B. UN CHOC DÉMOGRAPHIQUE MIEUX ANTICIPÉ PAR NOS VOISINS EUROPÉENS

1. Des actions disparates en dépit de quelques points de convergence

Le processus de vieillissement démographique est une donnée commune à l'ensemble des pays européens. Il n'en demeure pas moins des différences importantes entre les pays, qui tiennent à leur histoire et à leur situation démographique. L'ampleur et le rythme du processus ne sont donc pas les mêmes dans les différents pays considérés.

Par ailleurs, les pays de l'Union européenne ont chacun des traditions nationales, des modèles sociaux nationaux qui influent sur leur manière de mener les réformes. Cela explique que l'on relève une certaine diversité dans les voies de réforme choisies, en dépit d'un grand nombre d'objectifs commun.

Mais l'aspect le plus important est que ces pays ont su procéder aux réformes nécessaires, en garantissant les systèmes de répartition même si une part de capitalisation était instaurée, et que cela s'est le plus souvent effectué dans un climat politique et social consensuel.

En dépit des différences entre les pays, trois points de convergence peuvent être relevés :

le relèvement des âges de départ à la retraite :

- en Suède , depuis la réforme de 1999, une plage de départ comprise entre 61 ans et 70 ans a été établie afin d'inciter les salariés à prolonger leur activité sans passer par des mesures légales de recul de l'âge de départ à la retraite,

- en Italie, depuis la réforme de 1992, l'âge légal de départ à la retraite est fixé à 60 ans pour les femmes et à 65 ans pour les hommes,

- en Allemagne , l'âge normal de départ à la retraite s'établit à 65 ans et il a été porté en 1997 de 62 ans à 63 ans pour les fonctionnaires, tandis que certaines catégories peuvent partir à 61 ans,

- au Royaume-Uni , l'âge de départ à la retraite des femmes passera progressivement de 60 ans à 65 ans, pour rejoindre l'âge de départ des hommes,

- en Espagne , l'âge légal de départ à la retraite est fixé à 65 ans mais la réforme de 2002 permet aux actifs de travailler au-delà de cet âge.

la création de fonds de réserve :

Des fonds de réserve pour atténuer les besoins de financement ont été créés dans les pays scandinaves, en Irlande, en Espagne et au Portugal.

l'introduction de compléments de retraite par capitalisation :

Cette voie a été suivie par la plupart des pays ayant mené une réforme de leurs systèmes de retraite :

- en Suède , un régime public obligatoire par capitalisation géré de façon collective a été mis en place à côté d'un régime obligatoire en répartition,

- en Allemagne , les salariés auront la possibilité de constituer une épargne retraite, avec l'aide de l'Etat, dans la limite d'une cotisation représentant 4 % de leur salaire brut en 2008,

- en Italie a été mis en place un dispositif facultatif de compléments de pension par capitalisation.

Des dispositifs de fonds de pension existent également au Royaume-Uni, en Irlande et aux Pays-Bas, où les régimes publics servent une pension faible.

2. Quelques exemples de réforme et de réflexion

a) Les réformes menées en Suède

Avant la réforme menée en 1999 , le système public de retraite suédois était composé de deux étages :

- un régime de retraite de base versant une pension universelle forfaitaire à tous les résidents suédois, indépendamment de leur activité professionnelle antérieure ;

- un régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition, versant des pensions complémentaires contributives dont le montant était lié au revenu d'activité.

Ces deux éléments assuraient un taux de remplacement moyen d'environ 65 %. De nombreux régimes complémentaires facultatifs couvraient également une large part de la population, en sus des régimes publics obligatoires. Ils n'ont pas été concernés par la réforme.

A l'issue d'un très long processus de réflexion et de concertation, la réforme menée en 1999 a créé deux nouveaux régimes publics obligatoires à cotisations définies, l'un en répartition, l'autre en capitalisation :

- le régime par répartition fonctionne selon un mécanisme de comptes notionnels , qui retracent les droits acquis par l'assuré au cours de sa carrière (par ses propres cotisations ou des cotisations versées par des tiers dans des circonstances exceptionnelles telles que études au-delà de 18 ans, chômage...). Au moment du départ à la retraite, les droits accumulés dans le compte sont convertis en annuités selon une formule qui tient compte de l'espérance de vie de la génération à laquelle appartient l'assuré et de l'âge qu'il choisit pour partir à la retraite. Il n'y a plus de norme collective de départ à la retraite : l'assuré peut partir entre 61 ans et 70 ans. Le barème de calcul des pensions est automatiquement ajusté en fonction de l'évolution de l'espérance de vie de la population, ce qui est censé inciter les assurés à différer le moment du départ à la retraite. Par ailleurs, les pensions de réversion sont progressivement supprimées : seuls les droits propres comptent et une politique très active d'égalité entre les hommes et les femmes est menée ;

- le régime complémentaire par capitalisation est obligatoire et géré de manière collective . Sur les 18,5 % de cotisation totale, 16 % alimenteront le régime par répartition et 2,5 % alimenteront un compte individuel de capitalisation.

L'indexation des pensions est égale à l'évolution du revenu net moyen moins 1,6 point par an. La revalorisation des pensions est par conséquent flexible et dépend des bonnes performances de l'économie, à travers les gains de pouvoir d'achat du revenu par tête.

b) Les réformes menées en Allemagne

La réforme du système de retraite allemand, amorcée en 1999, a abouti en 2001. Connue sous le nom de réforme Riester, elle a été négociée entre le gouvernement et les partenaires sociaux. Elle a pour objectif de limiter la progression des prélèvements obligatoires tout en maintenant le taux de remplacement, qui constitue l'indicateur prioritaire que fixent les Allemands pour juger des performances de leur système de retraite.

A l'exception des fonctionnaires, toute la population est couverte par le même régime qui comporte un pilier unique : il n'existe pas de distinction entre régime de base et régime complémentaire. Le régime est financé à 76 % par les cotisations des employeurs et des assurés et à 23 % par des transferts du budget de l'Etat, destinés à financer les dépenses de solidarité.

Pour faire face aux besoins de financement qui apparaîtront dans les années à venir, la réforme comporte deux volets :

- le premier volet concerne le re-paramétrage du régime par répartition. Le taux de remplacement du revenu net d'activité par la pension nette, calculé sur une carrière complète au salaire moyen, passerait de 70 % actuellement à 64 %. L'indexation des pensions se ferait sur l'évolution des revenus nets d'activité. Le taux de cotisation, proche de 19 % actuellement, connaîtrait une hausse limitée, pour atteindre 22 % en 2030 ;

- le second volet a trait à la création d'un complément de retraite par capitalisation, financé par les seuls salariés, avec l'aide de l'Etat. Les salariés auront la possibilité (et non l'obligation) d'effectuer cette épargne retraite dans la limite d'une cotisation représentant 4 % de leur salaire brut en 2008.

Malgré les ajustements engagés, l'équilibre du régime allemand ne semble pas assuré à long terme et de nouvelles discussions se sont ouvertes à l'automne. Un des enjeux majeurs est la résorption des différentes de cessation anticipée d'activité ouverts notamment dans le cadre des régimes de retraite eux-mêmes qui, alors que l'âge normal de la retraite est de 65 ans en Allemagne, conduisent à des retraites à des âges de cessation d'activité voisins de ceux constatés en France.

c) Les réformes menées en Italie

L'Italie a connu plusieurs réformes successives de son régime de retraite au cours des années 90 : réforme d'Amato en 1992, réforme Dini en 1995, complétée par les mesures prises en 1997 par le gouvernement Prodi.

Ces mesures étaient nécessaires : en effet, l'Italie présente les perspectives démographiques les plus défavorables parmi les pays de l'OCDE mais son système de retraite est l'un des plus généreux: existence d'une pension d'ancienneté liquidée lorsque l'assuré avait rempli une condition de durée minimale de cotisation (35 ans dans le secteur privé et 20 ans dans le secteur public) sans condition d'âge ; taux de remplacement (autour de 90 % pour les taux nets). Assuré pour un tiers par le budget de l'Etat, le système de retraite représente d'ores et déjà 14 % du PIB italien.

La première étape de la réforme, en 1992, fut constituée de mesures d'urgences, qui recueillirent un consensus général, dans un contexte de crise (sortie de la Lire du système monétaire européen...), grâce à la prise de conscience par tous de la gravité de la situation. Les principales mesures furent les suivantes : élévation progressive de l'âge de la retraite, entre 1994 et 2002, d'un an tous les deux ans jusqu'à 65 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes ; allongement de la période de référence prise en compte pour déterminer le montant de la pension ; instauration de trois modalités de calcul de du montant de la pension ; augmentation de la durée de cotisation requise pour bénéficier d'une pension vieillesse de 15 ans à 20 ans ; indexation annuelle des retraites sur l'évolution des prix. Ces mesures ont laissé intactes la structure et la logique du système, et par là même les facteurs de déséquilibre.

La seconde étape (1995-1997) avait pour but de stabiliser dans un premier temps le poids des retraites dans le PIB aux alentours de 15 %, puis d'arriver à terme à égaliser recettes et dépenses du régime. La disposition la plus radicale a consisté à mettre en place un système de comptes notionnels, comme en Suède, pour les générations entrées sur le marché du travail en 1996 et en partie pour les personnes ayant validé moins de 18 années de cotisations à la date de la réforme. Les cotisations accumulées sont revalorisées annuellement selon un index égal à la moyenne mobile des taux de croissance du PIB des cinq dernières années. Au moment de la liquidation, le capital « virtuel » accumulé est converti en annuités en lui appliquant un coefficient de conversion dépendant de l'âge de la liquidation. Les taux de cotisation du système par répartition ont été plafonnés et un dispositif facultatif de complément de pension par capitalisation a été mis en place.

La transition entre l'ancien système et le nouveau sera très longue : des personnes relevant en partie de l'ancien système liquideront leur pension en 2036 seulement. Si cette solution résulte d'un compromis destiné à rendre acceptable la réforme, elle présente l'inconvénient de faire porter la plus grande part des ajustements sur les générations les plus jeunes et ne garantit pas l'équilibre financier du système durant la période de transition. Ceci explique la poursuite du débat sur l'avenir des retraites en Italie.

d) Le Royaume-Uni : une problématique différente

Le Royaume-Uni possède un système de retraite à deux niveaux. Le régime de base garantit une couverture minimale à la totalité de la population active. Les prestations sont uniformes et faibles (un peu moins de 480 euros par mois). Les retraités qui n'ont pas accès à d'autres sources de revenus peuvent compter sur des prestations sous condition de ressources, jusqu'à un revenu global de l'ordre de 640 euros.

Ce régime de base est complété par un dispositif complémentaire, obligatoire pour les salariés. Ceux-ci ont alors le choix : ceux qui travaillent pour un employeur qui met à disposition un fonds de pension choisissent en général cette option ; les autres peuvent opter pour le régime complémentaire public (SERPS) qui garantit une retraite égale à 20 % du salaire moyen, ou pour une retraite privée personnelle souvent coûteuse, en raison de frais administratifs élevés, et à cotisations définies.

Le gouvernement a publié un Livre vert sur le sujet des retraites en 1998. L'objectif qui s'en dégage est double : d'une part, transformer le SERPS en un dispositif garantissant une retraite convenable pour des salaires jusqu'à 11.600 euros par an ; d'autre part, introduire un nouveau type de retraite individuelle. Il s'agit surtout là d'attribuer un label de qualité aux produits de retraites individuelles pour rendre ces produits plus transparents.

La problématique britannique suscitée par la très faible générosité du système obligatoire et une multiplicité d'intervenants est très différente de celle des pays d'Europe continentale.

e) Vers une réforme en Autriche

Le Conseil des ministres autrichien a adopté le 29 avril 2003 le projet de réforme pour la garantie des retraites. Le chancelier, M. Wolfgang Schüssel, a souligné la nécessité de cette réforme : « Si nous ne faisons rien, nous devrons, pour garantir les retraites sur les 40 prochaines années, soit relever le taux à 53 %, soit réduire les retraites de 45 %, soit allonger la durée de cotisation de presque onze années ».

Les principaux points de la réforme proposée sont les suivants :

- les retraites anticipées seront progressivement supprimées d'ici 2013,

- la durée de la période de référence passera progressivement, d'ici 2028, de 15 ans à 40 ans,

- les personnes ayant commencé à travailler très jeunes et ceux ayant effectué un travail particulièrement pénible pourront partir plus tôt à la retraite mais des déductions des droits de retraite sont prévues pour chaque année d'anticipation (de 2 % à 4,2 % du montant brut de la retraite par année),

- les différents systèmes de retraite, y compris celui des fonctionnaires, sont harmonisés selon le principe « les mêmes prestations pour les mêmes cotisations »,

- les personnes qui travailleront au-delà de l'âge légal de la retraite verront leur pension de retraite majorée,

- les coûts salariaux accessoires liés à l'emploi de salariés âgés (à partir de 56 ans) seront allégés.

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