E. UN NOUVEAU RÔLE POUR LA COMMISSION CONSULTATIVE D'ÉVALUATION DES CHARGES ?

Les lois de décentralisation ont prévu des mécanismes de compensation des transferts de compétences effectués par l'Etat aux collectivités territoriales, codifiés aux articles L. 1614-1 à L. 1614-7 du code général des collectivités territoriales. Votre rapporteur pour avis regrette d'ailleurs que le gouvernement n'ait pas profité du présent projet de loi pour réviser ces dispositions, dont la lisibilité est réduite, plusieurs dispositions se contredisant d'un article à l'autre. Il considère que, compte tenu de l'insertion de dispositions relatives à la compensation des transferts de compétences dans la Constitution, il aurait été logique de rendre leur cohérence aux articles du code général des collectivités territoriales sur ce sujet.

Toutefois, ces dispositions n'ont pas empêché les transferts de charges vers les collectivités territoriales ou les modifications de normes dont les conséquences financières ne sont pas compensées par l'Etat. On rappellera à cet égard l'exemple de la mise en oeuvre de l'allocation personnalisée d'autonomie, dont le coût avait été considérablement sous-estimé par le précédent gouvernement, et qui pèse aujourd'hui de manière importante sur le budget des départements.

Par ailleurs, les dispositions du code général des collectivités territoriales n'ont pas empêché que les compensations versées par l'Etat soient insuffisantes pour permettre d'exercer dans des conditions normales les compétences transférées. A cet égard, l'exemple du transfert aux régions de compétences en matière ferroviaire, réalisé par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 est particulièrement parlant :

- d'une part, la compensation versée aux régions en contrepartie de ce transfert n'a pas tenu compte des investissements que celles-ci ont du prendre à leur charge. Le Sénat avait d'ailleurs relevé qu'en ne prenant en compte que les déficits courants d'exploitation constatés en 2000 et la dotation nécessaire au renouvellement du matériel roulant, la compensation envisagée faisait « l'impasse » sur un certain nombre de charges, notamment la nécessité de moderniser les gares régionales et le « manque à gagner » résultant des tarifs sociaux décidés et mis en oeuvre par l'Etat ;

- d'autre part, ce transfert n'a pas été compensé par la fiscalité, mais par une majoration de la dotation générale de décentralisation (DGD), qui devait, à l'origine, ne constituer qu'un solde.

Ce constat s'explique aisément, car, s'agissant par exemple de ce transfert de compétence, la commission consultative sur l'évaluation des charges (CCEC) ne s'est pas prononcée avant l'inscription des crédits correspondants en loi de finances pour 2001, mais seulement ultérieurement, pour apprécier la répartition de ces crédits entre les régions.

Or, il est essentiel que cette commission puisse se prononcer sur le montant des compensations inscrit dans les projets de loi de finances , et non sur leur seule répartition entre les collectivités concernées.

Votre rapporteur pour avis considère qu'un élargissement du rôle de la commission consultative sur l'évaluation des charges est indispensable pour garantir la « loyauté » à laquelle s'engage le gouvernement pour compenser les transferts de compétence. Il relève donc avec grand intérêt les signes positifs donnés par le gouvernement sur ce point et rappelle les propos tenus par M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales, lors de la réunion du comité des finances locales du 8 juillet dernier, reproduits dans l'encadré ci-après :

Les modalités de compensation des transferts de compétences selon le gouvernement (extraits du compte rendu du comité des finances locales du 8 juillet dernier)

« A côté des modalités de financement des transferts de compétences ( ...) se pose la question très importante de l'évaluation du coût du transfert lui-même.

« Je sais que cette matière donne souvent lieu à contestation. Les textes de 1982 eux-mêmes ne sont pas toujours très précis. On y parle tantôt de dépenses effectuées ou supportées, de crédits ouverts ou inscrits .

« La Constitution nous donne aujourd'hui un cadre de référence clair.
Nous avons en effet voulu affirmer un principe d'honnêteté selon lequel l'État devra transférer aux collectivités locales toutes les ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à l'exercice des compétences. (...)

« Avec Alain Lambert, il y a néanmoins une règle que nous souhaitons respecter. C'est le principe de neutralité budgétaire, tant pour l'État que les collectivités locales.

« Il n'est pas possible qu'à l'occasion de la décentralisation, l'État transfère plus qu'il ne dépensait, même si ce qu'il dépensait peut sembler insuffisant. Nos concitoyens ne comprendraient pas que la décentralisation, qui doit être l'occasion d'une meilleure gestion par les élus locaux, commence par entraîner une dépense plus importante pour le budget de l'État.

« Si l'on décentralise, c'est que nous avons la conviction que les collectivités locales feront mieux et à moindre coût que l'État. Si c'est pour faire pareil, toute notre démarche n'a plus aucun sens .

« Ceci dit, je suis parfaitement conscient qu'il est nécessaire à présent de discuter avec vous et avec les associations d'élus des différentes modalités de calcul envisageables. ( ...)

« Je pense néanmoins qu'il faudra retenir à une méthode homogène car une gestion "à la carte" de ces modalités d'évaluation serait inapplicable. La loi prévoit par ailleurs l'intervention d'une commission spécialisée, composée exclusivement d'élus : la commission consultative sur l'évaluation des charges. Un certain nombre d'entre vous en sont d'ailleurs membres.

« Cette commission a fait ses preuves, que ce soit lors de la première phase de la décentralisation des années 1980 ou encore, plus récemment, lors de la création de la CMU ou de la généralisation de la compétence sur les TER par exemple. Néanmoins, la CCEC a besoin d'un nouveau souffle, car le travail qui l'attend aujourd'hui est d'une toute autre ampleur que celui qu'elle a été amenée à réaliser ces dernières années. J'ai même constaté que certains élus m'en parlaient sans savoir qu'ils en étaient membres !

« A cet égard, le code général des collectivités locales lui donne aujourd'hui uniquement une compétence en aval, pour donner un avis sur le projet d'arrêté interministériel qui arrête le montant de la compensation versée aux collectivités locales et qui intervient en règle générale un an ou dix huit mois après le transfert. Je pense que ce n'est pas suffisant et qu'il faut modifier les textes pour donner à cette commission une compétence en amont, afin qu'elle puisse également se prononcer sur les modalités d'évaluation du coût de ces transferts. Il suffit simplement pour cela de modifier un décret ».

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