B. LA PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE ADOPTÉE PAR LE SÉNAT LE 26 OCTOBRE 2000

Afin de mettre fin à la recentralisation des finances locales et à l'érosion du pouvoir fiscal des collectivités territoriales, nos collègues Christian Poncelet, Jean-Paul Delevoye, Jean-Pierre Fourcade, Jean Puech et Jean-Pierre Raffarin avaient déposé, le 22 juin 2000, la proposition de loi constitutionnelle précitée relative à la libre administration des collectivités territoriales et à ses implications fiscales et financières. L'encadré suivant reproduit un extrait de l'exposé des motifs de cette proposition de loi constitutionnelle.

La philosophie de la proposition de loi constitutionnelle relative à la libre administration des collectivités territoriales adoptée par le Sénat le 26 octobre 2000

« Dès l'origine (...) la décentralisation a été marquée par des manquements au principe, simplement législatif, de compensation intégrale et concomitante des charges résultant du transfert aux collectivités locales de compétences exercées par l'Etat.

« A ces entorses répétées est venue s'ajouter, plus récemment, la réduction régulière du pouvoir fiscal des collectivités locales, comme en témoignent la suppression partielle des droits de mutation à titre onéreux, la mise en extinction de la part salariale de la taxe professionnelle et, maintenant, la disparition de la part régionale de la taxe d'habitation .

« Ce processus de recentralisation des ressources des collectivités territoriales porte, à l'évidence, atteinte à la substance même du principe constitutionnel de libre administration.

« Si cette tendance devait se poursuivre, la décentralisation en serait gravement dénaturée, pour devenir une décentralisation assistée et dépendante où les collectivités locales se trouveraient soumises à une véritable tutelle budgétaire . Une telle dérive, contraire au principe de responsabilité des gestionnaires locaux, serait dangereuse pour la démocratie locale et, partant, pour notre République .

« Consacrer le principe de libre administration des collectivités locales, dont l'autonomie fiscale et financière est un fondement essentiel , est donc indispensable pour préserver une « certaine idée » de la décentralisation .

« Un coup d'arrêt pourrait ainsi être donné au processus actuel de démantèlement de la fiscalité locale.

« Pour parvenir à ce résultat, il est aujourd'hui indispensable de renforcer la densité constitutionnelle du principe de libre administration .

« Force est de constater que la Constitution du 4 octobre 1958 ne détermine avec précision ni les contours ni la consistance du principe de libre administration, laissant ainsi aux gouvernements successifs une très grande latitude dans ce domaine.

« Simplement posé par l'article 72 de la Constitution, ce principe reste, en effet, aujourd'hui à « géométrie variable » : la loi en fixe les conditions d'exercice et, par là même, en détermine l'étendue.

« La seule exigence posée par l'article 72 de la Constitution pour garantir l'effectivité du principe de libre administration est de nature institutionnelle : c'est l'existence de « conseils élus ». Pour le reste, cet article prévoit la mise en oeuvre de la libre administration dans les « conditions prévues par la loi.

« Or, pour que la libre administration demeure une liberté réelle , il est aujourd'hui indispensable d'inscrire dans notre loi fondamentale :

- en premier lieu, la garantie de l'autonomie fiscale des collectivités locales ;

- en deuxième lieu, le principe de compensation intégrale et concomitante des transferts de compétences et de charges ;

- enfin, il s'agit de consacrer le rôle de représentant des collectivités territoriales de la République dévolu au Sénat par la Constitution, en conférant à la Haute assemblée un pouvoir législatif équivalent à celui de l'Assemblée nationale pour les projets et propositions de loi relatifs à l'administration des collectivités locales » .

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« En premier lieu , il est indispensable de consacrer le principe de l'autonomie fiscale des collectivités locales car la jurisprudence constitutionnelle apparaît faiblement protectrice . En effet, le Conseil constitutionnel, tout en affirmant dans plusieurs décisions que « les règles posées par la loi ne sauraient avoir pour effet de restreindre les ressources fiscales des collectivités territoriales au point d'entraver leur libre administration », a néanmoins considéré, à chaque fois, que tel n'était pas le cas.

« Or, la protection constitutionnelle de l'autonomie fiscale des collectivités locales est, plus que jamais, indispensable en raison des menaces qui planent sur l'existence même de l'impôt local.

« Par ailleurs, l'autonomie fiscale des collectivités locales est, en France, bien plus nécessaire que dans d'autres Etats, notamment fédéraux, pour que nos collectivités puissent asseoir définitivement leur autonomie politique, dans un pays marqué par une tradition multiséculaire de centralisation.

« Le législateur de 1982 ne s'y était d'ailleurs pas trompé en prévoyant qu'une partie des transferts de charges serait compensée par des ressources fiscales nouvelles transférées par l'Etat comme la « vignette », la taxe sur les cartes grises ou les droits de mutation à titre onéreux.

« Dans cette perspective, l'article premier de la présente proposition de loi constitutionnelle précise que l'autonomie fiscale des collectivités territoriales est consubstantielle au principe de libre administration . Cet article définit également la teneur de l'autonomie fiscale et pose le principe de la prépondérance des ressources fiscales au sein des ressources des collectivités territoriales. L'article premier reconnaît, en outre, aux collectivités territoriales la faculté de bénéficier d'impôts modernes dans le cadre d'une fiscalité locale dont la rénovation constitue une urgente nécessité.

« Enfin, cet article prévoit une protection des ressources fiscales locales en prohibant le remplacement d'impôts locaux par de simples transferts financiers en provenance de l'Etat ».

L'article 1 er de cette proposition de loi constitutionnelle visait à introduire dans la Constitution un article 72-1 disposant que :

« La libre administration des collectivités territoriales est garantie par la perception de ressources fiscales dont elles votent les taux dans les conditions prévues par la loi.

« Les ressources fiscales représentent la part prépondérante des ressources des collectivités territoriales .

« Les collectivités territoriales peuvent percevoir le produit des impositions de toutes natures.

« Toute suppression d'une ressource fiscale perçue par les collectivités territoriales donne lieu à l'attribution de ressources fiscales équivalentes ».

Le présent projet de loi organique partage l'objectif de la proposition de loi constitutionnelle précitée . Il en diffère toutefois sensiblement, dès lors que la définition qu'il propose des ressources propres inclut notamment des ressources que les collectivités territoriales ne sont pas en mesure de moduler, ainsi que cela est précisé ci-après. On est ainsi passé de la protection d'une autonomie fiscale, entendue comme permettant aux collectivités territoriales de voter les taux des ressources fiscales dont elles bénéficient, à la garantie d'une autonomie financière, entendue plus largement, et qui apparaît moins protectrice.

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