B. LA CRÉATION D'UNE CHAÎNE D'INFORMATION CONTINUE À VOCATION INTERNATIONALE EST-ELLE UN COMPLÉMENT NÉCESSAIRE À NOTRE DISPOSITIF AUDIOVIDUEL EXTÉRIEUR ?

Véritable « serpent de mer » des débats sur nos moyens audiovisuels extérieurs, projet récurrent dont l'estimation financière a découragé bien des gouvernements antérieurs, la création d'une chaîne française d'information continue est envisagée, étudiée, mais se heurte à la contrainte budgétaire, d'autant qu'il est difficile de mobiliser les crédits privés sur un projet coûteux, sans rentabilité commerciale à espérer.

Une réflexion préalable est indispensable pour faire l'état des moyens existants dans ce domaine -Euronews, TV5 Monde, CFI, France-Télévisions-, et pour évaluer leur possible apport à la future chaîne . Il faut en effet, pour que ce projet parvienne à son terme, minimiser les coûts , car il faut prévoir un financement très majoritairement public. Il faut, de surcroît, s'efforcer d' associer à cette chaîne nos grands partenaires francophones , dans le cadre d'une politique cohérente des programmes et des informations. Autant dire que le défi à relever est à la hauteur de l'enjeu poursuivi : contribuer concrètement à la diversité culturelle dans un secteur dominé par des moyens anglo-saxons puissants, bien structurés et, du moins pour BBC World, jouissant d'une longue expérience.

D'ores et déjà, la modernisation de RFI entreprise en 1998 comme celle de TV5-Monde sont autant de gages de notre capacité à intervenir positivement dans le domaine audiovisuel.

1. La diversification des offres de programmes par RFI

Le ministère des affaires étrangères présente en ces termes l'évolution récente de la chaîne :

« Au cours des dernières années, RFI a entrepris une modernisation considérable de ses programmes et de ses moyens de diffusion qui l'ont confortée dans sa position de troisième radiodiffuseur international, après la BBC, la Voice of America et à égalité avec la Deutsche Welle. On estime qu'avec RMC Moyen-Orient, RFI compte aujourd'hui environ 45 millions d'auditeurs réguliers dans le monde.

En janvier 1999, RFI a fermé près de la moitié des émetteurs ondes courtes. Cette mesure n'a pas entraîné de conséquence négative. Outre les marges de redéploiements budgétaires qu'elle a rendus possibles, cette évolution a stimulé la recherche de partenaires locaux avec lesquels RFI a pu développer les reprises, épousant ainsi les habitudes d'écoute des auditeurs qui se détournent de l'onde courte au profit du confort d'écoute par la bande FM.

Devançant sur ce point toutes les autres grandes radios publiques et commerciales, RFI a par ailleurs engagé un processus d'évolution vers le tout-numérique qui aura des répercussions importantes sur son fonctionnement futur. La mise en place de nouveaux postes de travail informatiques dans les rédactions, et l'introduction progressive du traitement du son numérique offriront beaucoup plus de souplesse dans la fabrication de l'antenne, permettant notamment une régionalisation poussée susceptible de répondre de façon plus fine aux attentes diverses et parfois contradictoires des publics de RFI. »

Pour illustrer concrètement cette évolution, le PDG de RFI a cité l'exemple de la « couverture » par sa chaîne du voyage accompli en Afrique par le ministre des affaires étrangères en juin 2002. Les informations touchant à ce déplacement ont été privilégiées dans les émissions en direction de l'Afrique francophone, dans lesquelles elles ont pu atteindre des plages horaires allant jusqu'à 1 h 30.

En revanche, les émissions en anglais ou en portugais l'ont traité plus brièvement, car le son numérique facilite ces adaptations aux différents publics visés, avec un personnel réduit .

Cette évolution technique a des conséquences très positives sur les modalités de conception des émissions, qui doivent être réalisées, pour certaines d'entre elles en plus du français, en 19 langues étrangères différentes . Outre cette contrainte linguistique, la chaîne doit répondre aux attentes très diverses de son auditoire, lui-même très composite, en fonction de la zone d'écoute . Ainsi, avec environ 40 % d'audience, RFI est une radio populaire en Afrique francophone. Sur le continent asiatique, en revanche, elle ne touche qu'une frange de l'élite.

La nécessaire diversification des émissions proposées est donc facilitée par la numérisation du son. Les rédactions « Afrique » et « Sports » ont d'ores et déjà recours à cette technique, qui sera progressivement étendue à l'ensemble de la production.

Après avoir rempli l'objectif d'évoluer vers une chaîne d'information continue, RFI s'assigne donc maintenant comme priorité de régionaliser ses programmes, en développant les émissions en direct des pays étrangers. Cette « délocalisation » de l'antenne , à l'occasion de grands événements, comme la Coupe d'Afrique des Nations (C.A.N.) pour le football, permet d'impliquer les personnels locaux et fait « vivre » les rédactions situées loin de la capitale française . Ainsi, le Mali, dernier pays organisateur de la CAN, a vu son implication valorisée par les émissions retransmettant les matches en direct. Ces actions, comme l'évolution des émissions en langues étrangères, visent également à populariser la chaîne auprès de publics jeunes et peu scolarisés, alors que l'on constate qu'elle tend à être prioritairement écoutée par des auditeurs diplômés, et de plus de 45 ans.

Le développement du site Internet de la chaîne, très bien conçu et d'une « navigation » aisée , permet également aux auditeurs d'accéder aux émissions radio sans contrainte de respect d'horaires, et un grand choix d'articles sur l'actualité internationale. Le nombre de connexions évolue de façon exponentielle, allant jusqu'à 6.000 par mois.

Enfin, des efforts d'extension de la diffusion sont en cours ; ils sont ainsi présentés par le ministère des affaires étrangères :

« En Afrique, où le réseau FM de RFI est déjà très dense, l'effort a porté principalement sur l'installation de relais dans les grandes villes de province des pays francophones et sur le développement de sa présence en zone anglophone, avec l'ouverture des émetteurs d'Accra et de Kumasi, au Ghana, et l'avancement des démarches en vue d'une installation à Lagos.

En Europe, un effort tout particulier a été consenti en faveur des Balkans, en complément des développements en langues ; en Allemagne, RFI a ouvert, en partenariat avec la BBC, trois nouveaux relais à Leipzig, Chemnitz et Dresde.

En Amérique latine, RFI a enrichi son réseau de radios partenaires par de nouvelles reprises au Brésil, en Argentine, au Chili, au Honduras, au Mexique, au Pérou, en Uruguay et au Venezuela, soit au total 38 nouveaux accords en 2001-2002. RFI est désormais présente à Buenos Aires, grâce à un accord signé avec Radio Europa, qui lui permet de disposer d'une fréquence en FM (en partage avec la BBC) de 5 h du matin à midi.

Au total, l'effort de développement amorcé au début des années 1990 et renforcé ces dernières années permet à RFI d'aborder l'année 2003 avec un réseau de 89 relais FM ou AM en propre, 250 accords de reprise par des radios partenaires à l'étranger, et 20 locations satellitaires lui permettant de couvrir l'ensemble de la planète.

Outre ces développements de diffusion, RFI a poursuivi son travail d'adaptation des contenus, des formats et des horaires de certaines émissions en langues étrangères, avec notamment l'introduction de modules spécifiques en langue française. RFI a aussi poursuivi la modernisation de ses outils de production et de gestion avec la numérisation de sa production et un plan de développement informatique en gestion. Enfin RFI a soutenu ses filiales qui ont toutes connu un fort accroissement. Radio Sofia par exemple a fait passer sa production locale journalière de 2 heures à 11 heures. Enfin RFI a tenu à renforcer ses études d'audiences dont elle a besoin pour réajuster les contenus de ses programmes.

En 2003 , RFI devra prioritairement, dans un contexte budgétaire particulièrement serré impliquant des redéploiements, continuer ses implantations en FM, poursuivre sa politique de numérisation de la production, mettre en place des mini rédactions en langues africaines, enrichir les fils musicaux, parfaire le développement du site Internet. »

Ces évolutions ont été conduites avec le personnel décrit dans le tableau suivant :

1997

1998

1999

2000

2001

CDI CONVENTION GENE + hors convention

334 + 28

353 + 40

368 + 39

403 + 43

406 + 40

CDI journalistes

308

312

320

346

347

TOTAL

670

705

727

792

793

Le ministère des affaires étrangères commente cette évolution en ces termes :

« La progression des effectifs permanents, en apparence importante, traduit surtout l'intégration de collaborateurs intermittents, RFI s'attachant à respecter les contraintes légales en la matière, qui permettent de diminuer la précarité.

Ainsi, en 1998, aux 35 créations d'emplois affichées correspondent 35 intégrations d'intermittents (cachetiers, pigistes, CDD...). RFI a certes procédé à 6 créations d'emplois supplémentaires, mais ces créations ont été compensées par le solde des départs non remplacés sur d'autres postes (retraite, congés sans solde). »

La numérisation devrait permettre une diversification des actions, -notamment la diffusion d'émissions dans les grandes langues de communication africaines que sont le Haoussa (50 millions d'auditeurs potentiels), le Swahili (60 millions) et le Lingala (30 millions) dont la réalisation a été repoussée à 2003- à effectifs constants.

En matière financière, la double tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère de la culture ne produit pas de résultats satisfaisants, chacun des ministères renvoyant sur l'autre les efforts à consentir, suivant un schéma malheureusement bien rodé.

Le tableau ci-dessous décrit l'origine des ressources de RFI :

( en millions d'euros)

Recettes

2002

2003

Redevance

51,23

52,30

Subvention MAE

69,67

70,37

Publicité

1,06

Produits financiers

0

Recettes diverses

3,07

Report

1,84

Loi de finances rectificative

1,52

TOTAL

128,39

Source : ministère des affaires étrangères.

Seules les recettes budgétaires peuvent être prévues pour 2003. Un report de crédits de 2001 à 2002, ainsi qu'une mesure contenue de la LFR de fin 2001 ont permis à la chaîne de disposer des financements strictement nécessaires.

Ce tableau illustre le poids important qu'occupe, dans le budget de RFI, la fraction de la redevance qui lui est attribuée.

Le problème se pose de savoir quel financement alternatif pourrait s'y substituer au cas où, comme on l'évoque actuellement, cette redevance serait modifiée dans ses bases de recouvrement, ou disparaîtrait au profit d'autres modalités, moins coûteuses en fonctionnement.

Une évolution sur ce point pourrait permettre d'engager une réflexion parallèle sur les avantages et les inconvénients découlant de la double tutelle des ministères des affaires étrangères et de la culture.

Comme souvent dans ce type de situation, la confusion dans les décisions et la dilution des responsabilités qui en découlent ne facilitent pas la fixation d'orientations claires, ni de priorités nettement hiérarchisées.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page