III. LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET LA LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE RESTENT LES PARENTS PAUVRES DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

A. EN DÉPIT DE CRITIQUES ADRESSÉES AUX MESURES PRISES LORS DU PACTE DE RELANCE POUR LA VILLE, LE GOUVERNEMENT NE PROPOSE PAS DE SOLUTIONS ALTERNATIVES CONVAINCANTES

Le dispositif du pacte de relance pour la ville

La loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville a prévu un dispositif fiscal spécifique dans les zones de redynamisation urbaine (ZRU) et les zones franches urbaines (ZFU) au sein de la liste de 750 zones urbaines sensibles (ZUS) correspondant aux grands ensembles et quartiers d'habitat dégradé souffrant d'un déséquilibre accentué entre l'habitat et l'emploi.

Les zones de redynamisation urbaine (ZRU) présentent des difficultés évaluées à partir de plusieurs critères, à savoir la population, le taux de chômage, la proportion de jeunes de moins de 25 ans, la proportion de jeunes sortis du système scolaire sans diplôme et le potentiel fiscal des communes de rattachement.

416 ZRU (dont 20 dans les DOM) ont été sélectionnées dans 343 communes et 76 départements parmi les 750 ZUS.

Le dispositif visant à conforter ou à recréer de l'activité économique dans ces quartiers très défavorisés est constitué pour l'essentiel d'exonérations fiscales et sociales accordées aux entreprises.

Les mesures applicables en ZRU sont les suivantes :

- exonération, compensée par l'Etat, de taxe professionnelle, pour les établissements nouveaux, ou déjà existants, pendant cinq ans sur la totalité de la base imposable, plafonnée à 1 million de francs pour la création ou l'extension, et à 500.000 francs pour les établissements existants ( art. 1466 A 1 ter du code général des impôts ) ;

- exonération d'impôt sur les bénéfices, totale les deux premières années puis dégressive les troisième, quatrième et cinquième années, sans plafonnement, pour les entreprises nouvelles ( art. 44 sexes du code général des impôts ) ;

- exonération de taxes foncières sur les propriétés bâties, pendant deux ans, pour les entreprises nouvelles ou les établissements créés ou repris à une entreprise en difficulté ( art. 1383 du code général des impôts ) ;

- exonération sur douze mois des charges sociales patronales du quatrième au cinquantième salarié pour les entreprises nouvelles ou existantes sur une fraction de salaire n'excédant pas 1,5 fois le SMIC.

Les zones franches urbaines (ZFU) ont été déterminées, après appel à projet, parmi les quartiers de plus de 10.000 habitants présentant les caractéristiques les plus dégradées en termes de chômage des jeunes, de qualification professionnelle ou de ressources des communes.

Les ZFU, qui bénéficient des exonérations fiscales et de charges sociales les plus importantes, sont au nombre de 44, dont 38 en métropole et 6 dans les départements d'outre-mer. Elles sont déterminées par le législateur qui en a fixé la liste en annexe à la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 . La délimitation de ces zones a été fixée par deux décrets du 26 décembre 1996.

L'effort de l'Etat est particulièrement concentré et repose sur des mesures d'exonération fiscale et sociale renforcées :

- exonération compensée par l'Etat de taxe professionnelle pour les établissements nouveaux ou déjà existants ou étendus, pendant cinq ans, sur la totalité de la base imposable, plafonnée à 3 millions de francs ( art. 1466 A I quater du code général des impôts ) ;

- exonération d'impôt sur les bénéfices totale pendant cinq ans, avec plafonnement à 400.000 francs par an, pour les entreprises nouvelles ou existantes ( art. 44 octies du code général des impôts ) ;

- exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pendant cinq ans ( art. 1383 A du code général des impôts ).

- exonération des charges sociales sur douze mois des charges sociales patronales du quatrième au cinquantième salarié pour les entreprises nouvelles ou existantes sur une fraction de salaire n'excédant pas 1,5 fois le SMIC.

1. Des critiques concentrées sur le dispositif des zones franches urbaines dont les acquis devraient néanmoins être préservés par une sortie progressive

a) Des rapports officiels contradictoires

Par une lettre de mission en date du 31 janvier 1998, le Gouvernement a demandé aux trois inspections générales, Administration, Finances et Affaires sociales, de dresser un premier bilan, précoce, du dispositif des zones franches urbaines.

L'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a dressé le plus sévère des bilans.

Ce rapport 9( * ) met notamment en exergue les effets d'aubaines dont ont profité des « entreprises boîtes aux lettres », le peu d'impact sur l'emploi -ou, pour expliquer le dynamisme soudain des zones franches, le caractère « pré-existant » de la reprise sur les zones concernées- et, en conséquence, dénonce le « coût par emploi créé ».

Le rapport de l'IGAS n'évalue par ailleurs pas les gains en termes de revitalisation du tissu économique, industriel et commercial, et les gains en termes de recettes fiscales induits pour l'Etat, notamment de TVA.

Le rapport remis conjointement par l'Inspection générale des finances et l'Inspection générale de l'administration 10( * ) propose une évaluation plus globale, et sans doute plus objective, du dispositif des zones franches.

Il fait état des limites du dispositif, notamment de l'impact alors encore restreint sur le chômage, mais tient compte des effets positifs, par exemple en matière d'investissement, pour les villes, les offices HLM, sans évoquer toutefois l'investissement privé. Il met en valeur la création de guichets uniques et conclut à un effet bénéfique indéniable sur l'activité économique et à un effet d'entraînement sur la politique de la ville.

En matière de coût, les dépenses de l'Etat sont évaluées en soulignant les recettes de TVA induites et en rappelant qu'une partie des coûts serait de toutes façons prise en charge par l'Etat, si les ZFU n'existaient pas, au titre des allègements de charges sur les bas salaires. Le rapport conclut que le coût global reste faible au regard des crédits de la politique de la ville avec cependant une forte progression à prévoir.

Évaluant le coût du dispositif par emploi créé à 150.000 francs en zone franche, le rapport précise que l'échec ou la réussite ne se mesure pas sur le fondement de ce coût, mais sur celui du développement économique du quartier.

Des exemples de réussite sont cités : réouverture de centres commerciaux grâce à la zone franche urbaine, articulation avec les dispositifs locaux pour l'emploi, la zone franche renforçant les effets bénéfiques de la politique de la ville. Le rapport souligne cependant, à juste titre, que là où il n'y a pas de politique de la ville, la zone franche reste lettre morte et constitue une nouvelle occasion manquée .

Les difficultés rencontrées par les entreprises sont décrites : foncier insuffisant, problèmes de sécurité, services financiers parfois peu accueillants. L'approche du rapport n'est donc pas limitée à la seule évaluation du coût financier et du nombre d'emplois créés, la zone franche étant perçue comme un outil s'inscrivant dans une politique globale.

Les effets pervers sont également décrits mais de façon nuancée, notamment les distorsions de concurrence jugées limitées, voire sporadiques, l'intervention de « chasseurs de primes » qui peuvent intervenir dans certains secteurs, notamment dans le bâtiment, le nettoyage, le gardiennage et les transports, et le fait que les professions libérales peuvent bénéficier de la ZFU sans réelles contreparties.

Votre rapporteur s'interroge en conséquence sur les raisons d'une telle dissonance entre deux rapports qui, initialement, devaient être le fruit d'une mission commune.

L'IGAS justifie de s'être désolidarisée des deux autres inspections en ces termes :

« L'inspection générale des finances et l'Inspection générale de l'administration ont choisi de signer, à la date prévue par lettre de mission mais avant le terme des investigations et exploitations indispensables, un rapport qui ne prend pas en compte, notamment :

« - l'exploitation du questionnaire adressé par la mission à toutes les préfectures concernées par les zones franches,

« - l'exploitation du questionnaire adressé par la mission à toutes les URSSAF concernées par les zones franches,

« - l'analyse par l'INSEE de l'évolution du tissu économique en zone franche,

« - l'enquête de l'UNEDIC sur l'emploi salarié dans plus de 6.000 entreprises en zone franche,

« - les données de la direction générale des impôts sur la taxe professionnelle, permettant en particulier de différencier les exonérations accordées aux entreprises créées, d'une part, aux entreprises existantes, d'autre part,

« - les données communiquées par la direction générale des collectivités locales,

« - les données de la DARES sur les effectifs recensés en ZRU,

« - les données de la CANAM sur les exonérations de cotisations maladie aux artisans et commerçants ;

« - les données de la CANAM sur les effectifs correspondants.

« L'inspection générale des affaires sociales n'a donc pas pu s'associer à la remise de ce document et a poursuivi pendant quelques jours ses travaux.
».

Pour sa part, le rapport de l'Inspection des finances et de l'Inspection générale de l'administration déclare sobrement que « l'IGAS estime au contraire que les travaux doivent être prolongés pour affiner les contacts et les propositions. C'est pourquoi le présent rapport n'est pas signé par son représentant qui poursuit ses travaux ».

Votre rapporteur s'interroge sur l'origine du désaccord entre des administrations dont les travaux bénéficient pourtant d'une très bonne réputation. Les rapports ont été remis tous deux dans la seconde quinzaine de décembre 1998. Comment un aussi bref délai supplémentaire, trois jours, a-t-il pu suffire à l'IGAS pour traiter une somme de statistiques d'une ampleur telle que cette inspection aboutisse à des conclusions à ce point différentes de celles de l'Inspection générale des finances ?

b) Un bilan qui satisfait les objectifs de départ

En créant le dispositif des zones franches urbaines, la loi du 14 novembre 1996 poursuivait trois objectifs essentiels : maintenir, voire redéployer l'activité, lutter contre la logique de ghettoïsation et créer au moins 500 emplois.

Le dernier rapport 11( * ) sur l'application de cette loi date du mois de juillet dernier et fait les constatations suivantes en matière d'emploi :

« - une augmentation du nombre de salariés en ZFU ;

- plus du quart des salariés ouvrant droit à exonération réside en ZFU ;

- trois établissements sur quatre se sont implantés en ZFU après le 1 er janvier 1997 ;

- 80 % des établissements employeurs concernés par la mesure ont au plus 9 salariés. Un établissement sur deux n'applique l'exonération que pour 3 salariés au plus ;

- sur la période 1997-2000, la taille moyenne des établissements a légèrement augmenté. En 1999, la proportion des établissements employant un seul salarié a baissé et plus d'un tiers des établissements a vu son effectif augmenter.
»

Votre rapporteur a entendu en audition les représentants de l'Association nationale des villes zones franches urbaines (ANZFU).

Ces derniers ont déclaré que la zone franche de Roubaix avait atteint les objectifs fixés en termes d'emplois à elle seule -5.800- et que la reprise de l'activité, d'un point de vue global était réel, avec un taux d'embauche local (35 %) supérieur au minimum imposé par la loi (20 %).

La présence d'effets d'aubaine doit donc être à relativiser.

c) La sortie progressive prévue par le projet de loi de finances pourrait préserver les acquis des zones franches urbaines

Sans doute les engagements européens et la nature du dispositif lui-même interdisaient sa pérennisation.

Sans doute, pour être efficace, un tel dispositif devrait-il être temporaire. Les politiques de « discrimination positive » ne sont utiles qu'en ce qu'elles permettent à terme de ramener les publics visés dans le droit commun.

Le coût des exonérations fiscales en zones franches était en outre élevé.

Le coût des exonérations en zones franches urbaines

 

2000

2001

2002

Exonérations de l'IS

70,13

76,22

80,8

Taxe professionnelle

48,78

50

50

Taxe foncière sur les propriétés bâties

10,06

10,98

10,98

Exonérations de cotisations patronales pour les 50 premiers salariés

242,11

263,68

243,92

Exonération de cotisation maladie des artisans et commerçants

4,57

5,64

5,64

Total

375,75

406,52

391,34

(en millions d'euros)

Afin d'éviter une sortie trop brutale pour les entreprises bénéficiant du dispositif, le présent projet de loi de finances propose une disparition progressive des avantages fiscaux.

Les entreprises déjà installées au 31 décembre 2001 bénéficieront pendant trois ans à taux dégressif 60 %, 40 % et 20 % des exonérations et ce, à l'issue des cinq ans de droits ouverts pour les trois prélèvements principaux : cotisations sociales, impôts sur les bénéfices et taxes professionnelles.

Ces dispositifs sont inscrits aux articles 71 et 71 bis du présent projet de loi.

Pour peu qu'elles ne donnent pas lieu par les services fiscaux et les URSSAF à une interprétation variable selon les départements, ces garanties devraient permettre de préserver les acquis des zones franches urbaines.

2. Des dispositifs alternatifs dont l'efficacité reste à prouver

Le volet relatif au développement économique des quartiers proposé par le Gouvernement joint les deux logiques de l'exonération fiscale et de la subvention, mais l'efficacité des instruments proposés n'est pas certaine.

a) Le régime unique d'exonération fiscale présente le risque de « diluer » l'effort

Au 1 er janvier 2002, le Gouvernement propose de généraliser un régime d'exonérations fiscales et sociales aux zones de redynamisation économique et aux entreprises installées en zone franche postérieurement au 1 er janvier 2002.

L'instauration de ce régime unique est mise en oeuvre par l'article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour son volet d'exonération de charges et par l'article 8 du projet de loi de finances pour son volet fiscal.

Ce nouveau dispositif est proche de celui proposé en zone de redynamisation.

Le constat d'échec des politiques de relances menées sur ces dernières n'est pourtant guère contesté.

Sans présumer des résultats du nouveau régime unique, votre rapporteur souhaite souligner que  les mécanismes de discrimination positive sont d'autant plus efficaces que les publics visés sont restreints et les moyens importants. Le succès de certaines zones franches doit s'analyser en ces termes.

A l'inverse, les résultats médiocres des zones de redynamisation traduisent les risques d'une dilution des moyens sur des territoires trop étendus.

Le risque n'est que potentiel mais il mérite d'être souligné.

Pour sa part, le second volet proposé par le Gouvernement en matière économique, le fonds de revitalisation économique (FRE), tarde à montrer son efficacité.

b) Un fonds de revitalisation économique encore largement inopérant

Lors de la présentation du programme gouvernemental, lors du Comité interministériel des villes du 14 décembre 1999, il a été précisé que, s'agissant des aides à l'investissement, une prime de revitalisation serait versée aux entreprises, prime qui correspondrait à 15 % de l'investissement pour un montant de 150.000 francs. En cas de créations d'entreprises, le montant minimum de la prime serait de 20.000 francs.

La loi du 13 décembre 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU), a créé un fonds de revitalisation économique (FRE) ayant pour objet de pérenniser et développer le tissu industriel et commercial dans les quartiers.

Une circulaire du ministère du budget en date du 13 décembre 2000 a précisé les modalités d'application de ces crédits, dont 85 % doivent être déconcentrés.

Or, les crédits du FRE sont peu utilisés, justifiant les annulations dont ils sont l'objet.

Annulation des crédits du FRE en 2001

 

Interventions (titre IV)

Investissement (titre VI) AP

Investissement (titre VI) CP

Arrêté du 21 mai 2001

 

7,62

7,62

Arrêté du 14 novembre 2001

3

5,41

4,57

Total

3

13,03

12,19

(en millions d'euros)

Aussi, en 2002, le projet de loi de finances se contente-t-il de reconduire les montants consacrés à la politique de la ville au même niveau qu'en 2001.

Au-delà de la complexité des procédures du FRE, votre rapporteur souscrit à la critique formulée par M. Paul Blanc 12( * ) , qui démontre, à un an d'intervalle, toute sa pertinence :

« Votre rapporteur souligne les limites de ce dispositif de subvention par rapport à un mécanisme d'exonération fiscale a priori. Cela revient à imposer une logique « administrative » à toute création d'entreprise dans les quartiers.

« Ces dernières seront chargées de présenter des dossiers sans avoir de garanties sur les délais d'instruction ou les conditions qui leur seront demandées.

« Aujourd'hui, les entrepreneurs ne veulent pas être considérés comme des « chasseurs de prime » : les entreprises ne réclament pas des subventions mais un allégement de leurs contraintes. Quelle administration peut aujourd'hui se faire juge de la viabilité économique d'un projet de création d'entreprises ?

« Le fonds de revitalisation économique ne saurait remplacer les exonérations fiscales parce que les montants engagés sont en réalité nécessairement insuffisants face aux besoins et parce qu'il obéit à une logique d'économie administrée qui semble dépassée. »

B. DES DISPOSITIFS EN FAVEUR DE L'EMPLOI QUI S'APPARENTENT À UN TRAITEMENT SOCIAL DU CHÔMAGE

Le Comité interministériel des villes du 14 décembre 1999 prévoyait un double dispositif pour lutter contre le chômage dans les quartiers.

1. L'aide à l'insertion : les équipes emplois-insertion

Les équipes emplois-insertion (EEI) ont été créées suite à la décision prise lors du Comité interministériel du 14 décembre 1999.

Dans le cadre de la circulaire du 18 avril 2000, un appel à projet a été lancé au niveau national pour la création de 150 équipes dans les villes dotées d'un contrat de villes.

Les EEI ont la double mission d'assurer un appui de proximité aux chômeurs résidant dans les quartiers et d'organiser un relais avec les structures en place dans l'agglomération (missions locales, ANPE, Assedic, etc.).

Selon les éléments communiqués par la délégation interministérielle à la ville à votre rapporteur, la mission de ces équipes consiste à :

« - faciliter l'accès à l'information sur l'emploi et la formation,

« - offrir un premier niveau de service,

« - donner accès aux prestations des services de l'ANPE,

« - assurer le lien entre les interventions des différents secteurs concernés,

« - assurer une fonction de veille et de proposition à l'attention du service public et de l'Emploi. »

En 2000 et 2001, 63 équipes ont été financées par la DIV, qui précise que « ces équipes sont composées de quatre personnes à temps plein. Le noyau est constitué d'au moins un agent ANPE et d'un agent de la mission locale mis à disposition. L'équipe est renforcée par du personnel spécifique adapté aux besoins locaux. »

La DIV apporte un concours financier plafonné à 45.000 euros par an en complément de l'investissement des partenaires locaux, et notamment des collectivités locales.

D'autres acteurs, dont l'ANPE, les missions locales mais également l'Europe via le FEDER et le FSE, peuvent être mobilisés pour le financement de ces équipes.

Votre rapporteur est favorable à ce dispositif tout en formulant deux réserves fortes.

Le meilleur moyen de réduire le chômage est de favoriser le développement économique. La démarche « d'insertion » des populations qui se sont trop éloignées de l'emploi pour y revenir d'elles-mêmes est complémentaire et non substituable à un climat par ailleurs favorable à ce développement.

Votre rapporteur constate en second lieu que les EEI étaient en 2001 financées sur les crédits du titre III, c'est-à-dire qu'elles étaient considérées comme des « moyens des services ». En 2002, l'enveloppe leur étant destinée est transférée au titre IV. Les EEI deviennent donc une dépense d'intervention.

Les équipes emplois-insertion sont des moyens mis en oeuvre par la politique de la ville pour favoriser l'insertion des chômeurs. Il s'agit donc bien de dépenses de fonctionnement des services. Ce transfert budgétaire augure-t-il d'une déviance qui ferait des équipes emplois-insertions elles-mêmes les destinataires finaux du dispositif ?

2. L'extension des adultes-relais

A l'instar des EEI, le CIV du 14 décembre 1999 a décidé la création d'un dispositif nouveau, les adultes-relais, et l'a mis en oeuvre par la circulaire du 26 avril 2000.

Le programme s'est vu assigner les missions suivantes :

« - créer ou développer le lien social dans les quartiers par des actions de médiation sociale et culturelle,

« - mener des actions de prévention telles que décidées par le Conseil de sécurité intérieure,

« - favoriser le lien familles/écoles ou la prévention de la violence en milieu scolaire . ».

La DIV précise par ailleurs que :

« La mise en oeuvre de ce programme a véritablement démarré au cours du dernier trimestre 2000, après le vote des crédits en loi de finances rectificative en juin 2000.

« 100 millions de francs étaient inscrits au budget 2000 et 300 millions de francs au budget 2001 sur le chapitre 46-60 article 80 du budget du ministère délégué à la ville. ».

Qu'en est-il réellement ?

Au 31 décembre 2000, seuls 215 postes étaient créés.

Au 18 septembre 2001, on en comptait 1.089, chiffre atteignant à peine 30 % de l'objectif fixé pour 2001, à savoir 3.000 postes.

D'ailleurs, l'arrêté du 14 novembre dernier annule 4,57 millions d'euros en intervention pour les adultes-relais, soit peu ou prou le montant de la mesure nouvelle pour 2002 !

Ces résultats médiocres s'expliquent par l'étroitesse du dispositif initial.

Dans les réponses communiquées à votre rapporteur, la DIV apporte les précisions suivantes :

« La circulaire du 26 avril 2000 précitée ne permettait pas le recrutement des adultes-relais par les collectivités territoriales ni par les établissements publics locaux. Le programme est en effet essentiellement ouvert au tissu associatif. Cette non-ouverture au secteur public a constitué un frein au développement des adultes-relais, en particulier pour les actions de prévention en général ou de lutte contre la violence scolaire qui relèvent de la responsabilité des collectivités ou des établissements scolaires . Par ailleurs, les organismes publics d'HLM ne peuvent pas, aux termes de la circulaire du 26 avril 2000, recruter d'adultes-relais, alors que les sociétés anonymes d'HLM en ont la possibilité.

Pour répondre à l'urgence des besoins à satisfaire en ce domaine, et pour appuyer l'action déjà engagée par les associations, il est donc apparu nécessaire d'élargir le champ des employeurs aux collectivités locales et aux organismes publics. C'est pourquoi, la ministre de l'emploi et de la solidarité et le ministre délégué à la ville ont signé la circulaire DIV/2001/316 du 4 juillet 2001 qui permettra ces recrutements par les collectivités locales et les établissements publics locaux, à titre provisoire jusqu'en fin d'année 2001, dans le cadre d'un contrat emploi consolidé (CEC) au taux de 80 %. Pour 2002, une disposition législative qui sera soumise au Parlement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2002, unifiera le dispositif et le rendra définitif.
»

Pour sa part, votre rapporteur reste sceptique quant à l'efficacité de ce dispositif et rappelle la réserve exprimée, non sans humour, par M. Paul Blanc 13( * ) :

« Au demeurant, dans un contexte où il devient de plus en plus difficile de trouver des personnes directement employables dans les zones franches, ce type de dispositif risque fort de conduire à un enfermement des banlieues sur elles-mêmes.

« Votre rapporteur ne peut que souligner la pertinence d'un article paru en première page d'un « grand journal du soir » : pour les habitants des cités sensibles, « la multiplication des « médiateurs », des « personnes relais » ne fait qu'exacerber l'impression qu'ils constituent une population à part, à laquelle on ne peut plus s'adresser que par des intermédiaires, comme des Indiens dans leur réserve .

Même si la formule est sans doute excessive, il reste vrai qu'il faut éviter de développer un sentiment de stigmatisation des banlieues sensibles. »

Le présent projet de loi de finances prévoit, à l'article 72, l'élargissement du dispositif des adultes-relais.

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