B. UNE GESTION PLUS PERTINENTE ET RIGOUREUSE DES MOYENS D'ENSEIGNEMENT

Dans la continuité des mesures inscrites en loi de finances initiale pour 2004, le projet de budget pour 2005 poursuit la logique de redéploiement des moyens d'enseignement du 2 nd degré vers le 1 er degré, en vue d'ajuster les effectifs aux évolutions de la démographie scolaire. Cela se conjugue au souci d'améliorer la gestion des enseignants du 2 nd degré, dans le cadre, notamment, d'une rationalisation de la carte des formations, dont votre rapporteur s'attachera à souligner l'intérêt mais aussi les limites.

1. L'ajustement des emplois à la démographie scolaire

a) La poursuite du redéploiement du 1er degré vers le 2nd degré

Pour faire face à l'augmentation du nombre des élèves (51 000 élèves supplémentaires attendus à la rentrée 2005) et poursuivre le plan en faveur de la scolarisation des élèves handicapés, il est prévu pour 2005 :

- la création de 1 000 emplois d'enseignants du 1 er degré (dont 300 emplois d'instituteurs pour la collectivité de Mayotte) ;

- au titre de la parité, l'ouverture de 138 contrats de maîtres contractuels du 1 er degré dans l'enseignement privé sous contrat .

En parallèle, la poursuite de la baisse des effectifs scolarisés dans le 2 nd degré (44 700 élèves de moins prévus à la rentrée 2005, après une diminution de 36 700 à la rentrée 2004) justifie les mesures suivantes :

- la suppression de 3 400 emplois d'enseignants du 2 nd degré , qui concerne 2 200 emplois de professeurs certifiés, 700 professeurs de lycée professionnel, 250 professeurs d'EPS, 200 PEGC et 50 conseillers d'orientation ;

- au titre de la parité, la suppression de 670 contrats de maîtres contractuels du 2 nd degré dans l'enseignement privé sous contrat ;

- la suppression de 1 100 emplois de maîtres auxiliaires et 1 000 emplois de professeurs contractuels ; cette mesure se justifie, d'une part, par le fait que le statut de maître auxiliaire n'est plus utilisé pour le recrutement et qu'un nombre significatif de maîtres auxiliaires devient titulaire par voie de concours (1 500 en 2003, près de 1 000 en 2004) ; d'autre part, l'amélioration de la gestion des remplacements par des titulaires doit permettre de réduire le recours à des personnels contractuels.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS D'ENSEIGNANTS NON TITULAIRES

Situation

2001-2002

2002-2003

2003-2004

Maîtres auxiliaires

9 457

6 065

4 558

Contractuels

17 921

22 698

19 844

Total

27 378

28 763

24 402

Source : Ministère de l'éducation nationale

b) Corriger des tendances passées désajustées

Les efforts poursuivis, depuis 2003, en vue d'ajuster les moyens aux besoins, visent à corriger l'inadéquation, constatée sur la dernière décennie, entre l'évolution des effectifs scolarisés et l'évolution du nombre d'enseignants (voir graphiques ci-dessous).

Le contraste est patent pour le 2 nd degré : alors que le nombre d'élèves a diminué de façon constante sur la période 1993-2002 ( 225 886 élèves, soit - 3,9 %), le nombre d'enseignants a continué de progresser à un rythme rapide (+ 18 368, soit + 4,9 %).

Dans le 1 er degré, le nombre d'enseignants titulaires est resté à peu près stable entre 1993 et 2002 (+0,3 %), alors que les effectifs étaient en forte baisse (- 287 900 élèves, soit -4,2 %).

De fait, les différentes mesures de suppression d'emplois n'affectent pas les taux d'encadrement des élèves. Pour le 2 nd degré, le nombre d'élèves par enseignant, de l'ordre de 12,7 pour 2004-2005, contre plus de 13,1 en 2000-2001, est particulièrement faible par rapport aux autres pays européens.

CONSTAT 2003 ET ÉVOLUTION PRÉVISIONNELLE DES EFFECTIFS D'ÉLÈVES
DANS LES ÉTABLISSEMENTS DU PREMIER ET DU SECOND DEGRÉ
(en milliers d'élèves)

PUBLIC (France métropolitaine + DOM)

constat

Écart

Prévision

Écart

Prévision

Écart

Prévision

Écart

Prévision

Écart

Prévision

2003

 

2004

 

2005

 

2006

 

2007

 

2008

TOTAL 1ER DEGR É

5 656,2

53,7

5 709,9

50,8

5 760,7

44,0

5 804,7

29,6

5 834,3

21,3

5 855,6

Dont préélémentaire

2 273,4

39,0

2 312,4

19,7

2 332,1

-11,6

2 320,5

-15,7

2 304,8

-13,2

2 291,6

TOTAL 2 ND DEGRÉ

5 581,1

-34,4

5 546,7

-47,2

5 499,5

-41,1

5 458,4

-32, 3

5 426,1

-32,3

5 393,8

Dont 1 er cycle (collège)

3 244,6

-48,5

3 196,1

-53,0

3 143,1

-40,5

3 102,6

-20,0

3 082,6

1,1

3 083,7

Source : Ministère de l'éducation nationale

2. Des mesures concrètes et volontaristes destinées à optimiser l'emploi de la ressource enseignante dans le 2nd degré

En outre, les mesures de suppression de postes d'enseignants dans le 2 nd degré se justifient par la volonté d'améliorer l'utilisation et le « rendement » des postes, en assurant une gestion optimisée des ressources humaines et de la carte des formations.

a) Mieux gérer les remplacements

Dans un rapport intitulé « Pas de classe sans enseignant », paru en 1998, le recteur Daniel Bloch avait mis en exergue un phénomène alimentant les récriminations des parents à l'égard de l'institution scolaire. Il évaluait le temps ainsi amputé aux cours dispensés aux élèves à environ une demie année sur l'ensemble de la scolarité dans le second degré.

Selon la 18 e enquête de l'Observatoire des parents d'élèves 25 ( * ) réalisée par la fédération PEEP, le grand chantier prioritaire, pour 43 % des parents, est « un remplacement plus efficace des enseignants en cas d'absence ».

NOMBRE D'HEURES NON ASSURÉES
DANS LES ÉTABLISSEMENTS DU SECOND DEGRÉ

 

Lycée d'enseignement général et technologique

Collège

sur 100 heures annoncées

2000-2001

2001-2002

2002-2003

2000-2001

2001-2002

2002-2003

nombre d'heures non assurées en raison :

- de la fermeture totale de l'établissement

6,7

7,2

6,9

1,5

1,6

1,6

- du non-remplacement des enseignants absents pour fonctionnement du système

0,8

0,7

0,8

0,4

0,4

0,4

- du non-remplacement des enseignants absents pour formation

0,8

0,8

0,8

0,8

0,8

1,0

- du non-remplacement des enseignants absents pour raisons individuelles

1,3

1,3

2,2

2,3

2,2

3,8

Total du nombre d'heures non assurées

9,6

10,0

10,7

5,0

5,0

6,8

Total du nombre d'heures non assurées pour non-remplacement des enseignants

2,9

2,8

3,8

3,5

3,4

5,2

Source : Ministère de l'éducation nationale : enquête annuelle sur les absences non remplacées des enseignants

ARRÊT DU TA DE VERSAILLES DU 3 NOVEMBRE 2003 :

LA CONDAMNATION DE L'ETAT POUR FAUTE SIMPLE, POUR MANQUEMANT
À SON OBLIGATION D'ASSURER L'ENSEIGNEMENT
DES MATIÈRES OBLIGATOIRES

Par onze jugements du 3 novembre 2003, le tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à verser des indemnités à des parents d'élèves d'un collège d'Evry, en réparation du préjudice causé par le fait, pour l'administration, de ne pas avoir assuré des enseignements en raison de l'absence de différents enseignants de cet établissement durant l'année scolaire 2000-2001.

Le tribunal a, pour retenir la responsabilité de l'Etat, estimé que « La mission d'intérêt général d'enseignement qui lui est confiée impose au ministre de l'éducation nationale l'obligation légale d'assurer l'enseignement de toutes les matières obligatoires inscrites aux programmes d'enseignement tels qu'ils sont définis par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur selon les horaires réglementairement prescrits ; que le manquement à cette obligation légale qui a pour effet de priver, en l'absence de toute justification tirée des nécessités de l'organisation du service, un élève de l'enseignement considéré pendant une période appréciable, est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. »

Le tribunal a condamné l'Etat à verser aux parents d'élèves des sommes variant de 150 € à 450 € selon le volume d'heures de cours non dispensées (entre 50 et 80 heures selon les espèces).

Les absences dites « personnelles » (congés de maladie, de maternité, et pour convenance personnelle) sont celles qui augmentent le plus sensiblement.

En effet, comme l'a souligné l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) dans son rapport pour 2003, c'est le remplacement des absences de courte durée (inférieure à 15 jours), relevant depuis 1998 d'une gestion de proximité, sous la responsabilité du chef d'établissement, qui fonctionne avec le plus de difficultés.

Si le gel du recrutement des maîtres auxiliaires et l'extinction progressive du corps des PEGC et de leur bivalence disciplinaire a supprimé une marge de souplesse pour les établissements, certaines pratiques et rigidités réglementaires entraînent un manque de réactivité (plafond de 200 heures par an pour les vacataires, refus des enseignants d'assurer des suppléances en sus de leur service...).

Pour 2005, il est prévu de poursuivre la démarche de rationalisation engagée depuis la rentrée 2003 :

- par le renforcement des moyens de pilotage académique (mise en place de bases de données), afin d'améliorer le suivi des absences, mieux les connaître, mieux les prévoir et y répondre plus efficacement ;

- par la poursuite des efforts en vue de réduire les absences dites « institutionnelles » (actions de formation, fonctionnement des instances statutaires, sujets d'examens...) ;

- par une meilleure répartition des postes, prenant en compte, notamment, les besoins disciplinaires de chaque académie ;

- par la réorganisation des zones de remplacement, en adaptant leur taille et leur nombre aux besoins prévisibles de remplacement dans chaque discipline et des capacités de remplacement disponibles.

Sur ce dernier point, on relèvera que l' « amélioration de l'utilisation des titulaires sur zone de remplacement (TZR) » figure au nombre des 11 chantiers ouverts en 2002 dans le cadre de la stratégie ministérielle de réforme (SMR) : les efforts entrepris ont permis d'augmenter le taux d'utilisation des TZR de 42 % en 2002 à 50 % en 2004, l'objectif étant de parvenir à 54 % en 2005 puis 60 % en 2006.

En janvier 2003, 15 626 titulaires (16 021 en janvier 2004) et 1 512 075 heures supplémentaires effectives (HSE) ont été affectés au remplacement dans le 2 nd degré.

Au-delà, dans l'esprit des recommandations formulées par l'IGAENR pour améliorer l'efficacité du dispositif de remplacement, la discussion de la prochaine loi d'orientation sur l'école pourra être l'occasion de développer une démarche contractuelle de responsabilisation des chefs d'établissement, tournée vers une obligation de résultats, ainsi que de définir les contours de nouvelles formes de polyvalence des enseignants, et d'une gestion plus flexible de leur temps de service, en particulier dans les zones rurales.

Cela va d'ailleurs dans le sens des préconisations du rapport Thélot, visant à augmenter le temps de présence des enseignants dans les établissements, notamment pour répondre aux besoins de suppléance liée à l'absence ponctuelle d'un collègue. Or cette disposition, très controversée, a suscité de vives réactions chez la plupart des syndicats d'enseignants.

b) Lever le tabou des « surnombres disciplinaires »

L'adéquation de la ressource enseignante aux besoins de formation, en constante évolution, est une tâche complexe, compte tenu de la relative rigidité des emplois, un enseignant étant recruté dans une discipline déterminée pour 40 ans environ.

Ainsi, pour certaines disciplines, le nombre de professeurs est supérieur aux besoins 26 ( * ) : au cours de l'année scolaire 2003-2004, ces « surnombres » représentaient 0,63 % des professeurs du second degré. Au sein des disciplines générales, la philosophie et l'allemand en concentrent la part la plus importante.

Au-delà d'un ajustement plus fin des programmations de recrutement, par le développement d'une gestion prévisionnelle des emplois, trois types de mesures ont été mises en place dès la rentrée 2004 :

- l'emploi dans la même discipline mais dans un autre type d'établissement que celui qui correspond habituellement à leur corps, comme le permet la réglementation ;

- l'emploi dans une autre discipline où le besoin d'enseignement ou de suppléance n'est pas totalement satisfait par des titulaires de la discipline (la réglementation permet ainsi de donner un demi service de lettres à des professeurs de philosophie ou de langues en surnombre) ;

- les opérations de reconversion, dans le cadre du schéma d'orientation pour les reconversions disciplinaires (SCORE) mis en place avec le concours de l'Inspection générale de l'Éducation nationale (IGEN) et des rectorats. Ces opérations ne doivent concerner que les surnombres disciplinaires structurels et s'appuyer sur des dispositifs lourds combinant le bilan de compétences et des actions de formation. Elles aboutissent à un changement définitif de discipline ou à une réorientation professionnelle 27 ( * ) .

Un dispositif de suivi de ces mesures a été mis en place, l'objectif étant, pour l'année 2004-2005, que 50 % des surnombres constatés soient concernés par l'une de ces mesures, et la totalité à la rentrée 2005.

En ce qui concerne l'allemand, votre rapporteur insistera sur la nécessité d'engager une politique plus globale en faveur de l'apprentissage de cette langue. Le faible nombre de germanistes, en constante diminution, est en totale contradiction avec la politique extérieure et économique de notre pays, fondée sur la proximité des liens entre la France et l'Allemagne.

Aussi, l'existence de sureffectifs dans cette discipline ne devrait pas conduire à une réduction forte des recrutements. Ce n'est pas, a priori, le cas pour 2005, et votre rapporteur s'en félicite : en allemand, 4 postes supplémentaires seront ouverts à l'agrégation externe et 11 au CAPES externe.

c) Rationaliser l'offre de formation : des limites à prendre en compte

La démarche de rationalisation et d'économie présidant à l'utilisation des emplois d'enseignants dans le 2 nd degré s'appuie enfin sur une meilleure gestion de l'offre de formation. L'objectif est en effet la réduction voire la suppression des classes à faibles effectifs, accueillant moins de 10 élèves.

Il en résulte un impératif d'amélioration du pilotage de l'offre scolaire par les académies, lequel repose sur deux instruments :

- la carte des options et des langues vivantes, notamment au lycée d'enseignement général,

- la carte des formations professionnelles et technologiques.

Or, comme l'a souligné la Cour des comptes dans un rapport public d'avril 2003 sur « La gestion du système éducatif », les travaux de révision de ces cartes s'inscrivent peu dans une « vision stratégique et globale ». En outre, lutter contre l' « excessive dispersion des moyens d'enseignement » se heurte à de nombreuses contraintes :

- la prise en compte des souhaits des élèves et des familles, qui doivent être conciliés avec la régulation des flux d'élèves et les besoins économiques de la région ;

- les phénomènes de concurrence entre établissements, pour qui la carte des options est avant tout un élément d'attractivité, voire de sélectivité.

En l'absence d'un véritable effort de réorganisation de l'offre, de telles mesures pourraient s'avérer drastiques pour certaines disciplines, en premier lieu les langues mortes ou les langues vivantes dites « rares », qui ne rassemblent que de faibles effectifs : selon une étude de la DEP 28 ( * ) , la taille moyenne des structures en russe, en lycée, est de 11,2 élèves en LV1 et 9,2 en LV2 (respectivement 14,2 et 12,1 pour le portugais) ; près du quart des heures d'allemand sont dispensées devant des groupes de moins de 10 élèves, la taille moyenne des structures étant d'environ 16 élèves.

Dans les académies ayant déjà mis en place des instruments destinés à rationaliser la carte des options et des langues vivantes, comme le dispositif d'alerte mis en place à la rentrée 2000 dans l'académie de Paris, cette politique s'est traduit par des décisions de fermetures de classes -notamment en russe et en allemand- dont l'efficacité et la pertinence sont limitées, dans la mesure où elles conduisent à placer des enseignants en sous-service.

Afin de préserver un large éventail de choix d'enseignements pour les élèves sur un territoire donné, par exemple au niveau du bassin d'éducation ou de l'académie, il est nécessaire d'impulser une politique plus volontaire de mutualisation entre établissements, notamment par des regroupements de classes, permettant d'assurer une complémentarité de l'offre scolaire ainsi qu'une cohérence des parcours de l'école primaire au lycée.

Cela suppose en parallèle un traitement plus souple des demandes de dérogation par les autorités académiques, afin de permettre à chaque élève de suivre la formation ou l'enseignement correspondant à son choix.

Enfin, il convient de développer l'information aux élèves et à leurs familles, afin de les sensibiliser notamment aux besoins du marché du travail.

* 25 Enquête parue en 2004, réalisée auprès de 803 parents.

* 26 Une discipline est considérée comme excédentaire quand le potentiel constaté pour effectuer des suppléances est supérieur à 6 % de l'effectif global des enseignants de celle-ci.

* 27 Actuellement, les dispositifs de réadaptation -réemploi assurés par le CNED ne concernent que 637 postes par an, pour les 1 er et 2 nd degrés.

* 28 Note d'information n° 04-22, « Taille des structures pédagogiques dans les établissements du 2 nd degré public à la rentrée 2003 », Septembre 2004.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page