ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 23

Habilitation du gouvernement à simplifier le régime de transfert de propriété des instruments financiers

Commentaire : le présent article additionnel a pour objet d'habiliter le gouvernement à prendre, par ordonnance, les mesures de modification du code monétaire et financier nécessaires à l'harmonisation des règles de transfert de propriété des instruments financiers.

I. LE RÉGIME ACTUEL DES TRANSFERTS DE PROPRIÉTÉ D'INSTRUMENTS FINANCIERS

A. LES PRINCIPES DU SYSTÈME DE RÈGLEMENT-LIVRAISON DES TITRES

Les négociations portant sur les instruments financiers, cotés ou non, conduisent à des transferts de propriété entre vendeur et acheteur, qui sont matérialisés par une transaction effectuée au sein d'un système de règlement-livraison , dans lequel l'acheteur paie les espèces (règlement) au vendeur, qui simultanément transfère les titres (livraison) à l'acheteur. Dans la mesure où la détention de titres confère des droits patrimoniaux et politiques (à percevoir des intérêts ou des dividendes selon qu'il s'agit d'actions ou d'obligations, à être tenu informé des émissions et souscriptions, à participer aux assemblées générales, etc.), elle doit être enregistrée chez un teneur de compte-conservateur par l'inscription en compte du titre acquis. Le teneur de compte-conservateur est généralement un intermédiaire financier habilité (mais il peut également être l'émetteur lui-même) qui a pour rôle de tenir à jour les comptes titres de ses clients.

L'ensemble des teneurs de compte détenant un stock de titres sur une valeur considérée doit être connu d'un dépositaire central pour cette valeur. Les teneurs de compte adhèrent donc en tant que membres conmpensateurs au système de règlement-livraison de cette valeur. Le dépositaire central, qui en France est Euroclear France SA (créé suite au rachat de Sicovam SA par Euroclear le 18 janvier 2001), doit être capable de déterminer à tout instant le nombre de titres en circulation et la répartition du stock entre les divers intermédiaires financiers.

Les achats et ventes de titres se dénouent chez le dépositaire central 47 ( * ) , hormis sur les marchés non réglementés pour lesquels son intervention n'est pas systématique 48 ( * ) . Le client négocie un ordre via un intermédiaire financier (courtier), puis transmet à son teneur de compte l'instruction de règlement-livraison correspondante à dénouer, et ce dernier se met en relation (directement ou via un sous-dépositaire) avec le dépositaire central du titre concerné. La contrepartie vendeuse ou acheteuse du client effectue la même opération, et les deux instructions émises séparément sont finalement confrontées chez le dépositaire central. Celui-ci enregistre l'opération dans ses livres au nom du teneur de compte, qui lui-même l'enregistre au nom de son client.

B. LES DISPOSITIONS DU CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER

La dématérialisation des titres qui prévaut aujourd'hui, et dans laquelle le marché financier français a joué un rôle précurseur, est assise sur le lien entre le transfert de propriété des titres et leur inscription en compte auprès du teneur de compte 49 ( * ) .

Le régime des transferts de propriété des titres est actuellement régi par les articles L. 431-1 à L. 431-3 du code monétaire et financier. Une distinction est opérée entre les opérations réalisées sur un marché réglementé et celles réalisées sur un marché non réglementé mais gérées par une entreprise de marché (tel que le marché libre d'Euronext).

Le premier alinéa de l'article L. 431-2 dispose ainsi que dans le premier cas, « le transfert de la propriété de ces instruments financiers résulte de leur inscription au compte de l'acheteur , à la date et dans les conditions définies par les règles de place ». Un mécanisme résolutoire est également prévu en cas de défaut de livraison des titres entre intermédiaires. Le quatrième alinéa du même article prévoit que le transfert de propriété hors des marchés réglementés est effectif au moment du dénouement des opérations . Les marchés organisés mais non réglementés, à la différence des marchés réglementés, retiennent ainsi le principe d'une dissociation de l'enregistrement comptable et de ses effets juridiques en tant qu'inscription en compte.

En pratique, l'écriture comptable valant a priori inscription en compte pour les transactions sur les marchés réglementés est passée le jour même de la négociation (J) , ou au plus tard le lendemain (J+1) 50 ( * ) . Le dénouement réel de l'opération, qui vaut transfert juridique de propriété sur les marchés non réglementés, intervient plus tard, en général en J+3.

II. LA PROPOSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. L'HARMONISATION DU SYSTÈME DE RÈGLEMENT-LIVRAISON, CONDITION DU DÉVELOPPEMENT D'EURONEXT

Le marché financier français, géré par l'entreprise de marché cotée Euronext, est à l'orée d'une nouvelle phase de son développement, après qu'Euronext se soit positionné comme un acteur de référence en acquérant les bourses d'Amsterdam, de Bruxelles et de Lisbonne. Afin de rendre son offre plus lisible et compétitive, Euronext a en effet décidé de mettre en place en 2005 une importante réforme de sa cote , qui aurait en particulier pour objet de relancer le marché des valeurs moyennes (cf. encadré ci-dessous).

La réforme de la cote d'Euronext

Afin d'améliorer la visibilité et la liquidité des PME au sein de ses marchés et d'offrir de nouvelles opportunités de financement aux sociétés européennes, Euronext a prévu de réformer sa cote. Pour ce qui concerne les marchés réglementés, elle sera mise en place dans un premier temps sur Euronext Paris et a vocation à s'étendre aux marchés d'Amsterdam, de Bruxelles et de Lisbonne.

1 - Dans un souci de simplification et de lisibilité de la cote, cette réforme se traduira tout d'abord par la mise en place d'une liste unique, l' « Euroliste d'Euronext », qui regroupera sur Euronext Paris, à compter de janvier 2005, toutes les entreprises des Premier, Second et Nouveau Marchés . Au sein de ce marché réglementé unique, les sociétés cotées seront classées par ordre alphabétique et seront identifiables grâce à un critère de capitalisation, permettant de distinguer facilement les petites valeurs (capitalisation boursière inférieure à 150 millions d'euros), les moyennes (entre 150 millions et 1 milliard d'euros) et les grandes valeurs (supérieure à 1 milliard d'euros). Les sociétés regroupées dans l'Euroliste disposeront d'un corps de règles unique tenant compte du cadre européen qui s'appliquera pour toutes les nouvelles introductions et qui fixera les obligations d'information financière.

2 - Le deuxième axe de la réforme, qui prendra aussi effet dès janvier 2005 sur Euronext Paris, est plus spécifiquement dédié aux PME.

Il a pour but de stimuler et de promouvoir le savoir-faire des intermédiaires actifs sur le segment des PME. Les intermédiaires qui s'engagent à constituer une équipe dédiée à l'analyse financière, au marketing et à la vente des titres de PME cotées, pourront bénéficier du label d'Expert en valeurs moyennes . En France, les experts reconnus devront notamment s'engager à suivre 60 valeurs moyennes dont 20 ayant une capitalisation inférieure à 150 millions d'euros. En contrepartie, Euronext accompagnera les intermédiaires labellisés par un soutien adapté et un programme marketing spécifique.

Parallèlement, une nouvelle gamme d'indices de valeurs moyennes pondérés par le flottant verra le jour : un indice Mid Cap composé de 100 valeurs dont la capitalisation boursière sera comprise entre 300 millions et 3 milliards d'euros environ, un indice Small Cap de 90 valeurs pesant chacune moins de 300 millions d'euros en Bourse, et un indice Mid & Small combinant les deux indices précédents. Par ailleurs, un nouvel indice de valeurs technologiques de performance, l'ITCAC 20, sera créé (en remplacement de l'ITCAC 50). Un indice large de la cote des valeurs moyennes, composé de 400 à 500 sociétés, sera aussi créé. Les indices phares d'Euronext Paris, CAC 40, SBF 120, ainsi que les indices sectoriels seront bien sûr maintenus. A l'inverse, les indices Nouveau Marché, Second Marché et Midcac sont appelés, à terme, à disparaître.

3 - Enfin, dans le cadre de la directive 2004/39/CE du 21 avril 2004 concernant les marchés d'instruments financiers, un nouveau marché structuré et organisé, mais non réglementé au sens de la directive, sera créé courant 2005 : Alternext . Cette nouvelle porte d'entrée à la cote d'Euronext offrira aux sociétés souhaitant lever des capitaux sur la zone euro des conditions d'accès au marché simplifiées, sous réserve de leur engagement en matière de transparence financière et de protection des investisseurs. Alternext viendra à la fois ouvrir de nouvelles opportunités de financement par le marché boursier à des sociétés voulant disposer d'un cadre réglementaire spécifique, et compléter les solutions déjà offertes par les autres marchés d'Euronext.

Source : site Internet d'Euronext

Le développement d'Euronext, en particulier face à la place de Londres, est également tributaire de la qualité et de la fiabilité de ses infrastructures de règlement-livraison, qui doivent pouvoir servir de socle commun à l'ensemble des bourses de cette entreprise de marché.

La plate-forme de livraison Euroclear est appelée à unifier le traitement des ordres pour les marchés d'Euronext (France, Pays-Bas, Belgique, Portugal) et pour le marché anglais. Or le régime juridique de transfert de propriété des titres est en France distinct de celui de ses partenaires. Un groupe de place impliquant l'ensemble des acteurs concernés a donc été constitué, afin de tracer les axes d'une réforme tendant à mettre nos systèmes de règlement-livraison en conformité avec les standards internationaux, et d'assurer ainsi leur rayonnement international.

B. LA SIMPLIFICATION CORRÉLATIVE DU RÉGIME DE TRANSFERT DE PROPRIÉTÉ DES TITRES

Les systèmes de règlement-livraison étant aujourd'hui similaires, que les instruments financiers soient négociés sur des marchés réglementés ou organisés (mais également gérés par une entreprise de marché), cette réforme nécessaire et très attendue des acteurs de la place aurait pour objet d'unifier les deux régimes juridiques actuels de transfert de propriété des instruments financiers , en modifiant la date de réalisation effective du transfert. Cette harmonisation des règles françaises avec les normes des autres places de marché européennes contribuerait en outre à faire émerger un droit international des titres 51 ( * ) , qui constitue l'un des objectifs de la Commission européenne dans la continuité du Plan d'action pour les services financiers.

Le principe de la réforme serait le suivant : alors qu'aujourd'hui le transfert est réalisé au jour de la négociation, qui est celui de l'écriture comptable valant inscription en compte, il serait à l'avenir considéré que cette écriture comptable passée en J n'est qu'une écriture d'enregistrement matérialisant la négociation. Elle n'acquerrait le statut juridique d'inscription en compte valant transfert de propriété qu'à la date de dénouement réel et irrévocable de l'opération - soit en pratique en J+3 -, dans les livres du dépositaire central ou des teneurs de compte-conservateurs intermédiaires. Ainsi seraient dissociés l'enregistrement comptable consécutif à la négociation et le transfert juridique de propriété, comme c'est aujourd'hui le cas pour les marchés organisés. Cet aménagement ne rendrait pas nécessaire une modification des systèmes d'information actuels et ne remettrait pas en cause les pratiques de marché 52 ( * ) , conditions de succès d'une telle réforme.

Pour tous les instruments financiers admis aux opérations d'un dépositaire central ou livrés dans un système de règlement-livraison, le transfert de propriété résultera donc de l'inscription au compte de l'acheteur, qui n'aura plus lieu au jour de la négociation mais au moment du dénouement de la transaction.

Dans l'intervalle temporel séparant la négociation du dénouement , l'acheteur détiendra un droit de créance à l'encontre de son intermédiaire (doit de se faire livrer une chose et droit d'en recevoir la propriété) et une dette, correspondant au prix de la transaction et exigible au dénouement. Parallèlement, le vendeur aura une obligation de livraison et un droit de créance sur le prix à recevoir, ces deux obligations étant exigibles au dénouement. La nature de ces obligations permettrait notamment de traiter plusieurs situations susceptibles de survenir entre J et J+3 : une faillite du teneur de compte (de l'acheteur ou du vendeur), ou de l'acheteur ou du vendeur lui-même, la saisie réalisée par un tiers à l'encontre du vendeur ou de l'acheteur, le défaut de livraison ou l'absence de dénouement.

Cette réforme consisterait à modifier les articles L. 431-2 et L. 431-3 du code monétaire et financier , précédemment mentionnés, en précisant en particulier que le transfert de propriété, que ce soit sur des marchés réglementés ou organisés, a lieu lors de l'inscription en compte, à une date et dans des conditions qui seraient définies par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers . Le règlement général prévoirait alors que la date de transfert juridique est celle du dénouement irrévocable de l'opération.

Votre rapporteur pour avis vous propose donc, par le présent article additionnel, d'habiliter le gouvernement à prendre, par ordonnance, les mesures de modification du code monétaire et financier nécessaires à l'harmonisation des règles de transfert de propriété des instruments financiers admis aux opérations d'un dépositaire central ou livrés dans un système de règlement-livraison.

Cette réforme contribue non seulement à simplifier le droit, mais encore à le rendre plus compétitif et à moderniser notre marché financier . Elle est en outre nécessaire au bon développement du futur compartiment Alternext, marché non réglementé d'Euronext.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.

* 47 Pour les titres de taux de montant élevé, les transactions sont dénouées dans le système RGV (Relit Grande Vitesse), opérationnel depuis 1998 et géré par la Banque de France. Il permet un dénouement irrévocable et en temps réel des opérations.

* 48 Ainsi sur le marché libre d'Euronext, le règlement-livraison ne se constate pas forcément dans les comptes d'un dépositaire central, et la compensation est alors effectuée selon les règles fixées par la place de marché, en l'espèce Euronext.

* 49 La dissociation, née de la dématérialisation, entre l'inscription représentative du droit sur le titre et l'inscription représentative du titre même, avait fait naître au cours des années 80 un risque d'inflation de droits sur les titres dans les ventes à découvert sur le marché à règlement mensuel. La Loi n° 93-1444 du 31 décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à la Banque de France, à l'assurance, au crédit et aux marchés financiers a voulu y mettre un terme en reportant le transfert de propriété des titres au moment de l'inscription des titres au compte de l'acheteur.

* 50 Cette tolérance de passation de l'écriture au lendemain du jour de la négociation ne modifie cependant pas le fait qu'en toute hypothèse, cette écriture produise ses effets rétroactivement en J.

* 51 Considérant en particulier, ainsi qu'il a été évoqué précédemment, que sous l'influence des professionnels français, les travaux des différentes organisations internationales tendent à faire de l'inscription en compte le facteur commun de la dématérialisation des titres, et des droits attachés à celle-ci.

* 52 Notamment en ce qui concerne la capacité de l'acquéreur de titres à pouvoir les revendre immédiatement après la négociation, ainsi que les règles de détachement de droits qu'il convient de maintenir selon les principes actuels.

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