Accéder au dossier législatif

Avis n° 71 (2002-2003) de M. Serge VINÇON , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 21 novembre 2002

Disponible au format Acrobat (195 Koctets)

N° 71

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 2002

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 2003 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VI

DÉFENSE - FORCES TERRESTRES

Par M. Serge VINÇON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. André Dulait, président ; MM. Robert Del Picchia, Guy Penne, Jean-Marie Poirier, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Paul Dubrule, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Jean Faure, André Ferrand, Philippe François, Jean François-Poncet, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean Puech, Yves Rispat, Roger Romani, Henri Torre, Xavier de Villepin, Serge Vinçon.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 230 , 256 à 261 et T.A. 37

Sénat : 67 (2002-2003)

Lois de finances .

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de budget de la défense pour 2003 et le projet de loi de programmation militaire 2003-2008, dont il constitue la première annuité, marquent une véritable rupture avec l'érosion continue des moyens dévolus à nos armées au cours des cinq dernières années.

Cette rupture était nécessaire.

En effet, si la transition vers l'armée professionnelle s'est avérée globalement satisfaisante, malgré une prise en compte trop tardive des conditions de travail et de vie des militaires, la réduction des crédits destinés à l'environnement des forces et aux équipements portait en germe une dégradation profonde de notre outil de défense. D'ores et déjà, la disponibilité des matériels en service avait atteint un niveau inquiétant et de nombreux retards étaient constatés dans les commandes et les livraisons de ceux destinés à les remplacer.

La dérive des dotations d'équipement systématiquement situées en deçà des niveaux prévus par la loi de programmation qui s'achève, ne pouvait se poursuivre sans compromettre très gravement la réalisation du modèle d'armée 2015.

Ce modèle intègre pourtant déjà une notable réduction du format de notre défense. Répondant très largement à l'évolution du contexte international et aux hypothèses d'engagements qui en découlent, il apparaît comme calculé « au plus juste », en prévoyant un nombre d'équipements limité mais suffisant, compte tenu des exigences de sécurité pour notre pays et du rôle qu'il entend jouer sur la scène internationale.

Aussi le redressement opéré par le projet de budget de la défense pour 2003, en conformité avec les perspectives tracées pour la période 2003-2008, était-il impératif à la poursuite de la réalisation des objectifs définis en 1996.

Dans ce contexte, le budget de l'armée de terre s'élèvera à 7,6 milliards d'euros, soit une progression de 5,5 % par rapport à 2002. Les crédits de personnel et de fonctionnement du titre III augmentent de 4,8 %, alors qu'aux titres V et VI, la progression des dotations sera de 15,3 % pour les autorisations de programme et de 6,7 % pour les crédits de paiement.

Votre rapporteur se réjouit particulièrement de trouver, dans ce budget, des mesures qu'il avait préconisées depuis plusieurs années, en particulier la transformation de postes de volontaires en postes d'engagés, afin de résorber le nombre de postes budgétaires non pourvus et de parvenir à une meilleure réalisation des effectifs militaires. Ce budget intègre également la mise en oeuvre du plan d'amélioration de la condition militaire et poursuivra le renforcement des moyens de fonctionnement, permettant en particulier d'atteindre enfin les normes requises en matière d'entraînement.

Sur le plan de l'équipement, l'effort réalisé dès l'été 2002 par le Gouvernement pour restaurer la disponibilité des matériels sera amplifié. Le niveau des dotations permettra les commandes et les livraisons prévues sans nouveau décalage, sans pour autant bien entendu compenser les retards enregistrés au cours de ces dernières années.

Votre rapporteur commentera la situation de l'armée de terre au terme de la loi de programmation militaire 1997-2002, avant d'analyser l'évolution des dotations budgétaires.

CHAPITRE PREMIER -
L'ARMÉE DE TERRE À L'ISSUE DE LA LOI DE PROGRAMMATION 1997-2002

Tout au long de la période de transition, votre rapporteur s'est attaché à suivre régulièrement la mise en oeuvre de la professionnalisation, en attirant l'attention du gouvernement sur les difficultés rencontrées, mais également en soulignant l'ampleur des transformations opérées.

Il s'agit bien d'une réforme sans précédent pour les armées, et sans équivalent dans d'autres secteurs de l'État, qui a été menée à son terme. L'armée de terre y a pris une part majeure, car elle avait sans doute plus que d'autres un long chemin à parcourir pour passer du modèle de la conscription et de la défense aux frontières aux exigences de réactivité, de souplesse et de savoir-faire propres au nouveau contexte d'engagement des forces.

Durant ces six dernières années, plus de 600 mesures de restructuration de tous types ont été appliquées, se traduisant en particulier par la dissolution de 51 régiments et de 221 établissements ou formations. Le commandement a fait l'objet d'une réorganisation complète et les grandes unités permanentes constituées dès le temps de paix, qu'étaient les divisions, ont été remplacées par des brigades fonctionnant selon une logique de « modularité ».

Tout en réduisant drastiquement les effectifs militaires, qui sont passés de 237 000 hommes en 1996 à 136 000 en 2002, l'armée de terre a quadruplé son « réservoir » de forces projetables, qui atteindra 100 000 hommes en fin d'année.

Cette adaptation a été menée sans relâche, alors que les évènements extérieurs et intérieurs imposaient un rythme d'activité extrêmement soutenu.

À l'heure du bilan, votre rapporteur souhaite plus particulièrement évoquer deux aspects :

- l'achèvement de la professionnalisation , marqué par une atténuation du sous-effectif constaté durant les six dernières années, et donc dans le même temps, par une moindre tension sur le rythme d'activités,

- les questions liées à la condition des personnels , à l'environnement des forces et aux équipements , où prédomine un sentiment de situation dégradée qui impose désormais un redressement rapide.

I. LES PERSONNELS : VERS LA CONSOLIDATION DE LA PROFESSIONNALISATION

L'armée de terre a connu durant toute la délicate période de transition un sous-effectif permanent alors que le niveau d'engagement sur les théâtres extérieurs et sur le territoire national s'est accru, provoquant une réelle tension sur les rythmes d'activité. Avec la sixième annuité de recrutement d'engagés, et une certaine amélioration s'agissant des personnels civils, cette tension s'atténue désormais. Un allègement de notre présence dans les Balkans serait de nature à stabiliser la situation.

A. DES EFFECTIFS PROFESSIONNELS DÉSORMAIS PROCHES DES OBJECTIFS

Comme le montrent les tableaux ci-dessous, la situation de sous-effectif a pris dans l'armée de terre une ampleur significative à partir de 1998, le déficit approchant 10% des postes en 1999, avant de se réduire au cours de ces derniers mois.


Les effectifs militaires de l'armée de terre de 1997 à 2002 :
effectifs budgétaires et effectifs réalisés

Officiers

Sous-officiers

Engagés

Volontaires

Appelés

Total militaires

Effectifs budgétaires 1997

Effectifs moyens réalisés 1997

Ecart

17.242

17.178

- 64

55.608
55.658
+ 50

36.077
34.737
- 1.340

-
-
-

111.039
110.051
- 988

219 966
217 624
- 2 342

Effectifs budgétaires 1998

Effectifs moyens réalisés 1998

Ecart

17.013

16.539
- 474

54.455
54.309
- 146

41.956
42.345
+ 389

-
-
-

89.790

83.697
- 6 093

203 214
196 890
- 6 324

Effectifs budgétaires 1999

Effectifs moyens réalisés 1999

Ecart

16.783
16.318
- 465

53.235
53.133
- 102

47.835
47.187
- 648

1.361
823
- 538

67.530
51.331
- 16.199

186 744
168 792
- 17 952

Effectifs budgétaires 2000

Effectifs moyens réalisés 2000

Ecart

16.477
15.961
- 516

52.103
51.470
- 633

53.707
53.665

- 42

2.858
2.155
- 703

44.197
37.065
- 7.132

169 342
160 316
- 9 026

Effectifs budgétaires 2001

Eff. moyens réalisés au 1.7.01

Ecart*

16.245
15.810
- 435*

51.170
49.686
- 1.484*

59.586
60.660
+ 1 074*

4.877
2.583
- 2.294*

17.111
9.653
- 7 458*

148 989
138 392
- 10 597 *

Effectifs budgétaires 2002

Eff. moyens réalisés au 1.7.02

Ecart*

15 792
15 490
- 302*

49 777
48 077
- 1 700

65 470
64 738
- 732

5 544

2 884
- 2660

0

213

+ 213

136 583
131 402
- 5 181

* au 1 er juillet de l'année

Pour les effectifs militaires , l'écart moyen entre les effectifs réalisés et les effectifs budgétaires s'est creusé dès 1998, avec une amplification en 1999. Il résulte en large partie de la diminution plus rapide que prévue du nombre d'appelés , du fait des possibilités de reports offertes aux titulaires de contrats de travail, puis de la cessation anticipée du service national en 2001. À ce phénomène conjoncturel s'est ajouté le nombre croissant de postes vacants dans la catégorie des volontaires.

Au total, le déficit sur les postes de militaires s'est maintenu entre 5 et 7% des effectifs en 2000 et 2001, et il est actuellement en voie de résorption, grâce à l'achèvement de la dernière tranche de recrutement d'engagés.

Pour les personnels civils , les modes de calculs sont sensiblement différents et les données ont été affectées par d'incessants changements de périmètre qui rendent les comparaisons difficiles. Selon les informations fournies par le ministère de la défense à votre rapporteur, le déficit , après avoir culminé à 4 500 postes en 1999, a été ramené à environ 2 000 postes en 2001 et devrait se limiter à un millier de postes en 2002 .

Les effectifs en personnels civils de l'armée de terre de 1997 à 2002 :

effectifs budgétaires et effectifs réalisés

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Effectifs budgétaires

32 276

32 620

32 795

30 772

29 729

29 959

Effectifs réalisés

29 739

30 621

28 277

27 627

27 740*

28 939*

Ecart

- 2 537

- 1 999

- 4 518

- 3 145

- 1 989*

- 1 020*

* au 1 er juillet de l'année

Il faut d'autre part signaler qu'en fin d'année 2002, c'est-à-dire au moment où la professionnalisation sera achevée, l'armée de terre disposera d'un nombre de postes budgétaires légèrement inférieur à celui prévu par la loi de programmation.

En effet, un certain nombre d'entre eux, pourtant prévus en programmation, ont été supprimés . Marginaux s'agissant des effectifs militaires, ces abattements ont été en revanche plus importants pour les personnels civils, plus de 1.100 postes, soit environ 3,5% de la cible initiale ayant été supprimés . Environ 15% de ces suppressions de postes ont été gagées par la mise à disposition de crédits de sous-traitance, mais pour le restant, il s'agit d'une « perte sèche » pour l'armée de terre, même si ces postes supprimés étaient des postes vacants.

1. Les militaires professionnels

. Les officiers et sous-officiers

La loi de programmation a prévu une diminution de près de 8 000 postes du nombre de cadres, officiers et sous-officiers, le taux d'encadrement passant dans le même temps de 31 % à 48 % du fait de la réduction du format et de la fin du service national.

La déflation des effectifs d'officiers concernait près de 1 400 postes sur la période 1996-2002, soit une diminution moyenne de 230 postes par an, sans modification de la répartition interne entre groupes de grades. La nécessité de maintenir un déroulement équilibré des carrières et un flux suffisant de recrutements imposent néanmoins de parvenir à un flux de départs annuels moyen de plus d'un millier d'officiers.

Flux de recrutements et de départs
des officiers de l'armée de terre

1998

1999

2000

2001

2002

2003
(prévisions)

Recrutements

865

835

1 074

1 165

1 066

930

Départs

1 309

1 310

1 138

1 099

1 032

913

Le recrutement des officiers , après avoir atteint un point bas en 1999, a été significativement relevé depuis 2000 pour atteindre les objectifs définis en matière d'effectifs. Ce relèvement passe surtout par une augmentation très substantielle des recrutements d'officiers contractuels , notamment d'officiers de réserve en situation d'activité (ORSA) et, depuis juin 2000, d' officiers sous contrat (OSC) . Ces recrutements devraient permettre d'atteindre les objectifs de réalisation totale des effectifs budgétaires en fin d'année 2002.

S'agissant des sous-officiers , la période couverte par la programmation devait se traduire par une réduction de 6 461 postes en 6 ans , soit plus d'un millier de postes par an. La population des sous-officiers sera constituée pour près de la moitié par d'anciens engagés et continuera à pourvoir celle des officiers à hauteur de près de 50 %.

Depuis 1997 ont été menées de pair une augmentation du flux de départs, notamment grâce aux pécules d'incitation au départ (près de 2 700 de 1999 à 2002), et une augmentation du recrutement (3 200 recrutements prévus en 2002 contre 1 760 en 1997).

Flux de recrutements et de départs (hors pécules)
des sous-officiers de l'armée de terre

1998

1999

2000

2001

2002

2003 (prévisions)

Recrutements

2.293

2.368

2.548

2.954

2.930

3.200

Départs

1.652

1.967

2.204

2.585

3.126

3.039

Un déficit s'est creusé, au cours des deux dernières années, dans la catégorie des sous-officiers, notamment en raison des difficultés de recrutement des jeunes sous-officiers . La forte augmentation du recrutement en 2002 devrait en partie atténuer ce sous-effectif.

. Le recrutement des engagés : un bilan pleinement satisfaisant

Pilier de la professionnalisation, le recrutement des engagés volontaires de l'armée de terre (EVAT) doit s'opérer au rythme soutenu de près de 5 900 nouveaux postes chaque année. Mais, compte tenu des départs, c'est en réalité un recrutement actuellement supérieur à 11 000 EVAT par an qui est nécessaire.

Evolution des recrutements et des départs des engagés
volontaires de l'armée de terre

1998

1999

2000

2001

2002

Départs en fin de contrat

Accession sous-officiers

Total des départs

4 302

1 095

5 497

4 982

1 221

6 203

4 068

1 281

5 349

2 863

1 396

4 259

3 029

1 400

4 429

Recrutements

initiaux

ultérieurs

11 744

6 520

5 224

11 671

7 360

4 311

10 647

7 480

3 167

12.741

9 275

3 466

Avec l'extinction du service national, le recrutement dit « initial », effectué directement dans le secteur civil, a pris une part prépondérante par rapport au recrutement dit « ultérieur », provenant d'appelés, éventuellement volontaires « service long».

La mise en oeuvre des recrutements est jugée très satisfaisante. Le nombre de candidatures s'avère suffisant, bien que le taux de sélection demeure faible (1 candidat retenu pour 1,3 dossier déposé en 2001), ce qui illustre la relative étroitesse du vivier et sa vraisemblable sensibilité aux évolutions conjoncturelles du marché du travail. Cela souligne d'autant la nécessité d'accorder une attention soutenue à la condition matérielle des engagés, qu'il s'agisse de la rémunération, de l'hébergement, des conditions de travail ou de la préparation du retour à la vie civile et à la reconversion.

Le taux d'attrition au cours de la formation a diminué ces dernières années et s'établit désormais à 14 % , niveau jugé satisfaisant. Le taux de réengagement était quant à lui en 2001 de 72 % pour les contrats de 3 et 5 ans arrivés à échéance et de 79% pour les contrats à durée variable, résultat semble-t-il supérieur aux attentes.

Les recrutements d'engagés programmés sur le dernier trimestre 2002 devraient permettre en fin d'année une réalisation totale des effectifs.

. Les volontaires : un lourd déficit pour une « cible » trop ambitieuse

Créée par la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national, la catégorie des volontaires était destinée à jouer un rôle non négligeable dans l'armée de terre professionnelle puisqu'en 2002, elle devait comporter 5 544 postes, soit 4 % des effectifs militaires. Ces volontaires ne constituent pas une force d'appoint, mais doivent occuper une place à part entière, au même titre que les autres personnels militaires, dans l'armée de terre.

L 'effectif moyen réalisé, pour les volontaires, reste très inférieur au nombre de postes budgétaires, le déficit n'ayant cessé de s'accroître , passant de 503 postes au 1 er juin 1999 à 2 759 postes au 1 er juin 2002, soit 50% de l'effectif théorique , la proportion étant encore plus importante pour les postes réservés aux officiers et sous-officiers.

Les particularités du statut de volontaire ne le rendent attractif que pour un volume réduit de candidats potentiels, en nombre très inférieur à la cible ambitieuse qui avait été définie en 1996. Il semble donc difficile d'aller très au delà de l'effectif actuel.

2. Les personnels civils : un déficit qui se réduit mais nuit au bon fonctionnement de l'armée professionnelle

Votre rapporteur a largement souligné, lors de l'examen des budgets successifs les difficultés considérables provoquées par le sous-effectif en personnels civils , alors que ceux-ci sont appelés à constituer une composante majeure des éléments non projetables de l'armée de terre, qu'il s'agisse de la base fixe des régiments, des services de soutien, des organismes à vocation territoriale ou des camps d'entraînement. Les civils devaient représenter en 2002 plus de la moitié des personnels de ces formations dite du « socle », mais ils sont également destinés à être affectés dans les unités (30 à 40 civils dans chaque régiment), pour y assurer des emplois à dominante « sédentaire », techniques ou administratifs.

Il y a un peu plus d'un an, au 1 er août 2001, l'effectif moyen réalisé des personnels civils enregistrait un déficit d'environ 3 500 personnes , soit un niveau inégalé au cours des dernières années . Depuis lors, la situation s'est améliorée, le déficit n'étant plus que de 2 750 postes au 1 er août 2002.

Pour pallier ce déficit en personnels civils, l'armée de terre a dû redéployer plus de 2 320 personnels militaires au profit des directions chargées du matériel et du soutien des forces , amputant d'autant le volume des forces projetables.

Selon les informations transmises à votre rapporteur, la situation devrait encore s'améliorer d'ici la fin de l'année 2002 , avec le recrutement des lauréats des concours de fonctionnaires titulaires organisés cette année et l'intégration effective de 680 agents passés sous statut de contractuels en application de la loi sur la résorption de l'emploi précaire (agents dits « Berkani »). Enfin, 630 autorisations d'embauche d'ouvriers d'Etat ont été accordées à l'armée de terre en 2002 au titre de l'accompagnement du dispositif d'aménagement et de réduction du temps de travail.

3. La réserve opérationnelle reste à construire

Les effectifs de réservistes ayant souscrit un contrat d'engagement à servir dans la réserve (ESR) s'élevaient au 1 er juillet 2002 à 10 090 hommes, dont 4 370 officiers, 4 008 sous-officiers et 1 712 militaires du rang. En dépit d'une légère progression depuis trois ans, ce résultat est encore inférieur à l'objectif de 12 000 ESR fixé pour l'année 2002. La différence entre les droits ouverts en organisation (28 000) et l'objectif de recrutement (12 000) est comblée par le personnel soumis à l'obligation de disponibilité.

La contribution des réservistes de l'armée de terre aux opérations extérieures s'est notablement accrue depuis trois ans, puisque l'on est passé de 51 personnes en 1998 à 156 en 2001. Elle s'élevait à 120 personnes au 1 er juillet 2002, dont 71 pour une durée supérieure à 100 jours.

Mais c'est aussi dans la perspective de la contribution des armées à la sécurité intérieure que doit être mise en place, avec les effectifs voulus, la réserve opérationnelle.

Les besoins en réservistes à l'échéance 2002 avaient été fixés pour l'armée de terre à 6 000 officiers, 8 450 sous-officiers et 13 550 militaires du rang, et il semblerait que la réalisation de cet objectif soit désormais repoussée à la fin de la future loi de programmation militaire, c'est-à-dire en 2008.

Un effort particulier devra donc être engagé pour susciter le volontariat des militaires du rang de réserve , dont l'effectif reste modeste même s'il progresse, ainsi que celui des sous-officiers. L'une des principales difficultés concerne la compatibilité entre l'engagement dans la réserve et les obligations professionnelles, en particulier dans les petites et moyennes entreprises.

B. L'ATTÉNUATION DU POIDS DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES

La période de transition, très lourde du point de vue des mesures de réorganisation et de restructuration, s'est caractérisée par un surcroît de participation aux opérations extérieures , notamment du fait des opérations du Kosovo. L'armée de terre a été, dans le même temps, fortement sollicitée pour des missions intérieures : tempêtes de fin d'année 1999, pollution consécutive au naufrage de l'Erika, inondations dans la Somme, évacuation des munitions chimiques de Vimy, explosion de l'usine AZF de Toulouse, plan « Statère » de gardiennage des centres de stockage de monnaie à l'occasion du passage à l'euro, plan Vigipirate renforcé.

Toutes ces missions se sont concentrées sur une période marquée par un sous-effectif permanent, entraînant une sur-activité des unités . Ainsi, certaines spécialités particulièrement sollicitées, comme l'infanterie, ont été soumise à un rythme trop élevé d'engagement extérieur (un séjour à l'extérieur par an, au lieu d'un tous les 16 mois) venant s'ajouter aux activités de service et de sécurité publique sur le territoire national.

Au cours de l'année écoulée, l'effectif engagé à l'extérieur s'est sensiblement réduit .

C'est le cas des forces de souveraineté outre-mer et des forces présentes en Afrique en vertu d'accords de défense et de souveraineté. Le renforcement récent des effectifs en Côte d'Ivoire a été en outre essentiellement opéré par redéploiement de forces déjà présentes en Afrique.

PARTICIPATION DE L'ARMÉE DE TERRE AUX FORCES STATIONNÉES HORS DE MÉTROPOLE

AU 1ER JUILLET 2002

Zone

Effectifs permanents

Effectifs tournants

Effectifs totaux

Évolution sur un an

Antilles

508

471

979

- 113

Guyane

649

806

1 455

+ 3

Océan indien (Réunion et Mayotte)

508

475

983

- 179

Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Polynésie)

833

920

1 753

+ 94

TAAF (Kerguelen)

13

0

13

-

Total forces de souveraineté

2 511

2 672

5 183

- 383

Côte d'Ivoire

168

297

465

- 21

Djibouti

705

917

1 622

+ 37

Gabon

216

466

682

+ 10

Sénégal

187

411

598

+ 15

Cameroun

0

7

7

- 9

Total accords de défense et de coopération

1 276

2 098

3 374

+ 32

Total hors métropole

3 787

4 770

8 557

- 351

Mais la réduction des effectifs est surtout sensible pour les opérations extérieures proprement dites, malgré l'ouverture d'un nouveau théâtre en Afghanistan.

PARTICIPATION DE L'ARMÉE DE TERRE AUX OPÉRATIONS EXTÉRIEURES

(au 1 er juillet 2002)

Type d'opération

Nom

Pays

Effectifs

Évolution sur un an

Sous l'égide d'une institution internationale

SFOR

Bosnie-Herzégovine

2 058

- 282

KFOR

Kosovo

4 061

- 354

FINUL

Liban

234

-

Amber Fox

Macédoine

209

- 376

FIAS

Afghanistan

500

+ 500

Enduring Freedom

Afghanistan

50

+ 50

Divers

84

- 19

Accord de défense ou coopération

ARAMIS

Cameroun

56

+ 2

EPERVIER

Tchad

649

- 3

TOTAL

7 801

- 803

Cette réduction va en principe s'amplifier au cours des prochains mois, principalement du fait de l'allègement de notre dispositif dans les Balkans.

En ce qui concerne la SFOR , en Bosnie-Herzégovine , la restructuration des forces décidée par l'OTAN permettra à l'Armée de terre de réduire sa participation d'environ 50% d'ici la fin de l'année 2002, pour atteindre un effectif de l'ordre de 1 000 hommes. Le détachement de l'ALAT devrait notamment être supprimé et le bataillon de combat réduit à deux compagnies, les unités logistiques étant resserrées en conséquence.

S'agissant de la KFOR au Kosovo , la restructuration des forces s'est déjà traduite par une réduction d'effectifs de 10% décidée au mois de mai 2002, qui entraînera le retrait d'un escadron d'éclairage et d'investigation cet automne. Une seconde contraction du dispositif devrait intervenir au printemps 2003, avec notamment la suppression de l'un des deux bataillons d'infanterie mécanisée. Globalement, les effectifs de l'armée de terre passeront de 4 000 à 2500 hommes ce qui correspond à une diminution d'environ 40%.

C. UNE CONSOLIDATION PROGRAMMÉE POUR LA PÉRIODE 2003-2008

1. Un renforcement ciblé des effectifs

Les enseignements des engagements récents et la prise en compte du nouveau contexte international, après les évènements du 11 septembre 2001 ont conduit à envisager un ajustement des effectifs militaires de l'armée de terre.

L'effort portera en premier lieu sur l' infanterie débarquée , qui prend une part croissante et prépondérante dans les engagements opérationnels et se trouve de ce fait fortement sollicitée, avec un très fort rythme d'activité et un taux de rotation élevé de ses personnels. L'objectif est de réaliser la création d'une quatrième section par unité élémentaire de combat (quaternarisation) pour la totalité des régiments d'infanterie.

Le deuxième axe prioritaire est le renforcement des forces spéciales . La création d'une brigade de forces spéciales (voir encadré) traduira cette orientation qui concerne aussi bien les effectifs que les capacités de projection, notamment aéromobiles, et le renforcement de certains moyens de renseignement spécialisés de guerre électronique, de recherche humaine et d'interception satellitaire.

Un troisième axe concerne les moyens de défense nucléaire, radiologique, biologique et chimique , en vue de faire face à ces menaces particulières, notamment terroristes, sur le territoire national et en opération extérieure. Il s'agira de mettre sur pied une structure de commandement du niveau bataillon et une compagnie de décontamination que les structures actuelles ne permettent pas d'armer.

En outre, certains ajustements seront nécessaires au profit des états-majors opérationnels, des organismes interarmées et des états-majors internationaux.

Pour réaliser ces évolutions, l'armée de terre verra ses effectifs évoluer d'ici 2008 .

Concernant les personnels militaires , toutes catégories confondues, le projet de loi de programmation militaire prévoit une réduction de 300 postes de 2002 à 2008, résultant de la création d'environ 160 postes d'officiers et sous-officiers et de la suppression de 460 postes de militaires du rang.

Toutefois, cette diminution du format n'est qu'apparente, car elle a pour objet d'aboutir à une meilleure réalisation des effectifs .

Comme votre rapporteur l'a souligné depuis deux ans, la cible définie pour les volontaires apparaît trop élevée, compte tenu des limites atteintes dans les volumes de recrutement pour cette catégorie. Il a donc été décidé de transformer des postes de volontaires en postes d'engagés . Afin de ne pas alourdir la charge financière de cette transformation, le nombre de postes de volontaires supprimés, établi à 3 000 postes, est supérieur à celui des postes d'engagés créés, limité à 2 500.

LES FORCES SPÉCIALES DANS L'ARMÉE DE TERRE

Les forces spéciales de l'armée de terre sont depuis le premier juillet 2002 regroupées au sein de la brigade des forces spéciales « terre » (BFST) qui possède au total un effectif avoisinant les 2 100 hommes . Celle-ci comprend aujourd'hui, outre un état-major léger installé à Pau, trois entités opérationnelles :

- le 1 er régiment parachutiste d'infanterie de marine stationné à Bayonne qui est à vocation actions spéciales non conventionnelles et comprend environ mille hommes ;

- le 13 ème régiment de dragons parachutistes en garnison à Dieuze, spécialisé dans le renseignement dans la profondeur et comptant 900 hommes ;

- le détachement Aviation légère de l'armée de terre des opérations spéciales (DAOS), stationné à Pau, qui compte environ 160 personnes et possède une escadrille de Puma et une escadrille de Gazelle équipées de canons et de missiles antichars ou air-air.

La brigade des forces spéciales « terre » est placée pour emploi soit préférentiellement aux ordres du commandement des opérations spéciales (COS) pour le 1 er RPIMa et le DAOS, soit préférentiellement aux ordres de la direction du renseignement militaire (DRM) pour le 13 ème RDP.

Un plan visant à combler les lacunes capacitaires identifiées a été engagé. Il s'agit en particulier de lancer un programme de transmissions protégées à haut débit et de systèmes de transmissions sol-air interopérables notamment avec ceux des forces américaines, et d'acquérir 8 hélicoptères Cougar Mk2+ et divers petits matériels de cohérence.

Par ailleurs, la BFST sera renforcée par le transfert d'un régiment de la brigade parachutiste et la création de deux escadrilles supplémentaires au DAOS , l'une en hélicoptères de transport, l'autre en hélicoptères de combat.

Le transfert du régiment provenant de la 11 ème brigade parachutiste devrait être effectif avant l'été 2003. L'unité concernée n'a pas encore été choisie. Les capacités qu'elle devra fournir concernent plus particulièrement la reconnaissance profonde motorisée, le renseignement à fin d'action spéciale , le renseignement « conversationnel » (dit aussi « renseignement de debriefing »), l'assistance opérationnelle à des armées alliées (exemple de la formation d'unités de l'armée afghane), le commandement et la logistique.

À l' horizon 2003-2004 , l'effectif de la BFST devrait atteindre 3 000 hommes environ .

Cette opération affiche une diminution d'environ 500 postes budgétaires de militaires, mais elle devrait se traduire par une augmentation des effectifs réels , car les 3 000 postes de volontaires supprimés risquaient de demeurer vacants, alors que les 2 500 nouveaux postes d'engagés créés seront pourvus et viendront renforcer les unités.

Le projet de loi de programmation prévoit par ailleurs une augmentation des postes de personnels civils à partir de 2005, à raison de 180 postes par an jusqu'en 2008.

2. L'amélioration de la condition militaire

Votre commission avait attiré l'attention du gouvernement sur la nécessité de mieux prendre en compte la condition militaire bien avant qu'éclate au grand jour une véritable crise de confiance au sein des armées.

Cette crise résultait de facteurs objectifs, liés aux conditions de vie et de travail dans une période particulièrement difficile de réorganisation, de sous-effectif et de rythme d'engagement soutenu. Elle trouvait également sa source dans un sentiment de décalage croissant avec le milieu civil, que votre rapporteur a souligné à de multiples reprises.

La quasi-absence de mesures catégorielles en faveur des militaires de 1997 à 2001 tranchait avec l'attention portée, sur le plan social, à différents secteurs de la vie civile, et diverses réformes mises en oeuvre durant la dernière législature, celle des 35 heures étant bien entendu la plus emblématique. Enfin, les militaires ont constaté, loi de finances après loi de finances, combien le budget de la défense était systématiquement frappé de mesures restrictives, y compris lorsque le gouvernement disposait de marges de manoeuvre suffisantes pour maintenir un niveau de ressources à peu près équivalent à celui sur lequel il s'était engagé après la « revue de programmes » de 1998.

Le plan pluriannuel d'amélioration de la condition militaire décidé en février dernier, comporte, pour l'armée de terre, des éléments à l'évidence positifs. Plusieurs mesures indemnitaires permettront de compenser les sujétions du statut militaire (revalorisation de l'indemnité pour charges militaires) et les sujétions opérationnelles (revalorisation de l'indemnité pour services en campagne), et de mieux rémunérer les qualifications et les spécialités, y compris pour les officiers, grâce à l'augmentation du taux ou du contingent de diverses primes. Ce plan comporte également un volet social prenant en compte les contraintes de mobilité des militaires (aides au déménagement et au logement, prise en compte des besoins familiaux).

Cependant, ces mesures ciblées, dont beaucoup répondaient à des attentes anciennes, représentent moins de la moitié de l'enveloppe financière consacrée à ce plan.

Une large part de l'effort sera absorbée par le paiement , dans la limite de huit jours sur quinze jours supplémentaires accordés, des jours de permissions qui ne seront pas effectivement pris, dans le cadre des mesures sur le temps d'activités et d'obligations professionnelles des militaires (TAOPM).

Ainsi, la réponse apportée peut apparaître à la fois trop tardive , puisqu'il a fallu régler en urgence une crise sans précédent dans les armées, et trop influencée par les interférences avec la mise en place des 35 heures.

Quoi qu'il en soit, après les premières mesures de financement votées dans le cadre du collectif budgétaire de cet été, l'impact de ce plan va progressivement monter en charge, à partir de 2003, avec des montants annuels compris, pour l'armée de terre, entre 120 et 150 millions d'euros.

3. Consolider la professionnalisation

En dépit du déroulement relativement satisfaisant du recrutement des engagés, et des mesures d'amélioration de la condition militaire évoquées précédemment, il est apparu nécessaire de se doter d'instruments permettant d'adapter la politique des ressources humaines au contexte concurrentiel du marché du travail des prochaines années. C'est l'objet du fonds de consolidation de la professionnalisation dont la création est prévue par l'article 4 du projet de loi de programmation militaire et qui bénéficiera, sur la période 2003-2008, de plus de 570 millions d'euros , pour des mesures d'attractivité et de fidélisation.

Ce fonds est appelé à monter progressivement en charge sur les six prochaines années.

Bien que le détail de ce plan ne soit pas arrêté et que la répartition de l'enveloppe entre armées ne soit pas effectuée, on peut d'ores et déjà dire qu'il permettra à l'armée de terre d'engager deux types de mesures .

Un quart de l'enveloppe pourrait être affecté à des mesures d'attractivité . Il s'agit à la fois de favoriser le recrutement, avec par exemple la création d'une prime d'attractivité pour le recrutement initial des spécialités jugées « critiques » en raison de la concurrence du secteur civil, et de favoriser la reconversion.

La majeure partie du fonds de consolidation sera utilisée par l'armée de terre pour des mesures de fidélisation . Il est par exemple envisagé de créer une indemnité réversible et modulable pour les spécialités « critiques » ainsi qu'une indemnité de « haute technicité » pour les sous -officiers, et de valoriser les cursus dits à « haut potentiel ». Pour accompagner la mobilité des personnels, diverses mesures sont à l'étude en matière de logement.

II. LES ÉQUIPEMENTS : LA PRISE DE CONSCIENCE TARDIVE D'UN NÉCESSAIRE REDRESSEMENT

A. UNE ANNUITÉ DE PROGRAMMATION PERDUE

1. Une réalisation financière médiocre

Le bilan de l'exécution financière de la loi de programmation militaire 1997-2002 fait apparaître, pour l'armée de terre , un déficit cumulé s'élevant, pour la période, à 2,7 milliards d'euros de crédits de paiement, soit l'équivalent d'une annuité complète de dépenses d'investissement.

EXÉCUTION DE LA LOI DE PROGRAMMATION 1997-2002 DANS L'ARMÉE DE TERRE

(Crédits de paiement des titres V et VI, en millions d'euros courants)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Loi de programmation

2 987,4

3 007,8

2 993,6

3 033,0

3 063,5

3 048,7

Revue de programmes

2 908,0

2 952,8

2 906,0

2 852,8

Loi de finances initiale

2 965,1

2 645,8

2 818,6

2 716,0

2 678,1

2 456,1

Budget exécuté

2 759,5

2 615,6

2 476,5

2 492,4

2 530,7

2 547,6

Écart / revue de programmes

- 431,5

- 460,4

- 375,3

- 305,2

Écart / loi de programmation

- 227,9

- 392,2

- 517,1

- 540,6

- 523,8

- 501,1

On évoque fréquemment l'écart habituel entre les lois de programmation et les budgets effectivement mis en place, laissant à penser qu'il s'agit là d'une « tradition » propre à tout exercice de programmation. C'est oublier que la loi de programmation 1997-2002, à la différence des textes précédents, représentait une réduction d'environ 20 % de l'effort d'équipement militaire, et qu'elle conditionnait la cohérence d'une réforme sans précédent de notre appareil de défense, marquée par la professionnalisation et la réorientation des missions des armées.

C'est donc cette cohérence , traduite par une enveloppe financière sans marge excessive, qui a été affaiblie tout au long des cinq dernières années .

L'insuffisance de crédits rencontrée au cours de l'exécution de la loi de programmation se traduit à la fois par des dégradations immédiates de capacités et par l'accumulation des besoins sur la période à venir. Faute d'investissements suffisants, l'armée de terre a vu son capital physique se déprécier.

Sur un plan financier, le déficit affecte toutes les composantes de l'équipement.

Dans le domaine des « flux » (entretien des matériels, équipement des personnels, infrastructure), le déficit représente près d'1 milliard d'euro, soit 15% de la dotation initialement prévue par la loi de programmation. Il représente 600 millions d'euros pour les programmes de cohérence opérationnelle, soit 12% de la dotation, et 1,1 milliard d'euro sur les grands programmes, soit 16% de la dotation.

2. Les conséquences : une dégradation de l'outil de travail

La plupart des programmes affichent un retard d'une à deux années , voire trois pour certains (valorisations du canon d'artillerie AUF 1, du système sol-air Roland). D'autres ont été arrêtés (missiles antichar AC3G MP et LP) ou réduits (obus Aced, Mistral), provoquant des désordres capacitaires, des surcoûts en entretien de matériels vieillissants et parfois la nécessité de mettre en oeuvre des programmes « palliatifs » de rénovation.

Le déficit constaté sur les programmes de cohérence opérationnelle a ainsi dégradé la capacité opérationnelle , par exemple pour l'équipement des hélicoptères en systèmes de communication et de contre-mesures, pour les moyens de guerre électronique, ou encore en matière d'interopérabilité des systèmes d'information.

Enfin, les conditions générales de vie et d'entraînement se sont détériorées. En matière d'infrastructure, un retard de deux ans a été pris dans la réalisation du plan VIVIEN et du schéma directeur alimentation. Dans le domaine de l'entretien programmé des personnels, le retard est d'une année pour la réalisation du plan d'équipement et de trois ans pour les « modules 150 » qui doivent permettre le soutien de 150 hommes en opération.

Quant à la réduction des crédits d'entretien programmé des matériels, elle a contribué, même s'il ne s'agit pas du facteur principal, à la dégradation de la disponibilité technique opérationnelle des équipements .

ÉTAT D'AVANCEMENT DES PRINCIPAUX PROGRAMMES D'ÉQUIPEMENT DE L'ARMÉE DE TERRE

Programme

Loi de programmation militaire 1997-2002

Situation actuelle

Char Leclerc

307 chars livrés en 2002, pour une cible totale de 406 chars

320 chars livrés fin 2002 et 406 commandés

Dépanneurs Leclerc

Cible de 30 dépanneurs, dont 15 livrés en 2002

Retard de 2 ans, 7 dépanneurs livrés et cible réduite à 20 engins

VBCI

Cible de 600 véhicules, premières livraisons en 2004

Cible de 700 véhicules
Retard de 2 ans, 65 VBCI commandés en 2001 et 433 à partir de 2005. Premières livraisons en 2006.

Rénovation AMX 10 RC

337 rénovations commandées et 120 chars rénovés en 2002

Retard de 2 ans, 120 chars rénovés entre 2003 et 2005

Hélicoptère Tigre

Cible de 120 hélicoptères. Livraison de la version HAP à partir de 2003

Cible de 120 hélicoptères. 37 livraisons à partir de 2003.

Hélicoptère NH90

Cible de 68 hélicoptères - Fin du développement en 2002

Cible de 68. Commande de 34 appareils à partir de 2003 et premières livraisons en 2011

Valorisation AUF1

150 valorisations commandées et 30 livrées en 2002

Retard de 3 ans

Atlas Canon

6 régiments équipés en 2002

Retard de 2 ans, un régiment et demi équipé en 2002

Missile AC3G-LP

Industrialisation à partir de 1997 en cohérence avec la version antichar du Tigre

Pas de participation à la production

Missile AC3G-MP

10 postes de tir et 500 missiles livrés en 2002

Abandon du programme

Radar de contrebatterie Cobra

5 des 10 ensembles prévus livrés en 2002

Retard d'1 an, 3 radars livrés en 2002

Valorisation RITA

200 ensembles commandés et 120 livrés entre 2000 et 2002

Retard d'1 an, 85 stations valorisées livrées en 2002

Valorisation Roland

40 systèmes livrés entre 1999 et 2002

Retard de 3 ans, 53 valorisations commandées et 7 systèmes valorisés livrés en 2002

B. LA « CRISE » DE LA DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS

Alors que les normes retenues par l'armée de terre pour la disponibilité technique opérationnelle 1 ( * ) de ses équipements sont de 80% pour les matériels terrestres et de 70% pour les matériels aériens, les résultats obtenus se sont très fortement dégradés à partir de 1998. Cette chute s'est stabilisée au cours du 1er semestre 2001, autour de 68 % pour les matériels terrestres, hors parcs Leclerc et AMX 10 RC, et de 60 % pour les matériels aériens.

Au cours de l'année 2001, la disponibilité moyenne pour l'ensemble de ces parcs a montré une légère progression, contrariée par des difficultés récurrentes, en particulier le vieillissement de certains parcs (AMX 10 P, AMX 10 RC, AMX 30 B2, AMX 30 AUF 1, Roland, engins blindés du génie et Gazelle).

En 2002, à l'exception d'une légère amélioration pour le parc blindé à roues (VAB et VBL), les autres grandes catégories de matériels majeurs ne connaissent pas de progression vraiment significative.

ÉVOLUTION DE LA DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS EN 2002

Catégorie

Parcs

Trim. 1

Trim. 2

Moy.2002

Écart/obj

Tendance

Parc au 31/12/2001

En ligne

Blindés
lourds

Leclerc T4,5

54 %

64 %

59 %

-21 %

++

Leclerc T6,7

58 %

72 %

65 %

-15 %

++

267

200

AMX 30

64 %

72 %

68 %

-12 %

++

472

220

AU F1

57 %

56 %

57 %

-23 %

=

273

ROLAND

51 %

52 %

52 %

-28 %

=

96

AMX 30 D

67 %

69 %

68 %

-12 %

=

139

EBG

33 %

42 %

38 %

-42 %

++

71

AMX 10 P

65 %

62 %

65 %

-15 %

-

517

Blindés
légers

AMX 10 RC

59 %

65 %

62 %

-18 %

+

337

228

ERC

74 %

77 %

76 %

-4 %

+

192

132

VAB

72 %

72 %

72 %

-8 %

=

3 166

VBL

83 %

85 %

85 %

+5 %

=

1 012

TRF1

82 %

84 %

84 %

+4 %

=

101

Génie

62 %

66 %

66 %

-14 %

+

318

VUTC

VLTT

78 %

77 %

78 %

-2 %

=

11 200

PL 2,4,10T

75 %

75 %

75 %

-5 %

=

22 500

ALAT

Gazelle

41 %

51 %

46 %

-29 %

++

288

Puma

64 %

70 %

47 %

-28 %

++

118

Cougar

61 %

58 %

60 %

-15 %

-

28

Les facteurs à l'origine de cette situation ont été largement exposés par les responsables des armées et votre commission a pu à de multiples reprises s'y référer, notamment pour interpeller le précédent gouvernement sur cette question lors des débats budgétaires successifs.

Votre rapporteur ne reviendra donc pas sur les causes techniques (vieillissement de certains parcs, usure liée aux opérations extérieures, coût de soutien des matériels récents), juridiques (règles de passation des marchés), organisationnelles (conditions d'exercice de la fonction achat et des activités de maintenance, sous-effectif) ou encore financières (érosion des crédits d'entretien programmé des matériels) de cette dégradation.

Il est clair qu'elle ne peut se poursuivre sans affecter gravement et durablement la capacité opérationnelle des forces terrestres et, au delà, la motivation de l'armée professionnelle.

C. UN NÉCESSAIRE REDRESSEMENT SERA OPÉRÉ À PARTIR DE 2003

Alors que les abattements opérés sur les ressources prévues par l'armée de terre menaçaient de rompre la réalisation du modèle d'armée 2015, la priorité retenue par le gouvernement est aujourd'hui de reprendre une trajectoire compatible avec cet objectif, tout en prenant en compte les besoins les plus récents liés au contexte international.

Votre rapporteur rappelle que, lors de son élaboration, le modèle 2015 a pris en compte la grande diversité des situations opérationnelles dans lesquelles les forces terrestres peuvent être engagées. Construit selon les principes de polyvalence et de modularité, ce modèle définit un équilibre entre moyens lourds et moyens légers et nécessite la modernisation d'équipements en nombre limité, mais suffisants pour remplir toutes les missions qui, à l'intérieur ou hors du territoire national, peuvent être confiées à l'armée de terre. Les nombreux engagements de ces dernières années ont largement confirmé la pertinence de ces choix .

Cette pertinence globale n'exclut pas certains ajustements , à la lumière des évènements les plus récents, par exemple pour tenir compte d'hypothèses de confrontation en zone urbaine ou montagneuse, d'opérations contre des groupements terroristes installés en territoire étranger, de la participation éventuelle à la défense du territoire national ou encore des risque de terrorisme nucléaire, radiologique, biologique ou chimique.

Aussi le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 retient-il, pour l'armée de terre, trois priorités d'équipement.

La première priorité porte sur les capacités de commandement et de maîtrise du renseignement grâce aux systèmes d'information et de commandement (SIC). Il s'agit de pouvoir assurer le commandement d'un groupement de forces, notamment dans un cadre multinational, et de garantir les moyens nécessaires à la maîtrise du renseignement. Deux brigades seront ainsi numérisées sur la période de programmation.

La cohérence globale des capacités au niveau tactique constitue la deuxième priorité. L'effort portera sur la fonction combat débarqué , et notamment sur les véhicules blindés de combat et de transport (Véhicule blindé de combat d'infanterie, véhicule articulé-chenillé pour les actions en terrain difficile) et l'équipement du combattant (programme Felin). Il s'agira également d'améliorer la précision des feux indirects , c'est à dire effectués hors de la vision de l'objectif, pour aller d'une pratique de feux de saturation vers des feux de précision, moins consommateurs en munitions et plus efficaces. C'est notamment l'enjeu du missile à fibre optique (Polyphème) et des munitions antichar à effet dirigé (Aced Bonus) et à guidage laser (Krasnopol).

La troisième priorité concerne la cohérence des forces de coercition , autour du Leclerc, qui devra être renforcée, en vue de permettre l'interopérabilité interarmes, d'améliorer de la protection et de la mobilité des blindés légers associés, de renforcer les capacités de franchissement tactique (engins de franchissement Sprat). Enfin, à défaut d'éviter une chute capacitaire en matière aéromobile, la valorisation d'une partie du parc d'hélicoptères de transport actuels est indispensable à la préservation de capacités minimales de projection tactique des forces .

Les ajustements apportés au modèle 2015 concerneront plus particulièrement les capacités d'action en terrain varié et la protection des fantassins, l'accentuation de l'effort sur le renseignement (valorisation du système de radar héliporté Horizon, lancement de la réalisation du programme de drones multicapteurs-multimissions), la protection biologique et les équipements des forces spéciales (dotation supplémentaire de 8 hélicoptères de manoeuvre de nouvelle génération Cougar Mk2, équipés de moyens de communication et de transmissions interopérables et de systèmes de vison thermique).

Le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 présenté au Parlement à l'automne 2002 attribue à l'armée de terre des ressources en crédits de paiement d'un montant de 18,6 milliards d'euros sur la période, selon l'échéancier retracé par le tableau ci-dessous.

DOTATIONS D'ÉQUIPEMENT DE L'ARMÉE DE TERRE POUR LA PÉRIODE 2003-2008

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Moyenne/an

CP

2620,45

3082,78

3023,42

3163,86

3275,59

3398,24

3094,06

AP

3280,15

3649,53

3462,87

4037,98

3877,36

3155,11

3577,17

(en millions d'euros)

CHAPITRE II -
LE BUDGET DE L'ARMÉE DE TERRE EN 2003

La dotation consacrée aux forces terrestres, qui avait atteint en 2002 son niveau le plus bas de toute la période de programmation, connaîtra en 2003 une progression de 5,5% .

Pour importante qu'elle soit, et bien entendu sans équivalent depuis six ans, cette augmentation ne suffit pas à retrouver, en termes réels, le niveau des crédits de 1997, ce qui illustre s'il en était besoin l'ampleur de l'érosion subie depuis cette date.

Les dépenses ordinaires évolueront en 2003 au même rythme que celles de l'ensemble du budget de la défense, avec une progresseront de 4,8 % par rapport à 2002 traduisant la mise en oeuvre du plan d'amélioration de la condition militaire et une remise à niveau des crédits de fonctionnement.

S'agissant des dépenses en capital, les autorisations de programme bénéficieront d'une forte progression (+15,3%), elle aussi analogue à celle observée pour l'ensemble du budget de la défense. Les crédits de paiement des titres V et VI augmenteront pour leur part de 6,7%.

Ce redressement était indispensable pour replacer l'armée de terre à un niveau de ressources compatible avec les objectifs définis en 1996 pour la modernisation de ses équipements.

I. LA PHYSIONOMIE GÉNÉRALE

A. UN CHANGEMENT DE CAP IMPRIMÉ DÈS LE DÉROULEMENT DE LA GESTION 2002

Au cours de l'exercice 2002, l'armée de terre a du faire face au traditionnel surcoût lié aux opérations extérieures et financer les premières mesures d'amélioration de la condition militaire, décidées en février dernier et donc non prévues dans la loi de finances initiale.

Ces dépenses supplémentaires ont été très largement couvertes dès l'été, par la loi de finances rectificative du 6 août 2002 , avec une différence notable par rapport aux pratiques des années antérieures. En effet, les ouvertures de crédits au titre III n'ont été gagées par aucune annulation au titre V , ce dernier ayant même bénéficié de crédits supplémentaires pour l'entretien programmé des matériels.

Au titre III , les reports de crédits de la gestion antérieure (73 millions d'euros) ont été légèrement supérieurs aux reports de charges enregistrés en début d'exercice (59,8 millions d'euros). En outre, les fonds de concours atteignaient en fin d'été 15,1 millions d'euros, soit un montant très supérieur à celui des années passées, grâce à un remboursement exceptionnel de l'ONU, à hauteur de 10,8 millions d'euros, au titre d'opérations extérieures de la dernière décennie.

Le surcoût imputable aux opérations extérieures est évalué à 307 millions d'euros pour 2002 (dont 242 millions d'euros en rémunérations et charges sociales, 42 millions d'euros en fonctionnement et 23 millions d'euros en alimentation). Quant à la mise en oeuvre du plan d'amélioration de la condition militaire , elle se traduit par une dépense supplémentaire de 79,3 millions d'euros en 2002, dont près de 40 millions d'euros pour les mesures dites « TAOPM » (temps d'activités et d'obligations professionnelles des militaires).

Les crédits ouverts au titre III par la loi de finances rectificative du 6 août 2002 s'élèvent pour l'armée de terre à 351,6 millions d'euros et concernent exclusivement les rémunérations et charges sociales. Ils permettent de couvrir, sur les chapitres concernés, l'intégralité des surcoûts entraînés par les OPEX et par les mesures catégorielles décidées en début d'année, ainsi que le report de charges provenant de la gestion 2001.

Le surcoût des OPEX en fonctionnement et en alimentation n'a pas fait l'objet d'ouverture de crédits mais ces chapitres ont bénéficié de reports de crédits de 2001 et de produits de fonds de concours qui couvrent pratiquement les besoins.

Le déroulement de la gestion s'avère en revanche beaucoup plus difficile au titre V .

Comme votre rapporteur s'en était inquiété il y à un an, et contrairement à ce qu'affirmait alors le gouvernement, qui comptabilisait de substantiels reports de crédits pour abonder les ressources de l'année 2002, les crédits reportés de 2001 à 2002 (119 millions d'euros) ont été très inférieurs aux reports de charges (165 millions d'euros). D'autre part, le surcoût attendu au titre des OPEX s'élève à 25 millions d'euros, alors que le produit des fonds de concours ne devrait apporter que 20 millions d'euros.

Comme notre commission l'avait fortement souligné l'an passé, la loi de finances initiale pour 2002 se caractérise par une sous-dotation manifeste en crédits de paiement au titre V .

C'est donc face à un risque de véritable crise des paiements que se trouvait l'armée de terre, en raison de l'insuffisance des crédits d'équipement qui lui ont été alloués pour 2002.

Face à cette situation, la loi de finances rectificative du 6 août 2002 a ouvert un crédit de 10 millions d'euros au titre V pour l'entretien programmé des matériels .

Le projet de loi de finances rectificative pour 2002 déposé le 20 novembre dernier prévoit en outre l' ouverture d'une dotation de 190,6 millions d'euros , tant en autorisations de programme qu'en crédits de paiement, au titre de la compensation de l'imputation sur le budget 2003 de la défense d'une contribution au budget civil de recherche et développent. Cette dotation doit normalement revenir à l'armée de terre, puisque c'est sur son budget qu'a été ponctionnée la dotation de même montant prévue en 2003.

En revanche, les annulations de crédits associées au collectif budgétaire d'automne s'élèvent, pour l'armée de terre, à 63 millions d'euros , sur un total de 321 millions d'euros pour la défense.

Cette annulation, qui est présentée comme un ajustement au niveau de consommation prévisible des crédits d'ici la fin de l'année, aura pour effet de porter à environ 220 millions d'euros le report de charges de l'armée de terre sur l'exercice 2003, avec application d'intérêts moratoires.

Les crédits annulés correspondent toutefois à des besoins bien réels et à des dépenses qui devaient être prochainement ordonnancées par la direction centrale du génie pour régler les travaux commandés aux entreprises du bâtiment et des travaux publics.

S'agissant des autorisations de programme , la situation de l'armée de terre est également délicate.

Votre rapporteur souligne depuis plusieurs années les difficultés de plus en plus vives générées par la restriction de l'encours des autorisations de programme disponibles, du fait notamment de la pratique des commandes globales sans mise en place de dotations supplémentaires adéquates.

L'encours des autorisations de programme disponibles est passé, pour l'armée de terre, de 6,3 milliards d'euros début 2000 à 4,9 milliards d'euros début 2002. Ainsi, le « volant » constitué par les autorisations de programme antérieures à l'année en cours, qui représentait environ une année de commandes (2,9 milliards d'euros) fin 1999, s'est considérablement réduit en quelques années et ne représentait début 2002 que 2 milliards d'euros, soit moins de 8 mois d'achats d'équipements.

Cette avec cette enveloppe qui se réduit d'année en année que l'armée de terre a prévu, conformément aux échéances fixées pour les programmes, d'engager en 2002 près de 3,3 milliards d'euros, dont 490 millions d'euros au titre de la commande semi-globale de systèmes de missiles sol-air moyenne portée (SAMP/T). Elle a du renoncer à la notification d'une tranche conditionnelle de dépanneurs Leclerc et sera sans doute amenée à reporter sur 2003 certaines commandes. L'encours disponible devrait se réduire une nouvelle fois pour se situer autour de 1,6 milliard d'euros fin 2002.

B. UN REDRESSEMENT INDISPENSABLE À LA PRÉSERVATION DU MODÈLE D'ARMÉE

La dotation des forces terrestres a connu en 2002 son niveau le plus bas des six années de la loi de programmation . Un tel niveau ne pouvait être maintenu sans provoquer, à très proche échéance, une rupture du modèle défini en 1996 pour l'armée de terre. Une nouvelle réduction du format et le renoncement à l'acquisition de certains équipements, alors même que certaines capacités vont déjà connaître d'importantes lacunes ces prochaines années, auraient inévitablement découlé d'une telle hypothèse.

Ce n'est pas le choix opéré par le gouvernement qui, conformément aux décisions du Président de la République, a opté pour la préservation du modèle 2015 et un redressement des crédits, en dépit de la situation délicate des finances publiques.

ÉVOLUTION DU BUDGET DE L'ARMÉE DE TERRE

AU COURS DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE 1997-2002 ET EN 2003

(crédits en loi de finances initiale)

Euros courants

Euros constants

1997

7 479,1

7 971,2

1998

7 309,3

7 717,2

1999

7 498,8

7 881,2

2000

7 429,2

7 737,5

2001

7 393,7

7 526,8

2002

7 247,1

7 319,6

2003

7 643,7

7 643,7

Pour 2003, la dotation des forces terrestres inscrite dans le projet de loi de finances s'élèvera à 7,643 milliards d'euros , soit 5,5 % de plus (+ 395,3 millions d'euros) qu'en 2002.

Cette évolution est légèrement inférieure à celle du budget de la défense, si bien qu'au sein de ce dernier, la part de l'armée de terre passera de 25,1 % à 24,6 %. Si les dépenses ordinaires progressent conformément à la moyenne, ce sont les dépenses en capital qui augmentent moins vite que celles des autres armées, pour des raisons strictement liées au calendrier de livraison des nouveaux matériels majeurs.

Les dépenses ordinaires progressent de 4,8 %, et atteignent 5 milliards d'euros . Les rémunérations et charges sociales (+ 4,7 %) représentent près de 4,1 milliards d'euros, soit 81,8 % du titre III et 53,8 % de l'ensemble du budget de l'armée de terre. Les autres dépenses du titre III représentent 913 millions d'euros, soit un montant supérieur de 5,3 % (+ 46,3 millions d'euros) à celui de l'an passé.

Aux titres V et VI , les crédits de paiement augmentent de 6,7 % et s'établissent à 2,620 milliards d'euros .

Quant aux autorisations de programme des titres V et VI, elles progresseront de 15,3 % et s'élèveront à 3,280 milliards d'euros .

Évolution des crédits de l'armée de terre

(en millions d'euros)

Autorisations de programme

Crédits de paiement

2002

2003

2002

2003

RCS

Fonctionnement

Total titre III

6,9

6,9

-

3 924,8

866,7

4 791,5

4 110,4

913,0

5 023,4

+ 4,7%

+ 5,3%

+ 4,8%

Titres V et VI

2 843,3

3 280,5

+ 15,3%

2 456,9

2 620,3

+ 6,7%

TOTAL

2 850,2

3 287,4

+ 15,3%

7 248,3

7 643,7

+ 5,5%

II. LES DÉPENSES ORDINAIRES

Les dépenses ordinaires de l'armée de terre s'élèveront en 2003 à 5,023 milliards d'euros , soit 4,8 % de plus qu'en 2002, les dépenses de fonctionnement (+5,3%) progressant plus rapidement que celles de rémunérations et de charges sociales (+ 4,7% %), ce qui constitue une « première » dans l'histoire budgétaire récente de l'armée de terre.

A. LES RÉMUNÉRATIONS ET CHARGES SOCIALES

1. L'évolution des effectifs de l'armée de terre en 2002

Évolution des effectifs de l'armée de terre

Catégories

2002

2003

Évolution

Officiers

Sous-officiers

Engagés volontaires

Volontaires

15 792

49 777

65 470

5 544

15 776

51 274

66 470

3 954

- 16

+ 1 497

+ 1 000

- 1 590

Total militaires

136 583

137 474

+ 891

Civils

31 543

30 391

- 1 152

Total

168 126

167 865

- 12 077

(Source : « bleu » budgétaire)

Par rapport au niveau d'effectif prévu par la loi de programmation 1997-2002, le projet de loi de finances pour 2003 comporte deux mesures d'ajustement notables, qui aboutissent l'une et l'autre à diminuer le nombre de postes budgétaires de l'armée de terre.

En ce qui concerne les effectifs militaires, un peu plus de 1 500 postes de volontaires sont supprimés pour être transformés en 1 000 postes d'engagés . Votre rapporteur souligne depuis deux ans déjà le niveau à ses yeux trop important des poses budgétaires de volontaires, qui s'avèrent difficiles à pourvoir. La transformation de postes de volontaires en postes d'engagés répond donc aux suggestions qu'il a régulièrement effectuées. Certes, cette transformation se réalise à coût constant, avec un ratio de 3 postes de volontaires supprimés pour 2 postes d'engagés créés . Mais compte tenu des difficultés à pourvoir les postes de volontaires et du déficit très important constaté dans cette catégorie, il est clair qu'en dépit de ce coefficient de conversion, l'effectif réalisé devrait être globalement supérieur à celui de l'an passé dans les deux catégories confondues.

S'agissant des personnels civils , le projet de loi de finances prévoit une diminution de 1 152 postes .

Pour l'essentiel, elle résulte du transfert de 974 postes de personnels civils affectés outre-mer, qui ne sont plus comptabilisés dans les effectifs budgétaires de l'armée de terre et sont désormais rattachés à la direction de la fonction militaire et du personnel civil du secrétariat général pour l'administration.

Les suppressions nettes de postes de civils s'élèvent donc à 178 emplois . La mesure principale, qui représente 145 de ces 178 postes, est le non-remplacement d'une fraction des personnels partant en retraite.

Au delà de ces deux mesures, un changement de périmètre intègre aux effectifs budgétaires de l'armée de terre 1 500 élèves de l'École polytechnique, auparavant rémunérés sur les crédits de la délégation générale pour l'armement.

Enfin, divers transferts en direction de la gendarmerie et des postes permanents à l'étranger se traduisent par une réduction de 16 poses d'officiers et de 3 postes de sous-officiers.

Au total, on peut observer qu'une fois pris en compte les différents changements de périmètre opérés depuis 1997, l'effectif budgétaire de l'armée de terre en 2003 se situera à un niveau légèrement inférieur à celui prévu par la programmation 1997-2002 . Cet écart représente 1 664 postes, soit un peu moins de 1 % de la cible, mais s'il pèse relativement peu sur les effectifs militaires, il représente 3 % de l'objectif pour les personnels civils.

ÉCART ENTRE LES EFFECTIFS DE L'ARMÉE DE TERRE EN 2003

ET LES OBJECTIFS DE LA LOI DE PROGRAMMATION 1997-2002

Catégories

Cible initiale LPM 1997-2002

Incidence des modifications de périmètre

Cible rectifiée LPM

Effectif 2003

Ecart

Officiers

Sous-officiers

Engagés volontaires

Volontaires

16 080

50 365

66 681

5 500

- 209

+ 1 186

- 46

- 1 346

15 871

51 551

66 635

4 154

15 776

51 274

66 470

3 954

- 95

- 277

- 46

- 200

Total militaires

138 626

- 415

138 211

137 474

- 737

Civils

34 000

- 2 682

31 318

30 391

- 927

Total

172 626

- 3 097

169 529

167 865

- 1 664

2. Les dépenses de rémunérations et charges sociales

Avec 4,1 milliards d'euros, les dépenses de rémunérations et charges sociales, qui représentent 81,8 % du titre III, progressent de 4,7 % (+185,6 millions d'euros). Ces dépenses ne couvrent que les rémunérations des personnels militaires, les personnels civils étant rémunérés par le budget du secrétariat général pour l'administration du ministère de la défense.

L'évolution des dépenses de rémunérations et charges sociales pour 2003 résulte de plusieurs facteurs.

Le plus important d'entre eux est la mise en oeuvre du plan d'amélioration de la condition militaire , décidé en février dernier, qui « pèsera » pour près de 120 millions d'euros en 2003 .

La mesure la plus lourde financièrement est celle relative au temps d'activités et d'obligations professionnelles des militaires (TAOPM) . On rappellera qu'il a été décidé d'accorder 15 jours supplémentaires de permissions, avec compensation financière de 85 euros par jour des permissions qui ne peuvent être prises, dans la limite de 8 jours . Il en résultera pour 2003 une dépense supplémentaire de 69,3 millions d'euros .

Parmi les autres mesures, les plus significatives concernent la revalorisation de l'indemnité pour service en campagne (ISC) et du complément spécial pour charges militaires de sécurité (CSCMS), ainsi que l'augmentation des contingents ou des taux de diverses primes de spécialité.

Indépendamment de ce plan, l'armée de terre a obtenu une mesure de « rebasage » de 21 millions d'euros , qui permettra de résorber définitivement les insuffisances régulièrement constatées en gestion sur les chapitres concernés, ainsi qu'une mesure de « repyramidage » au profit des engagés, pour 4,4 millions d'euros.

Enfin, les dépenses de personnels sont affectées par divers mouvements de transfert, comme le rattachement à l'armée de terre des élèves de l'École polytechnique (+14 millions d'euros), ou la disparition de la dotation affectée aux pécules d'incitation au départ (-12,7 millions d'euros)

Par ailleurs, l'armée de terre bénéficiera en 2003 de crédits actuellement non répartis entre les armées et provisionnés au niveau ministériel, pour des mesures d'attractivité et de fidélisation dans le cadre du fonds de consolidation de la professionnalisation.

Votre rapporteur observe par ailleurs que les crédits de personnels maintiennent à leur niveau de 2002 les dotations dévolues aux réserves , alors que le projet de loi de programmation militaire prévoyait un renforcement de ces moyens dès 2003 puis tout au long des six prochaines années. Ayant interrogé le ministre de la défense à ce sujet, il lui a été précisé que cette enveloppe supplémentaire n'était pas remise en cause, mais que sa mise en place était différée tant que les mesures de nature à renforcer l'attractivité de la réserve n'étaient pas définies plus précisément. Une réflexion préalable sera engagée à ce sujet, avant d'inscrire les crédits prévus par le projet de loi de programmation.

B. LES CRÉDITS DE FONCTIONNEMENT

Les crédits de fonctionnement courant de l'armée de terre progresseront de 5,2% en 2003.

ÉVOLUTION DES MOYENS DE FONCTIONNEMENT DE L'ARMÉE DE TERRE EN 2003

(en millions d'euros)

2002

2003

%

Fonctionnement des forces

Services de soutien

Alimentation

Entretien programmé des matériels

Musée de l'armée

398,0

338,1

121,1

7,0

2,5

432,4

341,9

129,1

7,0

2,6

+ 8,6

+ 1,1

+ 6,6

-

+ 1,9

Total

866,7

913,0

+ 5,3

1. Le fonctionnement courant

Les dépenses de fonctionnement courant au sens strict sont regroupées au sein du chapitre 34-04 et comprennent les dépenses d'entretien et d'activité des forces d'une part, et les diverses dépenses de soutien (informatique et télématique, entretien immobilier, locations immobilières, sous-traitance) d'autre part. Au total, les crédits ouverts atteindront 774,3 millions d'euros en 2003 ( + 5,2 % ), dont 432,4 millions d'euros au titre du fonctionnement des forces (+ 8,6 %) et 341,9 millions d'euros (+ 1,1 %) au titre des services de soutien.

ÉVOLUTION DES DOTATIONS PAR ARTICLE DU CHAPITRE 34-04

(en euros courants)

Article

Libellé

LFI 2002

PLF 2003

%

10

Fonctionnement - Entretien et activité des forces

397, 96

432,46

+ 8,7

20

Fonctionnement, informatique et bureautique - Commissariat de l'armée de terre

13,53

13,53

-

30

Dépenses centralisées de soutien assurées par la direction centrale du commissariat de l'armée de terre

121,89

121,67

- 0,2

40

Fonctionnement, informatique et bureautique - Direction centrale du matériel et des services budgétaires rattachés

31,52

29,59

- 6,1

50

Dépenses centralisées de soutien assurées par la direction centrale du matériel de l'armée de terre

27,97

26,79

- 4,2

60

Fonctionnement, informatique et bureautique - Service du génie

9,91

9,90

- 0,1

80

Fonctionnement, informatique et bureautique - Direction centrale des télécommunications et de l'informatique

24,74

24,74

-

91

Dépenses centralisées des télécommunications assurées par la direction centrale des télécommunications et de l'informatique

9,94

10,44

+ 5,0

92

Entretien des immeubles et du domaine militaire

62,50

64,05

+ 2,5

93

Locations immobilières

24,70

24,70

-

94

Sous-traitance - Direction centrale des télécommunications et de l'informatique

3,81

3,81

-

95

Sous-traitance - Direction centrale du commissariat de l'armée de terre

5,25

7,54

+ 43,6

96

Sous-traitance - Direction centrale du matériel de l'armée de terre

1,52

1,54

+ 1,3

97

Sous-traitance - Direction centrale du génie

0,76

0,76

-

Total

736,03

774,28

+ 5,2

Depuis 1996, les mesures de réorganisation successives, prévues par la loi de programmation militaire 1997-2002, ont entraîné une diminution des charges de fonctionnement. De surcroît, l'armée de terre a poursuivi une politique d'économies, touchant tous ses domaines d'action et visant à optimiser l'utilisation de la ressource budgétaire allouée 2 ( * ) .

Pour autant, la réduction des besoins liée à la diminution du format a été atténuée par l'apparition de charges nouvelles induites par la professionnalisation. En conséquence, un début de rebasage des dotations de fonctionnement de l'armée de terre est intervenu entre 2000 et 2002, l'armée de terre retrouvant globalement un niveau de pouvoir d'achat comparable à celui de 1999.

Les crédits de fonctionnement courant (hors carburants) bénéficient d'une mesure nouvelle significative destinée au rattrapage des normes d'activité (+12,2 millions d'euros) .

Le niveau des crédits devrait permettre d' atteindre en 2003 les objectifs de 100 jours d'activités et de 160 heures de vol par pilote d'hélicoptère , sous réserve de la disponibilité des machines. Il favorisera également la politique d'amélioration qualitative de l'entraînement rendue nécessaire par les nouvelles conditions d'engagement opérationnel. En particulier, les exercices multinationaux, les évaluations tactiques et de tir, les entraînements des postes de commandement pourront être conduits selon les normes retenues pour le projet de loi de programmation militaire 2003-2008.

Toutefois, la dotation pour carburants et combustibles opérationnels a été calculée en fonction d'un cours du baril de brut à 21 dollars et d'un taux de change du dollar à 0,95 euro, soit une hypothèse de coût inférieur à celui de 2002. Votre rapporteur observe que c'est donc à niveau pratiquement inchangé que cette dotation devra contribuer au relèvement de l'activité des unités.

Alors que le niveau des crédits consacrés à la sous-traitance était resté inchangé en 2002, une mesure nouvelle de 19 millions d'euros est prévue en 2003. Il s'agit notamment de financer les opérations les plus urgentes, principalement dans le domaine de l'entretien des espaces verts et des locaux, de la restauration et du gardiennage, en faisant effort sur les unités.

Un effort particulier est produit dans le domaine de l'entretien immobilier (+ 5 millions d'euros), afin de se rapprocher du taux objectif d'entretien au mètre carré.

2. Les crédits d'alimentation

S'élevant à 129,1 millions d'euros pour 2003, les crédits d'alimentation augmentent de 6,6 % par rapport à 2002.

La mesure d'économie appliquée en 2001 comme en 2002, et consistant, en cours de gestion, à effectuer un prélèvement sur compte spécial des subsistances militaires, est supprimée à compter de 2003, ce qui nécessite une hausse des crédits à hauteur de 7,7 millions d'euros.

Cette dotation devrait permettre de maintenir la contribution de l'Etat à l'alimentation des cadres au niveau atteint en 2002. On peut ajouter que la fin de la conscription, la dissolution de formations qui assuraient le soutien alimentation des sites isolés, comme les relais transmissions, ainsi que les difficultés de recrutement du personnel des métiers de la restauration ont conduit à accroître le recours à l'externalisation pour la réalisation des repas.

Par ailleurs, la prime globale d'alimentation, qui avait été fixée à 3,72 euros par repas en 1996, puis à 3,74 euros en 2000, est passée à 3,78 euros en 2002.

Votre rapporteur rappelle cette année encore la nécessité, à plus forte raison dans le cadre d'une armée professionnelle, d'aligner l'armée de terre sur les autres armées en ce qui concerne la prise en charge du repas de service du midi.

3. Les crédits d'entretien programmé des matériels

A la suite de plusieurs transferts vers le titre V, seule une part symbolique (1,9 %) des crédits d'entretien programmé des matériels figure désormais au titre III. Il s'agit du financement des opérations de maintenance et de réparation des matériels terrestres et des équipements de transmissions d'infrastructure que la direction centrale du matériel et la direction centrale des télécommunications et de l'informatique « sous-traitent » dans le secteur industriel. L'ensemble des opérations concernant les matériels aériens ainsi que l'acquisition des rechanges nécessaires pour le soutien des matériels terrestres et des équipements de transmission d'infrastructure figurent au titre V.

Les crédits d'entretien programmé du matériel du titre III pour 2003 sont reconduits à leur niveau de 2002, soit 6,9 millions d'euros.

En 2003, les crédits inscrits au titre III pour l'entretien programmé par la direction centrale des télécommunications s'élèveront à 0,9 millions d'euros et ceux relatifs à l'entretien programmé par la direction centrale du matériel à 6 millions d'euros.

4. La subvention au musée de l'armée

La subvention de fonctionnement au musée de l'armée, inscrite au budget de l'armée de terre, passera de 2,58 à 2,63 millions d'euros de 2002 à 2003, soit une progression de 1,9%.

III. LES DÉPENSES EN CAPITAL

Les crédits de paiement des titres V et VI (2 620,3 millions d'euros) progresseront de 6,7 % par rapport à 2002 (+163,5 millions d'euros), alors que les autorisations de programme (3 280,5 millions d'euros) progressent de 15,3 %

Selon la ventilation figurant dans le « bleu » budgétaire, ces dotations se répartissent comme indiqué dans les deux tableaux ci-dessous.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DE L'ARMÉE DE TERRE

(en millions d'euros)

2000

2001

2002

2003

Espace

Fabrication

7

9

14

10

Développement

8

Classique

Études de défense

6

6

5

4

Développement

381

335

244

269

Entretien programmé du matériel

309

295

374

418

Entretien programmé des personnels

184

148

147

119

Fabrication

1 275

1 380

1 211

1 293

Infrastructure

388

381

322

359

Munitions

166

125

142

141

Total

2 716

2 678

2 457

2 620

ÉVOLUTION DES AUTORISATIONS DE PROGRAMME DE L'ARMÉE DE TERRE

(en millions d'euros)

2002

2003

Études de défense

3,2

4,0

Développement

222,9

451,3

Entretien programmé du matériel

453,3

589,7

Entretien programmé des personnels

130,6

146,0

Fabrication

1 423,3

1 508,2

Infrastructure

331,0

390,0

Munitions

279,0

190,8

2 843,3

3 280,5

Par ailleurs, le niveau de ressources effectif pour 2003 sera majoré de 190,6 millions d'euros prévus par le projet de loi de finances rectificative pour 2002 déposé le 20 novembre dernier. Cette dotation inscrite en autorisations de programme comme en crédits de paiement est destinée à compenser la contribution de même montant supportée par le budget de la défense pour 2003 au titre du budget civil de recherche et développement et transférée au Centre national d'études spatiales, cette contribution ayant été intégralement financée en 2003 sur la dotation initialement prévue pour l'armée de terre. L'ouverture d'une dotation équivalente en collectif budgétaire de fin d'année revient à annuler cette ponction et à majorer de 190,6 millions d'euros les ressources disponibles pour 2003, par rapport aux crédits de paiement et autorisations de programmes prévus par le projet de loi de finances.

En ce qui concerne les autorisations de programme , le niveau élevé de ces ressources permettra un effort marqué en faveur de l' entretien programmé du matériel dont les dotations augmentent de 35,9 % par rapport à la loi de finances pour 2002. Il est prévu de passer des commandes globales de pièces de rechange afin de bénéficier d'un stock plus important et de faire face plus rapidement aux besoins, tout en bénéficiant de tarifs plus attractifs.

Les dotations permettent également d'envisager une commande globale du missile à fibre optique (MFO), missile de haute précision guidé par fil sur une distance de 60 kilomètres et présenté comme une arme de frappe en profondeur indispensable à une armée moderne.

Enfin, seront poursuivies les commandes de matériels indispensables, comme les véhicules blindés légers (VBL), au nombre de 88 en 2003, ou les postes de radio PR4G (1 200 commandes), ainsi que la modernisation d'équipement plus anciens comme le canon AUF 1 (70 en 2003), l'AMX 10 RC (55 en 2003) ou le missile Roland (15 en 2003). Enfin, ces crédits permettront la réalisation de plusieurs programmes moins spectaculaires, mais tout aussi indispensables à l'environnement et à la protection des combattants, comme la commande de 40 000 tenues de protection NBC (nucléaire, biologique et chimique) ou celle de 20 000 gilets pare-balle.

Les crédits de paiement connaissent également une forte augmentation par rapport au budget 2002, mais cette évolution est essentiellement la résultante mécanique des commandes passées parfois plusieurs années plus tôt. Le niveau prévu en projet de loi de finances, majoré par la dotation supplémentaire de 190,6 millions d'euros ouverte en collectif budgétaire, correspond à celui des factures prévisibles compte tenu des engagements passés.

A. LES PROGRAMMES D'ÉQUIPEMENT DE L'ARMÉE DE TERRE

Le tableau ci-dessous récapitule la répartition des autorisations de programmes et des crédits de paiement pour les fabrications des principaux programme d'équipement de l'armée de terre.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE FABRICATION EN 2002-2003

(en millions d'euros)

Programmes

2002

2003

AP

CP

AP

CP

Blindés lourds

Char LECLERC
Dépanneur LECLERC


28,7
4,6


331,0
15,0


28,0
11,3


288,4
23,0

Blindés légers

Véhicule de combat VBCI
Rénovation AMX 10 RC (roues-canon)
Véhicule blindé léger VBL


0,0
30,3
26,7


0,0
17,1
7,5


23,3
14,6
35,6


3,1
25,0
30,0

Hélicoptères

Hélicoptère de combat TIGRE
Hélicoptère de transport NH 90


51,0
22,9


103,0
39,0


5,1
34,2


77,8
40,4

Feux sol-sol

Obus ACED Bonus
Système ATLAS CANON
Rénovation canon automoteur 155 AUF1
Canon 155 CAESAR
Lance roquette multiple LRM NG
Radar de contrebatterie COBRA


0,0
0,4
20,7
0,0
14,3
0,0


13,4
28,1
10,5
1,5
6,1
12,8


0,0
0,0
140,0
0,0
12,6
27,5


16,0
35,0
17,0
5,0
7,0
26,8

Feux sol-air

Missile très courte portée SATCP/MISTRAL
Valorisation système courte portée ROLAND
Système MARTHA étape 1
Missile moyenne portée SAMP/T


0,0
72,4
0,0
253,0


1,6
7,2
9,8
52,0


0,0
58,0
5,0
6,2


3,0
20,9
11,4
48,0

Communications

Système information-commandement SIC F
Postes radio PR4G
Valorisation réseau RITA


2,4
0,0
25,3


12,0
31,3
50,9


4,0
37,1
18,0


7,3
20,7
50,4

Équipement du fantassin

Système FELIN


0,0


0,0


5,5


0,4

1. Le char Leclerc

Le char Leclerc constitue l' engin principal de combat des troupes mécanisées et doit remplacer l'AMX 30 B2. Armé d'un canon de 120 mm, le Leclerc, hautement protégé est capable de détruire les chars adverses les plus modernes fixes ou mobiles, de jour comme de nuit en menant un combat continu.

L'évolution du contexte stratégique et la disparition de la menace blindée sur le théâtre centre-européen ont fortement évolué sur le déroulement de ce programme dont la définition remonte à 1982 et le développement a commencé en 1986. De 1 400 chars initialement, la cible a été ramenée à 406 chars par la dernière loi de programmation. Par ailleurs, le programme a connu un étalement excessif , une période de 14 ans s'écoulant entre la production du premier char de série, fin 1991, et la livraison du dernier, prévue en 2005. Dans le même temps, les technologies concernant les équipements électroniques et divers composants ont considérablement évolué, si bien que toutes les séries ne sont pas équipées de matériels homogènes, l'entretien et la commande de pièces de rechange s'en trouvant sérieusement compliquées.

La mise en service opérationnel du premier groupe d'escadrons de 40 chars n'est intervenue qu'en novembre 1998, un retard important ayant été pris, notamment en raison de difficultés de livraisons d'éléments de soutien.

En outre, on estime que l'étalement dans le temps et la réduction du nombre d'exemplaires ont renchéri de 20% le coût unitaire du char Leclerc , évalué par le ministère de la défense à 8,1 millions d'euros. La Cour des comptes établit pour sa part le coût unitaire du Leclerc à environ 15 millions d'euros en tenant compte de la totalité du programme, dont le coût s'élève à 5,9 milliards d'euros 2002, développement et industrialisation inclus.

Enfin, un nombre significatif des premiers exemplaires livrés à partir de 1991 ne sont plus opérationnels aujourd'hui, l'armée de terre estimant ne pouvoir utiliser, à terminaison du programme, qu'environ 360 chars sur les 406 livrés, dont 320 dans les forces et le restant pour la formation et le soutien.

Les multiples difficultés qui ont émaillé le déroulement de ce programme et les profonds changements de contexte intervenus par rapport à l'époque où il avait été conçu ne doivent pas cependant conduire à occulter la nécessité impérative de conserver à nos forces terrestres une capacité de coercition dans laquelle le char Leclerc tient une place essentielle.

Dans bien des zones de crises potentielles où des coalitions internationales pourraient intervenir, le blindé lourd demeure une composante de base des forces terrestres, avec des parcs autrement plus nombreux que le nôtre. Les capacités de feu et de mobilité tactique du Leclerc, sa capacité d'observation de jour comme de nuit, son effet dissuasif, sont autant d'éléments précieux lors d'opérations extérieures, y compris de basse intensité, ainsi que l'a montré l'engagement d'un escadron Leclerc au Kosovo. Comme l'a souligné le chef d'état-major de l'armée de terre lors de son audition devant la commission des affaires étrangères et de la défense, l'emploi de moyens destinés au combat blindé de haute intensité permet le maintien de la crise à un bas niveau d'intensité . Ainsi, le Leclerc demeure pour l'armée de terre un équipement majeur, la cible du programme ayant par ailleurs été considérablement réduite par rapport aux prévisions initiales.

Sur la cible totale de 406 exemplaires arrêtée dans la loi de programmation 1997-2002, les dernières commandes, portant sur 52 exemplaires, sont intervenues en fin d'année 2001. Les livraisons s'élèveront en 2003 à 45 exemplaires, portant à 334 le nombre cumulé de chars livrés à l'armée de terre. Les 72 derniers chars seront livrés en 2004 et en 2005.

L'équipement en dépanneurs destinés à porter assistance aux chars lorsqu'ils opèrent en zone d'insécurité constitue le complément indispensable du programme Leclerc. Alors que le nombre de dépanneurs était initialement fixé à 30, il a été décidé en début d'année de le réduire à 20 exemplaires , ce qui diminuera d'autant la capacité de récupération et d'évacuation des groupes d'escadrons, dotés de deux dépanneurs seulement au lieu de trois. Il s'agit d'un matériel issu du même châssis que le char lui même et dont le coût unitaire est de l'ordre de 5,5 millions d'euros. Les 20 dépanneurs sont aujourd'hui tous commandés, mais en raison d'importants problèmes techniques, deux seulement ont pu être livrés. Les 18 autres seront fournis d'ici 2004.

2. Les blindés légers

Le parc de blindés légers de l'armée de terre actuellement en service ne comporte pas moins de 6 000 véhicules de divers types assurant toute une gamme de fonctions allant du combat à la reconnaissance et au transport de troupes :

- environ 560 chars à roues , dont 255 AMX 10 RC (roues-canon), engins de reconnaissance très mobiles et armés d'un canon de 105 mm dotés d'un équipage de 4 hommes, et 160 véhicules blindés roues-canon ERC 90 Sagaie , armés d'un canon de 90 mm et particulièrement adaptés aux interventions d'urgence en raison de leur capacité à être aérotransportés ; d'autres versions du char AMX 10 à roues sont vouées à une fonction spécifique (tir de missiles Milan ou Eryx) ;

- environ 400 blindés légers chenillés AMX 10 dont 64 en version poste de commandement (AMX 10 PC) et 277 AMX 10 P destinés au transport et à l'appui de l'infanterie des unités blindées et mécanisées et armés d'un canon mitrailleur de 20 mm ; leur équipage se compose de 3 hommes et ils peuvent transporter un groupe de combat équipé ; une autre version de l'AMX 10 chenillé est vouée à l'observation avancée pour l'artillerie,

- 1 160 véhicules blindés légers (VBL) ; plus spécialement conçus pour les unités de reconnaissance et d'accompagnement, leur équipage se compose de 3 hommes (chef de bord, tireur et conducteur),

- 3 900 véhicules de l'avant blindé (VAB) capables d'emporter 10 combattants, qui constituent le véhicule de base de l'infanterie légère blindée.

La caractéristique générale de ce parc est son vieillissement , du fait d'entrées en service souvent anciennes et de fortes sollicitations en opérations extérieures. Dans la plupart des cas, la relève par des matériels modernes n'interviendra pas dans l'immédiat, ce qui ne manquera pas de se ressentir sur la disponibilité des matériels et le niveau capacitaire des forces terrestres.

a) Le remplacement des blindés chenillés par le VBCI

La situation la plus préoccupante est celle des blindés chenillés AMX 10 P , entrés en service en 1973 (soit un âge moyen de 23 ans), dont un quart présentent des fissures au niveau de la caisse, indépendamment de diverses obsolescences touchant notamment le moteur et les boîtes de vitesse. Les chars AMX 10 P et PC doivent progressivement être remplacés par le véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI) , dont la livraison s'échelonnera de 2006 au plus tôt à 2013.

Destiné à assurer le transport, la protection et le soutien feu des groupes de combat des régiments d'infanterie des brigades blindées et mécanisées, le VBCI est un véhicule à roues qui sera produit en deux versions : le véhicule poste de commandement (VPC), équipé d'un système d'information régimentaire (SIR) pour permettre aux cinq officiers et opérateurs embarqués d'exercer le commandement d'une unité déployée sur le terrain, et le véhicule combat d'infanterie (VCI), armé d'un canon de 25 mm et d'une mitrailleuse de 7,62 mm. Il emportera 11 combattants, dont 9 peuvent débarquer.

Le coût du programme total est évalué à 2,2 milliards d'euros, le prix unitaire étant estimé à 2,28 millions d'euros pour le VCI et 1,6 million d'euros pour le VPC.

La cible est de 700 véhicules , 150 VPC et 550 VCI, ce qui, du moins dans un premier temps, ne permettra pas d'équiper la totalité des régiments d'infanterie. À plus long terme, et en fonction des disponibilités financières, d'autres versions du VBCI pourraient assurer le remplacement de tout ou partie du parc VAB.

Une première tranche de 65 engins (11 VPC et 54 VCI) a été commandée fin 2000 à GIAT Industries et RVI qui se sont constitués en groupement momentané d'entreprises pour la conduite du programme. Les premières livraisons devraient intervenir au plus tôt en 2006 , soit deux ans de décalage avec le calendrier initial. Une centaine de véhicules seront livrés chaque année à partir de 2007 jusqu'en 2012, les derniers exemplaires arrivant en 2013. À cette date, 8 régiments seront équipés en 2008.

b) Les blindés à roues

En ce qui concerne les actuels blindés à roues (AMX 10 RC et ERC 90 Sagaie), dont l'âge moyen respectif est de 18 et 16 ans, le programme successeur, l'engin blindé roues-canon (EBRC), ne prendra la relève qu'à un horizon très lointain (entre 2015 et 2020). La rénovation de l'AMX RC a donc été engagée et s'échelonnera de 2003 à 2009. Les améliorations porteront sur les moyens de communication, la protection et la mobilité, avec pour objectif de maintenir la capacité opérationnelle de ce char jusqu'en 2015.

S'agissant de l' ERC 90 Sagaie , il souffre actuellement d'une obsolescence de son moteur à essence, dont il est de plus en plus difficile d'acquérir des pièces de rechange. Le soutien de ce parc ne pourra plus être assuré après 2010. La diminution capacitaire qui en résultera devra être compensée par la livraison d'AMX 10 RC rénovés, en attente de l'arrivée de l'EBRC.

c) Les VAB et VBL

Décliné aujourd'hui en 29 versions, le véhicule de l'avant blindé (VAB) est âgé de presque 25 ans pour les plus anciens, l'âge moyen étant de 17 ans. Les perspectives de ressources ne permettent pas d'envisager son successeur avant 2015. Cet engin devra donc demeurer en service opérationnel au-delà de 2020.

Afin de sécuriser le véhicule, de remédier à certains problèmes techniques et d'améliorer sa protection, deux types d'opérations ont été engagées: des actions de fiabilisation pour l'ensemble du parc (notamment l'amélioration du circuit de freinage), et d'autre part, pour un volume limité d'environ 1 600 véhicules dits « de contact », des transformations concernant la protection balistique, une nouvelle boite de vitesses automatique et un système de variation de gonflage. Ces transformations entamées en 2000 s'échelonneront jusqu'en 2006.

Tous les VAB en service auront été valorisés ou fiabilisés d'ici 2008, sans pour autant que l'on évite le vieillissement du parc, avec le risque d'affaiblissement capacitaire qui en résulte, la perspective de relève par un nouveau modèle n'étant pas annoncée avant 2015.

Le parc des véhicules blindés légers (VBL) est pour sa part beaucoup plus récent (âge moyen de 8 ans), mais ces matériels, appréciés pour leur mobilité, leur légèreté et leur polyvalence sont particulièrement demandés et sollicités en opérations extérieures, provoquant leur vieillissement accéléré.

Alors que le programme VBL était clôturé depuis 1995, les besoins de l'armée de terre ont conduit à passer en novembre 1997 une commande supplémentaire de 210 véhicules , dans une version dite « VB2L » (VBL long), puis à préparer un nouveau marché de 500 véhicules (210 VBL et 290 VB2L en version poste de commandement) qui doivent être livrés d'ici 2008.

Outre la poursuite du plan d'équipement des régiments de mêlée, un volant d'engins est prévu au titre de la maintenance nationale afin de remplacer dans les formations le flux d'engins reconstruits.

Plus spécifiquement destiné aux des unités de reconnaissance et d'éclairage et à la fonction de commandement dans les unités blindées, le VB2L, dont le volume est plus vaste d'environ 30% par rapport au VBL, doit assurer le remplacement des VBL détruits en opération ainsi que celui de certaines versions de l'AMX 10 P en fin de vie.

Sur 200 VB2L commandés en 1997, 131 ont déjà été livrés. Les livraisons des 290 exemplaires supplémentaires en version poste de commandement s'étaleront d'ici 2007. quant aux 210 VBL qui seront commandés à partir de 2003, leur livraison interviendra entre 2005 et 2008.

3. Les hélicoptères

Votre rapporteur a décrit, dans un rapport d'information 3 ( * ) publié l'été dernier, les conditions dans lesquelles se présentent les deux programmes majeurs destinés au renouvellement des forces aéromobiles de l'armée de terre.

L' hélicoptère de combat Tigre , conçu en coopération franco-allemande, devait initialement être développée, pour la France, dans une version appui-protection (HAP) et dans une version antichar (HAC). Pour une cible de 120 appareils en 2015, la répartition prévue était de 70 appareils HAP et de 50 appareils HAC.

L'amenuisement de la menace blindée a conduit dans un premier temps à donner la priorité à la version appui-protection, puisque la première commande de 80 appareils, passée en 1999, portait sur 70 HAP à livrer entre 2003 et 2010, et 10 HAC seulement, livrables en 2011.

Dans un second temps, et sous l'effet d'adaptations réalisées par l'industriel en vue de l'exportation, l'intérêt de l'armée de terre s'est porté vers une version polyvalente appui destruction (HAD) , très voisine de la version appui-protection (HAP), mais permettant, après une reconfiguration rapide, d'emporter des missiles capables de détruire des véhicules blindés, des postes de commandement ou des installations radar.

Comme votre rapporteur l'a souligné il y a un an, puis dans son rapport d'information de juillet dernier, cette version répond mieux au besoin opérationnel de l'armée de terre. Elle permet d'envisager d'évidentes économies en matière de maintenance, de formation ou de gestion des équipages.

Toutefois, cette solution impose une mise de fonds initiale, liée au développement de la version HAD, qui ne peut être supportée par l'armée de terre. La réalisation de cette version est donc en grande partie suspendue à la décision de l'Espagne, qui doit rapidement faire connaître son choix entre le Tigre et l'hélicoptère américain Apache.

Votre rapporteur ne peut que réitérer son souhait de voir aboutir cette version HAD , tant dans l'intérêt de l'armée de terre que dans celui de l'exportation.

Dans l'immédiat, les premières livraisons du Tigre porteront sur une version HAP, pour un coût unitaire estimé à 17,4 millions d'euros, deux appareils entrant en service à partir de 2003.

La situation de la capacité de transport aéromobile de l'armée de terre constituait le point le plus préoccupant parmi ceux soulevés par le rapport d'information précité.

Le vieillissement accéléré du parc d'hélicoptères Puma , dont l'âge moyen est de 22 ans, et l'impossibilité, pour des raisons financières, d'avancer la livraison aux forces terrestres du nouvel hélicoptère NH 90 , qui n'interviendra qu' à partir de 2011 , rend inéluctable une chute capacitaire très sensible à partir du milieu de la décennie, et ce malgré le programme « palliatif » de rénovation de 45 Puma.

Rappelons les 68 premiers NH 90 destinés aux forces terrestres seront commandés pour moitié en 2007 et pour le restant en 2010, avec une première livraison de 8 appareils en 2011 puis une cadence de 10 appareils jusqu'en 2017, le coût unitaire étant évalué à 18,9 millions d'euros.

L'armée de terre ne pourra compter d'ici là que sur le renforcement de son parc Cougar, avec la livraison, entre 2004 et 2006, de 8 appareils en version Mk2+ destinés aux forces spéciales, et sur une rénovation très partielle du parc Puma.

4. L'artillerie et les missiles

Les nombreux programmes en cours dans le domaine de l'artillerie et des missiles visent à renforcer la précision des feux tout en allongeant la distance de tir. Comme l'a précisé le chef d'état-major de l'armée de terre devant notre commission, il s'agit de passer des feux massifs de saturation étalés sur le terrain aux feux de précision à des distances accrues, tout en limitant les dommages collatéraux et en réduisant le besoin logistique .

a) Les systèmes sol-sol

En ce qui concerne l'artillerie, le principal programme concerne l' obus antichar à effet dirigé (ACED) « Bonus ». Cet obus cargo de 155 mm comporte des sous munitions qui sont larguées jusqu'à 15 km au-dessus de la zone où se trouvent les cibles constituant l'objectif (blindés légers, PC, batteries d'artillerie), qui les détectent en explorant la surface du sol puis projettent une charge vers l'objectif. Le besoin total est désormais fixé à 4 313 obus, dont 3 750 ont déjà été commandés en 2000 et 2001, tandis que le solde sera commandé en 2005. Les forces terrestres devaient réceptionner les 28 premiers exemplaires en 2002, les livraisons s'échelonnant jusqu'en 2007. Le coût du programme est évalué à 186,1 millions d'euros 2002 pour un coût unitaire de 28 100 euros par obus.

Le programme Atlas canon doit permettre, par l'automatisation des liaisons et des tirs de l'artillerie, la gestion de l'information et des communications des régiments d'artillerie avec des moyens d'acquisition d'objectifs, de commandement, de support logistique et de tir. L'objectif de ce système est de traiter les demandes de tir en temps réel de façon à minimiser le temps écoulé entre la demande de tir et le traitement de l'objectif. Prévu à l'origine en 11 exemplaires, ce programme a été réduit à 9. Les dernières commandes devaient être passées en 2002 pour des livraisons échelonnées jusqu'en 2005. Le coût de ce programme, développé par Thales, est évalué à 303,2 millions d'euros 2002.

En ce qui concerne les canons d'artillerie, l' automoteur AUF 1 , après une quinzaine d'année d'utilisation, bénéficiera d'une modernisation portant sur 174 exemplaires afin d'améliorer son interopérabilité. Les livraisons devraient s'échelonner de 2003 à 2008 pour un coût total évalué à 250,1 millions d'euros 2002.

Par ailleurs, à titre d'expérimentation, l'armée de terre a commandé 5 exemplaires du Caesar , (CAmion Équipé d'un Système d'ARtillerie), canon de 155 mm installé sur camion. Ce système offre une grande mobilité stratégique et tactique et pourrait assurer la relève des canons de 155 tractés qui arriveront à mi-vie à l'horizon 2010. Les livraisons des 5 Caesar commandés en 2000 interviendront en 2003, le programme étant évalué à 19,31 millions d'euros pour un coût unitaire de 3,86 millions d'euros.

Le programme d'engin lance roquette multiple (LRM NG) conduit en coopération avec les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et l'Italie, se poursuit, les premières roquettes d'exercice étant livrées à partir de fin 2003, les conduites de tir à partir de 2005 et les roquettes de nouvelle génération à partir de 2006. Conçu pour l'attaque dans la profondeur (15 à 60 km) en vue de détruire les blindés, de ralentir l'adversaire et de neutraliser les forces d'appui et de soutien, ce système porté par un engin blindé de 24,5 tonnes est adapté à cibles pas ou peu durcies, qu'il permet de détruire avec un nombre limité de munitions et des effets collatéraux réduits.

Le budget des forces terrestres pour 2003 permettra de lancer la commande du missile à fibre optique ( MFO ) Polyphème . Installé sur un camion et aérotransportable, ce missile guidé par fil permet les frappes dans la profondeur sur une distance allant jusqu'à 65 kilomètres. Grâce à une caméra infrarouge montée sur l'engin et à la transmission des images par un fil qui se déroule jusqu'à l'impact, le personnel peut modifier la trajectoire du missile pendant son vol, ce qui doit permettre une précision de frappe inégalée. Il s'agit d'un programme tripartite regroupant l'Italie, l'Allemagne et la France. Une commande totale de 20 postes de tirs et de 480 missiles pourra être passée en 2003, pour des livraisons à partir de 2008.

Dans le domaine des capacités antichar , votre rapporteur regrette que la contrainte financière de ces dernières années ait conduit le ministère de la défense a abandonner le missile antichar de troisième génération de moyenne portée ( AC 3G MP) , programme dont, il est vrai, nos partenaires s'était retirés en 2000 mais dont l'industriel pouvait développer une version nationale. Au delà de 2010, un achat « sur étagère » s'imposera pour succéder au système Milan 3, le maintien en France d'une compétence industrielle sur ce créneau devenant problématique.

Le développement de la version longue portée ( AC 3G LP ) de ce missile, destiné notamment à doter l'hélicoptère Tigre dans sa version antichar, se poursuit. La France, comme le Royaume-Uni, s'est retirée de la phase de fabrication de ce missile, le programme confié au missilier LFK n'étant désormais plus financé que par l'Allemagne. 10 postes de tir ont été commandés, mais le choix de la munition n'est pas définitivement arrêté par la France. Les premières livraisons devraient intervenir en 2011. Le nombre définitif de postes de tir et de missiles dépend en grande partie de l'avenir, non encore clarifié, de la version HAC du Tigre.

Enfin, le programme franco-germano-britannique de radar de contrebatterie Cobra continue d'être affecté par plusieurs retards. Ce système, composé d'un radar monté sur un véhicule, est destiné à localiser rapidement les lanceurs adverses avec une précision de l'ordre de 50 mètres à une distance de 15 km. La France a commandé 10 systèmes en 1998, mais les premières livraisons, d'abord escomptées en 2001 puis en 2002, sont maintenant repoussées à 2003 au mieux, à supposer que les difficultés techniques soient résolues d'ici là. Le programme est estimé à 394 millions d'euros 2002, chaque radar avec son environnement étant évalué à 19 millions d'euros.

b) Les systèmes sol-air

En ce qui concerne les systèmes de défense sol-air , le programme sol-air très courte portée Mistral 2 , destiné à la lutte contre les aéronefs à une altitude inférieure à 2 000 m. et à une distance de l'ordre de 3 km, a connu des réductions successives de cible, se limitant en fin de compte à la livraison de 135 postes de tir et 1 230 munitions. Le stock a été jugé suffisant pour couvrir le besoin opérationnel à moyen terme, sous réserve de procéder dès 2007 à une rénovation à mi-vie du système d'armes.

La modernisation du système antiaérien à longue portée Roland monté sur châssis AMX 30 ou sur cabine aérotransportable à roues (Carol) se poursuit. Seuls 8 postes de tir sur les 16 prévus ont été commandés en 2000, le solde des commandes devant intervenir d'ici 2004. Ce programme a été retardé, mais aussi revu à la baisse. Au lieu des 190 puis 72 postes de tir prévus, seuls 53 devraient finalement être commandés : 36 sur châssis AMX et 17 sur Carol. Le nombre de missiles VT1-R a été ramené de 1 500 à 750, qui devraient être commandés en 2004. Ce nouveau format semble correspondre au strict besoin opérationnel de l'armée de terre, évalué à six batteries Roland, mais il ne peut plus désormais faire l'objet de nouvelles réductions, sauf à affaiblir la défense à basse et très basse altitude d'une force opérationnelle. Le coût prévisionnel du programme est évalué à 756,3 millions d'euros, la modernisation de chaque poste étant estimée à 3,5 millions d'euros et le prix d'un missile à 270 000 euros.

Par ailleurs, les 45 exemplaires du système Martha , qui coordonne les feux des sections de système d'armes Mistral et Roland, sont désormais tous commandés. Les dernières livraisons de ce système d'armes, dont le coût s'élève à 96,1 millions d'euros 2002, devraient intervenir en 2003.

Le système de défense sol-air moyenne portée-terre (SAMP/T) , articulé autour du missile Aster 30, constitue un programme d'enjeu majeur pour ces prochaines années, puisqu'il doit notamment permettre l' acquisition d'une première capacité de défense antimissiles de théâtre .

Ce système doit permettre de détruire un avion à 25 km de distance, un missile plongeant à 2,5 km, un missile de croisière à 10 km et un avion gros porteur à 80 km. Il se compose d'un poste de tir, de 4 lanceurs et de 3 systèmes de rechargement. L'Aster 30 est un missile à lancement vertical guidé par un radar Arabel.

Les objectifs d'équipement ont été révisés à la baisse, passant de 8 systèmes équipés de 32 lanceurs et de 400 missiles, à 6 systèmes équipés de 24 lanceurs et de 275 missiles. Les premières commandes ont été passées en 2002 et se poursuivront jusqu'en 2004, les livraisons étant prévues entre 2006 et 2013.

5. Les communications

Le système d'information et de commandement des forces ( SICF ) est destiné à faciliter le commandement des forces terrestres dans tous les cas d'emploi, de crise ou de guerre. Compatible avec les moyens des autres principales armées européennes et de l'OTAN, il est indispensable à l'exercice par la France d'une responsabilité de nation cadre dans une opération multinationale.

Ce système doit en particulier assurer l'interopérabilité des données et des traitements avec les autres systèmes d'information de l'armée de terre, des autres armées françaises et des alliés. Il se compose de matériels informatiques, de matériels de communication « durcis » et de logiciels spécifiques. Les besoins de l'armée de terre, revus à la baisse, ont été fixés à 40 centres d'opérations, tous commandés. 29 ont déjà été livrés, les 11 derniers devant l'être en 2003. Le coût total du programme SICF est évalué à 64,6 millions d'euros 2002 pour la version V1 et à 78,9 millions d'euros pour la version V2.

L'équipement des forces terrestres en postes de radio de quatrième génération (PR4G) touche à sa fin. Ce système de transmission tactique de liaisons en phonie et de données depuis le niveau de la section jusqu'à celui du régiment remplace progressivement les postes VHF par rapport auxquels il offre une protection plus efficace face aux actions de guerre électronique. Toutes les commandes ont désormais été passées et seuls 616 postes restent à livrer. Les forces terrestres disposeront alors de 21 816 PR4G.

Enfin, la modernisation du réseau de communication Rita et notamment sa mise en compatibilité avec le PR4G, entreprise depuis plusieurs années, se poursuit à un rythme mesuré. Les 200 postes à moderniser, qui pourraient être portés à 213, ont tous été commandés et 37 ont déjà été livrés. Les autres livraisons devraient s'échelonner jusqu'en 2006. Le coût total du programme est évalué à 748,8 millions d'euros.

6. L'équipement du fantassin

Le programme « Félin » (fantassin à équipement et liaison intégrés), encore en phase d'essais, vise à doter les combattants d'un équipement leur permettant d'être engagés dans des combats de haute intensité en s'adaptant au mieux à la diversité des situations opérationnelles. D'un poids maximal de 23 kg avec armes et munitions et doté d'une autonomie minimale de 12 heures, l'équipement individuel de base comprend une tenue de combat, une structure d'accueil, un équipement de tête, des équipements électroniques et une arme équipée. Le système doit permettre, en particulier, une bonne observation de nuit ou par mauvaise visibilité, ainsi qu'une capacité à désigner avec rapidité et précision les objectifs justifiables du tir des appuis. Une communication en phonie et en transmission de données est également prévue.

Le coût prévisionnel de développement est évalué à 39,6 millions d'euros 2001 pour un coût de fabrication de 503 millions d'euros. La valeur unitaire d'une tenue Félin est évaluée à 17 680 euros. Le besoin pour l'armée de terre est évalué à 22 070 systèmes Félin.

La commande des 1 000 premiers systèmes devrait intervenir fin 2003 , les premières livraisons devant être effectives à partir de 2005.

B. L'ENTRETIEN DES MATÉRIELS

L'entretien programmé des matériels est aujourd'hui un souci prioritaire de l'armée de terre , confrontée à une véritable crise de leur disponibilité technique opérationnelle qui, après plusieurs alertes apparues les années précédentes, s'est pleinement révélée en 1999.

Votre rapporteur a déjà détaillé à plusieurs reprises ces dernières années les divers facteurs ayant conduit à cette crise. Les coûts de maintenance s'accroissent inexorablement, tant pour les matériels les plus sophistiqués que pour ceux maintenus en service malgré leur ancienneté, faute de possibilité de les remplacer par des équipements nouveaux.

Les dotations allouées à l'entretien programmé des matériels ont connu un point bas en 2000 pour les autorisations de programme (263 millions d'euros, contre 405 millions d'euros en 1998), et en 2001 pour les crédits de paiement (309 millions d'euros contre 358 millions d'euros en 1998).

Malgré un premier redressement budgétaire en loi de finances initiale pour 2002, complété cet été en collectif budgétaire, et les diverses mesures d'ordre organisationnel mises en oeuvre, les indicateurs n'ont marqué qu'une lente amélioration cette année , en raison principalement du vieillissement sensible des parcs principaux majeurs. Pour la majorité de ces parcs, la sortie de crise semble plutôt se profiler à l'horizon 2003.

Sur le plan budgétaire, le projet de loi de finances pour 2003 marque un redressement vigoureux , puisque la progression des dotations représente 29,6% pour les autorisations de programme (près de 600 millions d'euros en 2003 contre 460 millions d'euros en 2002) et 11,8% pour les crédits de paiement (425 millions d'euros en 2003 contre 380 millions d'euros en 2002) 4 ( * ) .

ÉVOLUTION DES CRÉDITS D'ENTRETIEN PROGRAMMÉ DES MATÉRIELS

(Titres III et V réunis, en millions d'euros)

2000

2001

2002

2003

AP

CP

AP

CP

AP

CP

AP

CP

Matériels terrestres

159,5

245,5

219,9

218,4

270,5

213,2

360,4

260,3

Matériels aériens

91,0

78,2

98,9

79,3

157,5

150,5

186,8

140,0

Transmissions d'infrastructure

13,1

12,8

13,1

11,4

8,9

9,1

12,3

9,6

TOTAL

263,6

325,5

331,9

309,0

436,9

372,8

559,5

409,9

Les principales actions de maintien en condition permises par la progression des dotations budgétaires en 2003 concerneront les opérations suivantes : rechanges et valorisation pour les VAB; rechanges et chenilles acier pour les chars Leclerc ; rechanges pour les VBL courts et longs ; rechanges et valorisation pour l'AMX 10 RC.

Votre rapporteur se félicite bien entendu vivement de l' effort budgétaire effectué qui doit aller croissant durant toute la période de la prochaine loi de programmation, pour atteindre 530 millions en crédits de paiement en 2008.

Toutefois, les besoins financiers liés à l'entretien programmé des matériels iront eux aussi croissant, si bien que la contrainte demeurera très forte . Pour une part, cette situation résultera de l'augmentation du coût de soutien unitaire liée à l'arrivée de nouveaux matériels (ce coût est par exemple supérieur des deux-tiers pour un char Leclerc en début de vie, par rapport à un AMX 30 B2). Mais elle provient surtout du vieillissement des parcs, notamment des hélicoptères et des blindés AMX 10P, AMX 10RC et VAB.

L'amélioration du maintien en condition opérationnelle au cours des prochaines années suppose que les structures intégrées de maintenance produisent à terme un véritable effort d'optimisation des ressources et que les partenaires industriels soient en mesure d'éviter toute dérive des coûts.

C. LES AUTRES DÉPENSES D'ÉQUIPEMENT

1. Les crédits d'études et de développement

Les moyens affectés à la préparation de l'avenir des forces terrestres comprennent deux grandes catégories : les études technico-opérationnelles et les développements, la gestion des crédits d'études amont étant regroupée, depuis 1999 sous la responsabilité de la DGA. Pour 2003, les crédits de paiement progressent de 9,8 % et les autorisations de programme doubleront par rapport à 2002 (+ 101,7 %) .

ÉVOLUTION DES CRÉDITS D'ÉTUDES, RECHERCHES
ET DÉVELOPPEMENTS DE L'ARMÉE DE TERRE

(en millions d'euros)

2002

2003

Évolution

Études technico opérationnelles

AP

CP

3,2

4,5

4,0

3,7

- 25,0 %

- 16,6 %

Études et développements

AP

CP

222,9

243,8*

451,3

268,9

+ 102,5 %

- 10,3 %

Total général

AP

CP

226,1

248,3

455,3

272,6

+101,4 %

- 24,3 %

* La dotation en loi de finances initiale s'élevait à 254,7 millions d'euros mais un abattement a été opéré pour le financement des mesures sur le temps d'activités et d'obligations professionnelles des militaires.

La très forte augmentation des autorisations de programme est liée aux dotations nouvelles ou supplémentaires dégagées pour le développement du missile à fibre optique (MFO) Polyphème , dont une commande pourrait être passée en 2003 (72,1 millions d'euros), au programme de rénovation des hélicoptères de transport Puma (31 millions d'euros), au radar héliporté Horizon (23,4 millions d'euros), à la rénovation du système Mistral (22,8 millions d'euros), aux programmes de systèmes d'information de commandement SICF (10 millions d'euros) et d'information régimentaire SIR (22 millions d'euros), au système de pose rapide de travures SPRAT pour le génie (18,3 millions d'euros), ou encore au radar de surveillance et d'aide au tir terrestre Rapsodie (15,7 millions d'euros). Les dotations d'études et développement allouées au VBCI (23,4 millions d'euros) et à l'hélicoptère de transport NH90 (12,9 millions d'euros) sont en progression sensible par rapport à l'an passé.

2. L'infrastructure

Les abattements financiers opérés lors de l'actuelle loi de programmation militaire ont particulièrement pénalisé les crédits d'infrastructure et ralenti les opérations prévues, alors que le renouvellement des matériels majeurs, la modification de l'organisation de forces, les restructurations et la professionnalisation ont engendré des besoins supplémentaires en termes d'acquisitions immobilières, de constructions nouvelles, d'adaptation des casernements et d'entretien des infrastructures.

Ces besoins sont particulièrement patents en ce qui concerne le logement des engagés, pour lequel un plan pluriannuel de réalisation de nouvelles capacités d'hébergement a été lancé en 1997 ( plan VIVIEN : valorisation de l'infrastructure de vie des engagés volontaires).

La réalisation du plan Vivien fait apparaître qu'au 1 er juillet 2002, 43% des places prévues pour les engagés avaient été livrées et 38% seulement pour les sous-officiers, dans les bâtiments pour cadres célibataires. Il faut préciser qu'en 2001, les normes requises pour l'hébergement des personnels ont été réévalues par rapport à celles retenues lors du lancement du plan.

En 2003, les dotations d'infrastructure bénéficieront d'une progression soutenue et s'élèveront 390,5 millions d'euros en autorisations de programme (+18 %) et à 358,6 millions d'euros en crédits de paiement (+11,5 %).

3. L'équipement des personnels

Les dotations « d'entretien programmé des personnels », qui recouvrent l'habillement, le couchage, le campement et l'ameublement, connaîtront en 2003 une évolution contrastée avec une augmentation de 11,8 % des autorisations de programme (146 millions d'euros) mais une diminution de 27 % des crédits de paiement (120 millions d'euros).

Votre rapporteur souligne que les actions destinées à l'équipement individuel du combattant ne doivent pas être négligées. Elles concourent directement à la protection de nos soldats ainsi qu'à leur moral, surtout lorsqu'ils sont amenés à se comparer avec leurs homologues des armées alliées.

Pour 2003, les priorités porteront sur le renouvellement des effets faisant appel à des technologies avancées et sur la généralisation de la spécification des paquetages. Certains domaines de spécialité sont déjà dotés d'un paquetage spécifique : infanterie débarquée, équipages d'engins blindés, personnel navigant de l'aviation légère de l'armée de terre, pompiers de l'armée de terre. Les prochains développements porteront sur les unités de montagne et celles d'appui et de soutien.

CONCLUSION

Le projet de budget de la défense pour 2003 constitue bien plus qu'une inflexion, mais une véritable rupture avec cinq années marquées par le recul de la défense dans l'ordre des priorités gouvernementales.

Ce changement de cap a été imprimé dès le collectif budgétaire de cet été, qui a financé les dépenses supplémentaires d'opérations extérieures et de condition militaire sans annulations correspondantes au titre V, ce dernier bénéficiant au contraire d'un renforcement des crédits d'entretien des matériels.

Le projet de loi de programmation militaire 2003-2008, dont ce budget constitue la première annuité, a confirmé ces orientations.

Certes, il convient de ne pas se méprendre sur la signification de cette évolution. Les retards accumulés ces dernières années ne pourront rattrapés. Certaines lacunes capacitaires ne seront pas comblées.

Pour important qu'il soit, le redressement programmé d'ici 2008 ne permettra pas, par exemple, d'avancer la livraison de l'hélicoptère NH 90, et d'éviter une chute de la capacité aéromobile que votre rapporteur avait soulignée dans son rapport d'information de juillet dernier.

Le parc de véhicules blindés légers connaît lui aussi un vieillissement préoccupant, en particulier pour les véhicules de combat d'infanterie AMX 10 P, frappés d'obsolescences critiques. L'arrivée du VBCI, au plus tôt en 2007 à la suite de divers décalages, ne comblera que partiellement les nécessités les plus urgentes. Une rupture capacitaire dans le domaine des véhicules de combat d'infanterie est donc à craindre dans l'intervalle. Les perspectives d'entrée en service de nouveaux matériels pour succéder aux engins blindés roues-canon et aux véhicules de l'avant blindés sont encore très lointaines.

Enfin, de multiples facteurs concourent à augmenter très fortement les besoins financiers du maintien en condition opérationnelle , si bien que les contraintes pesant sur la disponibilité des matériels persisteront, malgré la forte progression des dotations.

Il reste qu'au regard des cinq années passées, l'armée de terre se voit proposer des perspectives bien plus positives qui lui permettent de consolider sa professionnalisation et de renouer avec les objectifs d'équipement - réduits par rapport à la décennie précédente, mais suffisants au regard des exigences actuelles - qui lui ont été assignés en 1996 .

Pour cette raison, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable à l'adoption du budget de la défense pour 2003.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport au cours de sa réunion du 6 novembre 2002.

A la suite de l'exposé du rapporteur pour avis, M. Christian de La Malène s'est inquiété de l'hypothèse d'un gel des crédits du ministère de la défense au cours de l'année 2003, craignant qu'une telle mesure ne préfigure des annulations remettant en cause l'impact positif du projet de loi de finances. Par ailleurs, il a estimé nécessaire d'engager une réflexion globale sur la participation de la France aux opérations extérieures. Il a souhaité qu'à l'avenir notre engagement soit décidé avec une plus grande sélectivité, au vu de l'examen attentif de nos intérêts nationaux.

M. Jean-Pierre Masseret, évoquant les appréciations du rapporteur pour avis sur la période 1997-2002, a considéré que le coût de la professionnalisation avait été supérieur aux prévisions. Il a estimé que le projet actuellement évoqué de gel de certains crédits dès le début de l'exercice 2003 remettrait totalement en cause les perspectives ouvertes, pour la défense, par le projet de loi de finances. Enfin, sans préjuger du vote qui sera émis lors de l'examen d'ensemble, il a précisé que le groupe socialiste envisageait de s'abstenir lors du vote du budget de la défense.

M. Didier Boulaud a rappelé que toutes les lois de programmation militaire connaissaient des réalisations imparfaites. Il a d'autre part souligné l'implication des collectivités locales dans les restructurations de la défense, en regrettant que leur tâche n'ait pas toujours été suffisamment soutenue.

M. André Dulait, président, s'est demandé si le budget de la défense comportait des crédits pour la dépollution d'emprises militaires désaffectées, afin qu'elles puissent être vendues à des collectivités locales.

M. Robert Del Picchia a demandé des précisions sur les perspectives d'évolution des postes de personnels civils dans l'armée de terre d'ici 2008.

En réponse à ces interventions, M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- il est nécessaire de demeurer vigilant sur l'exécution du budget de la défense pour 2003, au regard des pratiques de régulation budgétaire, afin qu'elles ne compromettent pas l'effort de redressement engagé ;

- les effectifs engagés par l'armée de terre en opérations extérieures devraient aller en diminuant dans les prochains mois, du fait de l'allègement de notre présence dans les Balkans ;

- les opérations extérieures ont considérablement pesé sur l'exécution budgétaire du titre III et ont été financées par des annulations correspondantes au titre V ; si l'on isole ce facteur, l'évolution du titre III est demeurée proche des prévisions initiales, bien qu'il ait fallu financer les mesures de revalorisation des bas salaires décidées après le vote de la loi de programmation militaire 1997-2002 ;

- si toutes les lois de programmation connaissent une exécution imparfaite, il convient de rappeler que la loi de programmation 1997-2002 se traduisait, par rapport aux lois précédentes, par une réduction très sensible des crédits d'équipement militaire ; la « revue de programmes » de 1998 a opéré un abattement supplémentaire sur cet objectif déjà réduit par rapport à la décennie précédente ; il est regrettable que ces engagements n'aient pas été honorés, en dépit des marges de manoeuvre budgétaire permises par le contexte économique de la dernière législature ;

- beaucoup de collectivités locales ont pu réaliser des opérations très satisfaisantes à la faveur des restructurations de défense ;

- les crédits d'infrastructure financent les actions destinées à la remise en état d'emprises militaires désaffectées ;

- le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 prévoit une augmentation de 700 postes de personnels civils de l'armée de terre pour la période ; cette augmentation devrait commencer à prendre effet à partir de 2005 ; en dépit de ces objectifs, le projet de loi de finances procède à une suppression de 145 postes de civils dans l'armée de terre par non-remplacement de certains départs en retraite.

* 1 La disponibilité technique opérationnelle (DTO) correspond au rapport, exprimé en pourcentage, entre le nombre total de matériels en service et ceux qui ont la capacité d'assurer les fonctions opérationnelles pour lesquelles ils ont été conçus.

* 2 Par exemple la concentration de chaque unité sur le minimum d'emprises, l'amélioration des infrastructures (isolation, type d'énergie,...), l'abandon des véhicules à essence pour le gas-oil, l'acquisition de véhicules de la gamme commerciale pour la vie courante, la mise en place de points de cuisson unique dans les unités pour les besoins d'alimentation, la réduction des charges de sécurité (gardiennage et surveillance des locaux).

* 3 Les hélicoptères de l'armée de terre : situation et perspective ; rapport Sénat n° 350 (2001-2002) en date du 10 juillet 2002.

* 4 Titre III et titre V réunis, le titre V représentant plus de 98% de la dotation.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page