II. LE SOUCI D'UNE GESTION PLUS RIGOUREUSE DES EMPLOIS

La participation du ministère de l'éducation nationale à l'effort de maîtrise des effectifs publics ne concerne que l'enseignement scolaire. En effet, 1 000 emplois sont créés pour l'enseignement supérieur, ainsi que 550 pour la recherche, conformément aux engagements du Gouvernement.

Globalement, à l'échelle des trois budgets, les suppressions de postes représentent 0,25 % du total des effectifs, ce qui correspond au non remplacement d'un départ à la retraite sur 13, soit un effort modeste par rapport au principe général de non remplacement d'un départ sur deux dans la fonction publique.

A. DES MESURES SUBSTANTIELLES DE REVALORISATION DE LA SITUATION DES PERSONNELS DE L'ÉDUCATION NATIONALE

1. Des mesures catégorielles de forte ampleur

Les mesures statutaires visant à améliorer la situation indemnitaire ou les perspectives de carrière des personnels, atteignent un niveau particulièrement élevé dans le projet de loi de finances pour 2005. En effet, 255 millions d'euros y sont consacrés contre 220 millions d'euros en 2004.

Cet effort est à mettre en parallèle avec la nécessité de préserver l'attractivité des carrières de l'éducation nationale, à la veille du renouvellement massif des différents corps, enseignant et non enseignant.

a) Les mesures concernant les personnels non enseignants

Le budget pour 2005 comporte plusieurs mesures destinées à améliorer les perspectives de carrières de personnels administratifs ou d'encadrement, pour un coût total de 4,7 millions d'euros :

- le plan de revalorisation du corps des personnels infirmiers, entrepris en 2003, est achevé avec l'inscription d'une mesure de 1,4 million d'euros qui permet de porter le pyramidage de la classe supérieure de 25 à 30 % des effectifs ; votre rapporteur regrette, toutefois, l'absence de mesures de création d'emplois médico-sociaux, alors que ces personnels, en effectifs très insuffisants, assument des missions essentielles ;

- des mesures de pyramidage concernant 74 emplois d'assistants sociaux et 669 personnels administratifs ; par ailleurs, les 44 secrétaires de documentation, corps aux effectifs trop réduits pour connaître de réelles perspectives de carrières, sont intégrés dans le corps des techniciens de recherche et formation ;

- les personnels de direction bénéficient de la création de 72 postes de hors classe (ce qui porte le plafond statutairement prévu pour la hors classe par le protocole d'accord du 16 novembre 2000 de 8 à 8,5 % des effectifs du corps, pour un coût de 815 000 euros) destinés à préserver les possibilités de promotion dans un corps où les départs en retraite seront peu nombreux en 2005. L'enjeu est d'améliorer l'attractivité du corps notamment pour les professeurs agrégés qui devraient constituer une part plus importante de son vivier. Cette mesure s'accompagne, par ailleurs, d'une augmentation de 500 000 euros des crédits destinés à la formation de ces personnels.

En outre, votre rapporteur sera attentif aux conclusions du groupe permanent de concertation et de suivi installé par le ministère le 17 juin 2004, chargé de dresser le bilan du protocole de 2000 et, plus largement, d'engager une réflexion sur les conditions d'exercice du métier.

Il se félicite, par ailleurs, que le projet de loi de finances pour 2005 contribue à renforcer les effectifs de personnels de direction (40 emplois supplémentaires au 1 er septembre 2005), même si ces créations se font par transformation d'emplois d'enseignants, d'une part, et qu'elles sont prises en vue de l'ouverture de nouveaux établissements, d'autre part. Elles ne permettront donc pas de combler les retards cumulés ces dernières années, qui ont conduit à la suppression de postes de proviseur ou principal adjoint dans de nombreux établissements.

Dans le même sens, on soulignera que la création, par transformation d'emploi, de 30 emplois d'inspecteur (15 IEN et 15IA-IPR) contribue, de façon bienvenue, à renforcer les moyens d'inspection.

Enfin, 27,5 millions d'euros sont destinés à la revalorisation des régimes indemnitaires des personnels. La mesure la plus importante est l'inscription d'une enveloppe de 24,63 millions d'euros qui permettra la poursuite de la revalorisation indemnitaire en faveur des personnels non enseignants, afin de poursuivre et renforcer la politique de réduction des écarts de primes aujourd'hui constatés par rapport aux autres administrations. Au total, sur la période 2003-2005, 80 millions d'euros y auront été consacrés.

b) Les mesures de pyramidage en faveur des personnels enseignants

Le budget pour 2005 poursuit un certain nombre de mesures destinées à améliorer la situation des enseignants du public, et par parité, des enseignants du privé :

- la poursuite du plan d'intégration des instituteurs dans le corps de professeur des écoles (PE) concernera 20 735 emplois au 1 er septembre 2005 (dont 1 408 au titre de l'enseignement spécialisé dans le 2 nd degré) ; pour l'enseignement privé, l'application du principe de parité permet à 3 514 maîtres contractuels d'accéder à l'échelle de rémunération des PE ;

- dans le 2 nd degré, près de 5 000 emplois sont concernés par des mesures de pyramidage, pour un coût total de 17 millions d'euros 20 ( * ) ;

- l'extension de la hors classe bénéficie à 500 emplois de professeurs des écoles et 356 emplois d'enseignants du 2 nd degré, ce qui permet, pour ces derniers, de porter la hors classe à 15 % des effectifs du corps, conformément au plan de revalorisation de la fonction enseignante de 1989 ; des mesures similaires concernent les enseignants du privé ;

- enfin, sont prévues, pour l'enseignement privé sous contrat, des mesures récurrentes consistant à poursuivre l'alignement de la situation des maîtres du privé sur les enseignants du secteur public.

c) La situation des maîtres du privé : des questions en voie de résolution

Au delà des mesures ponctuelles inscrites dans le budget pour 2005 exposées plus haut, qui sont de nature récurrente, le Gouvernement a fait un pas significatif et attendu, ces dernières semaines, pour apporter une réponse aux revendications des maîtres de l'enseignement privé, concernant :

- d'une part, les écarts de niveau des pensions de retraite constatés avec les enseignants du secteur public ;

- d'autre part, la clarification de leur statut.

En effet, si, en application du principe de parité introduit par la loi Guermeur du 27 novembre 1977 modifiant la loi du 31 décembre 1959 (article L. 914-1 du code de l'éducation), les maîtres de l'enseignement privé sous contrat sont rémunérés par l'État sur la base de la grille indiciaire des enseignants du public, ils ne bénéficient pas du régime de retraite des fonctionnaires . Ils relèvent du régime général de la sécurité sociale, des régimes complémentaires et d'un régime temporaire, le RETREP, dont le financement est assuré par l'Etat.

De fait, le calcul des pensions leur est moins favorable : les pensions perçues par les maîtres du privé sont en moyenne de 19 % inférieures à celle de leurs homologues du public , à carrière comparable.

Certes, cet écart est appelé à se réduire dans les prochaines années, dans la mesure où les maîtres recrutés depuis le milieu des années 1990 connaîtront un déroulement de carrière identique à celui des enseignants du public. Mais le différentiel resterait de l'ordre de 10 %.

En outre, dans la mesure où la Cour de cassation considère que les maîtres du privé sont liés à l'établissement scolaire au sein duquel ils exercent par un contrat de travail de droit privé, il revient aux établissements de financer leur indemnité de départ en retraite. Cela représente une lourde charge (de l'ordre de 6 000 euros pour une carrière complète dans un même établissement), appelée à s'accroître dans les années à venir, dans la mesure où 32 000 enseignants du privé partiront à la retraite d'ici 2012.

Cela crée une situation ambiguë et inéquitable.

Aussi, votre rapporteur se félicite que le Gouvernement envisage enfin une piste de réforme, retenant le principe de la création d'un régime additionnel de retraite inspiré de celui mis en place pour la fonction publique . Ce mécanisme, financé par des cotisations salariales et patronales, verserait, à terme, après une montée en puissance progressive, une majoration de 10 % de leur retraite à ses bénéficiaires.

Cette réforme, qui devrait être adoptée d'ici la fin de l'année, s'inscrirait dans plusieurs « véhicules législatifs » :

- la proposition de loi 21 ( * ) déposée par le député Yves Censi, visant à mettre fin à la jurisprudence de la Cour de cassation sur le statut des maîtres du privé et à parvenir à un rapprochement du niveau des pensions versées ;

- l'article 12 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 (PLFSS), qui prévoit l'affiliation des maîtres du privé au régime de sécurité sociale des fonctionnaires, afin de compenser la charge induite par la création d'une nouvelle cotisation en faveur du régime additionnel de retraite.

2. Un impératif : renforcer l'attractivité du métier d'enseignant

a) La constitution d'une provision spécifique pour 2005

Le projet de loi de finances pour 2005 prévoit l'inscription d'une provision de 17 millions d'euros 22 ( * ) en demie année destinée à « améliorer l'attractivité des carrières enseignantes ».

L'éducation nationale sera confrontée, dans les prochaines années, à des besoins massifs de renouvellement du corps enseignant :

- l'âge moyen des enseignants est de 40,9 ans dans le 1 er degré et de 42,8 ans dans le 2 nd degré ;

- la part des personnels âgés de 50 ans et plus est, respectivement, de 24 et 35 %.

Selon les enquêtes menées par la Direction de l'évaluation et de la prospective du ministère, on estime à 397 000, soit 43 % de l'effectif présent en 2003, les départs en retraite des enseignants d'ici 2012.

Globalement, c'est de 2006 à 2009 que les départs seront le plus nombreux, avec un pic de 2003 à 2005 pour les enseignants du 1 er degré, et entre 2006 et 2008 pour les enseignants du 2 nd degré.

LES PRÉVISIONS DE DÉPARTS EN RETRAITE DES PERSONNELS ENSEIGNANTS

 

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Enseignants du 1 er degré

15 535

14 530

14 760

14 100

13 200

11 590

11 490

11 080

Enseignants du 2 nd degré

15 975

14 350

14 610

17 750

18 890

17 480

17 660

16 050

Source : Ministère de l'éducation nationale

Or la carrière enseignante, notamment dans le 2 nd degré, souffre d'une faible attractivité : les taux de candidatures aux CAPES et à l'agrégation (respectivement 4,5 et 7,3 candidats par poste aux concours externes de 2002, en baisse constante, mais avec de fortes disparités selon les disciplines), sont bien inférieurs aux taux constatés pour la plupart des concours d'accès aux autres corps de la fonction publique.

La situation est particulièrement préoccupante dans les disciplines scientifiques, en raison de la concurrence avec le marché du travail, ce qui conduit votre rapporteur, rejoint par nombre de sénateurs de la commission, à plaider pour la réintroduction des IPES (Instituts de préparation à l'enseignement secondaire), qui ont joué un rôle reconnu de promotion sociale . Néanmoins ce dispositif représenterait une charge financière lourde.

La provision inscrite pour 2005 devrait notamment concerner :

- l'aménagement de la « seconde carrière » des enseignants, par l'instauration de dispositifs de réorientation professionnelle, sur la base de l'article 77 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites ; en effet, le métier d'enseignant peut entraîner une « usure prématurée » qu'il est impératif de prendre en compte pour une meilleure gestion des ressources humaines ;

- l'accompagnement des enseignants en début de carrière, par exemple sous la forme de primes à l'installation. En effet, l'existence d'un concours national de recrutement pour le 2 nd degré et, de fait, l'absence de choix de la région d'affectation, conjuguée à la crainte, fondée, d'être nommé dans un établissement difficile, dissuade de nombreux candidats potentiels.

En parallèle, il serait également intéressant d'encourager l'accès au métier d'enseignant pour des salariés, chômeurs ou mères de familles désireux de se reconvertir, de façon plus tardive, dans l'enseignement. Or, à l'heure actuelle, seul l'Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) de Lyon dispense des cours de préparation aux concours de l'éducation nationale destinés à ces publics spécifiques, malgré l'existence d'une forte demande : mis en place l'an dernier, ce « dispositif de reconversion » 23 ( * ) a accueilli 70 élèves en 2003 et 175 cette année.

b) L'annonce plus précoce du nombre et de la répartition des postes ouverts aux concours de recrutement

Pour la première fois depuis plusieurs années, dans le souci d'une meilleure visibilité pour les candidats et d'une gestion plus efficace du système éducatif, sur la voie d'une véritable programmation des recrutements, le nombre des emplois mis au concours de recrutement d'enseignants pour la session 2005 a été arrêté en même temps que le projet de loi de finances, au moment de l'ouverture des inscriptions aux concours.

Ainsi, à la session 2005, 26 500 postes seront ouverts aux concours externes d'enseignants, soit 1 000 de plus par rapport à la session 2004. Leur évolution est contrastée entre le 1 er et le 2 nd degrés :

- 12 500 dans le 1 er degré, soit 500 postes de moins qu'en 2004 24 ( * ) ;

- 14 000 dans le 2 nd degré, soit 1 500 de plus qu'en 2004.

Ces évolutions sont ajustées aux besoins de recrutement, compte tenu du rythme des départs en retraite, qui varie entre le 1 er et le 2 nd degrés.

En effet, les lauréats entreront en exercice à partir de 2006 ou 2007, période où les départs seront le plus nombreux pour les enseignants du 2 nd degré, alors que le « pic » aura déjà été dépassé dans le 1 er degré .

NOMBRE DE POSTES OUVERTS AUX CONCOURS DE RECRUTEMENT
D'ENSEIGNANTS DU SECOND DEGRÉ

 

Session 2004

Session 2005

Evolution 2005/2004

CAPES externe

CAPEPS externe

6 640

780

7 785

800

+ 1 145

+ 20

CAPES interne

1 030

1 250

+ 220

CAPES 3 ème concours

142

120

- 22

CONCOURS RÉSERVÉS DE PROFESSEURS CERTIFIÉS

405

490

+ 85

AGRÉGATION EXTERNE

1 750

1 940

+ 190

AGRÉGATION INTERNE

900

950

+ 50

TOTAL

11 647

13 335

+ 1688

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE POSTES OFFERTS AUX CONCOURS EXTERNES

 

2001

2002

2003

2004

2005

Agrégation

2 000

2 080

2100

1750

1940

CAPES/CAPEPS

8 835

10 650

10615

7585

8585

CAPET

890

1 075

1055

650

640

CAPLP

2 610

3 335

3370

1990

2100

CPE

500

670

670

380

415

COP

165

190

190

110

110

TOTAL

15 000

18 000

18 000

12 500

14 000

L'affichage suffisamment à l'avance du nombre de postes contribue à clarifier les perspectives des étudiants préparant les concours, ce qui est de nature à accroître leur motivation. En effet, comme notre collègue Jacques Legendre l'avait signalé dans le rapport d'information sur l'enseignement des langues étrangères, les incertitudes concernant l'agrégation d'arabe pour 2004, dont l'annulation avait ensuite été démentie, avaient découragé nombre d'étudiants.

L'intérêt serait de parvenir, à terme, à partir de ces prémisses, à une véritable programmation pluriannuelle des recrutements, au moins dans les grandes tendances, pour lisser les évolutions par discipline et niveau en fonction des besoins et du volume des départs en retraite prévisibles. En effet, la réaction vive des étudiants inscrits en filière STAPS face à l'annonce de la réduction des postes ouverts pour 2004 au concours de professeur d'EPS (Sciences et techniques des activités physiques et sportives), qui constitue leur principal débouché, témoigne de la nécessité de ne pas procéder par évolutions trop brutales. En outre, de trop grandes fluctuations d'une année sur l'autre ne favorisent pas un recrutement homogène, y compris en termes de qualité des reçus.

* 20 Ces mesures comprennent, entre autres, l'accès en classe exceptionnelle de 400 emplois de professeurs d'enseignement général de collège (PEGC) et 300 emplois de chargés d'EPS, dont les corps sont en extinction, afin de leur offrir des perspectives de carrière comparables à celles des professeurs certifiés et des professeurs d'EPS.

* 21 Proposition de loi n° 1757 visant à améliorer les retraites des maîtres de l'enseignement privé sous contrat, présentée par M. Yves Censi et plusieurs de ses collègues, enregistrée le 21 juillet 2004 à l'Assemblée nationale.

* 22 14,2 millions d'euros pour l'enseignement public et 2,8 millions d'euros pour l'enseignement privé sous contrat

* 23 2 heures de cours le mercredi soir, et 4 heures un samedi matin sur 2

* 24 N.B. : Évolution postes offerts aux différents concours de recrutement de professeurs des écoles (concours externes, internes, 3 e concours) : 10 325 en 2000 ; 11 250 en 2001 ; 12 250 en 2002 ; 12 250 en 2003 ; 13 250 en 2004.

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