II. UNE OPÉRATION DE RATIFICATION DE NATURE À RENFORCER LA SÉCURITÉ JURIDIQUE OUTRE-MER

L'article 44 du projet de loi propose la ratification de trois trains d'ordonnances prises sur le fondement de trois lois d'habilitation successives promulguées au cours des cinq dernières années.

A. LES EXIGENCES CONSTITUTIONNELLES EN MATIÈRE DE RATIFICATION

L'article 38 de la Constitution impose seulement que la loi d'habilitation fixe un délai pour le dépôt du projet de loi de ratification, l'absence de dépôt sur le bureau des assemblées avant l'expiration de la date butoir étant sanctionnée par la caducité des ordonnances. Contrairement à la procédure résultant du nouvel article 74-1 de la Constitution, l'inscription à l'ordre du jour du projet de loi de ratification n'est pas exigée. En revanche, en vertu de l'article 74-1, les ordonnances prises sur le fondement de cette habilitation constitutionnelle permanente doivent être expressément ratifiées dans le délai de dix-huit mois suivant leur publication.

Concernant les ordonnances de l'article 38, notons que le Conseil constitutionnel admet le procédé de la ratification tacite qui résulte de la « manifestation de volonté implicitement, mais clairement exprimée du Parlement » lors du vote d'une loi ultérieure modifiant les mesures prises par ordonnance (décision n° 72-73 DC du 29 février 1972).

Toutefois, une ratification expresse et donc globale des dispositions d'une même ordonnance semble de loin préférable car en conférant valeur législative à l'ensemble des mesures prises elle constitue un gage de cohérence et de sécurité pour l'ordonnancement juridique applicable outre-mer.

B. UN RATTRAPAGE FAVORABLE À LA SÉCURITÉ JURIDIQUE OUTRE-MER

Votre commission des Lois se félicite de l'insertion dans le projet de loi de programme pour l'outre-mer d'un ultime article consacré à la ratification de nombreuses ordonnances prises sur le fondement de trois lois d'habilitation, dont les projets de loi de ratification n'ont jamais été portés à l'ordre du jour des assemblées. L'article 44 permettra ainsi de donner valeur législative aux dispositions de quelque vingt-trois ordonnances prises pour l'actualisation du droit applicable outre-mer depuis le début de l'année 2000.

Cet article du projet de loi de programme répond ainsi pleinement à la préoccupation encore exprimée récemment par votre commission des Lois lors de l'examen du projet de loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République. Le rapport établi au nom de la commission par notre excellent collègue, Monsieur le Président René Garrec, faisait ainsi valoir que « outre le retard enregistré dans la mise à niveau du droit applicable outre-mer [...], le principal problème [concernait] la confusion qui affecte la hiérarchie des normes dans ces collectivités d'outre-mer, déjà complexifiée par l'existence d'un pouvoir normatif propre dans leur domaine de compétence ». Il soulignait que « cette confusion [provenait] de l'absence de ratification des ordonnances prises », « les projets de loi de ratification [étant] bien déposés dans les délais prescrits, évitant la caducité des ordonnances, mais [n'étant] pas portés à l'examen du Parlement. ». Il observait que « les dispositions contenues dans les ordonnances, sauf ratification implicite résultant d'une modification opérée par une loi ultérieure et leur conférant valeur législative, [devenaient] vulnérables car elles [pouvaient] être contestées devant le juge administratif » et que « ce risque contentieux [était] d'ailleurs susceptible d'affecter, par ricochet, la loi métropolitaine que l'ordonnance [avait] précisément pour objet d'étendre à l'outre-mer » 2 ( * ) .

Votre commission des Lois a d'ailleurs souligné maintes fois les inconvénients liés à l'absence de ratification. Ainsi dans son rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2002 observait-elle : « La seule réserve porte sur l'absence d'inscription à l'ordre du jour des assemblées des projets de loi de ratification : en effet, la modernisation du droit applicable outre-mer risque d'avoir de ce fait pour contrepartie une complexification extrême de la hiérarchie des normes et une multiplication des contentieux, le bénéfice des avancées enregistrées étant annulé par une confusion accrue de l'ordonnancement juridique » 3 ( * ) .

* 2 Rapport du Sénat n° 27 (2002-2003), fait au nom de la commission des Lois par M. René Garrec, page 164.

* 3 Rapport pour avis n° 92 (2001-2002) fait par M. Jean-Jacques Hyest, au nom de la commission des Lois, page 7.

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