II. LA SITUATION DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE
A. L'ÉVOLUTION DE LA POPULATION CARCÉRALE
1. Un nombre de détenus sans précédent
Au
1
er
janvier 2003, 55.407 personnes étaient
détenues en France, contre 48.594 au 1
er
janvier 2002,
ce qui représente une augmentation de 14 % de la population
pénale.
De puis le début de l'année, le nombre de détenus a
continué à augmenter pour atteindre 60.963 au
1
er
juillet. S'il a diminué à la suite notamment
du décret de grâce du 14 juillet, il a ensuite
augmenté à nouveau pour s'établir à 58.661 au
1
er
novembre.
L'augmentation de la population carcérale
constatée
entre le 1
er
janvier 2002 et le 1
er
janvier
2003 n'a pas touché uniformément la population
détenue :
le nombre de prévenus, qui baissait
régulièrement depuis 1996, a augmenté de 29 % tandis
que le nombre de condamnés augmentaient de 6,4 %
.
Au cours de l'année 2002, le nombre des entrées en
détention a augmenté de 21 %, passant de 67.308 en 2001
à 81.533 en 2002. Dans le même temps, la durée moyenne de
détention a diminué pour la première fois, passant de
8,6 mois en 2001 à 7,7 mois en 2002.
La structure par quantum de peine de la population carcérale s'est
modifiée entre le 1
er
janvier 2002 et le
1
er
janvier 2003. Si le nombre de condamnés à une
peine supérieure à cinq ans d'emprisonnement est resté
stable, le nombre de condamnés à une peine inférieure
à cinq ans a augmenté de 11 %. Au
1
er
janvier 2003, 29 % des condamnés
exécutaient une peine d'une durée inférieure à un
an d'emprisonnement, 33 % une peine comprise entre un an et cinq ans
d'emprisonnement et 38 % une peine d'une durée supérieure
à cinq ans d'emprisonnement.
En ce qui concerne la répartition par catégories
d'infractions, les viols et les agressions sexuelles sont désormais la
première cause d'incarcération des condamnés (24 %)
avant les infractions à la législation sur les stupéfiants
(12 %) et les vols qualifiés (10 %).
2. Des taux d'occupation préoccupants
L'augmentation de la population carcérale a pour
conséquence une augmentation du taux d'occupation des
établissements pénitentiaires.
Au 1
er
janvier
2003, le rapport entre le nombre de détenus et le nombre de places
opérationnelles était de 115,5 % contre 101,2 % au
1
er
janvier 2002
. Ce taux d'occupation recouvrait cependant
des réalités différentes, puisqu'il atteignait 131 %
dans les maisons d'arrêt, 88 % dans les centres de détention
et 92 % dans les maisons centrales
1(
*
)
.
Au 1
er
juillet 2003,
23 maisons d'arrêt
connaissaient un taux d'occupation supérieur à
200 %
: Le Mans (306,7 %), Lyon Montluc (266,7 %),
Béziers (260,4 %), Orléans (259 %), Lyon Saint-Paul
(254,9 %), Majocavo (252,3 %), Loos-lès-Lille (244,8 %),
La Roche-sur-Yon (235,1 %), Toulon (229,3 %), Albi (224,6 %),
Tulle (224,4 %), Carcassonne (223,4 %), Bayonne (223 %), Limoges
(222,4 %), Faa'a Nutania (222,2 %), Laval (220 %), Tarbes
(220 %), Foix (215,9 %), Fontenay-le-Comte (215,2 %),
Le Puy (202,9 %), Grenoble (201,4 %), Amiens (201 %), Nice
(200,6 %).
Comme le soulignait déjà votre rapporteur pour avis
l'année dernière, la surpopulation carcérale pose de
multiples difficultés. Elle rend plus difficile le maintien d'un haut
niveau de sécurité dans les établissements. Elle contribue
à la survenance d'auto-agressions (automutilations, suicides...) ou
d'agressions à l'encontre des personnels. Elle peut également
entraîner le non-respect de certaines dispositions du code de
procédure pénale, notamment en ce qui concerne la
séparation des prévenus et des condamnés. Enfin, elle rend
largement théorique l'exercice de la mission de réinsertion
confiée à l'administration pénitentiaire.
B. VERS UNE RÉFORME EN PROFONDEUR DE L'APPLICATION DES PEINES
Alors que le nombre d'aménagements de peines connaît une diminution préoccupante, le Gouvernement, conformément à la loi d'orientation et de programmation pour la justice, a décidé d'accélérer la mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique. Le projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité prévoit par ailleurs une réforme en profondeur des règles de l'application des peines.
1. Une inquiétante diminution des mesures d'aménagement de peines
L'année 2002 a été marquée par une
diminution du nombre de mesures d'aménagement de peines
accordées :
- 94.223 réductions de peine ont été
accordées, soit une hausse de 8,6 % par rapport à 2001, qui
s'explique par l'augmentation de la population carcérale. Plus des trois
quarts ont été accordées à des détenus ayant
donné des preuves suffisantes de bonne conduite (article 721 du
code de procédure pénale), 21 % à des détenus
ayant manifesté des efforts sérieux de réadaptation
sociale (article 721-1 du code de procédure pénale) ;
- 2.250 ordonnances de placement à l'extérieur ont
été prononcées par les juges de l'application des peines,
soit une baisse de 5 % ;
- le nombre de libérations conditionnelles a diminué de
14,2 % (4.876 en 2002 contre 5.680 en 2001) ;
- le nombre de mesures de semi-liberté est resté stable
(6.524 en 2002 contre 6.481 en 2001) ;
- enfin, le nombre de permissions de sortir s'est établi à
31.777, soit une baisse de 4 %.
2. Une accélération du développement du placement sous surveillance électronique
Le
placement sous surveillance électronique a été
consacré comme modalité d'exécution des peines privatives
de liberté par la loi n° 97-1159 du
19 décembre 1997.
Il est expérimenté depuis octobre 2000 sur quatre sites
pénitentiaires qui ont installé chacun un centre de surveillance
électronique : les maisons d'arrêt d'Agen, Aix-Luynes et
Loos-lès-Lille ainsi que le centre de semi-liberté de Grenoble.
Ces quatre premiers centres ont étendu depuis leurs compétences
techniques à des juridictions de proximité.
Depuis le début de l'année 2002, l'expérience est
étendue à de nouveaux sites pénitentiaires qui disposent
également chacun d'un centre de surveillance électronique :
les maisons d'arrêt d'Angers, Béziers, Colmar, Dijon et Osny.
Au 16 juillet
2003, le bilan de l'expérimentation est le
suivant :
- 922 mesures ont été prononcées ;
- 668 sont terminées et 254 sont en cours ou suspendues ;
- 51 ont été retirées, dont 6 pour évasion.
La loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre
2002 a prévu la généralisation du placement sous
surveillance électronique, afin de permettre, à
échéance de cinq ans, le placement simultané sous
surveillance électronique de
3.000 personnes
.
Le 31 décembre 2003, 760 bracelets électroniques
devraient être disponibles. De nouveaux centres de surveillance autonomes
sont en cours d'installation dans les maisons d'arrêt de Paris-La
Santé, Lyon-Montluc et Orléans, ainsi qu'au centre
pénitentiaire de Ducos (Martinique).
La direction de l'administration pénitentiaire doit lancer
prochainement un appel d'offres visant à confier à des
prestataires privés, dès l'année 2004, l'exploitation
technique des dispositifs de surveillance électronique au niveau
national
. Le dispositif s'appuiera, au plan technique, sur une architecture
centralisée, moins coûteuse et plus rapide à mettre en
place (le dispositif expérimental actuel repose sur des centres de
surveillance autonomes installés dans les établissements
pénitentiaires pilotes).
Le Gouvernement prévoit
l'exploitation de 1.500 bracelets électroniques à la fin de
2004
.
3. La mise en chantier d'une importante réforme de l'application des peines
La loi d'orientation et de programmation pour la justice a prévu l'engagement d'une réflexion sur les dispositifs d'individualisation des peines en cours d'exécution . Dès après le vote de cette loi, le garde des Sceaux a confié à M. Jean-Luc Warsmann, député, une mission sur les peines alternatives à la détention, les modalités d'exécution des courtes peines, la préparation des détenus à la sortie de prison. M. Jean-Luc Warsmann a remis son rapport au ministre de la justice en avril dernier.
Le rapport de M. Jean-Luc Warsmann sur « Les peines alternatives à la détention, les modalités d'exécution des courtes peines, la préparation des détenus à la sortie de prison »
Le
rapport élaboré par M. Jean-Luc Warsmann à la demande
du garde des Sceaux, contient de nombreuses propositions relatives à
l'exécution et à l'application des peines, organisées en
trois axes :
•
Exécuter en temps réel les décisions de
justice
: partant du constat que le fonctionnement actuel de la
justice pénale se caractérise notamment par des délais
d'exécution des décisions inacceptables, qui ôtent
l'essentiel de leur utilité aux peines alternatives et aux courtes
peines d'emprisonnement, le rapport préconise notamment :
- l'informatisation de l'audience pour permettre l'exécution des
sanctions pénales en temps réel ; ainsi, pour les amendes,
le titre devrait être remis immédiatement au
condamné ; pour une courte peine d'emprisonnement, un rendez-vous
devrait être donné sur le champ devant le juge de l'application
des peines pour qu'il puisse statuer sur les conditions d'exécution de
la peine ;
- la transmission des informations au casier judiciaire national en temps
réel ;
- un plan d'urgence pour la justice, afin de permettre aux tribunaux de
résorber leur retard et de mettre en place des règles
d'exécution en temps réel des décisions de justice
à compter du 1
er
janvier 2005.
•
Redonner de la réalité aux sanctions non
privatives de liberté
:
- accroître l'efficacité des sanctions matérielles,
notamment en développant la consignation présentencielle et en
simplifiant la peine de jours-amende ;
- lancer un programme national de relance du travail
d'intérêt général (TIG), notamment en lançant
l'exécution du TIG dès l'audience, en facilitant la sanction
d'une non-exécution d'un TIG, en réduisant le délai
d'exécution du TIG à douze mois contre dix-huit aujourd'hui, en
permettant au juge de l'application des peines de convertir un TIG en
jours-amende ou en amende, enfin en lançant un programme national de
relance du TIG ;
- donner de la consistance aux mesures de sursis avec mise à
l'épreuve et à l'ajournement avec mise à l'épreuve,
notamment en simplifiant et en rendant effective la sanction du non-respect des
obligations du sursis avec mise à l'épreuve ;
•
Exécuter les peines d'emprisonnement en limitant les
sorties sèches
:
- exécuter réellement les courtes peines d'emprisonnement,
en favorisant le prononcé d'aménagements de peines par la
juridiction de jugement, en améliorant la procédure permettant au
juge de l'application des peines d'aménager les courtes peines
d'emprisonnement, en augmentant et en diversifiant les modalités
d'exécution (semi-liberté, placement sous surveillance
électronique, placements extérieurs) ;
- encadrer les sorties de prison pour mieux lutter contre la
récidive, en simplifiant les réductions de peine ordinaires par
la mise en place d'un crédit de peine, en permettant au directeur de
l'établissement pénitentiaire de prendre lui-même des
décisions d'octroi de permis de sortie, en préparant la sortie
dès l'entrée en détention ;
- construire un service d'insertion et de probation rénové,
notamment en clarifiant la mission des conseillers d'insertion et de probation,
en renforçant le corps des conseillers d'insertion et de probation, en
créant la fonction d'agent de probation.
Lors de l'examen du projet de loi portant adaptation de la justice aux
évolutions de la criminalité, M. Jean-Luc Warsmann,
rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale sur ce
projet de loi, a présenté de nombreux amendements destinés
à mettre en oeuvre les évolutions proposées dans son
rapport sur l'application des peines.
Le projet de loi pourrait être adopté au début de
l'année 2004. Celle-ci devrait donc être marquée par une
nouvelle réforme profonde des règles relatives à
l'application des peines, quatre ans après l'adoption de la loi
renforçant la protection de la présomption d'innocence et les
droits des victimes, qui a juridictionnalisé les décisions les
plus importantes prises en matière d'application des peines.
C. UN PREMIER BILAN DES SUSPENSIONS DE PEINES POUR RAISONS MÉDICALES GRAVES
La loi
du 4 mars 2002 relative aux droits des malades a inséré,
à l'initiative du Sénat, un article 720-1-1 dans le code de
procédure pénale pour permettre au juge de l'application des
peines d'ordonner une
suspension de peine à l'égard des
détenus dont le pronostic vital est engagé ou dont l'état
est incompatible avec le maintien en détention
.
Cette proposition était issue des travaux de la commission
d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les
établissements pénitentiaires
2(
*
)
. Celle-ci avait en effet
constaté que «
les prisons françaises tendent (...)
à devenir des mouroirs, seule la grâce médicale permettant
la libération de détenus en fin de vie. Or, ces grâces
médicales ne sont accordées que parcimonieusement et après
de longs délais
. »
Depuis l'adoption de la loi, le Gouvernement a pris des mesures pour faire
connaître cette disposition aux personnes susceptibles d'en
bénéficier.
Le 28 octobre 2002, une circulaire présentant la suspension de
peine pour raisons médicales a été adressée
à l'ensemble des chefs d'établissements pénitentiaires.
Le 24 juillet 2003, une circulaire relative au rôle des
médecins intervenant auprès des personnes détenues dans le
cadre de la procédure de suspension de peine pour raisons
médicales a été diffusée par le ministre de la
santé et le ministre de la justice. Cette circulaire avait notamment
pour objectif d'envisager les situations -apparemment fréquentes- dans
lesquelles des détenus dont le pronostic vital est engagé ne
demandent pas spontanément à bénéficier de la
mesure de suspension de peine. La circulaire distingue en conséquence
trois cas de figure.
Extrait de la circulaire sur le rôle des médecins dans la mise en oeuvre de la procédure de suspension de peines pour raisons médicales
« - lorsque la personne détenue
manifeste la
volonté d'engager la procédure.
« D'une manière générale, le médecin
informe la personne détenue de la gravité de son état de
santé en veillant ce que le soutien et l'accompagnement psychologique
nécessaires lui soient apportés. Il lui fait connaître avec
les précautions d'usage qu'elle est susceptible de
bénéficier d'une mesure d'aménagement de peine et lui
remet un certificat médical descriptif de son état de
santé, afin qu'elle puisse faire valoir sa situation (...)
« Afin d'introduire la procédure, la personne
condamnée transmet ce certificat au juge de l'application des peines ou
au service pénitentiaire d'insertion et de probation ou à son
avocat ou à sa famille ou encore, au directeur de l'établissement
pénitentiaire afin de constituer son dossier d'aménagement de
peine.
« - lorsque la personne détenue refuse d'engager la
procédure.
« Dans le cas où la personne détenue, bien que
consciente de son état de santé, refuse de s'engager dans la
procédure de demande de suspension pour raison médicale, le
médecin lui remet néanmoins un certificat médical dans les
mêmes conditions que précédemment. Dans ce cas
également, un soutien psychologique et un accompagnement doivent lui
être proposés.
« En outre, après en avoir informé la personne
condamnée, il avise par écrit le chef de l'établissement
pénitentiaire qu'il estime que l'état de santé de cette
personne «
n'est pas compatible avec son maintien en
détention
», conformément aux dispositions de
l'article D. 382 du code de procédure pénale.
« - lorsque la personne détenue est hors d'état
d'exprimer sa volonté.
« Dans le cas où le patient est en incapacité de
s'engager dans la procédure de demande de suspension de peine pour
raison médicale ou de comprendre la gravité de son état de
santé, le médecin remet le certificat descriptif, ne comportant
pas d'éléments diagnostics, à la personne susceptible
d'intervenir au mieux, dans l'intérêt du malade.
Conformément aux dispositions introduites par la loi du 4 mars 2002
sus-mentionnée (article L. 1110-4 alinéa 6), il
s'agit de «
la famille, les proches de la personne malade ou la
personne de confiance définie à l'article L. 111-6
(qui) reçoivent les informations nécessaires destinées
à leur permettre d'apporter un soutien direct à celle-ci sauf
opposition de sa part
».
« Il avise, en outre, par écrit, le chef
d'établissement pénitentiaire qu'il estime que l'état de
santé de la personne condamnée «
n'est pas
compatible avec son maintien en détention
».
« Dans tous les cas lorsqu'il l'estime nécessaire, le
médecin avise l'autorité judiciaire de l'urgence de la situation
afin que celle-ci prenne toutes les mesures utiles pour accélérer
la procédure. »
En 2002, 20 mesures de suspension de peine ont été
prononcées à l'égard de condamnés à des
peines comprises entre trois mois d'emprisonnement et la réclusion
criminelle à perpétuité.
En 2003, 38 mesures de suspension de peine ont été
prononcées à l'égard de détenus condamnés
à des peines comprises entre douze mois d'emprisonnement et la
réclusion criminelle à perpétuité.
D'après les informations recueillies par votre rapporteur pour avis lors
de sa visite à l'établissement public national de santé de
Fresnes, la mesure de suspension de peine se heurte parfois à l'absence
de tout lien familial des détenus concernés et à la
difficulté de trouver une place pour ces personnes dans des centres de
soins palliatifs ou de long séjour. Il a ainsi pu arriver que des
personnes dont la peine avait été suspendue terminent leur vie au
service des urgences de l'hôpital de proximité.
Il conviendrait que les ministères de la justice, des affaires sociales
et de la Santé se concertent pour faciliter l'application d'une
réforme qui a constitué un progrès incontestable.
D. L'OUVERTURE DE LA PREMIÈRE UNITÉ DE VISITE FAMILIALE
L'année qui s'achève a vu l'ouverture de la
première
unité expérimentale de visite familiale
(UEVF) implantée au sein d'un établissement pénitentiaire.
Le projet d'installation d'unités de visites familiales au sein des
prisons est ancien :
- en 1985, la commission Architecture-Prison, présidée par
Mme Ezratty, a préconisé la réalisation de studios
dans l'enceinte pénitentiaire permettant aux détenus d'y recevoir
leur famille hors la surveillance du personnel pénitentiaire ;
- en 1989, un rapport de M. Gilbert Bonnemaison envisageait le
maintien, dans les établissements de longues peines, des relations
affectives et sexuelles des détenus ;
- en 1995, un groupe de travail s'est prononcé en faveur de la mise
en place dans les établissements pénitentiaires de
«
lieux privatifs permettant à la famille, dont l'un des
membres est détenu, de vivre intra-muros pendant un certain temps toutes
les dimensions de la vie familiale, de la préparation de ses repas
à un sommeil partagé en passant par des rapport
amoureux
».
Il a fallu huit ans pour que ce dernier rapport conduise à la
réalisation de trois unités expérimentales de visites
familiales au centre pénitentiaire de Rennes et dans les maisons
centrales de Poissy et de Saint-Martin-de-Ré. L'unité du centre
pénitentiaire de Rennes est entrée en fonctionnement en septembre
dernier. Les deux autres devraient être mises en fonctionnement au
premier semestre 2004.
Le centre pénitentiaire de Rennes, qui accueille exclusivement des
femmes, dispose de trois appartements de type F3 entièrement
meublés, qui sont mis à la disposition des détenues qui en
font la demande et qui ne bénéficient pas de permissions de
sortir pour leur permettre de recevoir leur famille.
Si les visites s'effectuent sans surveillance directe ni caméra, un
règlement intérieur en détermine le fonctionnement. Ainsi,
au centre pénitentiaire de Rennes, la personne détenue ne peut
accueillir plus de quatre personnes au sein de l'unité de vie familiale.
Les visites dans les unités de visites familiales sont autorisées
une fois par trimestre. Elles peuvent durer de six heures à
quarante-huit heures. Une fois par an, la durée pourra être
portée à soixante-douze heures.
Pour assurer la sécurité des personnes siégeant dans les
unités de visites familiales, des rondes extérieures sont
effectuées par les personnels, qui peuvent également exercer des
contrôles dans les unités après en avoir prévenu les
occupants. En cas de problème ou d'incident, les familles peuvent
alerter les agents par l'intermédiaire d'un interphone. L'effraction des
portes ou fenêtres déclenche une alarme. Enfin, les mineurs ne
peuvent rester dans l'unité de vie sans la présence d'un adulte
autre que la personne détenue.
Les agents de l'administration pénitentiaire appelés à
travailler dans les UEVF recevront une formation d'adaptation pour exercer
leurs fonctions. Le terme de l'expérimentation est fixé à
dix-huit mois.
E. LES PERSONNELS
En 2002,
l'effectif budgétaire de l'administration pénitentiaire est de
28.804 agents répartis de la manière suivante :
- 22.435 personnels de surveillance ;
- 2.565 personnels administratifs ;
- 22.473 personnels socio-éducatifs ;
- 731 personnels techniques ;
- 394 personnels de direction ;
- 206 contractuels.
Le projet de budget prévoit la création de 1128 emplois
après la création de 1.525 emplois en 2002 et de 530 emplois en
2001. Entre 1990 et 2003, les effectifs budgétaires de l'administration
pénitentiaire sont passés de 21.407 à 28.590 (hors Ecole
nationale d'administration pénitentiaire).
Les créations d'emplois dans l'administration pénitentiaire depuis 1990
Année |
Nombre de créations d'emplois |
Nombre
d'emplois consacrés
|
Effectifs budgétaires |
1990 |
2 053 |
1.927 (programme 13000) |
21 407 |
1991 |
811 |
511 (programme 13000) |
22 407 |
1992 |
399 |
208 (programme 13000) |
22 704 |
1993 |
430 |
|
23 071 |
1994 |
450 |
|
23 477 |
1995 |
550 |
|
23 908 |
1996 |
730 |
230 (ouverture des établissements de Ducos (Martinique) et Baie Mahault (Guadeloupe)) |
24 619 |
1997 |
211 |
127 (ouverture de Remire-Montjoly (Guyane)) |
24 786 |
1998 |
300 |
12 (programme 4000) |
25 086 |
1999 |
344 |
25 (programme 4000) |
25 474 |
2000 |
386 |
30 (ouverture d'un CPA) |
25 868 |
2001 |
530 |
215 (programme 4000) |
26 233 |
2002 |
1.525 |
276 (programme 4000) |
27 755 |
2003 |
870 |
477 (programme 4000) |
28 590 |
2004 |
1.110 |
71 (programme 13200) |
29700 * |
TOTAL |
10.699 |
|
|
*
Hors Ecole nationale d'administration pénitentiaire.
Dans son précédent rapport, votre rapporteur pour avis
s'était inquiété de la diminution du nombre de candidats
aux concours à un moment où l'administration pénitentiaire
devait recruter un grand nombre de personnes. Entendu par votre commission le
19 novembre dernier, M. Dominique Perben, ministre de la justice, a
indiqué que le nombre de candidats aux concours de surveillants
permettait un recrutement satisfaisant, précisant que
28.000 personnes s'étaient inscrites au dernier concours, que
18.000 étaient présentes aux épreuves et que 1.038 avaient
été reçues, parmi lesquelles 692 hommes et 346
femmes.
Le statut du corps des
directeurs des services pénitentiaires
a
fait l'objet d'une réforme importante en 2002 (décret
n°2002-724 du 30 avril 2002). Cette réforme a
sensiblement amélioré le statut des directeurs des services
pénitentiaires, notamment grâce à des durées de
carrière plus courtes, un pyramidage et un volet indemnitaire plus
avantageux.
Cependant, les personnels de direction demeurent fortement sollicités,
et le seront plus encore par le programme de modernisation de l'administration
pénitentiaire qu'ils vont avoir à conduire. Or, le statut des
directeurs de services pénitentiaires place ces personnels dans une
position inférieure à celle de leurs homologues institutionnels
(commissaires de police). Dans ces conditions, afin de développer des
passerelles entre des corps homologues, l'administration pénitentiaire
prévoit une revalorisation indiciaire des directeurs de service
pénitentiaire hors classe et de 2
ème
classe, proche de
celle obtenue par la police nationale.
Le statut des
personnels d'insertion et de probation
doit lui aussi
faire l'objet d'une réforme. Si la création des services
pénitentiaires d'insertion et de probation a permis d'unifier les
milieux ouverts et fermés, elle ne s'est pas accompagnée de
mesures en faveur des personnels malgré la forte augmentation du nombre
de mesures de prise en charge. Dans ces conditions, le statut peu attractif des
chefs des services d'insertion et de probation rend leur recrutement
très difficile, à tel point que le nombre de candidats n'atteint
pas, depuis trois concours, le nombre de postes offerts... En outre, le statut
d'emploi de directeur des services d'insertion et de probation, s'il
bénéficie d'une bonification indiciaire, ne comporte ni
débouché ni garantie.
Dans ces conditions, le projet de réforme a pour objet de créer
un corps de catégorie A, ce qui doit permettre de conforter le directeur
des services d'insertion et de probation dans son rôle de
représentant départemental du service. En outre, chaque directeur
pourrait désormais s'appuyer sur un adjoint, fonctionnaire de
catégorie A. Le statut des conseillers des services d'insertion et de
probation sera lui aussi réévalué.
F. LES BÂTIMENTS
1. De nombreux projets en cours de réalisation
a) L'achèvement du programme « 4000 places »
Le
programme « 4000 places », qui résulte de la
loi de programme pour la justice du 6 janvier 1995, est en voie
d'achèvement. Il prévoyait la construction de six
établissements : une maison d'arrêt à Seysses
(Haute-Garonne), un centre pénitentiaire au Pontet (Vaucluse), une
maison d'arrêt à Séquedin (Nord), un centre
pénitentiaire à Liancourt (Oise), une maison d'arrêt
à la Farlède (Var) et une maison d'arrêt à
Chauconin, Neufmontiers (Seine-et-Marne).
Deux établissements ont été mis en service en 2003 :
la maison d'arrêt de Seysses et le centre pénitentiaire du Pontet.
Les autres établissements devraient être mis en service en 2004
ou, au plus tard, au début de 2005.
b) La mise en oeuvre du programme de construction prévu par la loi d'orientation et de programmation pour la justice
La loi
d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a
prévu la construction de
13.200 places nouvelles
de
détention, dont 4.000 en remplacement de structures obsolètes.
Parmi ces 13.200 places, 10.800 seront réservées à la
réalisation de nouveaux établissements pénitentiaires et
2.400 seront dédiées à l'application de nouveaux concepts
pénitentiaires, dont 400 places dans des structures exclusivement
destinées à l'accueil des mineurs.
Le tableau ci-après récapitule les implantations annoncées
pour la construction de 10.800 places en établissements
pénitentiaires pour adultes.
Direction régionale |
Type d'établissement |
Ville retenue |
Nombre de places prévues |
Bordeaux |
centre pénitentiaire |
Mont-de-Marsan |
400 |
centre pénitentiaire |
Poitiers |
400 |
|
Lille |
centre pénitentiaire |
Dunkerque |
400 |
centre pénitentiaire |
Lille |
400 |
|
maison centrale |
Vendin-le-Vieil |
150 |
|
centre pénitentiaire |
Beauvais |
400 |
|
centre pénitentiaire |
Le Havre |
400 |
|
Lyon |
maison d'arrêt |
Lyon |
600 |
centre pénitentiaire |
Bourg-en-Bresse |
600 |
|
centre pénitentiaire |
Roanne |
600 |
|
Marseille |
maison d'arrêt |
Nice |
600 |
centre pénitentiaire |
Ajaccio |
300 |
|
Paris |
centre pénitentiaire |
Orléans |
600 |
centre pénitentiaire |
Ile-de-France |
600 |
|
Rennes |
centre pénitentiaire |
Le Mans (Coulaines) |
400 |
centre pénitentiaire |
Rennes |
600 |
|
maison centrale |
Alençon |
150 |
|
Strasbourg |
centre pénitentiaire |
Nancy |
500 |
centre pénitentiaire |
Colmar |
500 |
|
Toulouse |
centre pénitentiaire |
Béziers |
600 |
Outre-mer |
maison d'arrêt |
Saint-Denis (La Réunion) |
600 |
maison d'arrêt |
Basse-Terre (Guadeloupe) |
400 |
|
indéterminé |
Indéterminé |
600 |
Lors de
son audition par la commission des Finances et votre commission des Lois,
M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes
immobiliers, a indiqué que la maison d'arrêt de la Réunion,
dont la reconstruction apparaît particulièrement urgente compte
tenu de l'état de l'actuelle maison d'arrêt, devrait être
achevée au début de l'année 2008, un terrain ayant
été trouvé après quelques difficultés.
En ce qui concerne les établissements pénitentiaires
spécialisés pour les mineurs, le garde des Sceaux a
arrêté à sept leur nombre :
- deux en Ile-de-France ;
- un à Lavaur dans le Tarn ;
- un à Orvault (dans l'agglomération de Nantes) ;
- un à Valenciennes (site de Quiévrechain) ;
- un à Lyon ou ses environs ;
- un dans l'agglomération de Marseille.
La notification du marché de construction des établissements
pénitentiaires pour mineurs devrait intervenir dans le courant de
l'année 2004. Dans ces conditions, les travaux pourraient
débuter en 2005, pour une livraison des premiers établissements
en 2006.
c) La poursuite des travaux de rénovation
En 1998,
le Gouvernement a décidé le lancement d'un programme de
rénovation des cinq plus grandes maisons d'arrêt
(Fleury-Mérogis, Fresnes, La Santé, les Baumettes,
Loos-lès-Lille). Initialement orienté vers la remise à
niveau des bâtiments et installations avec quelques aménagements
fonctionnels, ce programme de rénovation a progressivement
été réorienté vers une remise aux normes
fonctionnelles, dont les principaux éléments sont l'encellulement
individuel, l'installation de douches dans les cellules et la création
d'espaces communs nécessaires à la mise en oeuvre d'actions de
réinsertion.
En ce qui concerne le centre pénitentiaire des Baumettes et la maison
d'arrêt de Fleury-Mérogis, les travaux pourraient commencer en
2004. A Fleury-Mérogis, la construction de trois bâtiments
destinés à permettre l'accueil des familles et la
rénovation du mess devraient être achevés en 2005. La
rénovation de l'établissement devrait s'étaler sur huit
ans au total.
En revanche, la rénovation de la maison d'arrêt de Fresnes a
été reportée, compte tenu de la difficulté de
rénover simultanément plusieurs grands établissements de
la région parisienne.
Les projets de rénovation des maisons d'arrêt de
Loos-lès-Lille et de La Santé sont peu avancés. Ainsi,
à Loos-lès-Lille, il est désormais envisagé, compte
tenu de la construction prévue d'un nouveau centre pénitentiaire
dans l'agglomération lilloise, de fermer à terme la maison
d'arrêt.
2. La poursuite du renforcement de la sécurité
a) Le rapport Lemonnier
En
novembre 2002, le garde des Sceaux a confié à
M. Gérard Lemonnier, ingénieur en chef des ponts et
chaussées, la mission de réaliser un audit des équipements
et des organisations relatifs à la sûreté des
établissements pénitentiaires.
Dans son rapport, M. Lemonnier a estimé que l'amélioration
de la sûreté rendait nécessaire de prévenir les
comportements mettant en danger la prison ainsi que d'identifier les risques.
Il a formulé de nombreuses propositions organisées en trois
axes :
-
Améliorer la sûreté par une analyse
préventive des comportements
Il s'agit notamment d'améliorer les renseignements sur le risque
d'atteinte à la sécurité des établissements,
d'aider les personnels à contribuer à la résolution des
conflits et à réagir en cas de pannes ou
d'événements susceptibles d'affecter le quotidien de la
détention. Le rapport préconise un certain nombre de mesures
techniques destinées à dissuader le passage à
l'acte : surélévation des grilles, installation de
barrières répulsives sur les murs d'enceinte, mise en place dans
les chemins de ronde de télésurveillance à
détection de passage...
-
Identifier les risques de façon à permettre la
prévention des incidents
Le rapport recommande de prévenir les sources d'évasion les plus
probables, notamment en améliorant les conditions des transferts
médicaux et en prévenant les attaques depuis l'extérieur
(création de glacis aux abords des établissements,
sécurisation des miradors...).
-
Substituer à la culture de l'urgence celle de
l'évaluation
Le rapport recommande la création d'une «
obligation de
comparer
» par la création d'une veille technologique
confiée à l'administration centrale, avec charge pour elle
d'irriguer les directions régionales d'innovations en matière de
sécurité ; un recours aux entreprises extérieures est
recommandé, celles-ci pouvant apporter des solutions innovantes.
Enfin, le rapport recommande la création d'une culture
économique, -observant qu'il n'est actuellement jamais
procédé à l'analyse réelle des coûts en
matière de sécurité- et le recours aux moyens modernes de
communication -tels la visioconférence- qui permettent d'éviter
des extractions judiciaires.
b) La création des ERIS
La
direction de l'administration pénitentiaire a décidé de
créer une
équipe régionale d'intervention et de
sécurité
(ERIS) dans le ressort de chacune des neuf
directions régionales des services pénitentiaires de
métropole.
Il s'agit notamment de mettre à la disposition de chaque direction
régionale concernée un dispositif d'intervention
structuré, capable d'assurer le maintien voire le rétablissement
de l'ordre public.
Les ERIS ont commencé à fonctionner en octobre dernier. Elles
sont composées de fonctionnaires ayant bénéficié
d'une formation adaptée à des situations de crise, leur
permettant d'agir sur des lieux de tension grâce à leurs
connaissances des techniques d'intervention des unités
spécialisées de la gendarmerie et à l'utilisation de
matériel spécifique.
Chaque équipe est composée de vingt-trois fonctionnaires au
total, soit vingt surveillants, deux premiers surveillants et un chef de
service pénitentiaire en qualité de responsable de groupe.
3. Les constatations de votre commission
Dans le cadre de la préparation du présent rapport, votre rapporteur pour avis a visité les maisons d'arrêt de Fresnes et de Paris-La Santé.
a) La maison d'arrêt de Fresnes et l'établissement public de santé national
• La maison d'arrêt
La maison d'arrêt de Fresnes est entrée en fonctionnement en 1898.
Elle comporte une maison d'arrêt pour hommes d'une capacité de
1.264 places et une maison d'arrêt pour femmes d'une capacité
de 98 places.
Le jour de la visite de votre rapporteur, l'établissement accueillait
1.814 hommes et 80 femmes, parmi lesquels 1.006 condamnés
et 808 prévenus.
Les 1.006 condamnés étaient répartis de la
manière suivante :
- 647 étaient condamnés à des peines
correctionnelles ;
- 359 étaient condamnés à des peines criminelles,
dont 76 à des peines comprises entre vingt et trente ans de
réclusion criminelle et 19 à la réclusion criminelle
à perpétuité.
Cette composition de la population pénale est tout à fait
atypique au sein d'une maison d'arrêt, censée accueillir des
prévenus et des condamnés à de très courtes peines.
Cette situation s'explique par la présence au sein de
l'établissement du Centre national d'observation (CNO) et du service
national de transfèrement.
En principe, tous les condamnés à une peine supérieure
à dix ans d'emprisonnement doivent passer au CNO de Fresnes avant
d'être affectés dans un établissement pour peines. Pendant
six semaines, un bilan de la situation de chaque condamné est
dressé au CNO, notamment grâce à des entretiens avec des
personnels sociaux, des psychologues et des psychiatres.
En 2000, la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de
détention dans les établissements pénitentiaires a
souhaité la disparition du CNO au profit d'une gestion régionale
de l'affectation des détenus.
Le système du CNO a en effet pour conséquence de rassembler
à Fresnes un nombre considérable de condamnés à de
très lourdes peines, parfois pendant de longues périodes.
Si
le passage au CNO dure six semaines, les condamnés restent ensuite
à Fresnes jusqu'à ce qu'une place se libère dans
l'établissement où ils sont affectés. Cette attente peut
durer jusqu'à deux ans.
Pendant cette période, les
condamnés ne se voient proposer que peu d'activités, compte tenu
des contraintes spécifiques aux maisons d'arrêt, et le travail
effectué au CNO pour commencer à définir un projet
d'exécution de peine perd largement sa signification.
Au cours des dernières années, l'activité du CNO a
diminué, probablement pour éviter précisément une
concentration trop massive de condamnés au sein de la même maison
d'arrêt. Les groupes de condamnés accueillis au CNO, qui
rassemblaient jusqu'à soixante détenus, n'en rassemblent plus que
vingt-huit actuellement. Dans ces conditions, l'administration
pénitentiaire affecte désormais directement certains
condamnés à de longues peines, sans observation préalable.
Votre rapporteur pour avis, au vu de cette situation, considère que la
proposition de la commission d'enquête du Sénat, consistant
à régionaliser l'observation et l'affectation des détenus
conserve toute sa pertinence et mériterait d'être examinée
dans un contexte où la construction de nouveaux établissements
pour peines pourrait faciliter l'affectation des condamnés.
La présence d'un grand nombre de condamnés à la maison
d'arrêt de Fresnes s'explique également par l'installation au sein
de l'établissement du service national de transfèrement. Tous les
détenus transférés d'un établissement à un
autre passent par Fresnes pendant une durée pouvant aller de quelques
jours à plusieurs mois. La maison d'arrêt de Fresnes accueille
l'ensemble des véhicules servant au transfèrement des
détenus.
En ce qui concerne les personnels, votre rapporteur pour avis a constaté
que les vacances de postes demeuraient plus limitées que dans d'autres
établissements. Ainsi, sur un effectif théorique de
685 surveillants, 665 sont effectivement en poste
3(
*
)
. Les représentants du
personnel rencontrées par votre rapporteur pour avis se sont
félicités de la revalorisation de l'indemnité de
sujétion spéciale et ont souhaité que cette revalorisation
se poursuive, afin qu'un alignement de la situation des personnels
pénitentiaires sur celle des personnels de la police nationale puisse
être réalisé. Ils ont également souligné la
très grande difficulté pour les personnels de trouver des
logements en région parisienne. A ce sujet, un projet de construction de
logements à proximité immédiate de la maison d'arrêt
est étudié par l'administration pénitentiaire et la
municipalité.
Les personnes rencontrées par votre rapporteur pour avis ont
souligné la pénurie de personnels techniques, dans cet
établissement comme dans les autres. Il semble que l'administration
pénitentiaire recrute de moins en moins de personnels techniques, alors
que leur rôle dans l'entretien des établissements et dans
certaines tâches telles que la cuisine est important. Certes, de nombreux
établissements font désormais l'objet d'une gestion
déléguée à des entreprises privées. Dans les
autres, des surveillants font office de personnels techniques alors qu'ils
n'ont aucune qualification particulière.
Votre rapporteur pour avis considère qu'un choix devrait
désormais être fait entre une généralisation de la
délégation de gestion ou le maintien de la coexistence de deux
systèmes, qui implique un recrutement plus important de personnels
techniques.
Au cours de sa visite, votre rapporteur pour avis a pu constater que les locaux
de la maison d'arrêt étaient vétustes mais bien entretenus.
En 2000, la commission d'enquête du Sénat avait noté
l'état déplorable de la cuisine, dont l'activité devait en
principe se réduire après l'installation d'une cuisine centrale
à Fleury-Mérogis, censée fournir l'ensemble des
établissements de la région parisienne. Le projet de cuisine
centrale ayant pris beaucoup de retard, des travaux importants ont
été effectués à la cuisine de la maison
d'arrêt de Fresnes, notamment la réfection du sol et
l'installation de nouveaux équipements.
• L'établissement public de santé national de
Fresnes (EPSNF).
L'EPSNF est installé à proximité immédiate de la
maison d'arrêt et a été construit à la même
époque, même s'il a subi de nombreuses transformations depuis
lors. L'établissement public fonctionne sous la triple tutelle des
ministères de la santé, de la justice et de l'économie.
En 1995, une mission conjointe de l'inspection générale des
affaires sociales et de l'inspection générale des services
judiciaires a proposé la mise en place d'un schéma national
d'hospitalisation des détenus reposant sur la création de huit
unités interrégionales d'hospitalisation (UHSI). Un
arrêté du 24 août 2000 a mis en oeuvre cette proposition en
prévoyant la création de huit UHSI à Bordeaux, Lille,
Lyon, Marseille, Nancy, Rennes, Toulouse et Paris (une unité de 25
places sera implantée à l'hôpital de la
Pitié-Salpêtrière).
Dans ce cadre, l'hôpital de Fresnes est appelé à jouer le
même rôle que les unités d'hospitalisation
sécurisées, au profit des détenus de la direction
régionale des services pénitentiaires de Paris et des
régions Haute Normandie et Bourgogne. Il n'aura donc à terme plus
de vocation nationale, sauf en rééducation fonctionnelle. Dans
cette perspective, l'EPSNF élabore son projet d'établissement.
D'ores et déjà, le projet médical a été
approuvé par le ministère de la justice et le ministère de
la santé : il fixe la capacité en lits et places de cet
établissement à 121 lits et 4 places de dialyse.
Lors de sa visite, votre rapporteur pour avis a constaté que
l'hôpital était bien équipé, mais très
vétuste. Le bloc opératoire était d'ailleurs fermé,
afin de subir des travaux d'urgence devant permettre le respect des normes en
matière de stérilisation.
Le conseil d'administration de
l'établissement a formé le voeu d'une reconstruction de
l'établissement, mais aucune décision n'est prise à ce
jour.
Parmi les difficultés évoquées par les personnels de
l'établissement figurent les contraintes posées par la
nécessité d'escortes pour accompagner les patients qui doivent
subir des examens que l'hôpital de Fresnes n'est pas en mesure de
réaliser. L'attente des escortes a pour effet de retarder les examens
des patients et d'allonger sans raison médicale leur durée
d'hospitalisation.
b) La maison d'arrêt de la Santé
La
maison d'arrêt de la Santé a été mise en service en
1857. Elle accueille actuellement en moyenne 1.380 à 1.450
détenus pour une capacité opérationnelle de 1.180 places.
Si certains détenus bénéficient d'une cellule
individuelle, d'autres peuvent partager une cellule à trois ou quatre.
Certains bâtiments de la maison d'arrêt sont
particulièrement dégradés et rongés par
l'humidité, la présence de rats y est avérée,
à tel point que l'un d'entre eux est désaffecté. En
revanche, d'autres ont été récemment
rénovés. Un quartier de semi-liberté de 18 places a
été créé, dont la capacité pourrait
prochainement passer à 36 places. En outre, un quartier
« arrivants » pourrait prochainement être
créé, afin de permettre la mise en oeuvre d'une période
d'observation pour les détenus entrant en détention.
Au cours de sa visite, votre rapporteur pour avis a pu constater que
l'exiguïté et la vétusté des locaux posaient de
multiples difficultés :
- les espaces collectifs sont particulièrement étroits et la
maison d'arrêt ne dispose pas de terrain de sport ;
- la cuisine est dans un état fortement dégradé et la
maison d'arrêt ne dispose pas de monte-charges pour acheminer les repas
vers les étages de détention, de sorte que la chaleur n'est pas
convenablement préservée ;
- le nombre de douches est très insuffisant (deux ou trois par
étage de détention).
L'unité de consultation et de soins ambulatoires (UCSA) est en bon
état et bien équipée. En revanche, elle semble
connaître des difficultés sérieuses de recrutement. Il
manque actuellement quatre mi-temps de médecins et le
médecin-chef estime qu'il sera impossible d'assurer le tableau de gardes
à compter du 1
er
janvier 2004. Chaque année, 16.000
consultations médicales généralistes sont
réalisées dans l'établissement, ainsi que
5.000 consultations de spécialités.
La maison d'arrêt de la Santé doit en principe faire l'objet d'une
rénovation complète au cours des prochaines années,
conformément à la décision prise en 1998 de rénover
les cinq plus grandes maisons d'arrêt. Toutefois, cette rénovation
est encore au stade des études préalables, compte tenu des
nombreuses difficultés que pose une telle opération en plein
Paris. Il paraît difficile d'évacuer totalement la maison
d'arrêt pour la détruire et la reconstruire, dès lors que
les autres établissements de la région ne seraient pas en mesure
d'accueillir les détenus incarcérés à la
Santé. Néanmoins, rénover l'établissement tout en
le maintenant en fonctionnement poserait également des
difficultés importantes et pourrait fortement renchérir le
coût de l'opération.
Votre rapporteur pour avis estime qu'un projet de rénovation doit
désormais être rapidement arrêté. En l'absence d'une
telle décision, de multiples travaux provisoires devront être
effectués, compte tenu de la dégradation avancée de
l'établissement.
La maison d'arrêt accueille pour l'essentiel des personnels très
jeunes et connaît une rotation très rapide de ces personnels. Les
personnes rencontrées par votre rapporteur pour avis ont souligné
les difficultés posées par l'augmentation rapide du nombre de
personnels féminins, dans la mesure notamment où elles ne peuvent
accomplir toutes les tâches assignées aux surveillants.
Par
ailleurs, près de 80% des personnels de surveillance sont originaires
des départements d'outre-mer
et bénéficient par
conséquent de congés bonifiés. Les demandes de
congés bonifiés rendent très difficile la gestion de
l'établissement, la plupart des personnels demandant à prendre
ces congés aux mêmes périodes. Compte tenu de la forte
concentration en région parisienne des personnels pénitentiaires
issus des DOM, peut-être conviendrait-il de mettre en place une
équipe de surveillants non affectés à un
établissement et susceptibles d'assurer des remplacements dans les
établissements qui en ont besoin.
Les personnels rencontrés par votre rapporteur pour avis ont
insisté sur la grande difficulté de se loger pour les personnels
affectés à la maison d'arrêt de la Santé.
*
* *
Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice consacrés à l'administration pénitentiaire.