CHAPITRE PREMIER -

LA RÉGIONALISATION FERROVIAIRE

Le transfert de compétences en matière de transports collectifs d'intérêt régional est intervenu le 1 er janvier 2002 conformément aux dispositions de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU).

Cette compétence ferroviaire est venue s'ajouter aux responsabilités que détiennent déjà les régions en matière d'organisation et de financement des services routiers réguliers non urbains régionaux.

Les régions sont, donc, devenues autorités organisatrices des services ferroviaires régionaux, la SNCF n'étant plus que l'exploitant.

RFF, en tant que gestionnaire d'infrastructure et maître d'ouvrage, est en relation avec les régions pour les dossiers d'infrastructures dans lesquels ces dernières interviennent financièrement. RFF attribue, par ailleurs, les capacités d'infrastructure à l'exploitant ferroviaire en fonction des demandes de celui-ci.

Les régions ont la possibilité de faire évoluer l'offre en fonction des besoins des populations, en liaison avec les autres autorités organisatrices dans leur domaine de compétence respectif. Elles peuvent également mettre en place une politique tarifaire spécifique en direction de certaines catégories de clients ou pour certains événements dont elles assurent le financement.

Elles ont passé une convention avec la SNCF à qui elles versent une contribution financière au titre de l'exploitation de ces services et de la perte de recettes induite par la mise en oeuvre des tarifs sociaux nationaux et de leur tarification spécifique régionale.

Cette contribution s'est élevée à 1,217 milliard d'euros en 2002 et devrait atteindre 1,244 milliard d'euros en 2003.

La SNCF s'est engagée sur la base d'un forfait de charges évoluant suivant une formule d'indexation choisie par les deux partenaires alors qu'elle facture « au réel » les charges indépendantes d'elle.

Pour 2003, les charges forfaitisées devraient représenter plus de 1,720 milliard d'euros.

Les conventions comportent aussi des dispositions en matière d'évolution des services, de coordination entre les services « Grandes lignes » et TER, d'utilisation des biens affectés à l'exploitation, d'information de la région et de concertation entre les différents partenaires.

En compensation, l'Etat a versé, en 2002, aux vingt régions concernées, près de 1,518 milliard d'euros au titre de la décentralisation des services ferroviaires régionaux de voyageurs :

- 1,129 milliard d'euros au titre de la contribution pour l'exploitation des services transférés permettant au compte de l'activité TER de la SNCF d'être équilibré l'année du transfert d'exploitation ;

- 179,7 millions d'euros correspondant aux pertes de recettes induites par les tarifs sociaux mis en place à la demande de l'Etat ;

- 208,7 millions d'euros pour aider au renouvellement du parc de matériel roulant affecté aux services transférés.

On sait que ce montant est indexé, chaque année, sur le taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Ainsi, la compensation financière, intégrée dans la dotation générale de décentralisation versée aux régions, progressera, en 2003, de 2,29 %.

S'agissant des investissements , la loi SRU a prévu que la dotation au titre des transports régionaux comporterait une part destinée à aider les régions pour le renouvellement du matériel roulant.

Le budget initial des régions pour 2002 prévoyait des dépenses d'investissement liées à la régionalisation de l'ordre de 460 millions d'euros. De nombreuses conventions ont été signées avec la SNCF pour le financement de matériel neuf tel que les « AGC » (autorail à grande capacité, dans les versions thermiques, électriques, ou mixtes), les TER « 2N nouvelle génération » ou la fin des commandes d'autorail « 73500 ».

Les montants, actuellement investis par les régions au titre du matériel roulant jusqu'en 2008, s'établissent à 3,7 milliards d'euros pour le matériel neuf, et à 0,2 milliard d'euros pour la modernisation du matériel existant.

Notons que les conventions pluriannuelles signées entre l'Etat et les régions font généralement appel à un co-financement par l'Etat, la région et la SNCF.

Lors de ses séances des 14 et 15 octobre 2003, le Conseil économique et social a approuvé un Avis, présenté par M. Jacques Chauvineau au nom de la section des économies régionales et de l'aménagement du territoire, qui dresse un « premier bilan de la régionalisation ferroviaire ».

Huit principales conclusions ont été énoncées :

1) Les évolutions d'offre doivent être ciblées sur les pratiques nouvelles de mobilité

L'évolution sur la période 1997-2002 est retracée par le tableau ci-après.

EVOLUTION SUR LA PÉRIODE 1997-2002

 


1997

% de croissance 1997/2002

Ratio
Croissance trafic/ Croissance d'offre

Contribution de l'Etat au voyageur-km en euro

Nombre de voyageurs par train

Alsace

 
 
 
 
 

Offre en milliers de trains-km

5 364

42,2

 
 
 

Trafic en milliers de voyageurs-km

368 541

33,1

0,78

0,17

69

Recettes en milliers d'euros

20 763

38,4

 
 
 

Aquitaine

6 085

8,8

 
 
 
 

336 813

11,7

1,33

0,20

43

 

21 168

21,1

 
 
 

Auvergne

5 043

16,2

 
 
 
 

226 774

- 3,7

- 0,23

0,29

32

 

14 089

5,6

 
 
 

Basse-Normandie

2 061

33,5

 
 
 
 

122 283

3,7

0,11

0,24

47

 

7 977

12,8

 
 
 

Bourgogne

5 690

42,8

 
 
 
 

285 296

92,2

2,15

0,14

39

 

18 360

104,8

 
 
 

Bretagne

4 256

29,0

 
 
 
 

239 984

24,7

0,93

0,18

46

 

14 068

37,0

 
 
 

Centre

6 287

62,8

 
 
 
 

552 541

32,1

0,51

0,11

72

 

32 052

47,7

 
 
 

Champagne-Ardenne

3 887

7,7

 
 
 
 

211 403

- 13,3

- 1,73

0,27

43

 

11 711

3,2

 
 
 

Franche-Comté

3 240

23,1

 
 
 
 

145 041

6,0

0,26

0,29

34

 

8 687

20,2

 
 
 

Haute-Normandie

2 372

12,0

 
 
 
 

144 432

12,2

1,02

0,21

50

 

9 993

8,8

 
 
 

Languedoc-Roussillon

4 353

14,2

 
 
 
 

235 554

32,7

2,30

0,22

43

 

15 107

48,9

 
 
 

Limousin

3 244

3,2

 
 
 
 

95 275

- 13,5

- 4,22

0,56

21

 

5 968

- 2,4

 
 
 

Lorraine

6 415

11,1

 
 
 
 

359 829

9,1

0,81

0,22

41

 

20 444

4,9

 
 
 

Midi-Pyrénées

6 155

8,6

 
 
 
 

359 657

15,1

1,76

0,17

36

 

22 580

28,8

 
 
 

Nord-Pas-de-Calais

9 112

12,2

 
 
 
 

844 168

- 1,3

- 0,11

0,13

91

 

43 709

7,3

 
 
 
 

1997

% de croissance 1997/2002

Ratio
Croissance trafic/ Croissance d'offre

Contribution de l'Etat au voyageur-km en euro

Nombre de voyageurs par train

Pays de la Loire

 
 
 
 
 

Offre en milliers de trains-km

4 845

36,8

 
 
 

Trafic en milliers de voyageurs-km

324 116

33,4

0,91

0,15

50

Recettes en milliers d'euros

19 292

39,7

 
 
 

Picardie

6 608

15,7

 
 
 
 

627 914

9,3

0,33

0,14

85

 

34 382

20,2

 
 
 

Poitou-Charentes

2 069

1,0

 
 
 
 

96 025

3,8

3,80

0,29

35

 

5 830

12,8

 
 
 

Provence-Alpes-Côte d'Azur

6 765

36,4

 
 
 
 

516 218

44,4

1,22

0,15

70

 

34 105

60,5

 
 
 

Rhône-Alpes

16 890

33,0

 
 
 
 

1 186

30,8

0,93

0,16

56

 

884

39,9

 
 
 
 

73 337

 
 
 
 

Total

110 741

24,6

 
 
 
 

7 278

21,4

0,65

0,17

66

 

748

32,8

 
 
 
 

433 622

 
 
 
 

Source : Mission de contrôle économique et financier de la SNCF et Direction du transport public et local de la SNCF.

De 1997 à 2002, l'offre ferroviaire TER globale a progressé de 24,6 % (32,8 % pour les régions expérimentatrices et 16,8 % pour les autres) et l'offre TER routière de 12 % pour l'ensemble des régions. Durant la même période, les recettes ont augmenté de 32,8 % (36,6 % pour les régions expérimentatrices et 28,6 % pour les autres) et le trafic de 21,4 % (25,1 % pour les régions expérimentatrices et 17,2 % pour les autres).

Mais le taux apparemment élevé de création d'offre de la région Bourgogne est, en réalité, l'effet d'un changement de périmètre. Quant au taux, lui aussi élevé, des régions Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) et Languedoc-Roussillon, il est la conséquence de réaménagements liés à la mise en service du TGV.

Sept régions ont vu leur trafic augmenter plus fortement que l'offre. Mais les créations de dessertes ont d'autant plus d'effet sur la fréquentation qu'elles partent d'une situation de moindre densité d'offre. A l'inverse, on note la quasi-stagnation du trafic de la région Nord-Pas-de-Calais qui s'explique notamment par le haut niveau existant d'offre et d'utilisation des TER.

Le coefficient moyen de « réponse du marché » (rapport entre le pourcentage de croissance du trafic et le pourcentage de croissance de l'offre) est de 0,65. Il passe de 3,80 en région Poitou-Charentes et 2,30 en région Languedoc-Roussillon à - 4,22 en région Limousin.

Les créations d'offre ferroviaire n'ont donc pas automatiquement généré de croissance de trafic.

Leur efficacité dépend d'autres facteurs tels que l'intermodalité autour de cette offre et les services nouveaux.

Est soulignée la nécessité pour les régions de « trouver un équilibre entre une approche extensive du développement fondée sur des créations d'offre et une approche intensive fondée sur un accroissement de l'utilisation des dessertes existantes ».

2) Le développement de l'intermodalité et les innovations dans les services offerts sont indispensables pour valoriser les créations d'offre

A cet égard, le Conseil économique et social regrette que la régionalisation confère à la région une compétence à dominante monomodale alors que l'avenir du transport public est dans l'intermodalité : les régions, souligne-t-il, n'ont guère d'action sur le transport routier interurbain pour l'essentiel sous compétence départementale.

Il relève que les grandes villes et les régions semblent avoir quelques difficultés à entrer dans une logique d'intermodalité entre les transports urbains et les TER . Dans quelques cas pourtant, régions et autorités urbaines ont créé des points d'arrêt périurbains, offrant de nouvelles possibilités de continuité entre transports régionaux et urbains.

3) Troisième constat : L'innovation dans le service pose la question de la coopération des régions avec les autres autorités organisatrices et des régions entre elles

Les innovations tarifaires viennent largement en tête des initiatives régionales : abonnements TER et urbain, tarifications destinées à certaines clientèles (jeunes, étudiants, demandeurs d'emplois...) extension du périmètre des tarifs actuels et en particulier extension au-delà de 75 km de l'abonnement hebdomadaire de travail.

Seule la région Rhône-Alpes envisagerait, pour l'heure, une refonte tarifaire d'ensemble dans le cadre d'un projet « fédérant » l'ensemble des autorités organisatrices. Cette tarification fusionnerait les tarifications régionales et urbaines dans un système de zones, transposant, avec les techniques actuelles, la démarche qui avait été celle de la carte orange en Ile-de-France.

4) L'arrivée du matériel TER moderne souligne les déficits de qualité existants

Les régions ont fait un effort important de modernisation du parc de matériel. A l'horizon 2007, le tiers du parc sera nouveau et un autre tiers aura été modernisé.

Cette amélioration entraîne dans le public une nouvelle attente de qualité et rend moins acceptable la vétusté des omnibus, ou encore la fraude répétitive qui crée de l'insécurité à bord des trains, tant pour le public que pour le personnel d'accompagnement, sans compter qu'elle fausse l'évaluation de la fréquentation. La perte de recette pour la SNCF est évaluée, à cet égard, à plus de 30 millions d'euros, désormais supportée, pour l'essentiel, par les régions.

5) Les logiques différentes entre TER et Grandes Lignes appellent de nouvelles synergies

En effet, toute modification d'un des deux périmètres, TER ou Grandes Lignes, a généralement des conséquences sur l'autre.

Cette situation met en évidence, au sein du réseau ferroviaire, une zone intermédiaire constituée d'un ensemble de services interrégionaux, de jour mais aussi de nuit, importants pour les besoins locaux, échappant à la compétence des régions et qui, par ailleurs, sont mal pris en compte par l'organisation de la SNCF.

6) Si le Conseil économique et social relève que la régionalisation stimule la vie démocratique régionale avec les « comités de ligne », il souligne, en septième lieu, 7) que l'efficacité de la gestion régionale des ressources publiques conditionne la réussite de la régionalisation .

L'équilibre économique des TER nécessite des contributions publiques élevées et implique, par conséquent, une gestion rigoureuse.

Le montant annuel des charges en 2002 atteignait, rappelons-le, 2,040 milliards d'euros, couvertes par 633 millions d'euros de recettes directes des utilisateurs, 1,227 milliard d'euros de contribution des régions et 180 millions d'euros de contribution transférés par l'Etat aux régions au titre des tarifs sociaux.

La collectivité publique finance encore le renouvellement du matériel roulant et une part essentielle de la modernisation des gares.

8) Enfin, le Conseil économique et social remarque, avec regret, que la régionalisation reste disjointe de la politique d'infrastructures et des orientations européennes .

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