I. APRÈS PLUSIEURS ANNÉES D'INTENSIFICATION, L'EFFORT EN FAVEUR DE LA VILLE MARQUE LE PAS

Depuis la création d'un ministère délégué à la ville en 1998, les crédits consacrés à cette politique avaient fortement augmenté.

Or, en 2002, hormis l'effort des collectivités locales, les dépenses en faveur de la politique de la ville décélèrent.

A. UNE FORTE CROISSANCE DES CRÉDITS EN FAVEUR DE LA POLITIQUE DE LA VILLE AU COURS DE LA LÉGISLATURE

1. L'effort budgétaire de l'Etat a très sensiblement augmenté en cinq ans

D'un point de vue global, l'effort consacré par l'Etat affiche une progression significative sur la période 1998-2002.

Crédits du ministère de la ville

 

1998

1999

2000

2001

2002

Dépenses villes

115

152

216

367

372

(en millions d'euros)

Cette évolution est particulièrement nette pour les dépenses d'interventions et les subventions d'investissements.

 

Fonctionnement

Interventions

Investissements

Total

1998

13

67

35

115

1999

17

100

35

152

2000

19

150

47

216

2001

23

266

78

367

2002

15

295

62

372

(en millions d'euros)

Au-delà de l'analyse fine que requérrait cette évolution, la croissance affichée appelle deux observations de votre rapporteur.

Ainsi que l'écrivait notre collègue Alain Joyandet 1( * ) en 1999 :

« Une remarque : il est beaucoup plus facile d'afficher des hausses spectaculaires sur un budget de 750 millions de francs en 1998 que sur d'autres budgets, peut-être également prioritaires mais dont les montants se comptent en dizaines ou en centaines de milliards de francs. Quoi qu'il en soit, de l'avis de votre commission des Finances, il convient, même pour les « petits budgets », de faire prévaloir la rigueur des évaluations sur la recherche des arrondis symboliques , et cette obligation est particulièrement ardente dans une période d'économie budgétaire comme la nôtre ».

Cet accroissement des moyens de la politique de la ville n'a pas été le seul fait de l'Etat, puisque la part des financements provenant de ce dernier dans la politique de la ville est restée stable autour de 65 % , affichant même une légère diminution pour 2002.

Part de l'Etat dans le financement
de la politique de la ville

 

Etat

Total

 

1998

2.031

3.177

64 %

1999

3.195

4.797

67 %

2000

3.437

5.321

65 %

2001

4.054

6.234

65 %

2002

4.512

7.157

63 %

(en millions d'euros)

L'attention croissante dont a été l'objet la ville tient au fait qu'elle est au centre d'une politique contractualisée entre différents partenaires.

2. La contractualisation de la politique de la ville encourage le déploiement de financements croisés

De fait, les crédits consacrés aux actions en faveur de la ville proviennent de trois sources : l'Etat, les collectivités locales et d'autres partenaires parmi lesquels figurent notamment la Caisse des dépôts et consignations et l'Union européenne, par le biais de certains fonds.

Parallèlement aux sommes qu'il engageait, l'Etat a obtenu de ses partenaires un accroissement de leurs efforts.

Prioritairement concernés par la politique de la ville, les collectivités territoriales, au premier rang desquelles figurent les communes, ont multiplié leurs efforts.

Par le biais des contrats de villes et des contrats Etat-régions, les collectivités territoriales ont quadruplé leurs contributions sur la période, passant d'environ 357 millions d'euros en 1998 à 1.110 millions d'euros en 2002 .

Encore cette estimation est-elle imparfaite puisqu'elle n'inclut pas les dépenses du Fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSCRIF) qui représentent un effort de solidarité des communes les plus favorisées vers les moins favorisées s'élevant à environ 140 millions d'euros en 2002.

Parmi les autres partenaires, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) se rend incontournable par le biais des prêts projets urbains (PPU) et du fonds de renouvellement urbain (FRU).

Engagements de la Caisse des dépôts et consignations

1998

2002

617

1158

(en millions d'euros)

Sur la période, l'évolution des contributions de l'Union européenne reste en revanche décevante.

Mais, au total, la politique de la ville a bénéficié d'un véritable élan pendant trois années. Or, en 2002, l'effort de l'Etat se relâche.

B. LE RALENTISSEMENT DE L'EFFORT BUDGÉTAIRE EN 2002 : HALTE OU PANNE ?

1. Le rythme de progression des crédits consacrés par l'Etat à la politique de la ville ralentit même si l'effort global demeure tiré par les collectivités locales

a) Les « crédits ville » en hausse prudente

Les crédits propres au ministère délégué à la ville, retracé dans son fascicule budgétaire, n'augmentent que de 1,31 % pour 2002.

Les moyens affectés au fonctionnement des services (titre III) diminuent de 32 % essentiellement du fait d'une refonte des mesures inscrites à ce titre.

En 2002, les crédits relatifs au financement des groupements d'intérêt public et des emplois-insertion sont en effet transférés au titre IV. Or, ces dépenses représentent un montant de plus de 7,5 millions d'euros.

Les dépenses de fonctionnement enregistrent par ailleurs des économies sur les remboursements des frais de soins des appelés du contingent affectés à la politique de la ville, diminutions elles-mêmes engendrées par la fin du service national.

A contrario , sont rattachés au titre III les crédits relatifs aux frais d'études.

Les dépenses en intervention augmentent de 10 %, passant de 266 millions d'euros à 294 millions d'euros en 2002.

Cette hausse est provoquée par l'augmentation de 25 % des crédits du Fonds d'intervention pour la ville.

Dans ce contexte, les dépenses nouvelles restent modestes et ne concernent qu'une dotation supplémentaire pour les adultes-relais de 5 millions d'euros, une rallonge aux contrats de ville de 12,4 millions d'euros, et deux enveloppes en faveur respectivement de l'Institut des villes et du Festival des villes pour des montants de 1,52 million d'euros et 152.500 euros.

Les autorisations de programme (AP) figurant au titre VI augmentent de 29,8 % alors que, simultanément, les crédits de paiement (CP) associés diminuent de 20 %.

Il est vrai que sur certains chapitres, le taux de consommation des crédits de paiement est faible. Ainsi, le rapporteur spécial de l'Assemblée nationale, M. Philippe Bourguignon 2( * ) , constate que, sur le chapitre 67-10, subvention d'investissement, dont l'article 10 regroupe les crédits d'investissement destinés aux contrats de ville, seuls 48 % des crédits de paiement ont été consommés. Certains ont été reportés.

b) Un effort global de l'Etat en quasi-stagnation

Hors crédits du ministère délégué à la ville, l'effort global de l'Etat pour la politique de la ville 3( * ) ne progresse que de 1,27 % en 2001. Cette quasi-stagnation est d'autant plus regrettable que ces crédits représentent les 9/10 è de l'effort de l'Etat pour la ville.

Répartition des moyens consacrés à la politique de la ville selon les ministères

Les crédits consacrés à la ville par les autres ministères sont ainsi en hausse d'à peine 1 %.

Interventions des ministères pour la politique de la ville

2001

2002

2.423

2.441

(en millions d'euros)

Les dotations de solidarité augmentent de 4,5 % en 2002, mais cette évolution appelle une double remarque.

La dotation de solidarité urbaine est une composante de la dotation globale de fonctionnement (DGF) versée annuellement par l'Etat aux collectivités locales pour remplir les missions confiées par les lois de décentralisation. Il ne s'agit pas spécifiquement de politique de la ville.

Néanmoins, au titre de la dotation de solidarité urbaine, votre rapporteur souligne qu'il pourrait être envisagé d'intégrer dans son calcul, non seulement les logements en copropriété faisant l'objet d'un plan de sauvegarde ou d'une opération programmée d'amélioration de l'habitat (OPAH) mais également les logements relevant du 1 % patronal situés à l'intérieur des zones urbaines sensibles (ZUS).

En outre, l'agrégat dotation de solidarité comprend, pour 20 % de son montant, le fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSCRIF) qui est un effort des communes riches vers les communes les moins riches. L'Etat joue un rôle d'intermédiaire, mais n'y contribue pas.

L'effort de solidarité

 

2001

2002

Dotation solidarité urbaine

575

607

FSCRIF*

138

138

Total

713

745

(en millions d'euros)

* Dans l'attente du chiffrage définitif, reconduction du chiffre 2001.

L'évolution de l'effort global de l'Etat doit beaucoup à la stagnation des dépenses fiscales consenties par l'Etat.

Dépenses fiscales consenties par l'Etat
au titre de la politique de la ville

2001

2002

788,8

788,9

(en millions d'euros)

Alors que les dépenses relatives aux zones de redynamisation urbaines (ZRU) continuent de croître (+ 5,7 %), les exonérations fiscales consenties en zones franches urbaines (ZFU) régressent de 4 %.

Cette régression s'explique par la fin programmée de ce dispositif en loi de finances pour 2002.

Au regard de la part respective de chacune de ces composantes, zones de redynamisation (35 %) et zones franches (50 %) dans l'agrégat total, et dans l'attente d'une montée en charge d'un nouveau dispositif annoncé, les dépenses fiscales restent stables en 2002.

Au total, l'effort de l'Etat n'augmente guère en 2002, mais cette décélération est partiellement compensée par l'effort des collectivités territoriales.

c) Parmi les autres partenaires, les collectivités locales poursuivent leur effort

Hormis la stagnation maintenant traditionnelle des fonds européens, dont la contribution de 221,6 millions d'euros est reconduite d'une année sur l'autre, votre rapporteur doit constater en 2002 un ralentissement des interventions de la Caisse des dépôts et consignations qui croissent sur un rythme plus faible en 2002 (+ 4,4 %) qu'en 2001 (+ 26 %).

Interventions de la Caisse des dépôts et consignations

 

2001

2002

Prêts projet urbain (PRU)

503

503

Prêts renouvellement urbain (PRU)

491

503

Fonds renouvellement urbain

115

152

Total

1.109

1.158

(en millions d'euros)

En réalité, en 2002, le dynamisme de la politique de la ville reste soutenu par les collectivités territoriales dans leur ensemble puisque celles-ci ont accru leur participation de 13 % en 2002 après l'avoir augmentée de 34 % en 2001.

Certes, l'ampleur de l'augmentation est en 2002, avec 125 millions d'euros, moitié moindre qu'en 2001, (250 millions d'euros), mais elle demeure d'autant plus remarquable que cette présentation n'inclut pas les dépenses du FSCRIF.

En définitive, le budget ville pour 2002 est un budget nuancé, qui présente des éléments de satisfaction et de déception, et surtout soulève plusieurs interrogations.

2. Un budget nuancé

a) L'augmentation du Fonds d'intervention pour la ville (FIV)

Le Fonds d'intervention pour la ville est un outil souple entièrement déconcentré et libre d'emploi. En 2002, les crédits de ce fonds augmentent, dans la section intervention, de 25 %. Globalement, intervention et subvention d'investissement comprises, la progression du FIV est plus faible.

Evolution des crédits du FIV

L'augmentation du FIV-intervention pour 2002 provient de la fusion de l'article 20 (Ile-de-France) dans l'article 10, pour 15 millions d'euros, d'une dotation supplémentaire pour les actions inscrites dans les contrats de ville (12,3 millions d'euros), ainsi qu'au basculement des crédits consacrés aux maîtrises oeuvres urbaines et sociales des grands projets de ville (MOUS-GPV) et aux équipes emplois-insertion (9,15 millions d'euros). La hausse du FIV ne correspond en réalité qu'à un tiers de mesures nouvelles et à deux tiers de regroupements.

La dotation proposée pour les moyens d'intervention du FIV en 2002 s'élève à 182,13 millions d'euros contre 79,17 millions d'euros en subventions d'investissement.

La consommation des dotations du FIV est problématique puisqu'en 2001, il semble que seule une moitié des crédits disponibles serait consommée réellement .

De fait, votre rapporteur constate que l'arrêté du 14 novembre dernier procède à l'annulation de 3 millions d'euros en crédits d'intervention (titre IV) et à 3 millions d'euros en autorisations de programme dans la section des investissements (titre VI).

Les interventions du FIV

 

1997

1998

1999

2000

2001
(au 3 sept.)

Accompagnement et maîtrise d'oeuvre

107,45

114,21

125,59

151,31

27,75

Action artistique et éducation culturelle

83,78

87,89

104,24

138,83

49,49

Intervention en faveur de la jeunesse et des sports

71,32

67,56

85,20

92,69

23,63

Actions pour la promotion d'emploi

35,66

48,56

63,39

44,68

8,47

Structures d'insertion par l'économie

56,04

69,46

67,89

51,73

7,59

Action sociale en faveur des familles, de l'enfance et des jeunes

168,47

193,82

234,43

229,07

62,65

Prévention de la délinquance, de la récidive et aides aux victimes d'infractions pénales

63,42

89,91

87,53

99,90

21,69

Actions dans le domaine de la santé (1)

16,29

32,05

24,55

25,86

5,95

CAPS hors contrat de ville (2)

-

17,34

14,69

-

 

Modernisation des services publics (3)

-

-

-

4,48

1,96

Total

602,43

720,83

807,51

838,54

209,20

(en millions de francs)

(1) Article d'exécution créé dans la nomenclature pour 1996.

(2) Article d'exécution créé dans la nomenclature pour 1998.

(3) Article d'exécution créé dans la nomenclature pour 2000.

b) Les opérations ville-vie-vacances et les grands projets de villes : une certaine déception

La stagnation des crédits finançant les opérations ville-vie-vacances est une demi-surprise puisque l'enveloppe de ce programme est reconduite d'année en année sans majoration.

En 2000, plus de 800.000 jeunes ont bénéficié de ces opérations par le biais des 13.000 projets financés. Le nombre de jeunes bénéficiant de ces dispositifs a ainsi diminué.

Les activités proposées en 2001 ressortent de :

- la promotion du sport (20 %) et de la culture (12 %) ;

- l'organisation de sorties à la journée (22 %) et de chantiers (13 %).

Les services du ministère font valoir que le dispositif a été recentré sur cinq priorités :

recentrage sur les jeunes les plus en difficulté ;

association des familles ;

affectation de 10 % des sommes au financement d'actions de formation ;

développement de projets en faveur de jeunes « sous la main de la justice » ;

mise en oeuvre de plans d'accueil des jeunes dans les communes touristiques (PAJECOT).

Votre rapporteur ne désapprouve pas les orientations suivies en 2001 mais déplore la stagnation des crédits d'un dispositif qui a pour vocation de prévenir la délinquance .

Cette stagnation contraste singulièrement avec les annonces du Gouvernement en la matière.

Votre rapporteur ne souhaite pas voir l'Etat se décharger sur ses partenaires d'un dispositif qu'il a lui-même voulu ou qu'il prenne prétexte de la signature avec la CNAF d'une nouvelle convention d'objectif et de gestion, prévoyant l'extension des programmes de « contrats-temps libre » aux jeunes, pour réaliser des économies sur un poste de dépenses essentiel.

La seconde déception de ce budget est la stagnation des crédits nécessaires à la mise en oeuvre des grands projets de ville 4( * ) qui restent stables à 10,6 millions d'euros en interventions, soit 210.000 euros par projet, et le montant très modeste des crédits de paiement de la section investissement des grands projets de ville et des opérations de renouvellement urbain qui ne s'élèvent qu'à 23,8 millions d'euros.

Le prédécesseur de votre rapporteur, M. Paul Blanc 5( * ) , avait souligné que les grands projets relevaient d'une « démarche ambitieuse », mais que « les GPV sont au nombre de 50 et que les crédits disponibles, investissements et fonctionnement confondus, ne s'élèvent cette année qu'à 4,54 millions de francs par site ».

La stagnation des crédits inscrits cette année confirme l'analyse faite en dernier ressort par votre commission l'année dernière, à savoir que « l'effort en faveur des GPV devra être continu et de longue durée pour éviter le danger de la dispersion ».

Votre rapporteur conclurait donc à un premier bilan décevant sauf à constater que ces dispositifs sont en réalité financés de manière extra budgétaire.

c) L'interrogation de votre commission : vers un financement extra budgétaire de la politique de la ville

Les économies sur le remboursement des frais de soins dus aux appelés-ville suscitent une interrogation.

Ces appelés du contingent étaient affectés à la mise en oeuvre locale de la politique de la ville, notamment auprès des « sous-préfets-ville ». Or, la disparition du service national supprime ces effectifs qui trouvaient leur place au sein des « missions-ville » et étaient nécessaires à l'interface des services déconcentrés et des collectivités. Comment seront-ils remplacés ?

Mais, votre rapporteur s'interroge avant tout sur l'amorce d'une évolution inquiétante qu'il découvre dans le budget pour 2002 . Les collectivités locales fournissent un effort toujours accru alors que l'Etat, pour sa part, se contente de reconduire les dotations de l'an passé, notamment pour les programmes nouvellement mis en place.

La contractualisation est une méthode utile puisqu'elle permet la synergie des efforts.

Néanmoins l'Etat, dans un contexte de ralentissement économique et de difficultés budgétaires, pourrait connaître la tentation de reporter sur ses partenaires la totalité d'un effort dont il cherche, au moyen de dépenses de communication, à s'attribuer les fruits.

Votre commission restera attentive à ce que la contractualisation de la politique de la ville ne soit pas prétexte à sa débudgétisation.

A ce titre, les orientations annoncées en matière de renouvellement urbain, et notamment son financement, appellent à être éclaircies.

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