B. LE SUCCÈS GRANDISSANT DES CHAÎNES THÉMATIQUES

Fin 2003, 24,5 % de la population française âgée de 4 ans et plus équipée d'un téléviseur reçoit une offre élargie (au moins 15 chaînes), soit 13,1 millions d'individus.

1. Une audience désormais supérieure à 10 %

Si les chaînes hertziennes continuent de dominer le marché, on peut néanmoins remarquer que leur audience est passée pour la première fois sous la barre des 90 % en 2003 : au total, comme le montre le tableau ci-dessous, celles-ci ont perdu 9,4 points de part d'audience en 23 ans.

Modérée mais constante jusqu'en 2000, la hausse de l'audience des chaînes thématiques est beaucoup plus prononcée depuis lors. 2003 constitue à cet égard, après 2000, la plus forte progression enregistrée (les foyers abonnés au câble et au satellite n'ayant été intégrés dans le panel Médiamat qu'en février 2000).

ÉVOLUTION DE L'AUDIENCE SELON LA NATURE DES CHAINES ( %)

 

1990

1995

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Chaînes hertziennes

98,5

97,1

95,7

95,4

92,6

91,5

90,5

89,1

Autres chaînes 22 ( * )

1,5

2,9

4,3

4,6

7,4

8,5

9,5

10,9

Source : Médiamat- Médiamétrie

2. Des écarts d'audience qui tendent à se creuser

L'audience des chaînes thématiques est très disparate. Depuis 2001, l'écart entre les chaînes les plus regardées et les autres tend à se creuser. En 2003, les dix premières chaînes cumulent 14,1 % de part d'audience, soit deux points de plus qu'en 2001. RTL 9 reste la chaîne la plus suivie : elle réalise 2,7 % de part d'audience sur les individus âgés de 4 ans et plus.

La répartition des audiences par thématique révèle l'importance de deux d'entre elles : généralistes/mini-généralistes et jeunesse. Les chaînes jeunesse enregistrent la plus forte progression entre 2001 et 2003. Toutefois, cette thématique a été soutenue par une forte dynamique de l'offre : 12 chaînes mesurées en 2003, contre 6 en 2001. Les abonnés aux chaînes jeunesse et cinéma sont des téléspectateurs assidus, tandis que les abonnés aux chaînes d'information et de documentaire ont un comportement d'audience quasiment similaire à celui de l'ensemble des abonnés du câble et du satellite.

3. Les chaînes locales

Le développement des chaînes de télévision locale reste l'une des priorités de votre rapporteur. Alors que la France possède un nombre important de collectivités territoriales dynamiques, elle a pour le moment échoué à faire émerger un véritable réseau de services locaux pourtant attendu par les populations. Cet échec a longtemps était mis sur le compte de deux facteurs principaux : un cadre juridique inadapté et les hésitations de la presse quotidienne régionale sans l'engagement de laquelle, ces « fenêtres audiovisuelles » ouvertes sur nos collectivités ne pourraient voir le jour.

Votre rapporteur tient à rappeler que l'un de ces freins n'est plus d'actualité : certaines dispositions de la loi n°2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle ont en effet considérablement assoupli le cadre juridique qui leur est applicable.

a) Un régime juridique amélioré

Votre rapporteur tient à souligner que la commission a pris une part importante dans la redéfinition des obligations pesant sur les services locaux.

(1) L'assouplissement des règles d'intervention des collectivités territoriales

Le Parlement a ainsi étendu aux chaînes hertziennes les possibilités d'intervention des collectivités territoriales dans le domaine des canaux locaux du câble.

La loi relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle a ainsi permis d'insérer dans le code général des collectivités territoriales une disposition législative (article L.1426-1) habilitant les collectivités territoriales et leurs groupements à éditer un service de télévision destiné aux informations sur la vie locale par tout réseau, hertzien ou non. Les collectivités territoriales pourront ainsi confier l'exploitation du service à un autre opérateur public ou privé dans le cadre général de la délégation de service public et conclure avec la personne morale à laquelle est confié le service un contrat d'objectifs et de moyens définissant des missions de service public et leurs conditions de mise en oeuvre, pour une durée comprise entre trois et cinq ans 23 ( * ) .

Le texte mentionne également explicitement aux articles 30 et 30-1 de la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication la possibilité pour les sociétés d'économie mixte locales, les sociétés coopératives d'intérêt collectif et les établissements publics de coopération culturelle de répondre aux appels à candidatures lancés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour des fréquences en mode analogique et numérique.

(2) Une fiscalité adaptée à la spécificité des chaînes locales

Suivant les propositions du Gouvernement, le Parlement a adopté des dispositions fiscales adaptées à la spécificité des chaînes locales.

La refonte de la taxe alimentant le Fonds de soutien à l'expression radiophonique (article 302 bis KD code général des impôts), intégrée dans la loi n° 2003-709 du 1 er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, a été l'occasion d'un réaménagement du barème : la suppression de la première tranche d'imposition a permis d'exonérer les plus petites des chaînes locales réalisant moins de 457 000 euros de recettes trimestrielles.

La loi relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle a permis d'exonérer les télévisions locales les plus modestes de la taxe sur les messages publicitaires prévue à l'article 302 bis KA du code général des impôts.

En outre, à l'initiative Sénat « les rémunérations versées par les collectivités territoriales et leurs groupements pour la mise en oeuvre d'un contrat d'objectifs et de moyens correspondant à l'édition d'un service de télévision locale » bénéficient d'un taux réduit de TVA à 5,5 %.

(3) Des règles de contrôle des concentrations adaptées à la spécificité des chaînes locales

Plusieurs dispositions législatives proposées par le Gouvernement et destinées à favoriser le développement des télévisions locales ont également allégé le dispositif de contrôle des concentrations prévu par la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication. Votre rapporteur tient à citer :

- la levée de l'interdiction de posséder plus de 50 % du capital d'une chaîne locale hertzienne, conformément aux préconisations du rapport Boyon ;

- l'assouplissement de la règle interdisant de cumuler une autorisation hertzienne nationale et une autorisation hertzienne analogique locale, l'interdiction ne concernant plus que les services nationaux dont l'audience moyenne dépasse 2,5 % ;

- la levée totale de l'interdiction de cumuler une autorisation hertzienne nationale et une autorisation hertzienne numérique locale, conformément aux suggestions de M. Michel Boyon ;

- le relèvement de six à douze millions du seuil à partir duquel un service est considéré comme national ;

- le relèvement de six à douze millions de téléspectateurs du plafond de cumul de plusieurs autorisations locales par un même opérateur.

Ces dispositions ont été amendées par le Sénat :

Ainsi, à l'article 39 III de la loi du 30 septembre 1986, les participations au capital d'une chaîne locale hertzienne, analogique ou numérique, détenues par un groupe titulaire d'une autorisation pour un service national dont l'audience moyenne dépasse 2,5 % ont été plafonnées à 33 %, ce seuil n'étant pas applicable, outre-mer, aux chaînes de télévision qui consistent essentiellement en la reprise d'un service national de télévision.

De même, le seuil de population desservie au-dessus duquel un service est considéré comme national a été fixé à 10 millions d'habitants, ce qui permet de l'harmoniser avec le seuil applicable en matière d'obligations de production.

(4) Les obligations des chaînes locales : des contraintes sensiblement allégées

Les télévisions locales diffusant par voie hertzienne en mode analogique sont exonérées de l'obligation de consacrer une part de leur chiffre d'affaires au développement de la production cinématographique et audiovisuelle dès lors qu'elles diffusent sur une zone géographique regroupant moins de 10 millions d'habitants.

Le CSA a estimé que faute de la fixation de règles spécifiques aux télévisions numériques locales en matière de production cinématographique et audiovisuelle, d'une part, et en matière de publicité, de parrainage et de télé-achat, d'autre part, il ne lui était pas possible de lancer des appels à candidatures pour ce type de services.

Le Gouvernement, en application des articles 27, 70 et 71 de la loi du 30 septembre 1986, a donc préparé un décret en Conseil d'Etat pour fixer le régime des chaînes locales de la télévision numérique terrestre. Le projet de décret a été soumis pour avis au Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui s'est prononcé le 6 mai 2003. Il a été publié au Journal officiel le 6 novembre (décret n°2003-1056 du 4 novembre 2003).

Ce décret aligne le régime des chaînes locales de la télévision numérique terrestre sur celui des chaînes locales analogiques hertziennes en ce qui concerne la contribution au développement de la production cinématographique et audiovisuelle : ces chaînes sont donc exonérées de cette contribution lorsqu'elles desservent un bassin de population de moins de 10 millions d'habitants. Il offre en outre à ces chaînes un régime souple en matière de publicité en leur appliquant des dispositions identiques à celles qui valent pour les chaînes du câble et du satellite.

(5) Une ouverture des secteurs interdits de publicité télévisée privilégiant les chaînes locales

Les possibilités de développement des télévisions locales sont fréquemment associées à la question de l'ouverture des secteurs interdits de publicité télévisée, et plus particulièrement du secteur de la distribution.

Votre rapporteur a déjà eu l'occasion de rappeler dans son précédent avis que le développement des télévisions locales avait été pris en compte par le Gouvernement.

Le décret n° 2003-960 du 7 octobre 2003 réserve ainsi l'exclusivité de l'ouverture de la publicité télévisée au secteur de la distribution aux chaînes locales et aux chaînes du câble et du satellite du 1 er janvier 2004 au 1 er janvier 2007. Comme l'ensemble des autres chaînes, les télévisions locales bénéficient en outre de l'ouverture du secteur de la presse depuis le 1 er janvier 2004.

Votre rapporteur s'est, l'an dernier, félicité de cette position équilibrée. Il tient à indiquer cette année qu'il est favorable, en contrepartie de cette ouverture pour les chaînes hertziennes nationales, à l'extension de l'assiette du compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels aux recettes de parrainage à compter du 1 er janvier 2007.

b) Vers une multiplication des services locaux ?

La diffusion de services locaux sur notre territoire passe principalement par l'attribution de fréquences hertziennes aux éditeurs intéressés. Votre rapporteur constate, avec satisfaction, qu'une part croissante de la ressource analogique est attribuée aux services locaux. En revanche, il redoute que les conditions de planification des fréquences utilisées par le numérique terrestre ne soient un obstacle à la diffusion de nombreuses chaînes locales viables sur ce support.

(1) L'extension du nombre de chaînes locales diffusées en analogique : des perspectives encourageantes

Les télévisions locales souhaitent naturellement être en mesure de recueillir l'audience la plus large possible. Seule une diffusion en hertzien analogique est en mesure de répondre à cette ambition à l'heure actuelle : celle-ci leur permettra en effet de trouver leur place dans le paysage audiovisuel français par la fidélisation de certains bassins de population avant de conquérir la télévision numérique terrestre pour laquelle le déploiement des émetteurs et l'initialisation des foyers prendront nécessairement plusieurs années.

Étant données l'étroitesse des marchés publicitaires locaux et la centralisation du marché publicitaire hexagonal, les chaînes locales ont besoin de capter de la publicité extra-locale et donc d'intéresser les annonceurs nationaux. Pour pouvoir revendiquer des bassins d'audience conséquents, elles doivent se regrouper et mettre en place une syndication publicitaire. Toutefois, la syndication mise en place par TLM, TLT, TV7 Bordeaux et Clermont 1 ère fonctionne mal, la population totale de ces quatre agglomérations, de l'ordre de 2,5 millions d'habitants, étant jugée insuffisante par les « médias-planneurs ».

Dans ces conditions, votre rapporteur considère que seule la multiplication des chaînes analogiques permettra de mettre en place une syndication publicitaire susceptible d'attirer de grands annonceurs nationaux. Il paraît en effet nécessaire de couvrir douze à quinze grandes villes de France, avec un potentiel d'au moins dix millions de téléspectateurs et d'harmoniser les grilles de programmes afin de présenter des « blocs » similaires permettant un placement comparable des écrans publicitaires d'une ville à l'autre.

Un tel développement paraît en bonne voie. En effet, suite à une étude technique ayant permis de recenser la disponibilité de fréquences en mode analogique, le CSA vient de lancer trois vagues d'appels aux candidatures :

- agglomérations de Marseille, Montpellier et Nîmes (novembre 2003) ;

- agglomérations du Mans, d'Orléans et de Tours (janvier 2004) ;

- agglomérations d'Angers et de Grenoble et département de la Dordogne (mars 2004) 24 ( * ) .

(2) Un avenir incertain sur la télévision numérique de terre ?

Dans le contexte français de faible pénétration du câble, la diffusion hertzienne terrestre numérique apparaît comme un support particulièrement adapté à l'essor des télévisions locales. En effet, en atténuant fortement le problème de la pénurie de fréquences, elle offre l'opportunité d'élargir le paysage audiovisuel à de nouveaux acteurs.

Votre rapporteur tient toutefois à souligner que deux menaces importantes pèsent sur le lancement de services locaux sur la télévision numérique terrestre.

La première tient aux modalités de planification de la ressource hertzienne. Basée avant tout sur l'utilisation des sites historiques de TDF et sur des considérations techniques, cette planification n'apparaît pas toujours en adéquation avec la réalité des bassins de vie et, selon de nombreux acteurs de la télévision locale, ne permettra pas de répondre de manière totalement satisfaisante au besoin de proximité.

La seconde tient à la place réservée aux services locaux par le Conseil supérieur de l'audiovisuel sur les multiplexes existants. A l'origine, le CSA avait décidé de réserver 3 canaux par zone couverte aux chaînes locales et régionales, canaux pouvant être partagés par plusieurs diffuseurs. En région parisienne, un septième multiplexe devait être constitué, permettant d'offrir au total 9 services à vocation locale.

Toutefois, les convoitises dont fait l'objet le multiplexe R5, seul multiplexe dont la composition n'ait pas encore été fixée à ce jour, permettent de s'interroger sur l'avenir réservé aux télévisions locales sur la TNT . En effet, en raison du très grand nombre et de la diversité des contributions reçues par le CSA, celui-ci a annoncé son souhait de se concerter à nouveau avec les acteurs concernés, au sein de la mission pour la télévision numérique.

Votre rapporteur sera très attentif à l'évolution de ce dossier et veillera à ce que les engagements pris par les pouvoirs publics soient tenus. Alors qu'un cadre législatif et réglementaire incitatif vient d'être mis en place pour assurer le développement des services locaux et que la participation des chaînes locales numériques aux frais des opérations de réaménagement des fréquences nécessaires au déploiement de la télévision numérique terrestre a été allégée, il serait en effet extrêmement regrettable que ces services ne puissent trouver leur place sur la TNT.

* 22 Chaînes locales et chaînes du câble et du satellite.

* 23 Ce dispositif existe déjà pour les canaux locaux du câble, sur une base facultative, et fonctionne de manière satisfaisante.

* 24 En outre, des investigations techniques sont en cours pour un appel aux candidatures à Lille.

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