rapidement et s'inquiète en conséquence de la non-inscription à l'ordre du jour prévisionnel du Sénat de l'examen du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier. Elle rappelle l'importance d'une clarification juridique de l'activité des MIN, dont le rôle en matière de sécurité alimentaire a été souligné.

B. LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS EN SITUATION DE FRAGILITÉ

La poursuite de la progression de la consommation a quelque peu occulté la persistance de l'exclusion sociale d'une frange de la population française. Ces situations de détresse demeurent et votre rapporteur pour avis y est particulièrement sensible. C'est pourquoi la politique de la consommation doit continuer à protéger les consommateurs en situation de fragilité.

1. La mise en oeuvre de la réforme du dispositif de lutte contre le surendettement

La mise en oeuvre de la loi du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, qui a réformé la procédure de traitement des situations de surendettement, tente de répondre, sur ce point, aux préoccupations de votre commission et de son rapporteur pour avis.

Les dernières statistiques annuelles disponibles confirment la poursuite de la croissance du nombre de ménages en situation de surendettement, même si elles attestent du ralentissement conjoncturel de cette croissance.

En 2000, les commissions de surendettement ont été saisies de 148.408 demandes d'ouverture de la phase amiable de la procédure, chiffre en augmentation de 4,2 % par rapport à l'année précédente. De 1994 à 2000, le nombre de dossiers déposés devant la Commission de surendettement est passé de 68.608 à 148.408 soit une croissance de 115 %.

Les dossiers traités par les commissions de surendettement révèlent que l'origine du surendettement a évolué depuis quelques années. Si le surendettement avait, il y a quelques années, essentiellement pour cause un recours immodéré au crédit, l'impossibilité pour les ménages de faire face à leurs dettes a désormais souvent pour origine une perte brutale de revenus.

La réforme du 29 juillet 1998, entrée en vigueur en février 1999 a renforcé l'efficacité du dispositif tout en tendant à prévenir l'exclusion.

L'efficacité de la procédure de gestion du surendettement s'est trouvée améliorée sur plusieurs points :

- la composition de la commission a été renforcée par la présence du directeur départemental des services fiscaux. Sa présence permet d'améliorer le traitement coordonné des dettes publiques même ci celles-ci restent en dehors du champ de compétence de la commission ;

- de nouvelles garanties sont accordées au surendetté. Désormais, sur sa demande, il peut être entendu par la commission et obtenir, de plein droit, la vérification judiciaire des créances qu'il conteste ;

- la durée maximale du rééchelonnement des créances est portée de 5 à 8 ans, ce qui permet de desserrer les contraintes de remboursement à la charge du surendetté et d'augmenter le taux de succès des plans ;

- les sommes correspondant aux échéances reportées ou rééchelonnées dans le cadre de mesures recommandées porteront intérêt à un taux qui ne peut être supérieur au taux d'intérêt légal.

Les mesures destinées à prévenir l'exclusion

La saisine d'urgence du juge pour obtenir la suspension des poursuites a été rendue possible puisqu'elle peut désormais intervenir sur l'initiative du président de la commission, du délégué de ce dernier, du représentant local de la Banque de France ou du débiteur.

En outre, la loi prévoit des mesures exceptionnelles pour apporter une solution aux situations de surendettement sans issue, notamment par effacement des dettes autres que fiscales ou parafiscales à la suite d'un moratoire d'une durée maximale de trois ans.

Enfin, le montant des ressources devant demeurer à la disposition des ménages dans le cadre d'un plan de remboursement, conventionnel ou résultant de mesures recommandées, est harmonisé par référence à la quotité saisissable du salaire telle qu'elle résulte de l'article L-145-2 du code du travail. Cette part de ressources ne peut être inférieure au revenu minimum d'insertion dont disposerait le ménage. L'application uniforme de cette disposition a pu générer des difficultés, notamment du fait des différences de mode de vie et de coût de la vie en milieux urbain et rural.

2. La prévention du surendettement

Votre commission insiste à nouveau sur la nécessité de mettre en place des actions de prévention du surendettement en direction des publics en situation de fragilité.

Dans ce domaine, il lui apparaît notamment utile d'attirer l'attention des pouvoirs publics sur la nécessité de mieux encadrer le recours aux crédits renouvelables.

L'examen des dossiers de surendettement fait, en effet, apparaître combien les comptes renouvelables sont, pour les personnes en difficulté, un facteur de risques. Ces consommateurs ont parfois du mal à saisir les caractéristiques et les conséquences financières de ces crédits de trésorerie, alors même que ceux-ci peuvent être obtenus très rapidement sur un simple appel téléphonique.

Votre Commission des Affaires économiques partage le point de vue des associations de consommateurs qui réclament une amélioration de l'information sur le fonctionnement des crédits renouvelables. Elle souhaite également que la reconduction annuelle de ce type de crédit ainsi que l'ouverture de nouvelles tranches de crédit fassent l'objet d'une approbation formelle du consommateur et soient l'occasion d'une information détaillée des clients sur les conséquences financières des choix effectués et sur la possibilité de refuser ces nouveaux crédits.

Dans cette perspective, votre commission se félicite de l'adoption -l'an passé- par le Conseil national de la Consommation (CNC) d'un avis sur la publicité en matière de crédits à la consommation et de crédits renouvelables et de l'étude remise par la Banque de France en octobre 2001 relative aux causes et mécanismes du surendettement .

Il est, en effet, indispensable que les professionnels et les consommateurs s'accordent sur la nécessité de mieux informer les détenteurs de crédits renouvelables, sans toutefois porter atteinte à leur droit à la citoyenneté et à la dépense.

Votre rapporteur pour avis engage le Gouvernement à poursuivre la réflexion -également engagée à l'échelon communautaire- sur les moyens de renforcer la protection du consommateur en cette matière. Elle salue le soutien apporté par le Gouvernement à l'amendement retenu par le Parlement en deuxième lecture du projet de loi portant mesures urgentes de réforme à caractère économique et financier, dont l'objet tend à aménager le délai de forclusion de deux ans actuellement prévu par l'article L. 311-37 du code de la consommation pour toute action intentée devant le tribunal d'instance en cas de litiges nés de l'application des dispositions législatives et réglementaires encadrant le crédit à la consommation. Aux termes de cet amendement, ce délai de forclusion ne s'applique qu'aux seules actions en paiement afin de permettre à l'emprunteur de bénéficier du régime de droit commun de la prescription, dont les délais sont beaucoup plus longs en cas de contestation de la régularité du contrat de prêt.

C. LES NOUVEAUX DÉFIS

La politique de protection du consommateur se trouve cette année, au niveau européen comme au niveau national, devant trois défis majeurs : le développement des aliments comprenant des organismes dont le patrimoine génétique a été modifié, l'essor du commerce électronique et l'introduction prochaine de l'euro fiduciaire.

1. Les OGM

Le développement rapide de l'utilisation des organismes génétiquement modifiés (OGM) suscite autant d'engouement de la part des industriels que de craintes de la part des consommateurs. Devant ces considérations contradictoires, les pouvoirs publics s'efforcent de définir un cadre législatif qui, sans freiner le développement d'une technologie aux applications de plus en plus nombreuses, assure aux consommateurs une protection maximale.

a) Des applications de plus en plus larges mais strictement encadrées

Un organisme génétiquement modifié est un organisme (une plante, un animal, une bactérie, un virus) dans lequel on a introduit artificiellement un ou plusieurs gènes, soit inconnus de l'espèce à laquelle appartient cet organisme, soit appartenant à l'espèce mais ayant subi plusieurs manipulations génétiques. Une fois introduits dans un individu, ces gènes -résistance aux pesticides, tolérance aux herbicides...- seront transmis à sa descendance.

La directive 90/220 du 23 avril 1990 soumet toute dissémination à l'examen d'un dossier scientifique. Cette directive prévoit la prise en compte de l'effet des OGM sur l'environnement et la santé publique (toxicité, allergie, compétition, envahissement). Il y a trois niveaux d'utilisation :

- A : milieu confiné

- B : dissémination en milieu non confiné à des fins d'expérimentation ;

- C : mise sur le marché.

Cette directive a été modifiée par la directive 2001/18/CE du 12 mars 2001 et doit être transposée dans l'ordre juridique interne avant le 17 octobre 2002. Elle renforce les garanties en matière d'environnement et de santé publique . Elle prévoit notamment :

- un examen obligatoire par les comités scientifiques européens des dossiers de demande de mise sur le marché, ainsi que de toute objection à ces demandes ;

- une rationalisation des procédures selon le niveau de risque ;

- l'éventuelle consultation d'un comité d'éthique ;

- la limitation dans le temps -pour une durée maximale de dix ans- des autorisations de mise sur le marché ;

- un renforcement des dispositions relatives à l'étiquetage des produits, ainsi que des mesures visant à en assurer la traçabilité ;

- un suivi systématique, après toute mise sur le marché, par un dispositif de biovigilance.

Cette directive comporte aussi des dispositions tendant à assurer une plus grande transparence des décisions relatives aux essais d'OGM.

En France, plusieurs commissions d'experts sont mobilisées :

La CGG : Commission du génie génétique, qui examine la manière dont a été modifié l'organisme et classe l'OGM en fonction du risque qu'il peut engendrer. En fonction de cette classification, des contraintes de confinement seront imposées proportionnellement aux risques encourus.

La CGB : Commission du génie biomoléculaire, qui évalue le risque de la dissémination de l'OGM dans l'environnement et ses conséquences éventuelles sur la santé publique.

L'AFSSA : Agence française de sécurité sanitaire des aliments, qui étudie les risques liés à la consommation des produits OGM ou issus d'OGM.

La Commission de biovigilance examine, quant à elle, les effets de la dissémination des OGM après l'autorisation de mise sur le marché.

Ces commissions ne donnent que des avis. Ce sont les pouvoirs publics qui prennent la décision finale de la dissémination des OGM.

L'autorisation de mise sur le marché est donnée au niveau européen . Une entreprise fait sa demande auprès d'un pays de la Communauté européenne. Ce pays examine la demande en sollicitant l'avis de ses différents comités scientifiques. Il transmet ses conclusions (acceptation ou refus) à la communauté européenne, qui interroge les autres Etats membres. Ce n'est qu'en dernier recours que la commission prend une décision et fait éventuellement appel à un vote du Conseil des Ministres européens. Dans le cas d'une acceptation, le pays dans lequel la demande a été déposée prend ensuite un arrêté (dans le cas de la France) donnant l'autorisation de mise sur le marché. L'entreprise peut ensuite vendre son produit dans tous les Etats membres de l'Union européenne.

Actuellement, la France a adopté un moratoire sur le colza et la betterave interdisant la mise sur le marché de tout colza et betterave OGM, même s'il est autorisé au niveau communautaire. De même, à sa demande, le Conseil des ministres de l'environnement de juin 1999 a suspendu les autorisations de mises sur le marché de toutes plantes transgéniques .

Plusieurs variétés de maïs, autorisées antérieurement, telles que le maïs MON810, résistant aux insectes, et le maïs T25, tolérant à un herbicide, peuvent toutefois être cultivées et commercialisées. En 2000, la culture de maïs génétiquement modifié autorisé à la mise sur le marché s'est étendue sur un peu plus de 34 hectares, surface qui doit être comparée avec les quelques 3 millions d'hectares de maïs cultivés en France.

Lors de la clôture des états généraux de l'alimentation en décembre 2000, le ministre de l'agriculture et de la pêche a indiqué que le moratoire sur les autorisations d'OGM ne pourrait être levé que lorsqu'une traçabilité complète des OGM aurait effectivement été mise en place , ce qui suppose l'adoption de règles européennes claires.

b) Des contraintes d'étiquetages spécifiques à renforcer

Les aliments contenant des OGM sont, en outre, soumis à une obligation d'étiquetage spécifique.

La différence fondamentale entre un organisme génétiquement modifié et le même organisme « classique » est la présence dans le premier d'un peu d'ADN supplémentaire (le ou les gènes provenant d'une autre espèce) et d'une ou plusieurs protéines supplémentaires (fabriquées à partir des nouveaux gènes). Ces gènes et protéines ne sont pas présents dans l'organisme que nous consommons habituellement. Par conséquent, le législateur prévoit aujourd'hui l'étiquetage des aliments dès que ceux-ci diffèrent en composition de l'aliment « non-OGM », c'est-à-dire que dès que l'aliment contient des morceaux de l'ADN transgénique.

La Commission européenne a adopté, en juillet 2001, un projet de règlement sur l'étiquetage et la traçabilité des OGM , visant à renforcer les dispositions actuellement en vigueur.

Ce projet prévoit de rendre obligatoire l'étiquetage des aliments issus d'OGM, même si, à l'issue de leur processus de fabrication, ils ne contiennent plus d'ADN ou de protéine génétiquement modifiée, comme c'est le cas pour certaines huiles raffinées.

A la différence de la réglementation actuelle, il s'appliquera aussi à l'alimentation animale .

S'agissant de la traçabilité, ce projet de règlement prévoit la transmission, tout au long de la chaîne commerciale, des informations relatives à la présence d'OGM, et leur conservation pour une durée minimale de cinq ans. Votre rapporteur pour avis souhaite qu'un accord permette l'adoption rapide de ce règlement puis sa transposition en droit interne pour éclairer au plus vite le choix des consommateurs .

Dès à présent, une réflexion est menée au niveau national avec les professionnels pour mettre en oeuvre une obligation de traçabilité des OGM végétaux et de leurs produits dérivés dans le cadre des dispositions législatives du code rural et du code de la consommation introduites par la loi d'orientation agricole n°99-594 du 9 juillet 1999. Ainsi, deux décrets sont attendus :

- un décret relatif à la traçabilité des produits végétaux génétiquement modifiés et de leurs produits dérivés destinés à l'alimentation humaine et animale : les professionnels devront dans le cas d'utilisation de ces produits tenir un registre d'entrée et sortie et indiquer à chaque transaction commerciale la présence d'OGM ou de produits dérivés d'OGM dans les documents accompagnant les marchandises ;

- un décret relatif à la surveillance biologique des végétaux génétiquement modifiés ; la vente de semences ou plants génétiquement modifiés ainsi que leur mise en culture devront faire l'objet de déclarations par les professionnels, ceci afin d'identifier toutes les parcelles cultivées avec des OGM.

Votre rapporteur pour avis regrette le retard pris dans l'application de la loi d'orientation agricole sur un volet très sensible pour les consommateurs.

c) Des débats à suivre

Le débat sur la mise en place de filières séparées

Une étude relative à la pertinence économique et la faisabilité d'une filière « sans OGM », réalisée conjointement par l'INRA, la FNSEA et le ministère de l'agriculture et de la pêche a été rendue publique le 30 novembre 2000.

Se fondant sur l'aspiration des consommateurs à disposer d'une information sur la présence d'OGM dans les denrées alimentaires, cette étude plaide en faveur :

- de la mise en place de filières séparées pour préserver la liberté de choix des consommateurs ;

- de la définition d'un seuil de présence fortuite pour départager les deux filières ;

- de l'instauration d'une signalisation plus claire des produits OGM ;

- d'un partage des surcoûts entre l'amont et l'aval de la filière ;

- de la poursuite de la recherche et de l'expérimentation sur les OGM.

Le débat sur les essais en plein champ

L'année 2001 a été marquée par des arrachages sauvages de champs expérimentaux de cultures génétiquement modifiées , notamment à l'appel de la Confédération paysanne, qui dénonce les risques de contamination que représentent ces essais pour les cultures avoisinantes.

Un avis rendu le 23 juillet 2001 par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) confirme la lente dissémination des OGM dans l'environnement à partir de parcelles expérimentales. Il révèle, en effet, que des traces de contamination -de l'ordre de 0,1 %- ont été décelées sur 41 % des échantillons analysés de maïs classé non OGM.

L'AFSSA note que cette dissémination provient également pour partie de l'importation de semences contaminées.

Les essais d'OGM sont soumis à des contraintes variables selon qu'ils concernent des cultures réalisées exclusivement pour la recherche ou des cultures bénéficiant déjà d'une autorisation de mise sur le marché:

- les essais ayant une finalité de recherche et développement (opérations dites « partie B ») sont soumis à une autorisation du ministre de l'Agriculture, après avis de la commission du génie biomoléculaire et accord du ministre de l'Environnement. Ils doivent respecter des contraintes renforcées ;

- les essais concernant des cultures pour lesquelles une autorisation de mise sur le marché a été délivrée, qui servent à réaliser des tests de distinction, d'homogénéité ou de stabilité, doivent seulement respecter les mesures prévues par l'autorisation de mise sur le marché telles qu'une distance d'isolement ou la présence d'une barrière pollinique.

Les sites expérimentaux font l'objet de contrôles systématiques par les agents de la protection des végétaux qui peuvent, en cas de non-conformité, prendre des mesures de police sanitaire pouvant aller jusqu'à la destruction. La commercialisation de leurs récoltes est, en outre, interdite.

Il est désormais question de distinguer les essais entrepris dans l'intérêt général, à l'instar des essais visant à évaluer les bénéfices et les risques associés à telle culture génétiquement modifiée, des essais poursuivis à seule fin d'amélioration de la productivité.

Votre rapporteur pour avis souligne la nécessité qu'il y a à poursuivre la recherche, ne serait-ce que pour faire la preuve de l'éventuelle dangerosité des OGM.

2. Les transactions électroniques

La dématérialisation des transactions est une des caractéristiques les plus marquantes du commerce de ces dernières années. D'abord grâce aux cartes bancaires, puis avec le paiement en ligne via Internet, les consommateurs règlent leur achat pas voie électronique. Or, la remise en cause de la sécurité de ce mode de paiement a conduit les pouvoirs publics à réagir.

a) La sécurité des cartes bancaires

Avec près de 38 millions de cartes bancaires en circulation (leur nombre a presque doublé au cours des dix dernières années), plus de 2,9 milliards de transactions (soit près de 100 chaque seconde) et plus de un milliard de retraits auprès des distributeurs automatiques (soit plus de 30 par seconde), les cartes bancaires sont définitivement entrées dans la vie quotidienne de nos concitoyens.

Or, depuis le début de l'année 2000, plusieurs faits sont venus ébranler la confiance accordée jusque là à la sécurité du système des cartes bancaires : contrefaçon de cartes bancaires, publication de clés de « cryptage » des cartes à puce... Le mécanisme de sécurité, utilisé depuis dix à quinze ans, présente donc une incontestable vulnérabilité .

En réaction, le Groupement des cartes bancaires (GCB) a tenu des propos rassurants, vantant la sécurité de son système depuis la généralisation, à partir de 1993, des cartes à puce. La conviction du groupement s'appuie bien évidemment sur des chiffres de fraude bien plus favorables qu'il y plusieurs années ou largement inférieurs à ceux qui sont constatés dans d'autres pays.

Sur les 130 milliards d'euros de paiements effectués en France par cartes bancaires en 1999, le montant de la fraude s'est élevé à 27 millions d'euros, soit un taux de 0,02 %. L'évolution de ce taux de fraude au cours des dernières années témoigne des progrès accomplis : il atteignait 0,27 % en 1987, 0,123 % en 1990 et 0,04 % en 1993.

Le taux de fraude est identique en ce qui concerne les retraits effectués auprès des distributeurs automatiques de billets : la fraude s'élève à 9 millions d'euros pour des retraits totaux d'un montant de 58 milliards d'euros.

Ces chiffres ont été contestés, tant en ce qui concerne la définition donnée à la fraude qu'en ce qui concerne l'étendue exacte de celle-ci.

En premier lieu, la contestation a porté sur la signification réelle de ces chiffres car le GCB n'entend, par fraude, que « le préjudice financier à la charge des banques résultant de l'utilisation frauduleuse de cartes perdues, volées, non parvenues ou contrefaites ».

Cette définition restrictive exclut donc par exemple, le préjudice subi par les commerçants ou prestataires de services. En effet, en cas de commande par téléphone, télécopie ou Internet, assortie d'un numéro de cartes qui se révélerait volé, l'opération est annulée par la banque à la demande du possesseur de la carte au détriment du commerçant. Il convient de noter que ces cas de fraude sont appelés à se multiplier avec le développement du commerce électronique. Les paiements en ligne sont à l'origine de 50 % à 60 % des réclamations sur les paiements alors qu'ils ne représentent qu'à peine 2 % de l'utilisation des cartes bancaires. Néanmoins, force est de reconnaître qu'en l'espèce, c'est davantage la sécurisation des paiements en ligne qui est en cause que la sécurité des cartes bancaires stricto sensu.

En second lieu, le GCB a dû compléter ses chiffres en intégrant, dans la mesure de la fraude, ce qui concerne l'utilisation de cartes bancaires françaises à l'étranger et l'utilisation de cartes étrangères en France. Dans ces domaines, les taux de fraude annoncés sont près de 25 fois supérieurs à ceux indiqués ci-dessus. Le Groupement souligne que cette fraude élevée s'explique vraisemblablement par le fait que, pour ce type de paiements, il n'est pas fait utilisation de la puce intégrée sur les cartes françaises, mais de la seule piste magnétique, beaucoup moins sûre.

Vanter la sécurité du dispositif et, dans le même temps, annoncer un plan de 45 millions d'euros pour la « mise en place de toutes les mesures nécessaires pour renforcer la sécurité du système CB dans les meilleurs délais et les meilleures conditions possibles » n'a pas contribué à rassurer les consommateurs.

Le Secrétariat d'État aux PME, au commerce et à l'artisanat, en charge également de la consommation, s'est opportunément saisi du dossier.

Des avancées législatives sont attendues dans le cadre du projet de loi sur la sécurité quotidienne , en cours d'examen par le Parlement, qui prévoit plusieurs mesures favorables aux consommateurs : l'abaissement progressif de 400 à 150 euros de la franchise en cas de perte ou de vol d'une carte bancaire, l'obligation de porter à au moins 48 heures le délai de déclaration de la disparition de la carte, et le non-engagement de la responsabilité du détenteur de la carte quand celle-ci a été utilisée sans présentation physique ou sans identification électronique (mais seulement sur le fondement du code confidentiel).

b) Le développement spectaculaire du commerce électronique

Les pratiques de consommation ont été marquées ces dernières années par les premiers développements du commerce électronique. Cette nouvelle forme de commerce, si elle offre aux consommateurs de nouvelles opportunités, suscite également des inquiétudes pour la protection des consommateurs.

Les chiffres clés liés au commerce électronique sont éloquents : Internet suscite un véritable engouement à travers le monde, quels que soient les indicateurs utilisés, qu'il s'agisse du nombre d'utilisateurs ou même du commerce électronique lié à l'achat de marchandises par le consommateur.

Le nombre d'utilisateurs d'internet croît rapidement à travers le monde, atteignant fin 2000, selon les sources, entre 300 et 400 millions de personnes, soit 100 millions de plus en un an. Les Etats-Unis dominent toujours, abritant 41 % des utilisateurs, mais le marché américain, proche de la saturation, devrait connaître une relative stagnation des accès à Internet, alors que le nombre d'utilisateurs s'accroîtra encore significativement en Europe, ainsi d'ailleurs qu'en Asie et, dans une moindre mesure, en Amérique latine.. Si les « cyber-consommateurs », qui commercent via Internet, ne représentent qu'une minorité parmi les internautes; leur nombre progresse de manière spectaculaire.

L'Union européenne, forte de ses 370 millions d'habitants, ne compte que 44 millions d'utilisateurs d'Internet, soit 12 % de la population totale, contre 150 millions d'utilisateurs aux Etats-Unis (55 % de la population totale).

D'un pays à l'autre, le nombre d'utilisateurs d'Internet est très variable : le Royaume-Uni et l'Allemagne font à peu près jeu égal, avec 20 millions d'internautes, devançant l'Italie (13,4 millions) et la France (9 millions).

Ces deux dernières années, l'ensemble des indicateurs disponibles montrent que la France intègre peu à peu le commerce électronique.

En avril 2001, un français sur cinq est connecté à l'internet à domicile, contre un sur douze en octobre 1999. La progression en dix-huit mois est notable.

En outre, les ventes en ligne aux consommateurs français ont triplé entre 1999 et 2000, comme elles l'avaient fait entre 1998 et 1999, et passent de 200 millions d'euros à 685 millions d'euros . Cette hausse spectaculaire s'explique notamment par le développement des ventes sur Internet dans le secteur des voyages, de l'informatique et du multimédia, des produits alimentaires et de l'électroménager.

Le nombre de sites marchands a doublé dans la même période, passant de 600 à 1.150, avec une répartition par secteurs proportionnelle au développement des ventes.

Il est à noter que les ventes en ligne ne représentent encore qu'une très faible part du commerce de détail (0,2 %), mais que les grands distributeurs et les « vépécistes » font le pari de la vente en ligne pour les années qui viennent ; ils y consacrent désormais des budgets conséquents, comme en témoignent la mise en place de sites marchands effectuée par la FNAC (FNAC Direct), CORA (Houra.fr) ou CARREFOUR.

Une des raisons de ce faible développement des achats en ligne est l'insuffisante attention portée jusqu'alors aux services après-vente (délais de livraison, service client...). Une autre tient à un certain manque de confiance des consommateurs. Ainsi, 55% d'entre eux déclarent ne pas avoir confiance et ne pas être disposés à réaliser des achats sur internet. Sur ce plan, les pouvoirs publics peuvent jouer un rôle moteur en favorisant la sécurisation des paiements et la protection des données personnelles sur le réseau.

c) Une réglementation qui se met progressivement en place

En matière d'achats de biens et de services à distance, notamment par Internet, l'ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001 transpose la directive européenne 1997/7 sur la vente à distance , qui permettra aux consommateurs de bénéficier d'une protection plus importante . Les dispositions applicables actuellement aux biens engloberont les services, sauf les services financiers et les contrats conclus pour la construction et la vente de biens immobiliers. L'information précontractuelle du consommateur se voit considérablement renforcée. Les obligations du fournisseur se durcissent : il doit exécuter sa commande dans le délai de trente jours à partir du jour suivant celui où le consommateur a transmis sa commande. Le délai de rétractation de sept jours est confirmé et étendu aux services. Par exemple, un consommateur qui voudrait revenir sur un achat effectué par correspondance pourra le faire dans la semaine suivant l'achat. Il pourra ainsi renvoyer le produit et être remboursé. L'ordonnance prévoit aussi l'interdiction de la prospection par automate d'appel ou de télécopieurs si le consommateur n'a pas donné son consentement.

Au cours de l'année 2001, s'est également poursuivie la négociation de la proposition de directive relative à la commercialisation à distance des services financiers.

La directive cadre de 97/7/CE du 20 mai 1997 relative aux contrats négociés à distance n'est pas applicable aux services financiers. Cette exclusion a été acceptée par l'ensemble des pays membres dans la perspective de l'adoption d'une directive spécifique, mieux adaptée aux particularités des services financiers, notamment en matière de droit de rétractation.

La proposition de directive a pour objet d'imposer aux professionnels la communication d'informations aux consommateurs préalablement à la signature du contrat et institue un droit de rétractation postérieurement à la conclusion du contrat. Les autres dispositions de la proposition sont, pour l'essentiel, inspirées de la directive 97/7 et permettent d'accroître la protection du consommateur dans divers domaines (possibilité d'annulation et de remboursement d'un paiement en cas d'utilisation frauduleuse de cartes de crédit, interdiction de la vente forcée, limitation des abus en matière de démarchage financier, mise en oeuvre de règlements extrajudiciaires des différends).

Le Gouvernement a, en outre, déposé le 14 juin 2001 un projet de loi sur la société de l'information transposant, notamment, la directive communautaire 2000-31 et dont certaines dispositions visent à protéger le consommateur, en clarifiant les contraintes juridiques liées à la transaction électronique.

Ce projet de loi vise notamment à :

- sécuriser les échanges électroniques dans un cadre juridique plus transparent (identification de toute personne ou entreprise exerçant une activité commerciale en ligne, réglementation de la publicité en ligne protégeant des abus, extension de la valeur de la signature électronique, protection des contrats) ;

- garantir la confidentialité des échanges (libéralisation de l'usage de la cryptologie ; définition des moyens évitant l'usage de la cryptologie à des fins délictueuses - « cybercriminalité »-).

Votre rapporteur pour avis souhaite que ce projet de loi soit discuté le plus rapidement possible -d'autant plus que la directive visée devrait être transposée avant que ne débute l'année 2002- afin d'offrir aux consommateurs un cadre juridique approprié à leurs transactions électroniques. Elle salue, en outre, la création d'une cellule de veille au sein de la DGCCRF, dite « centre de surveillance » du commerce électronique, qui contribuera à l'amélioration de la sécurité des transactions électroniques.

3. L'introduction de l'euro fiduciaire

La mise en circulation de billets et pièces en euros au 1 er janvier 2002 fournit l'occasion de développer un marché intérieur véritable de la consommation en Europe en facilitant les relations commerciales.

La Commission européenne estime que, si cette occasion n'est pas saisie, les citoyens auront l'impression que le projet essentiel de l'Union Européenne -le marché intérieur- ne les concerne pas dans leur vie quotidienne et se résume à un projet conçu pour servir les intérêts des entreprises.

Afin de favoriser le succès de l'opération, le Gouvernement a mis en place :

- des observatoires départementaux de l'euro . En 2001, ils assument une fonction pédagogique et participent, au plan local (donc au plus près des consommateurs), à toutes les actions de sensibilisation des publics à l'euro. A ce titre, ils constituent des relais permettant de faire connaître les initiatives multiples des chambres consulaires, travailleurs sociaux, associations de consommateurs, associations de mal-voyants...

En leur sein, ils mettent en place une instance de conciliation pour régler à l'amiable les petits litiges susceptibles de naître de l'utilisation concrète de l'euro ;

- une observation des prix : ciblée sur les produits de consommation sensibles, elle permet d'assurer une vigilance dissuasive et de faire jouer la concurrence afin d'éviter toute poussée inflationniste à l'occasion du passage à l'euro. Elle vise à communiquer aux acteurs économiques l'idée que la liberté des prix est une responsabilité partagée.

Concrètement, l'observation des prix permet d'évaluer la pratique du double affichage des prix et le respect du taux de conversion de l'euro . Il apparaît aujourd'hui que le double affichage ne rencontre de réelles difficultés qu'auprès des restaurateurs et des marchés forains. Globalement, les erreurs de conversion ont disparu. Quelques hausses de prix inexpliquées subsistent -notamment chez les coiffeurs-, mais l'appréhension d'une hausse générale des prix sous le prétexte de la conversion en euros ou de son anticipation -en raison de l'accord de stabilité des prix, conclu entre distributeurs et industriels du 1 er novembre 2001 au 1 er avril 2002-, semble injustifiée. La DGCCRF explique que la concurrence, et les contrôles renforcés qu'elle mènera, seront les meilleurs remparts contre une hausse des prix. Il ne faut pas occulter pourtant le risque, à prix constant, d'une baisse de la qualité ou d'ajustements des quantités par le biais du conditionnement.

Votre rapporteur pour avis souhaite que le Gouvernement fasse tout pour éviter une perte de pouvoir d'achat des consommateurs et l'exclusion des plus vulnérables d'entre eux à l'occasion du passage à la monnaie unique.

CHAPITRE III -

UNE POLITIQUE DE LA CONCURRENCE
EN COURS DE RÉFORME

I. UN CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS TRÈS SOLLICITÉ ET RIGOUREUX

1. Les interventions croissantes des autorités nationales de la concurrence en amont et en aval de l'important mouvement de concentration

A l'échelle nationale, l'année 2000 a été marquée par la poursuite du mouvement de concentration des entreprises à un rythme soutenu, par une coopération étroite des autorités françaises avec la Commission européenne et par la confirmation du rôle croissant joué par le Conseil d'Etat dans le droit de la concurrence.

L'année 2000 a également été marquée par la préparation, puis par la discussion parlementaire de la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE), qui prévoit une réforme une réforme profonde du contrôle des concentrations.

En 2000, 324 concentrations ont été examinées, et 53 ont fait l'objet d'un examen approfondi. Parmi ces dernières, 30 ont donné lieu à une procédure formelle.

Le ministre a saisi pour avis le conseil de la concurrence de huit opérations. Une de ces saisines a débouché sur une interdiction : le ministre a considéré, malgré un avis positif du Conseil de la concurrence, que l'acquisition par la société Sara Lee, qui détient notamment la marque de cirages « Kiwi », de la marque de cirages « Baranne », créerait une position dominante au profit de Sara Lee, qui aurait détenu plus de 80 % de parts de marché, sans qu'aucun concurrent, actuel ou potentiel, ne soit en mesure de venir rééquilibrer cette puissance de marché.

Deux opérations ont donné lieu à des autorisations soumises à conditions. Une opération a été autorisée sans conditions. Deux opérations ont été abandonnées à la suite de la saisine. Sept opérations ont été autorisées, sans qu'il ait été besoin de saisir le Conseil de la concurrence, sous réserve de l'exécution par les parties d'engagements de nature à rétablir une concurrence effective sur les marchés concernés. Ces engagements sont en général structurels, et complétés, le cas échéant, par des engagements comportementaux. Les engagements structurels ont consisté en des cessions d'actifs (magasins, dépôts, filiales...). Ont également été souscrits des engagements de recomposition du capital de la nouvelle entité, pour supprimer tout lien structurel entre une entreprise et ses clients, par exemple. Les engagements comportementaux ont consisté, par exemple, en des dispositions visant à éviter des subventions croisées entre activités, ou à encadrer les transferts d'information entre entreprises. Ces engagements, surtout lorsqu'ils sont souscrits lors de la phase initiale d'examen d'une concentration, sont particulièrement utiles car ils permettent à la fois de préserver la concurrence tout en permettant aux entreprises de bénéficier d'une autorisation dans un délai très bref de deux mois.

Deux opérations examinées avaient été renvoyées aux autorités françaises par la Commission européenne , sur le fondement de l'article 9 du règlement sur les concentrations, pour ce qui concerne leurs aspects locaux (TotalFinaElf et Carrefour/Promodès). Ces opérations ont donné lieu à des autorisations, sous réserve de l'exécution d'engagements de la part des parties.

L'année 2000 a également été marquée par un nombre croissant d'opérations pour lesquelles les entreprises viennent consulter la DGCCRF très en amont de leur projet, avant même la signature des actes . Dans quelques rares cas, ces discussions ont conduit les entreprises à renoncer à l'opération, devant l'ampleur des problèmes soulevés et le coût prévisible des remèdes. Plus souvent, ces discussions ont permis aux parties de faire évoluer leur projet au fur et à mesure que progressait l'analyse concurrentielle. Cette pratique présente l'avantage pour les entreprises d'un gain de sécurité juridique et d'un gain de temps : le projet définitif, qui prend alors en compte les éventuelles difficultés de concurrence, peut être accepté par la suite en deux mois ou moins ; elle permet, en outre, une valorisation plus fine des actifs acquis ou cédés, puisque les accords définitifs anticipent sur les éventuelles modifications de périmètre imposées par les règles de concurrence. La prise en compte des impératifs de concurrence par les parties, dès le montage initial de l'opération, leur a ainsi permis, après un travail important tant de la part des entreprises que de l'administration, de mener, dans la plupart des cas, les projets jusqu'à leur terme.

Enfin, le Conseil d'Etat s'est prononcé sur trois décisions du ministre en matière de concentrations. Il a confirmé la légalité de deux d'entre elles (Coca-Cola/Orangina, sur un recours de Pernod-Ricard, et Opéra, la centrale d'achat commune aux distributeurs Casino et Cora). il a annulé la troisième car le vendeur, que le ministre avait considéré comme n'étant plus concerné par la procédure de contrôle, n'avait pas été informé de la saisine du Conseil de la concurrence (Koramik/Wienerberger).

Dans son arrêt Opéra, le Conseil d'Etat a notamment précisé la notion de concentration dans le cas, souvent délicat, de la création d'une entreprise commune.

2. Une convergence confirmée entre les analyses concurrentielles françaises et communautaires des concentrations

Les autorités nationales et communautaires de la concurrence régulent les marchés afin d'assurer le maintien d'une économie concurrentielle garantissant aux consommateurs un choix suffisant de produits à des prix compétitifs.

Le processus de concentration des entreprises et de globalisation de l'économie s'est encore amplifié durant l'année 2000, en Europe, avec des opérations de grande ampleur, qualifiées de « mégafusions », notamment dans les secteurs des télécommunications, de l'information et de la communication (AOL/Time Warner, Vivendi/Canal +Seagram), de l'énergie (Total/Fina/Elf ; Framatome/Siemens/Cogéma), de la chimie (Astra Zeneca/Novartis ; Industri Kapital/Dyno) ou encore de l'aéronautique (General Electric/Honeywell).

Même si la progression se ralentit quelque peu d'une année à l'autre, le nombre de dossiers notifiés (344 en 2000) et le nombre de décisions rendues par la Commission européenne (336) en vertu du règlement 4064/89 du 21 décembre 1989 sur les concentrations -lequel confie à la Commission européenne la compétence sur les concentrations d'entreprises de « dimensionnement communautaire »- a connu une nouvelle augmentation en 2000, soit une progression des opérations notifiées de 18 % par rapport à 1999 (contre 24 % entre 1998 et 1999). Depuis 1997, le nombre d'opérations notifiées à Bruxelles a été multiplié par trois. La même tendance se dessine pour 2001.

Les télécommunications, la chimie, l'information et la communication, et l'énergie constituent les secteurs économiques les plus concernés par le mouvement de concentration . La France a été impliquée dans 63 affaires de concentration en 2000, 14 d'entre elles étant même des opérations « franco-françaises », comme l'opération Schneider/Legrand. Les pays les plus impliqués conjointement avec la France sont le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie et les Etats-Unis.

Sur 344 dossiers de notification déposés en 2000, 20 ont fait l'objet d'une enquête approfondie, 13 ont finalement été autorisés sous conditions et deux opérations ont été interdites (MCI Worldcom/Sprint et Volvo/Scania). En 2001, trois opérations ont déjà fait l'objet d'une interdiction (SCA/Metsa Tissue ; General Electric Honeywell et Schneider/Legrand). Les notifications sont parfois retirées avant la décision d'interdiction (Industri Kapital/Perstorp ; CGC/Partest/BCP/Sairgroup ; Time Warner/EMI ; Aker Maritime/Kvaerner ; Microfost/Liberty ; Media/Telewest...).

La commission a ouvert autant d'enquêtes approfondies qu'en 1999 et le nombre de retraits en vue d'éviter une interdiction est également le même qu'en 1999. La même tendance se confirme en 2001, mais le nombre d'interdictions est en hausse. Globalement, depuis septembre 1990, la Commission a interdit 16 fusions sur 1.850 dossiers ; si l'on y ajoute des dossiers finalement retirés, le taux de rejet atteint environ 2 %, et ne progresse pas en dépit de la vague de concentrations .

Parmi les opérations de concentrations importantes examinées en 2000, on peut citer la fusion entre TotalFina et Elf Aquitaine, autorisée en février 2000 sous réserve d'engagements destinés à restaurer des conditions de concurrence effectives dans le secteur de la vente au détail de carburants et de fioul domestique par une ouverture substantielle de la logistique pétrolière. TotalFina s'est engagé à éliminer les effets de la fusion sur le marché de la vente de carburants sur autoroutes en cédant 70 stations-service, ce qui a permis l'arrivée de nouveaux entrants, dont un opérateur de la grande distribution, et a entraîné des baisses de prix du carburant pour les consommateurs à proximité de ces stations nouvellement reprises.

Dans de très nombreux cas, et de façon systématique lors des phases d'enquête approfondie, les autorités françaises de concurrence sont intervenues auprès des services de la Commission , en vertu du principe communautaire de liaison étroite et constante entre la Commission et les Etats membres, afin de confronter leurs définitions des marchés, leurs analyses concurrentielles et afin de donner leur position sur le projet de décision de la Commission et, notamment, sur les engagements proposés par les parties à une opération afin de remédier aux problèmes de concurrence. Elles ont systématiquement participé aux auditions organisées par la Commission à la demande des tiers et ont assisté aux réunions du comité consultatif sur les concentrations.

En 2000, la Commission a renvoyé pour examen aux autorités nationales cinq affaires de concentration. L'une d'entre elle (Carrefour/Promodès) concernait les autorités françaises qui ont demandé et obtenu le renvoi de l'examen de 99 marchés locaux. La Commission a autorisé, sous condition, les autres aspects de la concentration. Après avoir examiné les marchés locaux susceptibles de soulever des problèmes concurrentiels, le ministre chargé de l'économie, par un arrêté du 5 juillet 2000 et après avis du Conseil de la Concurrence, a autorisé l'opération, sous réserve d'engagements souscrits par la société Carrefour. En 2001, aucune demande similaire de renvoi n'a été faite jusqu'à ce jour.

Avec l'adoption de la loi sur les nouvelles régulations économiques, le 15 mai 2001, le contrôle national des concentrations se met au diapason du régime de contrôle communautaire en ce qui concerne la procédure et l'analyse concurrentielle suivie par la Commission. Le contrôle national et le contrôle communautaire devraient mutuellement y gagner.

Votre rapporteur pour avis tient toutefois à rappeler que le premier objectif des règles relatives à la concurrence doit être d'éviter que le consommateur ne soit lésé . Elle s'interroge sur l'application de cet objectif en Europe, dont des autorités de concurrence semblent surtout chercher à ménager les concurrents locaux des compagnies demandant leur fusion, comme l'atteste le rejet des fusions Scheider-Legrand ou, plus récemment, Tetra Laval-Sidel.

Elle observe qu'aux Etats-Unis, de pratiques monopolistes, quoique susceptibles de heurter des concurrents, peuvent rester légales tant qu'elles n'ont pas d'effets négatifs sur les consommateurs et que leur taille permet, au contraire, des réductions de coûts et des effets d'échelle à l'avantage des consommateurs . La protection des consommateurs devrait donc primer sur tout autre critère d'appréciation dans l'examen européen des concentrations. Ceci préserverait, en outre, la capacité d'entreprises européennes de grande taille -et n'abusant pas de leur position dominante- à affronter la mondialisation.

II. LA POURSUITE DE LA LUTTE CONTRE LES PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES

Pendant l'année 2000, la DGCCRF a poursuivi sa mission de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, que ce soit en matière d'ententes ou d'abus de position dominante, mais aussi sa politique d'information et d'avertissement des opérateurs afin de les convaincre du caractère nuisible de leurs comportements anticoncurrentiels pour le consommateur et l'économie en général.

1. Des contrôles renforcés à l'échelon national comme communautaire

En 2000, les services de la DGCCRF ont détecté 319 indices de pratiques anticoncurrentielles et lancé 246 enquêtes. Le ministre de l'économie, maintenant sa politique de ciblage sur les affaires importantes ou soulevant des questions nouvelles de concurrence, a transmis 19 dossiers au Conseil de la concurrence sur la base de l'article L.462-5 du code de commerce. Des secteurs très divers sont concernés par ces saisines : outre les marchés publics, les secteurs des transports, de l'agro-alimentaire ou encore des carburants. Deux de ces saisines ont pour objet d'inviter le Conseil de la concurrence à se prononcer sur le respect ou non d'injonctions prononcées dans de précédents décisions.

En ce qui concerne les pratiques anticoncurrentielles, la Commission européenne , quant à elle, a ouvert, en 2000, 36 nouveaux dossiers d'infraction présumées ou constatées dans le domaine de la concurrence. A la date du 31 décembre 2000, 67 dossiers d'infraction étaient en cours d'instruction par la Direction générale de la concurrence. Il convient également d'observer au cours de l'année 2000 une baisse du nombre de notifications. Il est probable que l'on puisse imputer une partie de cette baisse au nouveau règlement d'exemption par catégorie sur les accords verticaux, qui a fixé une présomption de légalité pour les accords verticaux conclus entre des entreprises détenant moins de 30 % de parts de marché et bénéficiant d'une dispense de notification.

En ce qui concerne les domaines d'activité , le nombre de cas nouveaux dans le secteur des télécommunications s'est élevé à dix en 2000, contre onze en 1999. La tendance observée en 1999 à une diminution sensible du nombre d'affaires nouvelles dans le domaine des transports et, inversement, à l'introduction de nouveaux cas dans le secteur des assurances sociales s'est confirmée en 2000.

En 2000, la Commission a infligé des amendes s'élevant à 199,5 millions d'euros, soit une augmentation de 77,6 % par rapport à 1999 , la décision la plus importante ayant concerné cinq producteurs de lysine, produit utilisé dans l'alimentation animale, qui se sont vus infliger 110 millions d'euros au total.

Les ententes injustifiées (cartels)

La Commission européenne a fait porter ses efforts contre des ententes sur les prix et sur les entraves aux échanges. Elle les a lourdement sanctionnées. L'affaire du cartel de la lysine , sanctionnée fortement en 2000, a été suivie par deux autres condamnations de cartels en 2001 : celui des électrodes en graphite (juillet 2001) et celui du gluconate de sodium (octobre 2001). Open Nederland a été sanctionnée en 2000 pour entrave aux exportations de voitures neuves provenant d'autres Etats membres. Volkswagen a été condamné une seconde fois en 2001 pour entrave aux échanges intracommunautaires.

Les autorités françaises ont dans toutes ces affaires soutenu la Commission européenne. Les ententes injustifiées, notamment sur les prix, comptent, en effet, parmi les infractions les plus graves au droit de la concurrence. Les entraves aux échanges intracommunautaires, particulièrement fréquentes dans le secteur automobile, constituent, au regard du droit communautaire, des infractions également très graves.

Les abus de position dominante

Le 13 décembre 2000, la Commission a « réadopté » deux décisions, après une annulation de la Cour de Justice pour des raisons de procédure, imposant une amende de 10 à 20 millions d'euros respectivement à la société belge Solvay et à la société britannique Imperial Chemicals Industries (ICI), pour avoir commis un abus de position dominante sur le marché du carbonate de soude.

L'entreprise française Michelin a été condamnée en 2001 pour abus de position dominante sur le marché du pneu poids lourds, notamment parce que Michelin avait mis en place en France un système de rabais de fidélité qui avait pour effet de dissuader les revendeurs de produits Michelin de revendre également des produits concurrents. L'amende a été relativement modeste, compte tenu notamment de la collaboration de l'entreprise à la procédure.

Les autorités françaises n'ont pas eu d'objections majeures vis-à-vis de ces deux décisions de la Commission. D'une façon générale, les autorités françaises sont vigilantes à l'égard des comportements abusifs des entreprises qui détiennent un fort pouvoir de marché.

Quelques décisions novatrices intéressantes

La Commission a adopté des décisions intéressantes et novatrices au cours de l'année 2001. Il s'agit tout d'abord des décisions DSD et Eco Emballages dans le secteur des déchets ménagers, qui abordent la nouvelle problématique « environnement/concurrence ». On peut également relever l'affaire Deutsche Post qui a permis de faire application de la notion de position dominante à un opérateur disposant d'un domaine réservé.

2. Des avancées jurisprudentielles

Sur le fond, des décisions importantes intervenues après des saisines ministérielles ont permis de compléter la jurisprudence en matière d'entente et en matière d'abus de domination.

En matière d'ententes , le Conseil de la concurrence a prononcé des sanctions dans plusieurs affaires de marchés publics engagées par le ministre de l'économie. Dans une décision 00-D-20 du 17 mai 2000 relative à des pratiques relevées lors de marchés d'électrification rurale dans la Somme, et confirmée par la Cour d'Appel de paris, il a réaffirmé sa condamnation du recours au groupement d'entreprises formé dans le seul but de restreindre la concurrence lors de la passation de marchés publics . Quatre chauffagistes ont été condamnés lourdement pour s'être réparti des marchés passés par des offices d'HLM de Normandie et de Bretagne. Une entente sur les prix conclue dans le cadre du Syndicat du désamiantage et de la décontamination -GETAP a également été condamnée.

Dans une décision 00-D-28 du 19 septembre 2000, le Conseil de la concurrence a sanctionné, après une enquête administrative réalisée par la DGCCRF, plusieurs banques pour entente anticoncurrentielle dans le secteur du crédit immobilier aux particuliers.

S'agissant des abus de position dominante , la Cour de cassation a consacré la notion d'infrastructure essentielle dans un arrêt du 25 janvier 2000, confirmant les décisions du Conseil de la concurrence et de la Cour d'appel de Paris condamnant la société Héli-Inter Assistance, détentrice du monopole d'exploitation d'une hélistation, qui avait établi des prix d'accès discriminatoires et non transparents à cette infrastructure. La notion d'infrastructure ou de facilité essentielle recouvre des situations où une installation est la propriété d'un opérateur et où un autre opérateur ne peut disposer d'installation ou d'équipement substituable à ceux auxquels il demande accès, ni les recréer à un coût et dans des délais raisonnables. Une décision intéressante du Conseil de la concurrence en matière d'abus de position dominante, tant par la définition du marché que par les pratiques d'éviction du marché relevées, est intervenue le 3 mai 2000 à la suite d'une saisine du ministre dans le secteur des briques plâtrières.

III. UN DROIT DE LA CONCURRENCE MODERNISÉ

1. Les avancées nationales : nouveau code des marchés publics et loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE)

Un code réformé des marchés publics qui améliorera le fonctionnement de la concurrence

Un certain nombre de dispositions issues de la réforme du code des marchés publics, contenue dans le décret n° 2001-210 du 7 mars 2001, devraient faciliter le jeu et le respect des règles de la concurrence notamment en visant à limiter les ententes.

Il s'agit tout d'abord des règles relatives aux groupements d'entreprises : le nouveau code réaffirme le principe de la liberté de groupement, mais rappelle également le respect des règles relatives à la liberté des prix et à la concurrence. Les groupements, qui peuvent favoriser l'accès des PME à la commande publique, constituent en même temps l'un des supports privilégiés des ententes dans les marchés publics.

C'est pourquoi deux nouvelles mesures ont été prévues : l'interdiction de modifier la composition du groupement entre la remise des candidatures et la remise des offres, ainsi que la possibilité d'interdire la présentation par une entreprise d'offres à plusieurs titres. Ces dispositions visent à restreindre la possibilité de voir circuler des informations entre les différents offreurs et donc à freiner l'incitation aux ententes.

Les dispositions relatives à l'allotissement sont également de nature à améliorer le fonctionnement de la concurrence et donc l'efficacité de la commande publique.

Il en est ainsi de l'interdiction pour les entreprises de présenter des offres variables selon le nombre de lots. Cette mesure garantit aux entreprises, quelle que soit leur taille, une égalité de traitement lors de l'examen de leurs offres. Elle est aussi de nature à accroître, à terme, la concurrence et à diversifier l'offre.

Il en est également ainsi de l'interdiction des marchés d'entreprise de travaux publics (METP), marchés associant construction d'un ouvrage et exploitation d'un service. Cette mesure favorise l'accès des PME à la commande publique, les METP n'étant accessibles qu'aux grandes entreprises.

Enfin, il convient de signaler, au titre de l'amélioration de la concurrence, le nouveau mode de computation des seuils permettant de déterminer la procédure applicable. Il ne sera désormais plus possible pour une collectivité de raisonner par fournisseur et de fractionner ainsi ses achats pour échapper aux règles de mise en concurrence.

La modernisation du droit de la concurrence par la loi sur les nouvelles régulations économiques

Au terme de treize ans d'application du droit de la concurrence fondé sur l'ordonnance du 1 er décembre 1986, il est apparu nécessaire de le moderniser pour assurer une meilleure régulation de la concurrence.

La loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques comporte des dispositions relatives au droit de la concurrence qui modifient substantiellement le Livre IV du code du commerce. L'objectif de la réforme est de systématiser le contrôle des concentrations, de renforcer la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles -qui affectent le fonctionnement du marché- et les pratiques commerciales restrictives de concurrence- qui restreignent celle-ci sans affecter le marché-, c'est-à-dire qui affectent simplement la relation contractuelle entre le fournisseur et le distributeur :

- poursuivre efficacement les pratiques anticoncurrentielles dans le respect des droits de la défense, et les sanctionner sévèrement : pour assurer le respect des droits de la défense, la procédure devant le Conseil de la concurrence sépare clairement les phases d'instruction, dont la responsabilité incombe désormais au rapporteur général (saisine d'office, désignation des rapporteurs, recours à des experts, utilisation des pouvoirs de visite et de saisie, notification des griefs et du rapport...) et la phase de jugement, qui relève de la formation collégiale du Conseil. Le rapporteur général est aussi l'initiateur d'une procédure innovante : la transaction, qui permet, lorsque les entreprises en cause ne contestent pas la réalité des griefs et s'engagent à modifier leurs comportements, de statuer suivant une procédure accélérée. Le plafond des sanctions est alors réduit de moitié.

La loi institue également un dispositif de clémence , inspiré du droit communautaire et des Etats-Unis, en prenant en compte une double réalité : l'intention de certaines entreprises de sortir d'une entente à laquelle elles étaient jusque là parties et l'apport à la manifestation de la vérité que permet une telle intention. Pour que le mécanisme de la clémence fonctionne, le texte garantit une exonération partielle ou totale de la sanction, proportionnée à l'apport de l'entreprise à l'établissement de l'infraction.

La loi organise également un renforcement des pouvoirs d'enquête des agents de la DGCCRF en vue de faciliter la constatation d'infractions en train de se commettre et leur confère une compétence territoriale nationale.

Enfin, le plafond des sanctions est relevé de 5 % à 10 % du chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise (ou le groupe auquel elle appartient si ses comptes sont consolidés) au niveau mondial, et non plus seulement en France.

- systématiser le contrôle des concentrations et le rendre plus transparent : le dispositif est complètement refondu pour établir des règles procédurales homogènes et claires et suivre l'évolution des marchés et des législations des autres pays et de l'Union européenne. Les principes du contrôle restent identiques : le critère demeure celui de l'atteinte à la concurrence (notamment par création ou renforcement d'une position dominante) et les pouvoirs ministériels sont inchangés (autorisation simple, avec engagements, sous conditions, ou interdiction, le cas échéant après avis du Conseil de la concurrence).

Les grandes innovations sont d'ordre procédural : la notification devient obligatoire, préalable à l'opération et suspensive (avec possibilité de dérogation) au-delà de seuils désormais définis uniquement en chiffres d'affaires (chiffre d'affaires mondial de 150 millions d'euros pour l'ensemble des entreprises en cause, au moins deux entreprises réalisant en France un chiffre d'affaires supérieur à 15 millions d'euros). Ceci évite la difficulté, inhérente aux seuils en parts de marché, de définir, préalablement à la notification, des marchés pertinents.

Les délais d'examen en première phase sont raccourcis de deux mois à cinq semaines, sous réserve que le dossier de notification soit complet : pour plus de sécurité, les entreprises pourront venir présenter leur opération à la DGCCRF avant la notification. En revanche, en cas d'engagements proposés par les entreprises, ce délai pourra être repoussé à trois semaines après réception de ces engagements, afin de mieux les étudier.

La deuxième phase, qui implique la saisine du Conseil de la concurrence, est, elle aussi, enserrée dans des délais qui précisent le temps imparti à chacun des intervenants, y compris en cas de proposition d'engagements.

La réforme s'appliquera aux opérations irrévocablement engagées après la publication du décret d'application et donnera lieu à l'établissement de lignes directrices dans un proche avenir.

- prévenir et sanctionner les pratiques commerciales restrictives de concurrence : le législateur a créé une Commission d'examen des pratiques commerciales, instance de dialogue entre les différents maillons de la chaîne, du producteur au distributeur, et à laquelle participeront également des parlementaires, des magistrats, des fonctionnaires et des personnalités qualifiées. Elle rendra des avis et des recommandations, ainsi qu'un rapport -public- au gouvernement et au parlement et pourra ainsi promouvoir de bonnes pratiques.

La loi définit plus précisément les pratiques discriminatoires et abusives, comme les procédés visant à obtenir des avantages, notamment financiers, sans contrepartie aucune ou manifestement disproportionnée, comme la participation des fournisseurs aux acquisitions réalisées par les distributeurs. Afin de mieux traiter les abus contractuels qui n'affectent pas le fonctionnement du marché, le fait, pour un opérateur, d'abuser de la relation de dépendance dans laquelle il tient son partenaire engagera sa responsabilité. Le législateur a aussi mis un frein à des pratiques anormales, telles le bénéfice rétroactif d'avantages non prévus initialement ou le paiement d'un droit d'accès au référencement avant toute commande : désormais, de telles clauses sont nulles de plein droit.

Le ministre de l'économie, qui avait déjà un pouvoir d'action devant le juge civil ou commercial, peut demander la nullité des clauses ou contrats illicites, la répétition de l'indu, et, novation du texte, le prononcé d'une amende civile d'un maximum de 2 millions d'euros.

Enfin la loi sur les nouvelles régulations économiques a été l'occasion de transposer en droit français la directive 2000/35/CE du 29 juin 2000 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales . Elle prévoit notamment que, dans le silence du contrat, le délai de paiement ne pourra excéder 30 jours et que des pénalités de retard, dont le taux d'intérêt sera égal au taux de la banque centrale européenne majoré de 7 points de pourcentage, s'appliqueront sans mise en demeure préalable.

Votre rapporteur pour avis se félicite de ces diverses avancées juridiques, qui ne manqueront pas d'améliorer la régulation de la concurrence, y compris pour la commande publique (qui représente 9 % du PIB). Elle attire cependant l'attention sur la charge accrue de travail qui en résultera pour le Conseil national de la Concurrence et pour la DGCCRF et appelle le Gouvernement à renforcer leurs moyens respectifs , faute de quoi l'efficacité du CNC et de la DGCCRF se trouverait entamée.

2. La révision en cours des règlements communautaires

Il s'agit de deux chantiers importants relatifs aux concentrations et aux pratiques concurrentielles. Avant de les évoquer, plusieurs autres avancées du droit communautaire de la concurrence doivent être relevées :

Les nouveaux règlements d'exemption en matière d'accords horizontaux

Après l'adoption le 22 décembre 1999 d'un règlement général d'exemption concernant les accord verticaux entre distributeurs et fournisseurs, la Commission européenne a adopté le 29 novembre 2000 de nouveaux textes en matière d'accords entre entreprises concurrentes, dénommés accords horizontaux. Il s'agit de deux règlements d'exemption concernant les accords de spécialisation et les accords de recherche développement, et de lignes directrices relatives à différents types d'accords de coopération entre entreprises. Ces règlements sont directement applicables en France.

Les communications de la Commission interprétant le droit des concentrations communautaires

Une nouvelle procédure simplifiée d'examen des dossiers de notification des opérations de fusions a été mise en place en septembre 2000 à la suite de l'adoption d'une communication de la Commission, précédée d'une large consultation des Etats membres. La Commission peut dès lors prendre des décisions en forme simplifiée dans les affaires ne soulevant pas a priori de problèmes de concurrence. De même, la Commission a entrepris de synthétiser dans une communication adoptée en décembre 2000 sa pratique en matière d'engagements.

Les règlements d'exemption relatifs aux aides d'Etat

La Commission a adopté en décembre 2000, dans un souci d'accroître la transparence pour les entreprises et d'alléger les procédures, trois règlements d'exemption par catégorie pour les aides d'Etat en faveur des PME, les aides à la formation et les aides de minimis 3( * ) . Ces catégories d'aides, régies précédemment par de simples lignes directrices, sont désormais dispensées de notification préalable à la Commission et pourront être directement accordées par les États membres, davantage impliqués dans le suivi des aides d'Etat que par le passé.

L'encadrement des aides d'Etat en matière d'environnement

En matière d'aides d'Etat, la Commission a adopté en décembre 2000 un nouvel encadrement des aides d'Etat en matière d'environnement visant à clarifier l'application du principe « pollueur-payeur », à renforcer le caractère incitatif des aides en faveur de l'environnement et à prévoir un dispositif spécifique pour les aides aux énergies renouvelables.

La révision du règlement sur les concentrations : réticence française à un abaissement des seuils de compétence

Après avoir remis un rapport au Conseil des ministres en juillet 2000, conformément au règlement sur les concentrations, la Commission européenne a entamé un processus de révision du règlement. Elle prévoit l'élaboration d'un Livre vert à l'automne 2001 et a consulté les Etats membres sur les points qui feront l'objet d'une révision. A cette fin, elle a transmis un premier document d'orientation en juillet 2001 qui donne un aperçu de l'ampleur de la révision.

Celle-ci porterait principalement sur la baisse des seuils permettant de définir la compétence de la Commission afin de résoudre les inconvénients de la multinotification dans plusieurs Etats membres, sur les procédures de renvoi entre autorités de la concurrence nationales et communautaire (articles 9 et 22) et sur les délais de dépôt des engagements susceptibles de remédier aux problèmes de concurrence nés de l'opération.

La France -comme plusieurs autres Etats membre- s'oppose à une baisse des seuils de compétence de la Commission car elle se refuse à voir les contrôles nationaux des concentrations marginalisés.

Le Livre vert, une fois la consultation achevée, deviendra un Livre blanc contenant des propositions de la Commission. Celles-ci seront ensuite soumises au Conseil des ministres de l'Union européenne en vue d'une discussion au cours de l'année 2002, et d'une adoption à la majorité qualifiée.

La réforme du règlement n° 17 relatif aux pratiques anti-concurrentielles : soutien français à cette modernisation de la procédure

Le règlement du Conseil n° 17 est un texte de procédure, qui contient les règles d'application des articles 81 et 82 du traité. Il date de 1962 et la Commission a engagé son adaptation aux réalités économiques contemporaines.

La Commission a engagé en 1999 une consultation sur un Livre Blanc en vue de réformer le règlement du Conseil n° 17 de 1962, qui organise un contrôle administratif (sur la base de notifications) et centralisé des restrictions de concurrence. Ce contrôle consiste à accorder a priori des dérogations à l'interdiction des ententes lorsque leur bilan économique est positif. Il a montré ses limites car il s'avère très lourd, bureaucratique, coûteux et inefficace pour traiter des restrictions les plus néfastes à la concurrence. En effet, les décisions importantes de la Commission n'ont pas été adoptées sur la base de notifications préalables, mais à la suite de plaintes ou d'enquêtes lancées à son initiative. La Commission propose de remplacer le système de notification préalable par un système décentralisé, très proche dans son principe du système français. Il reposerait sur le contrôle a posteriori des pratiques : leur conformité à l'article 81§3 serait constatée a posteriori par les tribunaux et les autorités nationales chargées d'appliquer le droit de la concurrence.

La France estime que cette décentralisation de la procédure est imposée par le principe de bonne administration : d'une part, la Commission est encombrée de notifications, le plus souvent inutiles ; d'autre part, la dissémination d'une culture de la concurrence en Europe crée les conditions d'une application décentralisée du droit communautaire de la concurrence, passant par une application complète des articles 81 et 82 du Traité par les juridictions et autorités nationales de la concurrence.

Une plus grande efficacité, en termes de protection de la concurrence, en est attendue au bénéfice des consommateurs du marché intérieur. Pour les entreprises, un tel système aura l'avantage de supprimer une contrainte bureaucratique, mais impliquera une responsabilisation accrue. Elles devront, en effet, plus souvent évaluer elles-mêmes leurs accords. Pour les projets posant des questions nouvelles et complexes, il sera possible que la Commission rende un avis. La décentralisation ne doit pas signifier, en effet, une renationalisation de la politique nationale de la concurrence.

La Commission a transmis une proposition de règlement au Conseil fin septembre 2000 . Certains aspects de la proposition de la Commission paraissent aller au-delà d'une simple réforme de la procédure, et notamment l'article 3, qui préconise une application exclusive du droit communautaire pour les affaires qui affectent les échanges entre les Etats membres. Du point de vue des autorités françaises, cette disposition est de nature à remettre en cause certains équilibres institutionnels de la politique nationale de la concurrence, ce qui ne paraît pas nécessaire.

Aujourd'hui, il est possible d'appliquer parallèlement ou alternativement le droit national de la concurrence et/ou le droit communautaire. C'est le principe de la primauté du droit communautaire qui règle les éventuels conflits entre les deux droits. Cela signifie concrètement qu'une autorité nationale peut faire application de son droit interne, avec l'autonomie décisionnelle que cela implique, à une affaire qui affecterait les échanges entre les Etats membres. Pourquoi recourir au droit national dans de tels cas ? Parce que, par exemple, le droit national comporte des dispositions plus sévères que le droit communautaire, qui assurent une protection plus efficace de la concurrence, ou des jurisprudences qui répondent de façon efficace aux problèmes spécifiques du marché national.

Demain, si l'article 3 devait être retenu -il l'a déjà été par le Parlement européen le 6 septembre 2001-, toutes les affaires qui seraient susceptibles d'affecter le commerce entre les Etats membres se verraient appliquer le droit communautaire de la concurrence de façon exclusive. Dans un marché de plus en plus intégré, notamment avec l'introduction de l'euro et du commerce électronique, il y a fort à parier que le droit communautaire deviendrait quasiment le seul droit de la concurrence applicable dans l'Union et que le droit national se réduirait à une peau de chagrin. Il resterait cantonné aux affaires d'importance locale ou régionale. Ainsi, le droit national perdrait une grande partie de sa portée et l'autorité nationale serait privée de moyens d'action adéquats pour lutter contre certaines pratiques. La législation française de concurrence sanctionne par exemple l'abus de dépendances économique, législation qui protège tout particulièrement les PME, mais qui n'a pas d'équivalent en droit communautaire. Votre rapporteur pour avis invite donc le Gouvernement à refuser cet article 3, afin d'éviter l'harmonisation forcée du droit et de la politique de concurrence en Europe, qui semble prématurée.

Elle soutient, en revanche, la décentralisation de la procédure
, car elle estime que la défense des consommateurs gagnerait à être assurée par les autorités françaises et que la cohérence juridique s'en trouverait accrue, le droit boursier et le droit des sociétés restant, pour l'heure, du domaine national.

Enfin, elle ne cache pas son intérêt pour les suggestions dont s'est récemment fait l'écho la presse de renforcer l'efficacité de la politique de la concurrence en :

- séparant les fonctions d'instruction des dossiers et de décision

- dotant la Commission d'un pouvoir d'instruction et d'enquête

- attribuant le pouvoir de décision à une instance européenne nouvelle, qui gagnerait en légitimité à être un collège des présidents des autorités de concurrence nationales. La cohérence entre les politiques nationale et européenne serait ainsi confortée.

IV. LA POLITIQUE DE LIBERALISATION DES MONOPOLES PUBLICS

La poursuite du processus de libéralisation de industries de réseau anciennement sous monopole public constitue un des principaux axes de la politique de la concurrence menée par les pouvoirs publics sous l'impulsion de la Commission Européenne.

Pour la Commission Européenne, l'ouverture des secteurs liés à la société de l'information ou à la production et distribution de l'énergie constituent des facteurs déterminants de la compétitivité de l'industrie européenne et, par voie de conséquence, du dynamisme du marché unique. Cette politique vise dans cette perspective à un développement de l'innovation technique et à la création de nouveaux emplois stables et durables.

Votre rapporteur pour avis estime que cet objectif ne peut être atteint que dans le respect des compétences des services d'intérêt économique général et de leur rôle pour la promotion de la cohésion sociale et territoriale.

Elle insiste sur la nécessité d'une libéralisation maîtrisée et graduelle des marchés de l'énergie, c'est-à-dire assurant l'égalité d'accès des usagers comme la sécurité des réseaux. Elle approuve donc la démarche du Gouvernement, qui a obtenu au Conseil Européen de Stockholm fin mars 2001 que la date butoir de 2005 fixée par la Commission européenne pour la libéralisation des marchés de l'énergie ne soit pas retenue, estimant que la libéralisation n'est pas une fin en soi et ne doit pas compromettre la qualité du service.

En mars 2001, la Commission Européenne a présenté au Parlement européen un projet de directive visant l'ouverture totale des marchés du gaz et de l'électricité à la concurrence d'ici 2005 tout en voulant protéger les intérêts des consommateurs. Ce projet repose sur un calendrier en trois étapes :

- au 1 er janvier 2003, toutes les entreprises doivent disposer de la liberté de choix du fournisseur d'électricité ;

- au 1 er janvier 2004, toutes les entreprises doivent bénéficier de la liberté de choix pour le fournisseur de gaz ;

- en 2005, enfin, il est prévu que tous les consommateurs européens « sans exception » pourront choisir leurs fournisseurs d'électricité et de gaz, au sein d'un vrai marché intérieur européen.

Afin d'assurer une véritable concurrence, la Commission préconise un accès non-discriminatoire des consommateurs et des producteurs concurrents aux réseaux de transmission et de distribution de gaz et d'électricité. A cet effet, elle propose que la gestion des réseaux de transmission et de distribution d'électricité et de gaz soit juridiquement séparée des actes de production et de vente.

En outre, chaque Etat membre devra disposer d'un « régulateur » national, indépendant de l'administration, qui aura pour rôle de fixer en particulier les tarifs et les conditions d'accès aux réseaux de transmission de gaz et d'électricité, de prévenir toute distorsion de concurrence et d'assurer la transparence du marché.

Afin d'éviter que l'ouverture des marchés de gaz et d'électricité ne se fasse aux dépens du consommateur, la Commission veillera à ce que soit assuré l'équilibre entre l'offre et la demande et à lancer, si nécessaire, des offres publiques pour la création de nouvelles capacités de production de gaz et d'électricité. Elle souligne que la notion de service public implique en « droit à l'énergie pour tous » et elle indique que les précédentes mesures de libéralisation dans le domaine de l'énergie ont entraîné une baisse des prix d'environ 20 % chez les Etats membres.

1. Le secteur du gaz naturel

Le Gouvernement a adopté, le 17 mai 2000, un projet de loi de modernisation du service public du gaz et de développement des entreprises gazières transposant la directive marché intérieur du 22 juin 1998.

Ce projet de loi définit , tout d'abord, le contenu du service public du gaz, ses missions, les clients qui en bénéficient, les opérateurs qui en sont chargés ainsi que les modalités de son financement. Il prévoit une ouverture maîtrisée du marché du gaz naturel à la concurrence qui repose sur la définition des « clients éligibles », le contrôle des conditions d'accès au réseau et la préservation des contrats d'approvisionnement à long terme, lorsque celle-ci est justifiée.

Afin d'assurer la qualité de la fourniture de gaz et la sécurité des approvisionnements, le texte précité dispose que des autorisations seront délivrées aux fournisseurs de gaz par le ministre chargé de l'énergie et que les pouvoirs publics pourront assurer la diversification des approvisionnements, pour éviter toute dépendance excessive par rapport à un fournisseur.

La régulation transparente du marché du gaz suppose, selon le même projet de loi :

- que le Gouvernement déterminera les choix des politiques énergétiques et les missions de service public sous le contrôle du Parlement ;

- qu'une commission de régulation commune à l'électricité et au gaz sera chargée d'assurer le respect des règles de concurrence sur le marché;

- que les collectivités locales concédantes de la distribution joueront pleinement leur rôle.

Malgré le souhait de votre Commission des Affaires économiques que la directive gaz -dont le délai-limite de transposition était fixé au 10 août 2000- soit transposée à temps, le Gouvernement a choisi en avril 2001 de reporter encore la discussion du projet de loi de transposition de la directive gaz.

Cette décision lui a valu une sanction annoncée par la Commission Européenne, laquelle a saisi la Cour de Justice de Luxembourg contre la France pour non-transposition. La décision de la Cour exigeant un à deux ans, la transposition par la France de la directive pourrait finalement n'avoir lieu qu'après les élections de 2002. Votre Commission déplore que des considérations électorales handicapent l'achèvement du marché intérieur du gaz et la création de conditions de concurrence équitables.

A titre personnel, votre rapporteur pour avis espère que ce répit sera mis à profit pour affiner le dispositif mis au point par la France : d'une part, elle souhaite distinguer l'ouverture du marché du gaz à la concurrence de la privatisation éventuelle de Gaz de France. D'autre part, elle souhaite que la propriété des réseaux de transport de gaz reste entre les mains de l'Etat et ne soit pas transférée à l'entreprise pour sauvegarder la sécurité d'approvisionnement.

2. Le secteur de l'électricité

Le processus de libéralisation des monopoles nationaux s'est traduit en 2000 dans le secteur de l'électricité par la transposition de la directive du 16 décembre 1996 relative au marché intérieur de l'électricité et ainsi par l'ouverture du marché de l'électricité français à la concurrence.

Fruit de neuf années de négociations, qui ont permis aux partisans du maintien de l'obligation de service public -au premier rang desquels votre Haute Assemblée, par la voix de sa commission des affaires économiques- de corriger les propositions très libérales initialement émises par la Commission, la directive du 19 décembre 1996 se veut un texte de compromis.

Deux ans après l'entrée en vigueur de la directive (le 19 février 1999), la part du marché ouverte à la concurrence doit être au moins égale à la consommation communautaire moyenne des clients de plus de 40 Gwh par an (environ 25 à 26 % du marché européen, soit 400 sites éligibles en France). Trois ans après 1997 (2000), ce seuil est abaissé à 20 Gwh (environ 28 % du marché, soit 800 sites éligibles en France) et six ans plus tard (2003) à 9 Gwh (plus de 30 % du marché, soit 3.000 sites en France). La Commission est chargée d'examiner la possibilité d'une nouvelle ouverture du marché neuf ans (2006) après l'entrée en vigueur de la directive. Elle prévoit, en outre, que les Etats pourront bénéficier d'un régime transitoire afin de faire face aux « coûts échoués » correspondant aux engagements ou aux garanties d'exploitation accordées avant l'entrée en vigueur de la directive, lesquels risquent de n'être pas honorés, à cause de ce texte.

Chaque Etat membre est tenu d'atteindre les résultats que prescrit la directive, selon les modalités qu'il souhaite. Les critères qui permettent de définir les clients « éligibles » sont laissés à son appréciation (hormis pour les consommateurs de plus de 100 Gwh par an, qui sont automatiquement éligibles, dès le 19 février 1999). De même, le mode de régulation est laissé à l'appréciation des Etats, la directive prenant acte de la diversité des modèles nationaux en la matière et n'imposant que l'existence d'une autorité indépendante des parties pour régler les litiges.

La directive du 19 décembre 1996 prévoit que les Etats membres désignent ou demandent aux entreprises propriétaires de réseaux de désigner un gestionnaire du réseau de transport (GRT) qui doit s'abstenir de toute discrimination entre les utilisateurs, en particulier si ce gestionnaire dépend d'un opérateur ayant des activités de production. C'est pourquoi ce GRT doit être indépendant -au moins sur le plan de la gestion- des autres activités non liées au réseau de transport, s'il reste intégré au sein d'une entreprise qui produit de l'électricité.

La directive institue au profit des Etats un droit d'accès à la comptabilité des entreprises de production, de transport et de distribution et prévoit l'établissement de comptes séparés entre les diverses branches d'activité afin d'éviter les discriminations, les subventions croisées, et les distorsions de concurrence.

La transposition de la directive est effective depuis plus d'un an, la loi n° 2000-108 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité étant entrée en vigueur le 10 février dernier . 4( * ) La Commission de régulation de l'électricité estime qu'en juin 2001, sur 1.300 sites éligibles, environ 71 ont choisi un opérateur concurrent d'EDF. Les volumes concernés représentent 8 % du marché ouvert. Les clients éligibles les plus importants ont pu bénéficier d'une baisse significative de leurs coûts d'approvisionnement énergétique (15 % voire plus).

Votre commission des affaires économiques et son rapporteur, M. Henri Revol 5( * ) , ont, tout en souscrivant aux objectifs de la directive, regretté, lors de l'examen de ce projet de loi, une transposition a minima de la directive, sans réelle vision stratégique.

Votre commission a estimé que la directive était interprétée stricto sensu, contrairement à la stratégie adoptée par les plus importants de nos partenaires. Elle a considéré que le degré d'ouverture du marché proposé et le statut du GRT proposé reflétait une attitude protectionniste. Elle a également jugé que le projet de loi transmis au Sénat comportait des mesures de nature à entraver les échanges d'électricité, dans un esprit totalement contraire à la directive ainsi que des mesures anti-économiques telles que l'institution d'une taxation des autoproducteurs d'électricité.

Votre rapporteur pour avis estime quant à elle, à titre personnel, que ces dispositions ont ouvert la voie à une « marchandisation » de l'électricité et à la banalisation d'un bien de « première nécessité » et, donc, essentiel à la vie quotidienne des usagers-citoyens.

Elle relève notamment que de graves crises électriques sont intervenues récemment aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Suède, ce qui atteste des dangers d'une libéralisation mal maîtrisée. Ainsi, la Californie, Etat le plus peuplé et le plus riche des Etat-Unis, précurseur dans l'ouverture de son secteur électrique à la concurrence, a connu de fréquentes ruptures d'approvisionnement, de fortes augmentations de prix et la faillite des deux principaux distributeurs de l'Etat. Dans son rapport d'activité 2000, la Commission de Régulation de l'Electricité analyse cette crise : faute d'avoir pris en compte l'adéquation entre l'offre et la demande d'électricité et faute d'avoir investi suffisamment en moyens de production et en infrastructures de réseau de transport, le mode d'ouverture du marché électrique californien a produit des effets opposés aux objectifs recherchés -baisse des tarifs et amélioration de la qualité de service au consommateur final-. Votre Rapporteur pour avis s'en inquiète et demeure vigilante.

3. L'ouverture du marché des services postaux

Le mouvement d'ouverture du marché des services postaux, engagé à l'initiative des instances européennes, s'était traduit en 1999 par la transposition en droit français de la directive du 15 décembre 1997 d'harmonisation du secteur postal, au sein de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

Le texte de transposition a abrogé tout d'abord le périmètre traditionnel du monopole de La Poste. Le service universel postal est défini au nouvel article L. 1 du Code des Postes et Télécommunications. Il garantit, à tous les usagers, « de manière permanente et sur l'ensemble du territoire », en application des principes de continuité et d'égalité, des services postaux «répondant à des normes de qualité déterminées », à des « prix abordables » pour tous les utilisateurs.

Le service universel ainsi défini est fondé sur le service public postal actuel, garant de la cohésion sociale et de l'aménagement du territoire, et présentant deux types d'assurances pour l'usager : d'une part, en terme d'accessibilité aux services (densité des points de contacts, nombre de jours de distribution, tarifs abordables), et de qualité de service et, d'autre part, en terme d'étendue de l'offre de prestations, lettres et colis, envois recommandés et à valeur déclarée.

Ce service universel postal comprend les envois postaux d'un poids inférieur ou égal à 2 kg, les colis postaux jusqu'à 20 kg, les envois recommandés, les envois à valeur déclarée.

Le service universel postal fait partie intégrante du service public des envois postaux, qui comprend également le service public du transport et de la distribution de la presse.

La Poste est désignée comme le prestataire du service universel. Elle est, en conséquence, soumise aux dispositions de l'article 14 de la directive relative à la comptabilité analytique des prestataires du service universel postal : comptabilités distinctes des secteurs réservés et non réservés d'une part et des services faisant ou non partie du service universel d'autre part; règles de répartition des coûts, notamment communs, entre services réservés et non réservés; notification à la Commission européenne et vérification des systèmes de comptabilité analytique employés. Le décret n° 2001-122 du 8 février 2001 relatif au cahier des charges de La Poste prévoit la mise en place d'une telle comptabilité analytique pour la Poste.

Pour financer ses obligations de service universel, le texte attribue à La Poste, comme services réservés : les services nationaux et transfrontières d'envoi de correspondance, y compris le publipostage, d'un poids inférieur à 350 grammes et dont le prix est inférieur à cinq fois le tarif applicable à un envoi de correspondance du premier échelon de poids de la catégorie normalisée la plus rapide.

Le montant du chiffre d'affaires des services réservés s'élèverait, en conséquence, à environ 44,9 milliards de francs (soit les trois-quarts du chiffre d'affaires courrier) ; le courrier transporté par La Poste concerné par l'ouverture à la concurrence représenterait 1,3 milliard de francs, soit 2,2 % du chiffre d'affaire total des envois postaux, compte tenu des activités déjà soumises à la concurrence.

Votre commission observe que le « choc concurrentiel » subi par La Poste reste limité et souligne que l'opérateur doit maintenant se préparer à celui -beaucoup plus sérieux- envisagé pour 2003. Depuis la publication du rapport d'information, rédigé par le Président Gérard Larcher « Sauver la Poste : devoir politique, impératif économique 6( * ) », en octobre 1997, votre commission ne cesse de réclamer la discussion d'une grande loi d'orientation postale , qui assure l'avenir de La Poste et tienne compte de l'évolution du secteur et du droit communautaire.

Votre rapporteur pour avis estime, quant à elle, que la mise en oeuvre de cette directive est lourde de danger pour l'avenir du service public de la Poste, qu'elle souhaite voir garanti.

Le Gouvernement, dans le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financer déposé au printemps, annonçait des garanties concernant le service public postal, mais ce projet n'est pas inscrit à l'ordre du jour prévisionnel du Sénat.

La transposition de la directive n° 97/67/CE du 15 décembre 1997 relative à la libéralisation du secteur postal devrait être achevée par les articles 3 et 4 de ce projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financer (DDOEF), déposé au Sénat le 30 mai 2001.

Les dispositions contenues dans le DDOEF traduisent la volonté du Gouvernement de garantir durablement les acquis du service public postal, tout en fournissant aux acteurs du secteur des bases objectives et transparentes pour exercer leurs activités.

Sans reprendre l'ensemble des définitions de la directive mais dans un souci de lisibilité du texte, le projet de loi définit les envois postaux (article L.1). Il est précisé que le ministre chargé des postes prépare et met en oeuvre la réglementation des activités postales, notamment les règles d'exécution du service universel, et en contrôle l'application (articles L.4 et L.4-1).

Le système d'autorisation permettra aux prestataires de services en concurrence de disposer d'un cadre d'exercice de leur activité clair et durable, fondé sur des procédures transparentes non discriminatoires, proportionnées et reposant sur des critères objectifs ; il apportera également aux consommateurs des garanties sur les modalités de prestation de ces services (articles L.5 et L.5-1). Le non respect des obligations des prestataires de services ou la fourniture par eux de renseignements erronés seront sanctionnés.

Les dispositions pénales sont actualisées pour être mises en conformité avec le nouveau code pénal (articles L.17 et 18). L'article L.20 renforce le contrôle du respect du domaine réservé à La Poste. Les nouvelles modalités pratiques de ce contrôle permettront de poursuivre de manière efficace les atteintes aux domaines d'activités exclusivement réservés à La Poste.

Votre rapporteur pour avis s'inquiète de la négociation communautaire en cours pour la révision du périmètre des services réservés.

La Commission européenne a, en effet, proposé le 30 mai 2000 des mesures visant à ouvrir à la concurrence, d'ici à 2003, un pan important du marché des services postaux. Sur la base de nouvelles propositions qui seraient discutées avant la fin 2004, une autre partie du marché serait également ouverte à la concurrence d'ici à 2007. Cette approche par étapes pour l'achèvement du marché intérieur des services postaux maintiendra les garanties existantes afin d'assurer un service postal universel dans toute l'Union.

Ces propositions ont été présentées à la demande du Conseil européen de Lisbonne de mars 2000 qui a invité la Commission à accélérer la libéralisation des services. La Commission propose en particulier d'étendre l'éventail des services que les États membres doivent ouvrir à la concurrence aux lettres de plus de 50 grammes (la limite de poids actuelle est de 350 grammes), aux lettres de moins de 50 grammes dont le prix représente au moins deux fois et demie le coût d'une lettre ordinaire (la limite de prix actuelle est de cinq fois le coût d'une lettre ordinaire), à tout le courrier sortant destiné aux autres États membres et à tout le courrier exprès. La proposition présentée aurait eu pour effet d'ouvrir quelque 20 % du marché postal de l'Union européenne à la concurrence, contre 3 % en vertu de la directive postale en vigueur.

La proposition visait à faire en sorte que l'ouverture du marché, prévue en 2003, fût suffisante pour générer la concurrence sans nuire au service universel ni à l'équilibre financier des prestataires du service universel. Pour y parvenir, l'ouverture du marché proposée touchait tous les segments du marché postal (par la réduction des limites de poids et de prix pour les services pouvant être réservés), mais concernait en particulier les segments déjà ouverts, de fait, à la concurrence (c'est-à-dire le courrier transfrontière sortant).

Sur la base de cette proposition, les États membres auraient pu encore maintenir un domaine réservé représentant, en moyenne, 50 % des recettes que les prestataires du service universel tirent des services postaux. Actuellement, une moyenne de 70 % de leurs recettes proviennent des services réservés. Toutefois, comme certains États membres ont déjà ouvert à la concurrence une part de leur marché postal plus grande que ce que propose la Commission, l'impact de cette proposition sur l'ouverture du marché devait varier d'un État membre à l'autre.

Enfin, la proposition améliorait la clarté et la sécurité juridiques du cadre réglementaire existant, en définissant clairement les services spéciaux, qui ne peuvent être réservés, et en imposant l'application des principes de transparence et de non-discrimination aux tarifs spéciaux.

Une étape ultérieure était proposée pour ouvrir davantage le marché postal à la concurrence. Cette étape aurait pris effet le 1er janvier 2007. Des propositions précises devaient être présentées par la Commission avant le 31 décembre 2005, à l'issue d'un réexamen du secteur axé sur le maintien du service universel dans un cadre concurrentiel.

Le Parlement européen s'est prononcé en séance plénière le 11 décembre 2000 sur la proposition de directive, adoptée dans le cadre de la procédure de codécision et a adopté une série d'amendements demandant notamment :

- la suppression de la notion de services spéciaux ;

- la fixation de nouvelles limites, plus larges, de poids et de prix des services réservés à 150 grammes et quatre fois le tarif de base ;

- la suppression de l'étape de libéralisation de 2007 tout en demandant à la Commission européenne de présenter une évaluation de l'état du secteur postal avant le 31 décembre 2003 ;

- le report au 31 décembre 2004 de la date limite de transposition de la nouvelle directive ;

- la prise en compte des différences géographiques et du coût, variable, du service universel selon les configurations géographiques de chaque Etat membre ;

- la mise en valeur du principe d'adaptation du service universel aux évolutions technologiques.

Le Sénat a, quant à lui, adopté, le 14 décembre dernier, une résolution sur la proposition de directive de le Commission, estimant que le processus de libéralisation engagé devait, au travers du service universel postal institué par l'Union européenne, garantir la pérennité des principes du service public postal, notamment la péréquation tarifaire et l'adaptabilité des missions ; le Sénat jugeait que cette pérennité ne saurait être garantie si la viabilité économique de La Poste, opérateur public du service public, n'était pas assurée , notamment par des réformes de structure.

C'est pour l'ensemble de ces raisons que votre commission considérait que, si elle était retenue en l'état, la proposition de directive de la Commission pourrait menacer l'équilibre financier de La Poste, car celle-ci supporte encore, en propre, le coût de missions d'intérêt général ne pouvant plus être financées par les seuls revenus de ses activités . C'est dans ce contexte, que la résolution du Sénat demandait au Conseil, que :

- les services réservés aux prestataires de service universel englobent les envois de correspondance intérieure et les envois de correspondance transfrontière sortante qui sont soit d'un poids inférieur à 150 grammes, soit d'un prix inférieur à trois fois le tarif public applicable à un envoi de correspondance du premier échelon de poids de la catégorie la plus rapide ;

- les services spéciaux soient clairement définis comme des services à haute valeur ajoutée n'interdisant d'aucune façon l'adaptabilité du service universel et son possible élargissement à des prestations tendant à se banaliser au fur et à mesure de l'évolution du secteur postal.


Une nouvelle proposition a été présentée par la Commission le 21 mars 2001, ne retenant qu'une partie des amendements votés par les députés européens, la Commission rejetant les amendements les plus importants (portant sur les services spéciaux, le périmètre du domaine réservé et le calendrier de révision de la directive).

Le Conseil européen « Télécom » du 15 octobre dernier a finalement abouti à un accord politique .

L'accord porte sur une libéralisation en trois étapes : 2003, 2006 et l'« étape décisive » en 2009. Pour ce qui est de l' « étape décisive » , la Commission procèdera à une étude prospective destinée à évaluer, pour chaque Etat membre, les incidences de l'achèvement du marché intérieur des services postaux sur le service universel. Sur la base des conclusions de cette étude, la Commission présentera, avant le 31 décembre 2006, un rapport au Parlement européen et au Conseil assorti d'une proposition confirmant, le cas échéant, la date de 2009 pour « l'achèvement » (selon les termes du relevé de conclusions du Conseil, c'est-à-dire la libéralisation totale) du marché intérieur des services postaux, ou « définissant une autre étape » à la lumière des conclusions de l'étude .

L'échéancier de libéralisation -repris ci-après- prévoit une décision du Parlement européen et du Conseil, conformément à la procédure de codécision, avant la fin de 2007 pour confirmer « l'étape décisive » de libéralisation.

CALENDRIER DE LA LIBÉRALISATION POSTALE

 

Courrier ordinaire

Publipostage

Courrier transfrontalière sortant

01/01/2003

Services réservés :

100 g/3 x tarif de base

Services réservés :

100 g/3 x tarif de base

Services réservés :

0 g excepté dans les cas visés ci-dessous (*) (max.100 g)

01/01/2006

Services réservés :

50 g/2,5 x tarif de base

Services réservés :

50 g/2,5 x tarif de base

Services réservés :

0 g excepté dans les cas visés ci-dessous (*) (max.50 g)

30/06/2006

Etude prospective de la Commission (évaluation des incidences que l'achèvement du marché intérieur des services postaux pourrait avoir sur le service universel dans chaque Etat membre)

31/12/2007

Décision du Parlement européen et du Conseil confirmant l'étape décisive

01/01/2009

Etape décisive

(*) Dans les cas où cela est nécessaire pour assurer la prestation du service universel, par exemple, quand certaines activités postales ont déjà été libéralisées ou à cause des caractéristiques spécifiques propres aux services postaux dans un Etat membre.

Cette position commune appelle deux commentaires.

Dans le court terme, une large enveloppe de services réservés est préservée, comme le demandait la délégation française, ce dont se réjouit, à titre personnel, votre rapporteur pour avis. Votre commission souligne toutefois que ce « répit » dans le rythme de la libéralisation ne vaut que s'il est utilisé pour engager une modernisation du cadre d'activité postal.

Dans le moyen terme, et c'est une différence de taille par rapport à la proposition initiale de la Commission, l'horizon de la libéralisation totale est désormais clairement affiché , même si les négociations ont finalement permis d'exclure toute automaticité. Votre rapporteur pour avis s'inquiète de cet affichage, qui menace, à ses yeux, la survie du service public postal de qualité, dont le rôle est essentiel pour l'aménagement du territoire. Il convient de ne pas remettre en cause les principes qui fondent le service public postal, et en particulier l'égalité d'accès des usagers, la péréquation tarifaire, la qualité et la continuité des services ainsi que la maîtrise nationale des réseaux postaux.

La proposition de directive doit encore être soumise en deuxième lecture au Parlement européen.

*

* *

Alors que son rapporteur pour avis lui proposait un avis favorable, la Commission des Affaires économiques, qui a examiné ce rapport le mercredi 14 novembre 2001, a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés à la consommation et à la concurrence, inscrits dans le projet de loi de finances pour 2002.


1 Pour être agréée, une association nationale doit justifier d'une année d'existence, d'une activité effective et publique dans le domaine de la consommation, ainsi que de 10.000 adhérents.

2 ADEIC : Association de Défense, d'Education et d'Information du Consommateur

AFOC : Association FO Consommateur

ALLDC : Association Léo Lagrange pour la Défense des Consommateurs

ANC : Association des Nouveaux Consommateurs

ASSECO-CFDT : Association Etudes et Consommation CFDT

CGL : Confédération Générale du Logement

CNAFAL : Conseil National des Associations Familiales Laïques

CNAFC : Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques

CNAPFS : Comité National des Associations Populaires Familiales Syndicales

CNL : Confédération Nationale du Logement

CSCV : Confédération Syndicale du Cadre de Vie

CSF : Confédération syndicale des Familles

FF : Familles de France

FR : Familles rurales

FNAUT : Fédération Nationale des Usagers des Transports

INDECOSA-CGT : Association pour l'Information et la Défense des Consommateurs Salariés CGT

ORGECO : Organisation Générale des Consommateurs

UFC - QUE CHOISIR : Union Fédérale des Consommateurs - Que Choisir

UFCS : Union Féminine Civique et Sociale

UNAF : Union Nationale des Associations familiales

3 Les minimis représentent les seuils en deçà desquels la Commission n'exerce pas de contrôle sur les aides d'Etat.

4 Loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité parue au JO n° 35 du 11 février 2000.

5 Rapport n°502 (1998-1999) de M. Henri Revol au nom de la Commission des Affaires économiques.

6 Sénat n° 42, 1996-1997.


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