Avis n° 78 (2004-2005) de M. Paul BLANC , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 25 novembre 2004

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N° 78

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 2004

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2005 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME I

SOLIDARITÉ

Par M. Paul BLANC,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Claude Bertaud, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontes, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Christiane Kammermann, M. André Lardeux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Jackie Pierre, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1800 , 1863 à 1868 et T.A. 345

Sénat : 73 et 74 (annexe n° 35 ) (2004-2005)

Lois de finances .

SOMMAIRE

Pages

AVANT-PROPOS 6

I. UN NOUVEAU SOUFFLE POUR LA POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS EN 2005 9

A. DES DÉPENSES DE MINIMA SOCIAUX DE MOINS EN MOINS LIÉES À LA CONJONCTURE ÉCONOMIQUE 10

1. L'allocation parent isolé : une progression des dépenses toujours croissante 10

a) Une allocation traditionnellement déconnectée des évolutions de la conjoncture économique 10

b) L'insuffisance des crédits constatée en gestion 2004 11

c) Des prévisions de dépenses pour 2005 plus réalistes 12

2. L'allocation aux adultes handicapés : des dépenses suspendues à la réforme de la loi d'orientation de 1975 12

a) Une dotation qui tient en partie compte des erreurs d'appréciation intervenues en 2004 12

b) La nécessité d'agir sur les facteur structurels d'évolution de l'AAH 14

c) L'absence de prise en compte de l'impact budgétaire du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées 15

3. L'aide médicale de l'État : l'urgence de la maîtrise des dépenses 17

a) Un dispositif initial mal calibré compte tenu de l'explosion de la demande d'asile 17

b) Des réformes indispensables en attente de mesures d'application 18

B. LA COHÉSION SOCIALE AU CoeUR DE L'EFFORT BUDGÉTAIRE DU GOUVERNEMENT POUR 2005 20

1. La création d'un nouveau programme « Politiques en faveur de l'inclusion sociale » pour mettre en oeuvre le plan de cohésion sociale 21

a) Un effort important en faveur de l'hébergement d'urgence et d'insertion 22

b) La relance des actions en faveur des rapatriés 25

2. Le renforcement de l'action sociale en faveur des migrants 27

a) Un soutien non démenti au développement de l'hébergement des demandeurs d'asile 27

b) La mise en place d'un véritable service public de l'accueil des migrants 28

3. Des outils renouvelés et de nouveaux partenariats à construire 30

a) La création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité 30

b) Le transfert aux régions des formations en travail social 31

c) La compétence des départements sur les fonds d'aide aux jeunes 34

II. LA POLITIQUE EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPÉES SUSPENDUE À L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA NOUVELLE LOI POUR L'ÉGALITÉ DES DROITS ET DES CHANCES 36

A. 2005, ANNÉE DE TRANSITION : UN EFFORT PARTAGÉ ENTRE L'ÉTAT ET LA CAISSE NATIONALE DE SOLIDARITÉ POUR L'AUTONOMIE 36

1. Les créations de places en établissements : un transfert de charges vers la CNSA 36

a) L'année 2004 se situe dans le prolongement des plans de création de places mis en oeuvre depuis 1999 36

b) Les créations de places en 2005 : des mesures nouvelles presque intégralement financées par la CNSA 39

2. Le soutien à la vie à domicile : une timide préfiguration de la prestation de compensation 42

a) Un soutien renouvelé au dispositif des auxiliaires de vie, dans l'attente du volet « aides humaines » de la prestation de compensation 42

b) Le dispositif des sites pour la vie autonome, préfiguration des maisons départementales des personnes handicapées 44

c) L'entrée en vigueur de la prestation de compensation : des modalités transitoires à prévoir 46

3. La scolarisation des enfants handicapés : des progrès à confirmer 47

a) Le nécessaire développement des dispositifs d'accompagnement des élèves handicapés en milieu scolaire ordinaire 47

b) La scolarisation dans les établissements d'éducation spéciale : le maillon faible du dispositif 52

c) La fin de l'imbroglio juridique lié au financement de l'amendement Creton 53

4. L'emploi des personnes handicapées : des instruments rénovés 54

a) Une obligation d'emploi renforcée par le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées 54

b) La nécessité de réorienter les actions de l'AGEFIPH 57

c) Le travail protégé, un secteur en mutation 58

d) La garantie de ressources à la croisée des chemins 61

B. UNE NÉCESSITÉ : MAÎTRISER L'ENTRÉE EN VIGUEUR DES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI POUR L'ÉGALITÉ DES DROITS ET DES CHANCES DES PERSONNES HANDICAPÉES 62

1. Clarifier les conditions d'entrée en vigueur de la prestation de compensation et l'affectation des ressources de la CNSA pour 2005 62

2. Améliorer la lisibilité et l'efficacité des financements de la politique en faveur des personnes handicapées 63

a) Le choix d'un programme portant sur l'ensemble de la dépense publique en faveur des personnes handicapées 63

b) Des objectifs et indicateurs de performance pertinents mais perfectibles 67

III. LE RENFORCEMENT DE L'ACTION SOCIALE DÉCENTRALISÉE 70

A. DES DÉPENSES D'ACTION SOCIALE DÉCENTRALISÉE EN VOIE DE RECOMPOSITION 70

1. Les budgets sociaux départementaux en 2003 : une croissance toujours forte 70

2. L'analyse des différentes composantes de la dépense d'action sociale 71

a) L'aide sociale à l'enfance 71

b) L'aide sociale en direction des personnes handicapées 72

c) L'aide sociale en faveur des personnes âgées 73

d) Les dépenses d'insertion et d'accompagnement social 74

3. Les budgets primitifs des départements pour 2004 77

B. MAÎTRISER LE FINANCEMENT DES ÉTABLISSEMENTS MÉDICO-SOCIAUX : UN IMPÉRATIF À L'HEURE DE LA DÉCENTRALISATION 78

1. Un essor inquiétant des dépenses de personnel des établissements médico-sociaux 79

a) L'impact des accords collectifs agréés jusqu'en 2003 79

b) Les incertitudes liées à la sortie des aides à la réduction du temps de travail 80

c) La nécessité de repenser les relations entre gestionnaires et financeurs 82

2. Trois ans après la loi du 2 janvier 2002, faut-il remettre en chantier la tarification des établissements médico-sociaux ? 83

a) Un nouveau cadre budgétaire et comptable qui peine à trouver son rythme de croisière 83

b) Une réflexion renouvelée sur le financement des établissements médico-sociaux 84

TRAVAUX DE LA COMMISSION 86

I. AUDITION DES MINISTRES 86

II. EXAMEN DE L'AVIS 92

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les crédits consacrés à la solidarité en 2005 s'élèvent à 8,7 milliards d'euros. Si l'on tient compte des conséquences de la décentralisation et des transferts de compétences entre ministères, ils progressent encore de 5,2 % par rapport à l'année dernière.

A ces crédits, il convient d'ajouter les financements apportés par la nouvelle Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, qui se montent à 550 millions d'euros en 2005, dont 390 millions pour abonder des dispositifs jusqu'ici à la charge de l'État.

Ces quelques chiffres mettent en lumière l'effort important produit par le Gouvernement, malgré les contraintes budgétaires que chacun connaît, pour financer deux priorités : la cohésion sociale et l'intégration des personnes handicapées.

Conformément au plan de cohésion sociale annoncé 30 juin dernier, le dispositif de lutte contre les exclusions reçoit cette année un soutien décisif du Gouvernement. Ainsi, dans le domaine de l'hébergement d'urgence et d'insertion, la création de places nouvelles est favorisée et le dispositif existant consolidé. L'assainissement budgétaire des structures est entrepris, qu'il s'agisse des CHRS ou des maisons relais.

L'action sociale en faveur des migrants est également développée, grâce à une augmentation continue des capacités d'hébergement destinées aux demandeurs d'asile et, surtout, à travers la constitution d'un véritable service public de l'accueil des migrants, chargé de la mise en oeuvre du nouveau contrat d'accueil et d'intégration.

*

* *

En ce qui concerne les personnes handicapées, la priorité constante accordée par le Gouvernement à ce public est manifeste, même si les contours définitifs des responsabilités respectives de l'État, de l'assurance maladie et de la CNSA restent suspendus à l'adoption prochaine du projet de loi relatif à l'égalité des droits et des chances, à la participation et à la citoyenneté des personnes handicapées.

En matière d'accueil en établissements, l'effort de création de places est poursuivi, conformément au nouveau programme pluriannuel 2005-2007 présenté le 28 janvier 2004, parallèlement au dépôt du projet de loi réformant la loi du 30 juin 1975. L'innovation de l'année 2005 réside dans le fait que les créations de places prévues seront, en grande partie, financées par la CNSA.

Votre commission s'interroge sur l'ampleur de ce report de charge vers la CNSA car les ressources que la Caisse destine au financement des moyens collectifs de compensation du handicap que sont ces établissements restent inférieures au coût total du plan de création de places 2005-2007. Plus fondamentalement, votre commission estime indispensable d'engager une réflexion sur les modalités d'intervention de la CNSA en matière de financement des établissements pour personnes handicapées.

Il convient en revanche de souligner que le soutien à la vie à domicile est enfin devenu une composante à part entière de la politique en faveur des personnes handicapées, grâce au développement des services d'auxiliaires de vie et à l'achèvement du dispositif des sites pour la vie autonome.

Votre commission se réjouit d'ailleurs de constater que le Gouvernement n'attendra pas la mise en place définitive et intégrale de la prestation de compensation, qui pourrait finalement n'intervenir qu'en 2006, pour améliorer concrètement la situation des personnes handicapées souhaitant vivre à domicile, et notamment de celles qui requièrent la présence constante d'une tierce personne.

S'agissant enfin de la mise en place des guichets uniques que constitueront les maisons départementales des personnes handicapées, l'année 2005 devrait être une année de transition. Les actuels sites pour la vie autonome, qui seront, à terme, intégrés aux maisons, continueront leur action avec des moyens renforcés par un apport de la CNSA.

Ce budget permet donc des avancées incontestables et l'effort en faveur des personnes handicapées doit être apprécié à sa juste valeur, dans un contexte budgétaire contraint. La grande inconnue de l'année 2005 réside toutefois dans la mise en oeuvre du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées et il importe de s'assurer des bonnes conditions de son entrée en vigueur.

Malgré les assurances données lors de son dépôt en janvier dernier, le projet de loi ne pourra pas être appliqué dès le 1 er janvier 2005. Dans ces conditions, une incertitude fondamentale demeure quant à l'entrée en vigueur de la prestation de compensation car celle-ci semble se heurter à deux obstacles : les délais incompressibles de parution des décrets d'application et le temps nécessaire à la mise en place, dans chaque département, des différentes instances chargées de l'instruction des demandes.

Même si elle le déplore, votre commission reconnaît qu'un report au 1 er janvier 2006 est inévitable pour le versement des premières prestations de compensation. En contrepartie de ce report, elle s'engage à insister pour que le Gouvernement définisse explicitement le montant des ressources de la CNSA mobilisé en 2005 et les actions auxquelles elles seront affectées.

*

* *

Enfin, comme tous les ans, votre commission a souhaité consacrer une partie de cet avis à l'évolution des dépenses d'action sociale décentralisées. Cette présentation prend d'ailleurs un tour particulier, alors que la deuxième vague de décentralisation en matière d'action sociale commence à entrer en vigueur.

Ces dépenses connaissent une progression sans précédent, du fait de la décentralisation du RMI, de la poursuite de l'accroissement des dépenses d'APA, de l'augmentation des dépenses en faveur des personnes handicapées et, de façon plus préoccupante, de l'inflation du coût des prestations en établissements et services sociaux et médico-sociaux.

Cette hausse met en relief la nécessité de mieux maîtriser les dépenses de personnel qui représentent les deux tiers des dépenses de fonctionnement des établissements. Or, l'année 2003 marque la fin de la période de modération salariale forcée qui avait accompagné la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail : le coût de l'application des accords collectifs a presque été multiplié par trois en un an, et ce alors que les établissements doivent également faire face à la fin des aides Aubry en compensation de la réduction du temps de travail.

Comme en témoignent les difficultés de financement des accords agréés en 2003 et 2004, une amélioration des dispositifs de maîtrise de la négociation collective dans ce secteur doit être recherchée. Plus fondamentalement, une réflexion doit sans doute être engagée sur les relations entre financeurs et établissements médico-sociaux.

*

* *

Pour toutes ces raisons, votre commission vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la solidarité pour 2005.

I. UN NOUVEAU SOUFFLE POUR LA POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS EN 2005

Les crédits consacrés à la solidarité 1 ( * ) s'élèvent à 8,7 milliards d'euros dans le projet de budget pour 2005, ce qui représente une augmentation de 3,3 % par rapport à la loi de finances initiales pour 2004.

L'évolution est plus favorable encore lorsque l'on prend en compte :

- les conséquences de la décentralisation : les dépenses relatives à la formations des travailleurs sociaux seront transférées aux régions à compter du 1 er janvier 2005 (soit 140 millions d'euros) et celles relatives aux fonds d'aide aux jeunes et aux fonds d'impayés énergie seront confiées aux départements à compter de la même date (pour un montant de 25,5 millions d'euros) ;

- les transferts de compétences entre ministères : les dépenses relatives à la délégation interministérielle à l'innovation sociale et à l'économie solidaire sont désormais à la charge de la section « Jeunesse, sports et vie associative » (ce qui représente une économie de 4 millions d'euros). A l'inverse, la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité se traduit par une dépense supplémentaire de 7 millions d'euros.

Au total, à périmètre constant, le budget de la solidarité pour 2004 progresse de 5,2 % . Cette évolution résulte essentiellement de deux paramètres :

- le fort dynamisme des minima sociaux , qui représentent encore, malgré la décentralisation du RMI, 65 % des crédits : les crédits consacrés à l'AAH augmentent de 4 % et ceux affectés à l'API de 12 % ;

- la mise en oeuvre de la première annuité du plan de cohésion sociale : 62 millions d'euros sont destinés à assurer les ouvertures de places d'hébergement d'urgence, de centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et de centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) autorisées en 2004. En outre, 44 millions d'euros de mesures nouvelles sont prévus, pour la création de places en 2005 et pour la mise en oeuvre des contrats d'intégration pour les migrants.

Il convient enfin de tenir compte du volume des dépenses débudgétisées en 2005, du fait de la création de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie : en effet, le financement de l'ensemble des mesures nouvelles en faveur des personnes handicapées, qu'il s'agisse de la création de places en établissements ou de l'abondement des dispositifs d'aide à domicile et d'aide à la vie autonome, est mis à la charge de la caisse, pour un montant prévisionnel de 550 millions d'euros, dont 390 millions pour financer des dispositifs jusqu'ici assumés sous la responsabilité de l'État .

A. DES DÉPENSES DE MINIMA SOCIAUX DE MOINS EN MOINS LIÉES À LA CONJONCTURE ÉCONOMIQUE

1. L'allocation parent isolé : une progression des dépenses toujours croissante

a) Une allocation traditionnellement déconnectée des évolutions de la conjoncture économique

L'allocation parent isolé (API) est une allocation différentielle versée, sous conditions de ressources, aux personnes assumant seules la charge d'un ou plusieurs enfants et aux femmes enceintes. A la fois prestation familiale et minimum social, elle a un caractère différentiel, les sommes versées complétant les revenus de l'intéressé à hauteur de 530,39 euros par mois pour une femme enceinte et de 707,19 euros pour une personne avec un seul enfant à charge, majorés de 176,80 euros par enfant supplémentaire.

La croissance du nombre de bénéficiaires de l'API ne dépend pas seulement de la situation économique et découle surtout de l'augmentation du nombre de familles monoparentales en termes de ressources financières.

Évolution de l'API

Année

Nombre de bénéficiaires

Évolution (en %)

Dépense
(en droits constatés)

Évolution
(en %)

1997

164.000

+ 0,6

708,6

+ 1,1

1998

165.000

+ 0,6

700,0

- 1,2

1999

168.000

+ 1,8

707,4

+ 1,1

2000

170.000

+ 1,2

721,2

+ 2,0

2001

175.000

+ 3,0

752,7

+ 4,4

2002

181.000

+ 3,4

794,8

+ 5,6

2003

189.000

+ 4,4

832,2

+ 4,7

Toutefois, l'augmentation du nombre de familles monoparentales couvertes par l'API est liée à la hausse de la pauvreté au sein de cette catégorie de population. Ainsi, 17 % des familles monoparentales se situaient, en 1995, sous le seuil de pauvreté, contre 11,8 % en 1985. Les femmes chefs de famille monoparentales, traditionnellement plus souvent en activité que les femmes en couple à nombre d'enfants identique, ont subi les effets de la dégradation du marché du travail.

Le retour de la croissance sur la période 1997-2000 et l'amélioration de la situation générale de l'emploi qui s'en est suivie auraient dû mécaniquement entraîner une baisse d'environ 25.000 allocataires. Tel n'a pas été le cas. Les études montrent en réalité que la situation du marché de l'emploi n'a de réel impact que sur un quart des bénéficiaires, essentiellement les femmes séparées. Or, la catégorie des allocataires qui a augmenté le plus fortement ces dernières années est celle des célibataires (+ 53 % entre 1997 et 2002) et il s'agit également de la catégorie la moins sensible aux évolutions de la conjoncture économique.

b) L'insuffisance des crédits constatée en gestion 2004

Pour la deuxième année consécutive, les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2004 s'avèrent insuffisants . Deux facteurs expliquent cette sous-évaluation :

- une croissance du nombre de bénéficiaires systématiquement sous-estimée : la loi de finances initiale pour 2004 retenait une hypothèse de croissance de 0,74 %, alors que, dès le mois de mars 2004, la DREES anticipait une hausse des effectifs de 3,4 %. De la même manière, en 2003, le projet de budget avait été construit à partir d'une hypothèse de croissance de 0,7 %, bien que la DREES ait averti les pouvoirs publics que la hausse dépasserait 1,4 % : finalement la progression constatée a été largement supérieure, s'établissant à environ 4,4 %.

- une réévaluation du montant de l'API plus importante que prévu : sa revalorisation a été de 1,7 %, alors que seule une augmentation de 1,5 % avait été initialement budgétée.

En réalité, le Gouvernement escomptait en 2004 une diminution du rythme de croissance des bénéficiaires de l'API compte tenu de l'entrée en vigueur de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE), et ce pour deux raisons : la nouvelle prestation devait d'abord permettre un meilleur accès à l'emploi des parents isolés, en facilitant leur accès à un mode de garde ; ensuite, la PAJE, contrairement à l'allocation pour jeune enfant (APJE) qui la précédait, devait être incluse dans la base ressources de l'API : alors que l'APJE s'ajoutait à l'API, la nouvelle PAJE devait venir en déduction, réduisant d'autant les sommes versées au titre de l'API différentielle.

Or, cette nouvelle règle de non-cumul des allocations a abouti à une situation inéquitable pour les mères isolées touchant l'API, suivant la date de naissance de leur enfant : les mères d'enfants nés après le 1 er janvier 2004, date d'entrée en vigueur de la PAJE, auraient perçu jusqu'à 1.300 euros de moins que celles d'enfants nés avant cette date. Au total, près de 40.000 jeunes mères auraient été victimes de cette iniquité.

C'est la raison pour laquelle un second décret, n° 2004-189 du 27 février 2004, est venu rectifier les règles relatives à la base ressource de l'API : la prime à la naissance, l'allocation de base versée jusqu'aux trois mois de l'enfant et le complément de libre choix du mode de garde de la PAJE sont désormais cumulables avec l'API, avec effet rétractif au 1 er janvier 2004.

c) Des prévisions de dépenses pour 2005 plus réalistes

Les crédits ouverts en projet de loi finances pour 2005 au titre de l'API s'élèvent à 863 millions d'euros, en hausse de 12 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004 . La dotation prévue tient compte à la fois du nécessaire rattrapage en volume et en prix constaté en gestion 2004 et d'une prévision de croissance du nombre de bénéficiaires en 2005 plus réaliste.

Votre commission ne peut que louer l'effort de sincérité budgétaire qui a présidé à l'établissement de la dotation budgétaire pour 2005. Elle observe toutefois que, d'après les prévisions établies par la commission des comptes de la sécurité sociale en septembre 2004, la dotation prévue resterait inférieure de près de 60 millions d'euros aux estimations de dépenses .

Elle constate également que les crédits prévus ne tiennent pas compte du règlement des dettes de l'État à l'égard de la branche famille au titre de l'exercice 2004 et du solde des exercices antérieurs. En l'état actuel des crédits ouverts à l'article 30 du chapitre 46-34 et si aucune ouverture de crédits supplémentaires n'intervient en loi de finances rectificative pour 2004, l'État restera redevable à la CNAF de 112 millions d'euros. Elle engage donc le Gouvernement à inscrire les crédits nécessaires à l'apurement de cette dette en loi de finances rectificative.

Dette de l'État à l'égard de la CNAF au titre de l'API

 

2002

2003

2004

2005 **

Dépenses constatées *

796

833

880

922

Dotations budgétaires

740

805

770

863

Solde annuel

- 56

- 28

- 110

- 59

Ouvertures LFR

46

36

n.c

n.c

Dette CNAF cumulée

- 10

- 2

n.c

n.c

* Source : commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2004
** Prévisions : idem

2. L'allocation aux adultes handicapés : des dépenses suspendues à la réforme de la loi d'orientation de 1975

a) Une dotation qui tient en partie compte des erreurs d'appréciation intervenues en 2004

Les crédits consacrés au financement de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et de son complément s'élèvent à 4,8 milliards d'euros, soit une progression de 4 % par rapport aux crédits ouverts à ce titre en loi de finances initiale pour 2004.

Votre commission estime, contrairement au sentiment généralement affiché par le monde associatif, qu' une progression continue des dépenses d'AAH ne peut pas être en soi un motif de satisfaction : elle signifie en effet qu'une proportion de plus en plus importante des personnes handicapées se trouve dans l'incapacité, conjoncturelle ou définitive, de se procurer un emploi.

Il reste que, dans un souci de sincérité budgétaire, votre commission est attachée au fait que les dépenses ne soient pas systématiquement sous-estimées. C'est la raison pour laquelle le taux de progression des crédits d'AAH pour 2005 lui apparaît plus réaliste que celui retenu l'an passé .

La dotation pour 2005 répare en effet plusieurs erreurs d'appréciation intervenues lors de la préparation du budget pour 2004 : le taux de revalorisation du minimum vieillesse - et donc de l'AAH - a été corrigé conformément à la revalorisation réellement intervenue en janvier 2004, soit 1,7 % et non 1,5 %, comme initialement prévu ; par ailleurs, l'hypothèse d'évolution des effectifs pour 2004 a été révisée, passant de 1,26 % à 1,9 %. A également été intégré dans les services votés pour 2005 le coût entraîné par la revalorisation du forfait hospitalier en 2004, soit 15 millions d'euros.

Votre commission observe toutefois que le Gouvernement n'est pas allé jusqu'au bout de son effort de sincérité budgétaire :

- aucun remboursement des dettes contractées à l'égard de la branche famille n'est prévu à ce stade : la sous-estimation de la dotation au titre de l'AAH pour 2004 conduit à elle seule à la constitution d'une dette de l'ordre de 112 millions d'euros envers la CNAF. La dette cumulée se monterait quant à elle à 54 millions d'euros au 31 décembre 2003 et si aucune mesure n'intervient d'ici la fin de l'exercice 2004, elle s'élèvera à 166 millions d'euros ;

Dette de l'État à l'égard de la CNAF au titre de l'AAH

 

2002

2003

2004

2005 **

Dépenses constatées *

4.430

4.577

4.773

4.974

Dotations budgétaires

4.277

4.526

4.661

4.847

Solde

- 153

- 51

- 112

- 127

Ouvertures LRF

150

0

n.c

n.c

Dette CNAF cumulée

- 3

-54

n.c

n.c

* Source : commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2004
** Prévisions : idem

- les hypothèses retenues pour l'évolution des dépenses en 2005 sont fragiles : ainsi, l'hypothèse de revalorisation du minimum vieillesse qui sert de base à l'AAH est encore une fois fixée 1,5 %, alors que celle-ci s'avère depuis deux ans supérieure de 0,2 point à cette prévision. Par ailleurs, les hypothèses envisagées pour la progression du nombre de bénéficiaires (2,2 % pour le régime général et - 5 % pour le régime des exploitants agricoles) n'intègrent pas les conséquences des mesures en cours d'adoption dans le cadre du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

C'est la raison pour laquelle votre commission reste réservée quant à l'adéquation des crédits prévus au titre de l'AAH avec les dépenses qui seront réellement constatées en cours d'exercice. Un abondement de crédits en loi de finances rectificative pour 2004 et pour 2005 lui paraît inévitable.

b) La nécessité d'agir sur les facteur structurels d'évolution de l'AAH

L'observation sur une longue période de l'évolution de la dépense d'AAH montre que celle-ci résulte essentiellement de l'accroissement des effectifs des bénéficiaires, et non d'une variation des montants versés aux allocataires. Telle est d'ailleurs l'analyse de la commission des comptes de la sécurité sociale en septembre 2004.

La progression des dépenses d'AAH serait tout d'abord due à un facteur purement démographique : parmi les bénéficiaires de l'AAH, on constate en effet une surreprésentation des classes d'âge de 35 à 59 ans (62 % contre 51 % en population générale). Par conséquent, le nombre des bénéficiaires de l'AAH est particulièrement sensible à l'avancée en âge des générations du baby boom. On observe également une augmentation de la prévalence du handicap, due notamment à l'augmentation de l'espérance de vie des personnes handicapées.

Il convient ensuite de souligner la très nette progression des reconnaissances administratives du handicap : on constate en effet une tendance marquée des COTOREP à accorder un plus grand nombre d'AAH pour des personnes présentant un taux d'incapacité compris entre 50 et 79 % 2 ( * ) .

Attribution de l'AAH selon le taux d'incapacité de 1990 à 2002
(source : CNAF, métropole et DOM)

Comme votre commission le soulignait déjà l'an passé, il est évident qu'une modération des dépenses d'AAH ne peut avoir que deux origines : une amélioration de la situation de l'emploi des personnes handicapées et une profonde réforme des COTOREP .

C'est la raison pour laquelle l'article 3 du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées met en place un mécanisme d'incitation à l'accès ou au retour à l'emploi des personnes handicapées qui le peuvent, grâce à un mécanisme d'« intéressement » à l'emploi consistant à ne prendre en compte, au titre des ressources retenues pour l'examen du droit, qu'une partie des revenus d'activité professionnelle de la personne handicapée.

Votre commission ne reviendra pas sur les raisons qui l'ont incité à soutenir cette mesure. Elle s'en est déjà largement expliquée dans ses rapports de première et de deuxième lectures sur ce texte. Le coût brut de cette mesure s'élève à 43,5 millions d'euros, mais aucune estimation de l'économie réalisée au titre du retour à l'emploi de bénéficiaires de l'AAH aujourd'hui exclus du monde du travail n'est à l'heure actuelle disponible. Rien, en l'état des informations disponibles, ne permet de savoir si l'impact de cette mesure a été pris en compte dans la construction du projet de budget pour 2005.

c) L'absence de prise en compte de l'impact budgétaire du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées

D'une manière générale, le projet de budget pour 2005 ne fait à aucun moment état de la prise en compte des mesures prévues par le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées , dont l'adoption définitive devrait pourtant intervenir avant la fin de l'année 2004 ou, au plus tard, au cours du premier trimestre 2005. En tout état de cause, aucune disposition de ce projet de loi ne prévoit, pour l'heure, de reporter à 2006 l'entrée en vigueur des articles portant réforme de l'AAH. Ceux-ci devraient donc avoir un impact budgétaire dès 2005, notamment la mesure portant suppression du complément d'AAH et création d'une dotation « aménagement du logement » au sein de la prestation de compensation.


Le complément d'AAH

Créé en 1994, le complément d'AAH est attribué aux personnes handicapées présentant un taux d'invalidité supérieur à 80 %, afin de leur permettre de couvrir les dépenses supplémentaires liées à une vie autonome à domicile. Il est donc versé aux personnes qui disposent d'un logement indépendant pour lequel elles perçoivent une aide personnelle au logement.

Son montant mensuel est fixé à 16 % du montant mensuel de l'AAH et évolue dans les mêmes conditions que celui-ci. Depuis le 1 er janvier 2004, revalorisé comme l'AAH, il s'élève à 94,04 euros. A la même date, 155.500 allocataires en ont bénéficié, pour un coût total de 178 millions d'euros.

Le rythme d'augmentation du nombre de bénéficiaires de ce complément (+ 10 % de 1998 à 1999, + 4 % de 1999 à 2000, + 4 % de 2000 à 2001, + 2,6 % entre 2001 et 2002 et + 2,5 % de 2002 à 2003) montre une montée en charge qui s'infléchit légèrement ces dernières années.

Dans la mesure où le complément sera maintenu pour les bénéficiaires actuels jusqu'au renouvellement ou à la fin de leurs droits à l'AAH, la montée en charge de cette réforme s'effectuera progressivement sur dix ans, durée maximum d'attribution de l'AAH : les dernières dépenses de complément s'éteindront donc en 2015.

D'après les éléments d'informations disponibles, le gel des nouveaux accords de complément d'AAH devrait se traduire par une économie budgétaire de l'ordre de 19 millions d'euros . Rien n'indique, à ce stade, que cette économie ait été prise en compte dans la construction du projet de budget pour 2005, à moins qu'elle ne soit incluse dans la mesure d'économie de 44 millions d'euros annoncée par le Gouvernement.

Enfin, votre commission rappelle que le Gouvernement s'est engagé, à la demande des associations de personnes handicapées et des parlementaires, à créer un complément de ressources pour les personnes handicapées qui sont dans l'incapacité totale de travailler, ainsi qu'à améliorer le « reste à vivre » perçu par les bénéficiaires de l'AAH accueillis en établissement de santé, en établissement social ou médico-social ou détenus dans un établissement pénitentiaire.

Ces mesures devraient avoir un effet budgétaire important, qui ne semble pas pris en compte à ce stade. Votre commission reconnaît qu'il était difficile, pour le Gouvernement, d'anticiper sur cette demande qui n'est apparue qu'à l'occasion de la deuxième lecture du projet de loi au Sénat. Au demeurant, elle estime que le nouveau complément pour incapacité de travail relève davantage d'une logique de compensation du handicap : il pourrait donc être financé, comme l'ensemble de la prestation de compensation, par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

En revanche, un relèvement du reste à vivre en établissement majorerait incontestablement les dépenses budgétaires. Un dérapage des dépenses d'AAH en 2005 semble donc probable .

3. L'aide médicale de l'État : l'urgence de la maîtrise des dépenses

a) Un dispositif initial mal calibré compte tenu de l'explosion de la demande d'asile

L'aide médicale de l'État (AME) a été créée en 2000, parallèlement à l'entrée en vigueur de la couverture maladie universelle (CMU), afin de donner une couverture médicale aux personnes non éligibles à cette dernière, c'est-à-dire en grande majorité aux personnes étrangères en situation irrégulière et à leurs ayants droit.

La gestion de l'AME a été confiée, par convention, à la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM). C'est la raison pour laquelle l'admission à l'AME et le service des prestations qui en découlent reposent sur les caisses primaires d'assurance maladie. Les dépenses engagées sont arrêtées trimestriellement par la CNAM et remboursées par l'État.

Ce dispositif, qui était censé être résiduel, est en réalité devenu un dispositif de masse , compte tenu du dynamisme des flux migratoires : les bénéficiaires sont ainsi passés de 75.000 en 2000 à 156.000 selon la dernière estimation au 30 juin 2004, après un pic à 170.000 enregistré l'année précédente.

Nombre de bénéficiaires de l'AME

 

2000

2001

2002

2003

2004

Nombre de bénéficiaires

73.300

125.400

153.600

170.300

156.000

Évolution (en %)

-

+ 71,1

+ 22,5

+ 10,9

- 8,4

La montée en charge des dépenses liées à ce nouveau dispositif n'a pas été correctement anticipée, d'autant plus que les délais de traitements des demandes d'admission par les CPAM ont entraîné des reports de charge importants, de l'ordre de 50 % des dépenses rattachées aux exercices 2000 et 2001, de sorte que l'insuffisance des crédits a longtemps été masquée.

Le décalage dans la facturation à l'État des dépenses d'AME s'est traduit par l' apparition d'une dette importante à l'égard de la CNAM, d'environ 311 millions d'euros au 31 décembre 2002 .

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la loi de finances rectificative du 6 août 2002 avait auparavant ouvert une dotation complémentaire de 445 millions d'euros , afin de permettre le remboursement à l'assurance maladie de l'ensemble des dettes contractées à son égard au titre de l'AME.

Semblant tirer les leçons de la sous-dotation chronique du chapitre budgétaire consacré à l'AME, la loi de finances initiale pour 2003 avait prévu une dotation de 233 millions d'euros, multipliant ainsi par trois les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2002. Mais cet effort s'est encore une fois révélé insuffisant, puisqu'un abondement supplémentaire de 208 millions d'euros a du être à nouveau décidé en loi de finances rectificative pour 2003.

Malgré cet effort supplémentaire, les crédits ouverts pour 2003 (441 millions d'euros au total) ne suffiront pas pour rembourser à la CNAM l'ensemble des dépenses engagées au titre de l'AME , soit 489 millions d'euros, sans compter les 90 millions d'euros restant à charge au titre de l'exercice 2002 et les 26 millions d'euros nécessaires au remboursement des évacuations sanitaires de l'hôpital de Mayotte, de la prise en charge des soins des personnes placées en centres ou locaux de rétention administrative et des dettes résiduelles antérieures à 2002.

L'an dernier, votre commission estimait donc déjà que la dotation prévue pour 2004, qui constituait une simple reconduction des crédits prévus en loi de finances initiale pour 2003, serait insuffisante et requérrait un nouvel ajustement en loi de finances rectificative.

En effet, les sommes à verser à la CNAM en 2004, correspondant au dernier trimestre 2003 et au premier semestre 2004 atteignent déjà 345 millions d'euros, contre 335 millions d'euros à la même époque l'année précédente. En outre, l'État reste également débiteur envers la CNAM au titre de l'exercice 2003. Au total, et comme chaque année, la dépense totale devrait s'établir entre 490 et 500 millions d'euros.

Or, en 2005, les crédits relatifs à l'AME et au nouveau dispositif de prise en charge des soins urgents s'élèvent une fois de plus à 233 millions d'euros. Il serait singulier que, cette année, elle suffise à financer l'ensemble du dispositif d'aide médicale .

b) Des réformes indispensables en attente de mesures d'application

Deux variables affectent plus particulièrement le coût du dispositif de l'aide médicale d'État :

- l'augmentation du nombre de bénéficiaires : si cette augmentation est en grande partie liée aux évolutions des flux migratoires, sur lesquels les gestionnaires de l'AME n'ont pas de prise, elle vient également des conditions extrêmement favorable d'accès à cette aide. Ainsi, contrairement au dispositif prévu pour la CMU, la pratique des déclarations d'identité et de résidence sur l'honneur a été initialement encouragée par les CPAM, ce qui a considérablement affaibli les contrôles possibles du respect des conditions d'accès à l'AME ;

- la hausse régulière du coût moyen du panier de soins par bénéficiaire de l'AME : ce coût est passé de 2.148 euros en 2002 à 2.871 euros en 2003, soit une augmentation de 33 %.

Afin de limiter les dérapages du dispositif de l'AME et conformément aux conclusions du rapport de mars 2003 consacré, par l'IGAS, à la prise en charge sanitaire des migrants, le législateur a pourtant pris plusieurs mesures :

- la loi de finances rectificative pour 2002 a instauré, dans son article 57, le principe d'une participation financière des bénéficiaires de l'AME, cette participation étant toutefois plafonnée et des exonérations étant prévues pour les mineurs, les pathologies graves ou coûteuses, les femmes enceintes, les nouveaux-nés et les frais d'examens de dépistage effectués dans le cadre des programmes de prévention ;

- la loi de finances rectificative pour 2003 a créé une condition de résidence préalable de trois mois pour accéder à l'AME. En contrepartie, une prise en charge réduite aux soins urgents et vitaux a été mise en place durant cette période de trois mois, financée par une dotation forfaitaire versée par l'État à la CNAM.

Cette réforme de 2003 relative à la condition de résidence et aux soins urgents était d'application immédiate ; elle est donc entrée en vigueur le 1 er janvier 2004. Mais celle de 2002 instituant à la participation financière des usagers reste en attente du décret d'application définissant le montant du forfait hospitalier et du ticket modérateur exigé des bénéficiaires, ainsi que leur plafond et les conditions précises d'exonération.

Deux autres décrets indispensables au renforcement des contrôles de base à l'accès à l'AME sont également en suspens : il s'agit des décrets chargés de donner une base réglementaire à l'exigence de pièces justificatives pour l'instruction des demandes d'AME et de préciser la nature de ces pièces justificatives. Ils doivent en outre être complétés par des arrêtés fixant respectivement les modèles de formulaires de demande, de titre d'admission et les modalités de suivi statistique du dispositif par la CNAM.

Votre commission s'étonne du retard pris dans la publication de ces décrets d'application et regrette que les mesures votées par le législateur soient, en conséquence, restées lettre morte depuis deux ans . Les économies attendues sont effet loin d'être négligeables :

- le renforcement du contrôle lors de l'accès à l'AME devrait permettre une économie égale à 10 % de la dépense actuelle, soit environ 50 millions d'euros et d'une entrée en vigueur à l'automne 2004en année pleine ;

- l'effet de la participation financière des bénéficiaires est évalué à 50 millions d'euros, soit 10 millions d'euros d'économie directe et 40 millions d'économie indirecte, par dissuasion des usagers d'engager des soins médicalement inutiles ;et d'une entré en vigueur au 1 er juillet 2004.

Votre commission approuve l'ensemble de ces mesures qui, conjuguées aux mesures plus générales prises par le Gouvernement en matière de politique d'asile et d'immigration, devraient permettre de limiter les dérapages budgétaires liés à l'AME, ce dont témoigne la baisse du nombre de bénéficiaires amorcée au dernier trimestre 2004. Mais elle estime tout aussi indispensable un rebasage de la dotation pour son financement, afin de ne pas provoquer, année après année, une dette à l'égard de l'assurance maladie dont la situation financière ne permet plus d'assurer la trésorerie de l'État.

B. LA COHÉSION SOCIALE AU CoeUR DE L'EFFORT BUDGÉTAIRE DU GOUVERNEMENT POUR 2005

Les crédits consacrés à la lutte contre les exclusions et au développement social dans le projet de loi de finances pour 2005 s'élèvent à 1,5 milliard d'euros . A périmètre constant, c'est-à-dire en neutralisant les effets de la décentralisation des crédits relatifs aux formations en travail social et aux fonds d'aide aux jeunes, ils progressent de 12,4 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2004 .

L'emploi de ces crédits s'inscrit dans le cadre du plan de cohésion sociale , présenté le 30 juin 2004 par Jean-Louis Borloo, ministre du travail, de l'emploi et de la cohésion sociale, qui entend agir simultanément sur trois leviers : l'emploi, le logement et l'égalité des chances, déclinés en vingt programmes. Ce plan couvre une période de cinq ans et il est soutenu par une loi de programmation, actuellement en cours d'examen devant le Parlement.

Il a été complété par la tenue, le 6 juillet 2004, de la première conférence nationale de lutte contre l'exclusion et pour l'insertion et par la réunion - pour la première fois depuis sa création en 1998 - du comité interministériel de lutte contre les exclusions (CILE). Trois objectifs ont été arrêtés : agir ensemble pour lutter contre l'exclusion, conforter l'accès aux droits fondamentaux et, enfin, assurer le passage de l'hébergement à un logement durable.

Le projet de budget pour 2005 s'attache à traduire dans les faits ces objectifs, grâce notamment à un effort important dans le domaine de l'hébergement d'urgence et de l'hébergement d'insertion, ainsi qu'en faveur de l'intégration des étrangers.

1. La création d'un nouveau programme « Politiques en faveur de l'inclusion sociale » pour mettre en oeuvre le plan de cohésion sociale

Dans le cadre de la nouvelle nomenclature budgétaire mise en place dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), un programme intitulé « Politiques en faveur de l'inclusion sociale » a été créé pour 2005, dont l'objectif général est de renforcer la cohésion sociale par une réduction de la pauvreté et de la précarité.

Il est préfiguré, dès 2005, par un chapitre expérimental 39-03 permettant la globalisation des crédits consacrés à ces actions. Ce programme devrait être accompagné, conformément aux souhaits exprimés lors du CILE du 6 juillet 2004, par un document de politique transversale retraçant deux à quatre objectifs et une dizaine d'indicateurs.


La mission « Solidarité et intégration »

Les actuels crédits relatifs à la solidarité relèveront, dès 2006, de la mission interministérielle « solidarité et intégration » constituée de sept programmes :

- « Politiques en faveur de l'inclusion sociale » qui rassemble quatre actions : prévention de l'exclusion, actions en faveur des plus vulnérables, conduite et animation de la politique de lutte contre l'exclusion et rapatriés ;

- « Accueil des étrangers et intégration » qui regroupe les actions conduites en direction des personnes immigrées ou issues de l'immigration. Trois actions ont été définies par le ministère : l'intégration, la prise en charge sociale des demandeurs d'asile et la participation à la régulation des migrations. L'aide médicale d'État y a été ajoutée, à la demande de l'Assemblée nationale ;

- « Actions en faveur des familles les plus vulnérables » qui se décline en trois actions : le soutien à la fonction parentale, le soutien aux familles monoparentales et la protection des enfants et des familles. Il regroupe, pour l'essentiel, les crédits qui figurent actuellement au chapitre 46-34 « Interventions en faveur de la famille et de l'enfance » ;

- « Handicap et dépendance » qui rassemble l'ensemble des crédits relatifs aux personnes âgées et handicapées. Ce programme serait décliné en cinq actions - l'évaluation et l'orientation personnalisée des personnes handicapées, l'incitation à l'activité professionnelle, les ressources d'existence, la compensation des conséquences du handicap, les personnes âgées - complétées par une action de pilotage du programme ;

- « Protection maladie complémentaire », composée d'une action unique concernant le financement de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC) ;

- « Égalité entre les hommes et les femmes » qui comporte cinq actions : accès des femmes aux responsabilités et à la prise de décision, égalité professionnelle, égalité en droits et en dignité, articulation des temps de vie, ainsi que les actions de pilotage et de soutien ;

- « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » qui se rapporte à la quasi-totalité des personnels et aux fonctions transversales, telles que les études et statistiques, le fonctionnement ou la formation.

a) Un effort important en faveur de l'hébergement d'urgence et d'insertion

Le dispositif d'accueil et d'hébergement pour les personnes ou les familles en situation de grande précarité intervient en deux temps : d'abord en proposant proposer un abri immédiat aux personnes sans domicile, ensuite en orientant la personne vers un hébergement temporaire de plus longue durée, afin de permettre sa réinsertion ou sa stabilisation.

Le dispositif plus spécifiquement dédié à l'hébergement d'urgence fonctionne en coordonnant l'ensemble des structures capables d'offrir un abri aux personnes sans domicile fixe, qu'il s'agisse des équipes du 115, du SAMU social, des accueils de jours, des accueils de nuit et des nuitées d'hôtel mobilisables à la demande.

Il trouve son prolongement dans des structures de type CHRS ou maisons relais qui permettent un hébergement de plus longue durée, doublé d'un accompagnement social visant à la réinsertion des personnes accueillies.

Les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2004 pour l'ensemble de ces dispositifs s'élevaient à 552,3 millions d'euros, soit 437,3 millions d'euros pour les CHRS, 112,8 millions pour l'hébergement d'urgence et 2,2 millions pour les maisons relais . Ces crédits se sont d'ailleurs révélés insuffisants puisqu'un décret d'avance a dû ouvrir en supplément 14 millions d'euros pour le financement des CHRS et 51 millions pour l'hébergement d'urgence.

Au total, 48.580 places d'hébergement d'urgence ou d'insertion étaient accessibles au 15 juin 2003, selon une enquête menée par la direction générale des affaires sociales auprès de ses services déconcentrés.

Nombre de places d'hébergement d'urgence
et d'insertion au 15 juin 2003

CHRS

29.518

Centres d'hébergement d'urgence

10.572

Nuits d'hôtel

7.640

Maisons relais

850

Total

48.580

Source : DGAS

Un effort important de création de places d'hébergement d'urgence et d'insertion a été engagé ces dernières années. S'agissant plus particulièrement des CHRS, le rythme moyen des créations de places s'est élevé à cinq cents places nouvelles par an. Les places réellement installées ont même été régulièrement supérieures à celles initialement prévues en loi de finances.

Places en CHRS financées et installées

Années

Montant
(en millions d'euros)

Places nouvelles prévues

Places installées

1995

5,9

500

n.d

1996

5,9

500

542

1997

12,8

1.000

1.123

1998

6,4

500

557

1999

6,4

500

571

2000

6,4

500

570

2001

6,4

500

508

2002 *

7,9

530

530

2003

6,4

500

529

* Y compris les crédits de 1,5 million d'euros pour la création de trente places d'accueil et d'orientation pour mineurs étrangers à Taverny.

Le programme de création de maisons relais est plus récent, puisque c'est une circulaire du 10 décembre 2002 qui a donné une base réglementaire à ces structures jusque là expérimentales et connues sous le nom de « pensions de famille » et que c'est la loi de finances initiale pour 2003 qui, la première, a prévu des crédits spécifiquement consacrés à leur développement.

L'objectif de créer mille places en 2003 a été aisément atteint : en effet, 61 maisons relais, réparties sur l'ensemble du territoire, ont été mises en service, offrant 1.028 places, soit pour un coût de fonctionnement de 3 millions d'euros.

En 2004, 993 places supplémentaires ont été créées avec un financement identique mais calculé au prorata de la durée d'ouverture dans l'année, et prioritairement dans les départements déficitaires en structuresd'insertion de ce type, pour un montant total de 1,3 million d'eurospour financer le couple d'hôtes assurant le fonctionnement de la maison relais mais, cette dépense n'ayant pas été budgétée, elle a du faire l'objet d'un décret d'avance.

Le plan de cohésion sociale prévoit la poursuite et l'accentuation de l'effort de développement du dispositif d'hébergement d'urgence et d'insertion, selon la programmation suivante :

 

2005

2006

2007

Crédits ouverts
(en M€)

Créations de places

Crédits ouverts
(en M€)

Créations de places

Crédits ouverts
(en M€)

Créations de places

CHRS

461

800

467

500

473

500

Maisons relais

13

1.000

19

1.500

25

1.500

Total

638

1.800

650

2.000

662

2.000

C'est la raison pour laquelle, conformément à cette programmation financière, le projet de budget pour 2005 prévoit trois mesures nouvelles :

- les deux premières, respectivement de 2,3 et 4 millions d'euros, pour la transformation de cinq cents places d'hébergement d'urgence en places de CHRS et pour la création de trois cents places nouvelles de CHRS ;

- la dernière, de 5,8 millions d'euros, pour la création de mille places nouvelles en maisons relais , cette mesure comprenant également un rebasage de la dotation pour tenir compte des ouvertures de places financées par décret d'avance en 2004.

Votre commission soutient cet effort significatif en faveur de l'hébergement des personnes et des familles en situation de grande précarité, ainsi que des mesures proposées par le plan de cohésion sociale pour accompagner les sorties des structures d'hébergement d'urgence et d'insertion. Elle observe toutefois que, à elle seule, l'inscription des personnes sortant de CHRS parmi les publics prioritaires pour l'accès au logement social ne saurait constituer une panacée.

Parallèlement enfin aux créations de places, le projet de budget pour 2005 propose plusieurs mesures importantes de rebasage des dotations affectées au financement des structures d'hébergement :

- 26 millions d'euros sont prévus pour pérenniser le financement de 2.400 places permanentes d'accueil d'urgence et 3.000 places dites « d'hiver » ;

- pour la deuxième année consécutive, un rebasage des budgets de fonctionnement des CHRS est proposé, à hauteur de 7,4 millions d'euros. En deux ans, le budget de fonctionnement de ces structures aura donc été revalorisé de près de 17 millions d'euros, soit une progression à nombre de places constant de 4 % ;

- enfin, 4,3 millions d'euros sont affectés au financement du passage de 8 à 12 euros, par jour et par place, de la rémunération de l'hôte ou du couple d'hôtes responsable des maisons relais.

S'agissant des CHRS, votre commission observe que le rebasage proposé reste inférieur aux crédits supplémentaires ouverts en 2004 par décret d'avance pour aider les structures à faire face à leurs difficultés financières récurrentes. Compte tenu des déficits constatés les années précédentes et surtout de l'évolution préoccupante de la masse salariale du fait, notamment, de la sortie des aides Aubry, il est plus que probable que le rebasage proposé restera insuffisant.

b) La relance des actions en faveur des rapatriés

Les dotations en faveur des rapatriés, dont les crédits ne sont qu'en partie inscrits au budget de la solidarité, sont principalement affectées à des actions en faveur de deux catégories de personnes qui connaissent encore des situations particulièrement difficiles :

- les rapatriés réinstallés dans une profession non salariée dont le surendettement n'a pu être réglé dans le cadre des dispositifs antérieurs ;

- les harkis, anciens supplétifs et leurs familles, pour lesquels les difficultés liées aux conditions du rapatriement et d'accueil en métropole ont conduit à la mise en place de mesures spécifiques, d'allocations, d'aides au logement ou favorisant l'insertion sociale et professionnelle.

Cette politique en faveur des rapatriés a connu un essor nouveau depuis 2002 avec, notamment, la mise en oeuvre d'une politique active de mémoire, la suppression de la condition de ressources pour bénéficier de l'allocation de reconnaissance pour les harkis et leurs veuves et l'accélération du traitement des dossiers des rapatriés réinstallés.

Les moyens de la mission interministérielle aux rapatriés ont été renforcés à cet effet et les résultats sont encourageants : alors qu'au 30 avril 2002, seuls 890 dossiers sur 3.145 dossiers déposés avaient été examinés sur le plan de leur éligibilité, ce chiffre a été porté à 2.272 au 30 juin 2004, l'objectif restant d'avoir terminé cette instruction début 2005. A ce jour, 608 des dossiers examinés ont été déclarés éligibles, ce qui représente 76 % de la prévision établie conjointement avec les associations.

L'effort doit désormais porter sur les plans d'apurement dont la préparation relève de la responsabilité des rapatriés concernés et de leurs mandataires. Au 30 juin 2004, seuls 198 plans ont pu être portés devant la commission et examinés par elle, dont 102 définitivement acceptés. C'est la raison pour laquelle 9 millions d'euros seulement ont pu être mandatés depuis 1999, sur une prévision globale de dépense de l'ordre de 80 millions d'euros. Une circulaire interministérielle est en cours de rédaction afin notamment d'impliquer plus fortement les services des préfectures et des trésoreries générales dans l'élaboration des plans d'apurement.

S'agissant des actions en faveur des anciens supplétifs et de leur famille, le tableau suivant retrace les actions engagées depuis 1999 conjointement par la mission interministérielle aux rapatriés, le ministère de la cohésion sociale et le ministère délégué aux anciens combattants :

Actions

Nombre de dossiers traités

Rente viagère (1999-2002)

6.800 par an

Allocation de reconnaissance (depuis 2003)

11.200 par an

Aides au conjoint survivant

2.060 par an

Aides à l'habitat

6.900 sur la période

Aides à la formation initiale

4.500 par an

Aides à la formation professionnelle

4.300 sur la période

Aide à l'insertion sur le marché du travail

22.831 sur la période

Votre commission se réjouit de constater les efforts engagés par le Gouvernement pour manifester la reconnaissance de la Nation aux rapatriés et pour solder enfin la question de leur indemnisation.

A la suite du rapport remis le 17 septembre 2003 par Michel Diefenbacher, le Gouvernement a en effet déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale un projet de loi portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des rapatriés qui a été adopté en première lecture par l'Assemblée Nationale le 11 juin 2004 . Il devrait être débattu au Sénat avant la fin de l'année 2004.

S'agissant des anciens harkis et membres des forces supplétives, ce projet de loi prévoit une amélioration de l'allocation de reconnaissance. Les intéressés se verront ainsi proposer le choix entre une allocation de reconnaissance portée à 2.800 euros par an ou le maintien de celle à 1.830 euros avec le versement d'un capital de 20.000 euros, ou bien encore le versement unique d'un capital de 30.000 euros . Le capital sera versé sur les exercices 2005, 2006 et 2007 en fonction de l'âge des bénéficiaires. Les aides à l'accession à la propriété, à l'amélioration de l'habitat, au désendettement immobilier seront par ailleurs prorogées jusqu'en 2009, de même que les aides scolaires et professionnelles. Le coût de l'ensemble de ces mesures est estimé à plus de 600 millions d'euros.

Le projet de loi prévoit ensuite que les rapatriés bénéficiaires des lois d'indemnisation bénéficieront de la restitution des prélèvements opérés au titre du remboursement des prêts de réinstallation sur les certificats d'indemnisation en 1970 et 1978 . Le coût de cette mesure est évalué à 311 millions d'euros, la dépense étant répartie sur quatre exercices de 2005 à 2008 et concernant 90.000 personnes.

Enfin, les « exilés » ayant dû quitter leur activité professionnelle dans le secteur privé en raison des événements d'Algérie, recevront le versement d'une indemnité compensatrice. Le coût de cette mesure est estimé à 800.000 euros.

D'après les informations disponibles, l'impact budgétaire de ce projet de loi sera pris en compte dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2004 .

2. Le renforcement de l'action sociale en faveur des migrants

a) Un soutien non démenti au développement de l'hébergement des demandeurs d'asile

Depuis plusieurs années, la France est confrontée à une augmentation massive des arrivées de demandeurs d'asile : en 2003, l'office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) comptabilisait 61.993 demandeurs d'asile conventionnel, dont 9.779 mineurs, et le nombre des demandeurs d'asile territorial, s'élevait à 28.372, en 2002, selon le ministère de l'intérieur.

Un effort important a été engagé depuis 1999 pour adapter le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile au caractère massif des arrivées constatées : ainsi, au 1 er janvier 2004, 12.500 places de centres d'accueil de demandeurs d'asile (CADA) étaient disponibles contre 5.282 places seulement fin 2001.

La capacité des CADA est complétée par la mise en place d'un dispositif d'urgence, dénommé « accueil d'urgence des demandeurs d'asile » (AUDA), en vigueur depuis novembre 2000. Il est destiné prioritairement aux demandeurs d'asile de la région parisienne, qui absorbe 54 % de la demande d'asile, et sa capacité est de 1.200 places. Par ailleurs, depuis 2003, au cours de la période hivernale, un dispositif d'hébergement temporaire pour les demandeurs d'asile, géré par la Sonacotra et l'AFTAM, a progressivement été développé pour offrir aujourd'hui 1.855 places.

Deux autres types d'hébergements complètent le dispositif national d'accueil : deux centres de transit de 80 et 86 places et un centre d'accueil et d'orientation pour mineurs isolés demandeurs d'asile, d'une capacité de 33 places.

Nombre de places d'hébergement de demandeurs d'asile

 

1999

2000

2001

2002

2003

Évolution des capacités depuis 1999

CADA

 
 
 
 
 
 

- Capacité

3.781

4.756

5.282

10.317

12.480

230 %

- Nombre de centres

63

73

83

151

188

 

Centres de transit

 
 
 
 
 
 

- Capacité

126

126

126

126

166

32 %

- Nombre de centres

2

2

2

2

2

 

Centres d'accueil de mineurs

 
 
 
 
 
 

- Capacité

33

33

33

33

33

0 %

- Nombre de centres

1

1

1

1

1

 

Total

3.940

4.915

5.441

10.476

12.679

222 %

La poursuite du développement des capacités d'hébergement des demandeurs d'asile demeure nécessaire : la très forte progression des demandes d'asile depuis 1999 a entraîné l'engorgement du dispositif d'hébergement. En dépit des efforts considérables engagés en 2002 et 2003, la situation est restée très tendue et, en 2004, il a été une nouvelle fois nécessaire de compléter par décret d'avance les dotations budgétaires de ce secteur pour faire face à l'ampleur des besoins.

C'est la raison pour laquelle le plan de cohésion sociale a fixé l'objectif d'une offre de 20.000 places en CADA à l'horizon 2007 . Pour 2005, il est donc prévu de consolider les 3.000 places de CADA ouvertes par anticipation en gestion 2004 et d'assurer la transformation de 2.000 places d'hébergement d'urgence en places de CADA. Une mesure d'ajustement de 26,8 millions d'euros assurera le financement de ces mesures.

Par ailleurs, les crédits de fonctionnement consacrés au dispositif national d'accueil sont réévalués, à hauteur de 1,8 million d'euros. Dans ces conditions, l'enveloppe globale consacrée au dispositif national d'accueil devrait progresser de 19,5 %.

b) La mise en place d'un véritable service public de l'accueil des migrants

Conformément aux dispositions du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, la réforme de l'office des migrations internationales (OMI), décidée par le comité interministériel à l'intégration du 10 avril 2003, deviendra effective au début de l'année 2005 avec la création d'une agence chargée de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM).

Cette agence reprendra toutes les missions assumées aujourd'hui par l'OMI mais certaines d'entre elles sont appelées à changer de dimension : l'agence devra mettre en place un véritable service public de l'accueil sur tout le territoire, au profit de l'ensemble des nouveaux migrants admis au séjour en France en vue d'une installation durable.

Dans ce cadre, la nouvelle agence sera, avec le fonds d'action et de soutien à l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD), l'opérateur privilégié de la mise en oeuvre du contrat d'accueil et d'intégration , expérimenté depuis le 1 er juillet 2003 dans douze, puis vingt-six départements. L'extension à l'ensemble du territoire sera réalisée fin 2005.


Le contrat d'accueil et d'intégration

« L'apprentissage et la connaissance de la langue française par les migrants admis à séjourner en France constitue l'un des principaux éléments du contrat d'accueil et d'intégration (CAI), annoncé par le Président de la République et décidé par le comité interministériel à l'intégration du 10 avril 2003. (...)

« La mise en oeuvre des prestations linguistiques proposées dans le cadre du contrat est assurée par les organismes de formation et de bilan sélectionnés et financés par le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD). Ceux-ci assurent un bilan linguistique et une prescription de formation sur la plate-forme d'accueil. Hors de la plate-forme, ils prennent également en charge la formation linguistique et l'évaluation finale de l'acquisition du niveau de maîtrise du français. La proximité géographique des organismes par rapport aux lieux de vie des publics constitue un critère déterminant de sélection des prestataires. L'acquisition de ce premier niveau de maîtrise du français sera reconnue et valorisée par la délivrance d'une attestation ministérielle de compétences linguistiques.

« Il a été décidé par le comité interministériel à l'intégration de mettre chaque nouveau migrant en mesure de connaître et de comprendre les valeurs et les principes, les institutions, les usages sociaux et modes de vie de société française et d'y adhérer. A cette fin, dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration, a été instaurée une journée de formation/information destinée à tout nouvel arrivant, qui a pour but la présentation des droits fondamentaux (liberté, sûreté, propriété), des institutions, des grands principes (modèle républicain, attachement aux principes de liberté, d'égalité - égalité entre hommes et femmes en particulier - et de laïcité) et des valeurs de la société française. Cette formation constitue l'une des prestations de base du volet non optionnel du contrat d'accueil et d'intégration.

Source : Projet de loi de finances pour 2005, annexe « Services votés - Mesures nouvelles : Travail, Santé et cohésion sociale, II. - Santé, famille, personnes handicapées et cohésion sociale »

A cet effet, une mesure nouvelle de 20 millions d'euros est prévue dans le projet de budget pour 2005, afin de financer les formations linguistiques et civiques, ainsi que le programme spécifique « Vivre en France » . Il convient également de rappeler que l'article 133 de la loi de finances pour 2003 a créé, au profit de l'OMI, un droit de timbre perçu à l'occasion de toute première délivrance d'un titre de séjour. Cette recette, qui est prélevée depuis le 1 er juin 2003 et qui sera transférée à la nouvelle agence, contribue à procurer les ressources supplémentaires permettant de développer le nouveau service public de l'accueil des migrants.

Votre commission ne peut qu'approuver la volonté affichée par le Gouvernement d'assurer un véritable accueil et un suivi de l'intégration des nouveaux arrivants sur le territoire car cette intégration et l'adhésion qu'elle suppose aux valeurs et principes de la société française constituent un élément clé de sa cohésion nationale.

3. Des outils renouvelés et de nouveaux partenariats à construire

a) La création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité

Le projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité est actuellement soumis à l'examen du Parlement et l'installation de cette nouvelle autorité administrative indépendante est prévue pour le 1 er janvier 2005.


La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité

Composée de onze membres nommés pour cinq ans, cette autorité administrative indépendante a pour caractéristique originale d'être, à la différence du Médiateur de la République ou du Défenseur des enfants, collégiale.

Comme le Défenseur des enfants et à la différence du Médiateur de la République, elle pourra être saisie directement par les victimes, sans passer par les parlementaires et disposera d'une compétence générale de lutte contre toutes les formes de pratiques discriminatoires prohibées par un engagement international ou par la loi.

Elle sera dotée de moyens d'enquête : elle pourra ainsi demander des informations à des personnes privées, obliger une autorité publique à lui apporter son concours, procéder à des médiations, faire des recommandations ou transmettre aux autorités publiques détentrices du pouvoir disciplinaire les faits commis par des agents publics. Elle se voit en outre confier une mission générale d'information et d'étude et de certification des « bonnes pratiques » professionnelles.

Par rapport aux autres autorités administratives indépendantes, la Haute autorité disposera de trois prérogatives originales, visant à la mettre en capacité de présenter auprès des juridictions des éléments de preuve suffisamment étayés. Elle pourra donc procéder à des enquêtes sur place, saisir le juge des référés afin d'ordonner que ses demandes d'informations soient suivies d'effet et présenter à l'audience ses observations.

Afin d'assurer son indépendance, la Haute autorité ne sera pas placée sous la tutelle budgétaire de son ministère de rattachement et ne sera pas soumise au contrôle des dépenses engagées assuré par le ministère chargé des finances.

Le projet de budget pour 2005 prévoit une dotation de 10,7 millions d'euros pour le fonctionnement de la nouvelle autorité, constituée, pour 3,3 millions d'euros de crédits antérieurement affectés à des actions non déconcentrées du ministère de la cohésion sociale et pour 7,4 millions d'euros de transferts de crédits auparavant gérés par les ministères de l'économie, de l'intérieur, de la justice et de l'outre-mer.

Votre commission estime que notre pays ne peut que s'honorer en complétant ainsi ses moyens de lutte contre les discriminations de tous ordres. Elle approuve donc la nouvelle impulsion donnée par le Gouvernement à cette politique.

b) Le transfert aux régions des formations en travail social

La formation des travailleurs sociaux revêt une importance primordiale pour la mise en oeuvre des politiques sociales et l'accompagnement des publics les plus fragiles. Préparant à différents métiers, les formations en travail social sont dispensées par 304 établissements, répartis sur l'ensemble du territoire, dont 136 étaient jusqu'à présent financés par l'État au titre des formations initiales.

Or, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales a organisé le transfert de cette compétence aux régions à compter du 1 er janvier 2005 : celles-ci seront désormais responsables du recensement des besoins en formation, les actuels « schémas régionaux des formations sociales » s'intégrant dans les plans régionaux de développement des formations, ainsi que de l'agrément et du financement des établissements de formation en travail social dispensant des formations initiales. L'État voit pour sa part son rôle recentré sur les aspects de certification et de contrôle de la qualité des enseignements.

C'est la raison pour laquelle le projet de budget pour 2005 ne prévoit plus que des crédits destinés à financer les compétences résiduelles de l'État en matière de formation des travailleurs sociaux, à savoir :

- 0,5 million d'euros pour le financement d'actions d'initiative nationale, notamment en matière de développement des référentiels de formation ;

- 202.000 euros pour la fin du financement de la formation des emplois jeunes aides éducateurs, entrés en formation en 2002 au titre de l'accord cadre signé le 2 mai 2002 ;

- 2 millions d'euros pour la formation continue en travail social dans le cadre de la promotion sociale ;

- 213.000 euros pour la formation des enseignants pour jeunes sourds au centre national de formation des enseignants intervenant auprès des jeunes sourds de Chambéry.

Pour autant, votre commission souhaite s'arrêter sur les conditions dans lesquelles s'effectue ce transfert de compétences , au regard notamment de la fin de la montée en charge du plan pluriannuel de formation en travail social et des orientations du schéma national des formations sociales, tous deux adoptés en 2001.

Le plan pluriannuel de formation en travail social

Ce plan, d'une durée de trois ans (2002-2004), prévoit :

1) la création de 3.000 places nouvelles de formation initiale en travail social à la rentrée scolaire 2002 : ces créations ont été réparties entre les régions et les formations en fonction des demandes émanant des schémas régionaux des formations sociales.

Cette répartition s'établit comme suit :

- Diplôme d'État d'assistant de service social (AS) : 600

- Diplôme d'État de technicien de l'intervention sociale et familiale (TSIF) : 400

- Diplôme d'État d'éducateur spécialisé (ES) : 930

- Diplôme d'État d'éducateur de jeunes enfants (EJE) : 170

- Certificat de moniteur-éducateur (ME) : 270

- Diplôme de conseiller en économie sociale et familiale (CESF) : 10

- Diplôme d'État d'auxiliaire de vie sociale (DEAVS) : 620

2) la montée en charge de ces créations de places en 2003 et 2004 : la rentrée scolaire 2003 a permis la création des places de seconde année des formations qui le nécessitent, soit 2.990 places. Il en a été de même en 2004 pour le solde des places de formation.

Au terme de ce plan, on compte près de 8.000 étudiants supplémentaires en formation initiale de travail social (+ 30 %) et près de 3.000 diplômés supplémentaires par an.

3) l'augmentation corrélative du nombre d'étudiants boursiers, favorisée par la mise en place du nouveau système d'allocation de bourses sur critères sociaux.

Le tableau suivant retrace l'effort budgétaire lié à la mise en place du plan :

 

LFI 2002

LFI 2003

LFI 2004

 

Mesure nouvelle (en M€)

Évolution par rapport à 2001

Mesure nouvelle (en M€)

Évolution par rapport à 2002

Mesure nouvelle (en M€)

Évolution par rapport à 2003

Créations de places

11,6

+ 12 %

13,5

+ 12,5 %

11

+ 9 %

Bourses en travail social

1,8

+ 13,7 %

3

+ 20 %

1,1

+ 6,3 %

La loi de finances initiale pour 2004 avait consacré 132,6 millions d'euros au financement des formations en travail social. Cette dotation, en hausse de 9 % par rapport à l'année précédente, visait à prendre en compte l'évolution des dépenses salariales des personnels des centres de formation et d'augmenter les effectifs d'étudiants pour assurer la montée en charge du plan pluriannuel de formations sociales initiales.

Cette enveloppe se répartissait en 130,4 millions d'euros, pour le financement des formations initiales des travailleurs sociaux, et 19,3 millions d'euros, pour le financement des bourses. Ce sont ces dernières dépenses qui font l'objet d'une décentralisation en 2005.

Pourtant, d'après les informations disponibles, les hypothèses retenues pour la décentralisation auprès des régions de ces actions ne font état que d'un transfert de 122,6 millions d'euros au titre des formations initiales et de 17,7 millions d'euros au titre des bourses . Cette enveloppe plus limitée résulte d'une mesure d'ajustement à la baisse des dotations prévues en 2004, dont la justification n'a pas été précisée.

Les modalités de la compensation financière aux régions des charges nouvelles leur incombant au titre des formations sociales relèvent des dispositions prévues par l'article 119 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales : la compensation doit s'opérer, à titre principal, par l'attribution d'impositions de toutes natures, dans des conditions fixées par la loi de finances. Par ailleurs, le maintien du niveau de compensation doit être garanti si les recettes provenant des impositions diminuent pour des raisons étrangères au pouvoir de modulation des collectivités bénéficiaires.

C'est l'article 33 du présent projet de loi de finances qui met en oeuvre le principe général posé par la loi du 13 août 2004 : il prévoit l'attribution aux régions d'une part du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), sous la forme d'une fraction de tarif affectée à chaque région.

A compter de l'exercice 2007, les régions devraient obtenir le pouvoir de moduler cette fraction. A titre transitoire, il est proposé de procéder de la même manière que pour la décentralisation du RMI en 2004 : les régions bénéficieront d'un partage d'impôt avec l'État, sous la forme d'une fraction de la TIPP. Cette fraction représentera une part du produit national de l'impôt, elle-même ventilée entre les régions en fonction de la charge réelle transférée.

Votre commission ne reviendra pas sur le principe même de la décentralisation des établissements de formation en travail social qu'elle avait d'ailleurs déjà approuvé l'an passé. Elle estime toutefois que les conditions de cette décentralisation appellent deux remarques :

- les dépenses servant de base au transfert aux régions lui paraissent sous-estimées : en effet, le transfert est fondé sur une estimation des dépenses pour 2004 qui reste fragile, l'ajustement à la baisse des dotations ne faisant l'objet d'aucune justification. Par ailleurs, le financement de la montée en charge de la dernière année du plan de développement des formations sociales, c'est à dire des places créées à la rentrée 2004 qui ne sont budgétées que jusqu'en décembre, n'est pas assuré : s'agissant d'un engagement de l'État antérieur à la décision de décentralisation, il paraît normal que ce soit l'État qui en assume la charge financière. Il faudra donc que la fraction de TIPP accordée aux régions tienne compte de cette montée en charge ;

- il est indispensable d'assurer, dans de bonnes conditions, la transition dans la gestion du dispositif de formation en travail social : dans la mesure où les étudiants sont entrés en formation depuis septembre dernier et qu'ils perçoivent éventuellement déjà leurs bourses, toute rupture dans le financement des établissements et des bourses au 1 er janvier 2005 doit être évitée. Il conviendra donc d'alimenter immédiatement la trésorerie des régions, afin qu'elles puissent faire face à leurs nouvelles responsabilités.

c) La compétence des départements sur les fonds d'aide aux jeunes

La loi du 29 juillet 1992 réformant le RMI avait généralisé les fonds départementaux d'aide aux jeunes créés par la loi du 19 décembre 1989. Ce dispositif prévoit la possibilité de verser aux jeunes de 18 à 25 ans, en difficulté d'insertion sociale et professionnelle des secours temporaires d'urgence et des aides financières destinés à soutenir un projet d'insertion, complétés, le cas échéant, par des mesures d'accompagnement, afin de leur permettre d'accéder aux dispositifs de droit commun.

Jusqu'au 1 er janvier 2005 - date à laquelle ils seront placés sous la seule responsabilité des conseils généraux en application de la loi du 13 août 2004 - les fonds d'aide aux jeunes sont financés, à parité, dans chaque département par l'État et les conseils généraux, pour lesquels la contribution représente une dépense obligatoire. Les conseils régionaux, les communes et les organismes de protection sociale peuvent également participer au financement des fonds d'aide aux jeunes.

Crédits affectés aux FAJ

 

2001

2002

2003

2004

Montant des crédits affectés
en LFI *

46,28 M€

44,52 M€

44,10 M€

22,26 M€

Montant de la dépense effectivement constatée

17,98 M€

15,9 M€

13,82 M€

n.d

* Crédits globalisés jusqu'en 2003 avec les autres mesures en faveur des jeunes. Pour 2004, les crédits présentés concernant les seuls FAJ.

Il convient de constater que les sommes effectivement consacrées par l'État au financement des fonds d'aide aux jeunes ont donc été inférieures aux prévisions en raison du choix, fait localement, en faveur d'autres priorités, comme l'hébergement d'urgence, financée par le même chapitre budgétaire au sein d'une enveloppe budgétaire fongible.

L'engagement financier des conseils généraux a été, chaque année, au moins équivalent à celui de l'État. La participation, volontaire, des autres collectivités publiques (régions et villes) est globalement d'environ 2 millions d'euros chaque année. Trente caisses d'allocations familiales se sont également impliquées dans le dispositif, à hauteur de 0,5 million d'euros.

Conformément aux dispositions de la loi du 13 août 2004, le projet de budget pour 2005 ne prévoit plus de crédits pour le financement des FAJ, qui sont désormais placés sous l'entière responsabilité des départements, à charge pour eux de définir le budget qu'ils entendent y consacrer. A titre de compensation du transfert de charge représenté par cette nouvelle responsabilité, l'État transfère aux départements des ressources équivalentes à celles qu'il consacrait jusqu'en 2004 au dispositif.

Votre commission regrette que le Gouvernement n'ait pas donné suite à la demande qu'elle avait formulée l'an passé, pour que soient précisées, dès le vote de la loi de finances pour 2004, les sommes qu'il entendait consacrer aux FAJ au cours de cet exercice. Cette disposition aurait permis de donner aux départements l'évaluation des dépenses qu'ils auront à assumer à compter de 2005.

Or, en l'absence de cette précision, et dans la mesure où les dépenses définitives ne seront connues que bien après le 1 er janvier 2005, la compensation du transfert des FAJ aux départements sera établie sur la base des dépenses reconductibles de l'État pour 2003, soit 13,6 millions d'euros.

II. LA POLITIQUE EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPÉES SUSPENDUE À L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA NOUVELLE LOI POUR L'ÉGALITÉ DES DROITS ET DES CHANCES

Les crédits consacrés aux personnes handicapées dans le projet de budget de la solidarité pour 2005 s'élèvent à 7,5 milliards d'euros, en progression de 4,8 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2004. A ces crédits, il convient d'ajouter les dotations ouvertes au titre du budget du travail (1,2 milliard d'euros) et du Premier ministre (6,6 millions d'euros).

Pour sa part, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 prévoit une mesure nouvelle de 80 millions d'euros , afin de poursuivre le programme de création de places en établissements et services médico-sociaux pour enfants et adultes lourdement handicapés.

Il convient enfin de rappeler que l'année 2005 constituera la première année d'intervention de la nouvelle caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) : le montant prévisionnel de ses dépenses en faveur des personnes handicapées en 2005 s'élèverait à 550 millions d'euros .

L'ampleur de l'effort financier atteste donc bien de la priorité constante accordée par le Gouvernement à la politique en faveur des personnes handicapées, même si les contours définitifs des responsabilités respectives de l'État, de l'assurance maladie et de la CNSA restent suspendus à l'adoption définitive du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, actuellement en cours d'examen devant le Parlement.

A. 2005, ANNÉE DE TRANSITION : UN EFFORT PARTAGÉ ENTRE L'ÉTAT ET LA CAISSE NATIONALE DE SOLIDARITÉ POUR L'AUTONOMIE

1. Les créations de places en établissements : un transfert de charges vers la CNSA

a) L'année 2004 se situe dans le prolongement des plans de création de places mis en oeuvre depuis 1999

Bien que notre système statistique ne permette pas à ce jour de fournir un état des lieux précis des besoins de places en établissements pour enfants et adultes handicapés, force est de constater que de nombreux demandeurs ne trouvent pas, à l'heure actuelle, de solution adaptée. C'est la raison pour laquelle plusieurs plans pluriannuels de créations de places ont été mis en oeuvre ces dernières années.

Le plan pluriannuel de création de places pour adultes lourdement handicapés , qui s'étendait sur la période 1999-2003 , prévoyait ainsi la création de 5.500 places en maisons d'accueil spécialisé (MAS) ou en foyer d'accueil médicalisé (FAM) et l'ouverture de 8.500 places nouvelles en centres d'aide par le travail (CAT). Pour le financement de ce plan, une enveloppe de 206 millions d'euros était prévue dans le cadre de l'enveloppe médico-sociale de l'ONDAM, ainsi qu'une dotation de 85 millions d'euros en loi de finances.

A la suite de la décision du Président de la République de faire du handicap l'un des trois grands chantiers de son quinquennat, les crédits de la tranche 2003 du plan pluriannuel ont été doublés : pour être portés à 70 millions d'euros pour les crédits d'assurance maladie et 30 millions d'euros pour les crédits d'État. L'objectif total du plan a été relevé en conséquence à 6.600 places nouvelles en MAS et FAM et à 10.000 places nouvelles en CAT.

Le tableau suivant dresse le bilan des créations de places réalisées sur la période 1999-2003 :

Type de structure

Nombre de places prévues

Nombre de places financées

Nombre de places réalisées

Taux de réalisation

MAS

6.600

2.613

1.906

64 %

FAM

3.123

2.292

CAT

10.000

10.000

9.487

95 %

Total

16.600

15.736

13.685

82 %

Plusieurs raisons expliquent le décalage entre les prévisions et le nombre effectif des créations :

- tout d'abord, les prévisions ont été établies sur la base d'un coût moyen de la place. Or, comme la participation de l'assurance maladie est intégrale dans le fonctionnement des MAS et seulement partielle dans celui des FAM, le nombre de création diffère selon la nature des projets réellement présentés aux DDASS ;

- ensuite, le coût moyen à la place retenu pour les prévisions était celui constaté en 1998 : l'augmentation du prix de la place en six ans a mécaniquement conduit à une baisse du nombre de places finançables ;

- enfin, la réalisation concrète des places nouvelles suppose l'existence de projets associatifs susceptibles de les porter : les délais nécessaires pour le montage des dossiers, l'acquisition éventuelle des terrains, la construction des locaux et le recrutement de personnel qualifié ont souvent retardé les ouvertures de places.

Le plan triennal en faveur des enfants, adolescents et adultes handicapés 2001-2003 comportait un volet visant à amplifier les réalisations du plan précédent : à cet effet, une enveloppe supplémentaire de 71 millions d'euros était prévue, pour la période, au budget du ministère de la santé et de la protection sociale, complétée de 46 millions d'euros en faveur du développement des places en centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP) et en services de soins et d'éducation spéciale (SESSAD).

Ce deuxième plan prévoyait de cibler les créations de places sur les personnes les plus lourdement handicapées : 19,5 millions d'euros devaient être consacrés à l'accueil des personnes polyhandicapées, 24,5 millions d'euros aux enfants, adolescents et adultes autistes et 23 millions d'euros aux traumatisés crâniens. Enfin, une enveloppe de 6,8 millions d'euros devait être consacrée à la prise en charge en établissements des personnes handicapées vieillissantes.

Ce plan triennal ne comportait aucune prévision en termes de nombre de places. Les crédits supplémentaires ont toutefois permis la création de 2.151 places nouvelles, ainsi réparties :

Type de structure

Nombre de places financées

Nombre de places réalisées

Établissements pour enfants et adolescents très lourdement handicapés (polyhandicap, handicap mental profond...)

583

474

Établissements pour personnes autistes
(enfants et adultes)

963

794

Établissements pour traumatisés crâniens
(enfants et adultes)

780

663

Établissements pour personnes handicapées vieillissantes

283

220

TOTAL

2.609

2.151

Le bilan des créations de places depuis 1999 est donc largement satisfaisant et montre, s'il en était besoin, l'engagement des pouvoirs publics en faveur de l'amélioration de la prise en charge des personnes handicapées.

Cet engagement ne s'est pas démenti en 2004 puisque, dans l'attente des nouveaux programmes de création de places annoncés pour accompagner le projet de loi réformant la loi d'orientation du 30 juin 1975, la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 ont prolongé d'un an la validité des deux plans précités.

Les 175 millions d'euros ajoutés à l'ONDAM médico-social pour 2004 devaient permettre l'ajustement des dotations pour les établissements existants en fonction de l'évolution de leur masse salariale et la poursuite des créations de places, soit :

- 11 millions d'euros consacrés à l'amélioration des capacités d'accueil des CAMSP, des centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) et des instituts de rééducation, afin de favoriser la prévention et la prise en charge précoce ;

- 18 millions d'euros prévus pour la création de places nouvelles en SESSAD, en vue de faciliter l'intégration scolaire ;

- 15 millions d'euros alloués à la création de places en services d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH) et 10 millions d'euros à la création de places de services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) pour favoriser le maintien à domicile des personnes handicapées ;

- enfin, trois enveloppes pour répondre aux besoins de prise en charge en établissements des personnes les plus lourdement handicapées : 7 millions d'euros pour l'accueil des enfants et adolescents polyhandicapés, 9 millions d'euros pour celui des enfants et adolescents autistes et 87 millions d'euros pour la création de places en MAS et en FAM. Cette dernière enveloppe devait permettre le financement de 2.200 places nouvelles.

La loi de finances pour 2004 a prévu une mesure nouvelle de 16 millions d'euros, pour financer 3.000 créations de places en CAT, dans le triple objectif d'opérer un rééquilibrage géographique du taux d'équipement, de favoriser l'accueil des jeunes adultes maintenus en établissements d'éducation spéciale faute de places en CAT et de résorber les listes d'attente des personnes handicapées orientées en CAT par les COTOREP.

Au 30 juin 2004, ces moyens supplémentaires avaient permis la programmation de trente-huit projets de CAMSP, trois projets de CMPP, 86 places en instituts de rééducation, 1.409 places de SESSAD, 318 places nouvelles pour les enfants polyhandicapés et 351 places pour les enfants autistes. S'agissant des adultes, 1.159 places de MAS, 1.121 places de FAM, ainsi que 508 places de SAMSAH et 1.018 places de SSIAD avaient été programmées. Le nombre de places nouvelles de CAT installées en 2004 n'est en revanche pas disponible.

b) Les créations de places en 2005 : des mesures nouvelles presque intégralement financées par la CNSA

Lors du dépôt du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, le Gouvernement a souhaité compléter ce texte de principe par une programmation des moyens nouveaux déployés en faveur des personnes handicapées.

C'est la raison pour laquelle un nouveau programme pluriannuel, s'étendant sur la période 2005-2007, a été présenté le 28 janvier 2004 . Il prévoit :

- la création de 5.400 places en établissements et services pour enfants et adolescents handicapés : parmi ces places nouvelles, 750 seront réservées aux enfants autistes et 540 aux enfants polyhandicapés, pour lesquels le nombre d'établissements spécialisé reste encore largement insuffisant. Enfin, 3.750 des places supplémentaires prévues seront des places en SESSAD, afin d'améliorer les possibilités d'accompagnement des enfants handicapés en milieu scolaire ordinaire ;

- la réalisation de 149 projets spécifiquement destinés à l'amélioration du suivi des enfants et adolescents handicapés : est ainsi prévue l'ouverture de 66 nouveaux CAMSP, de 66 nouveaux CMPP et de cinq centres de ressources autisme ;

- l'ouverture de 7.500 places nouvelles en MAS et FAM et de 3.000 places supplémentaires en CAT ;

- le développement de 4.500 places nouvelles en services médico-sociaux pour adultes handicapés (SSIAD et SAMSAH), afin de permettre un meilleur accompagnement des personnes handicapées souhaitant vivre à domicile.

Programmation des créations de place sur la période 2005-2007

 

Établissements et services pour enfants handicapés

Établissements et services pour adultes handicapés

CAT

2005

1.800

3.750

3.000

2006

1.800

4.000

2.500

2007

1.800

4.250

2.500

Total

5.400

12.000

8.000

Source : secrétariat d'État aux personnes handicapées

Compte tenu des besoins encore non satisfaits en matière de prise en charge des personnes handicapées, votre commission ne peut qu'approuver la poursuite de l'effort de création de places en établissements entrepris par le Gouvernement en complément du projet de loi réformant la loi d'orientation de 1975. Pourtant, elle regrette qu' aucune donnée ne soit disponible permettant d'apprécier le nombre de places effectivement pourvues et donc le taux d'occupation des établissements . Cette donnée lui paraît en effet essentielle pour l'évaluation des besoins restant à satisfaire et l'établissement des prévisions de création de places futures.

L'innovation de l'année 2005 réside dans le fait que les créations de places prévues seront, en grande partie, financées par la CNSA : l'effort propre de l'assurance maladie, à travers la progression de l'ONDAM médico-social, progresse de 80 millions d'euros, le solde du besoin de financement lié aux créations de places devant être financé par la caisse, pour un montant total de 110 millions d'euros.

S'agissant des créations de places en CAT, l'intégralité de l'effort budgétaire découlant de la création des 3.000 nouvelles places, de même que la consolidation du financement des places ouvertes en 2004, soit 48 millions d'euros, est reporté sur la CNSA.

Votre commission s'interroge sur l'ampleur de ce report de charge vers la CNSA : dans le cadre du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État aux personnes handicapées, avait précisé qu'une enveloppe de 300 millions d'euros serait réservée au sein du budget de la CNSA pour le financement des moyens de compensation collective que sont les établissements pour personnes handicapées. Or, le coût total du plan de création de places 2005-2007 s'élève à 690 millions d'euros.

Par conséquent, si la CNSA doit assumer, à titre définitif, le fonctionnement des places créées en 2005 et qu'un mécanisme identique est employé en 2006 et 2007, ses ressources dédiées au financement de l'effort de création de places seront totalement ponctionnées avant la fin de l'année 2007 .

Par ailleurs, quand bien même le coût du fonctionnement de ces places resterait à la charge de la CNSA, la mobilisation de ressources extérieures resterait nécessaire pour 390 millions d'euros restant à financer. Or, il n'y a aucune raison pour que seule l'assurance maladie contribue à l'effort de création de places et que l'État en soit exonéré, comme c'est le cas cette année.

Votre commission estime qu'il est donc indispensable d'engager une réflexion sur les raisons qui justifient le financement, par la CNSA, des établissements pour personnes handicapées :

- soit l'on considère que tous les établissements doivent être à sa charge, en leur qualité de moyens de compensation collectifs, auquel cas il convient de lui transférer le financement de l'ensemble du stock des établissements existants et les ressources nécessaires pour assurer cette mission ;

- soit l'on estime que les crédits de la CNSA ont pour objectif de majorer l'effort des autres financeurs (État et assurance maladie), auquel cas il convient de ne pas obérer ses ressources pour assurer le financement des dépenses de fonctionnement des établissements.

2. Le soutien à la vie à domicile : une timide préfiguration de la prestation de compensation

Il n'existe pas à ce jour de chiffrage du nombre de personnes handicapées bénéficiant de l'intervention d'un service d'aide à domicile ou d'une auxiliaire de vie. S'agissant des seuls forfaits d'auxiliaires de vie financés par l'État, une étude menée auprès des services déconcentrés du ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées, évaluait à 13.273 le nombre de bénéficiaires de l'intervention d'une auxiliaire de vie au 31 décembre 2002.

Or, il convient de préciser que les bénéficiaires de l'allocation compensatrice pour tierce personne ont recours, dans leur immense majorité, à un service prestataire ou mandataire ne bénéficiant pas d'un forfait de l'État par poste. Enfin, d'autres dispositifs contribuent aujourd'hui à apporter une réponse concrète au souhait des personnes handicapées de vivre à domicile : les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et les réseaux de soins.

Pour autant, les personnes handicapées continuent de se heurter à deux obstacles pour mettre en oeuvre leur projet de maintien ou de retour à domicile : l'insuffisance de l'offre de services et, surtout, la faiblesse des prestations leur permettant de solvabiliser leur demande d'aide à domicile. C'est à ce dernier obstacle que s'attache à répondre la nouvelle prestation de compensation, prévue par le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées.

a) Un soutien renouvelé au dispositif des auxiliaires de vie, dans l'attente du volet « aides humaines » de la prestation de compensation

Depuis 2000, les pouvoirs publics ont pris conscience du désir de plus en plus vif des personnes handicapées de pouvoir choisir librement leur mode de vie, et notamment de pouvoir mener une vie autonome à domicile. Pour répondre à cette attente, l'État a privilégié un outil, les services d'auxiliaires de vie, qui ont longtemps été les seuls services d'aide à domicile accessibles aux personnes handicapées.

Ces services reçoivent de l'État une subvention forfaitaire annuelle par poste - équivalent temps plein fixée à 9.650 EUROeuros. Ce forfait couvre environ un tiers de leurs dépenses, leur financement étant par ailleurs assuré par une contribution des usagers et, dans certains cas, par des subventions des collectivités locales. Ainsi, en 2002, les dépenses d'aide à domicile autres que celles relatives à l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) constituaient 0,8 % des dépenses d'aide sociale des départements, soit un total de 26,88 millions d'euros.

Pour financer les services auxquels elles recourent, les personnes handicapées disposent, la plupart du temps, soit de la majoration pour tierce personne de la sécurité sociale, soit de l'allocation compensatrice pour l'aide d'une tierce personne.

Dans le cadre du plan triennal en faveur des enfants, adolescents et adultes handicapés 2001-2003, un effort particulier a été engagé en faveur du développement des services d'auxiliaires de vie, qui fonctionnaient de façon expérimentale depuis 1981 sur la base de 1.862 forfaits poste. Les dotations prévues chaque année en loi de finances ont permis de porter ce chiffre à 5.499 au 30 juin 2004, soit une augmentation de 140 % en quatre ans .

Par ailleurs, un autre dispositif expérimental a été mis en place à compter de 2002, visant à renforcer les moyens consacrés au maintien à domicile des personnes lourdement handicapées :

- le forfait poste versé par l'État peut alors être augmenté, jusqu'à tripler pour atteindre 28.800 euros, lorsque la présence continue d'une tierce personne est indispensable. A cet effet, les 900 forfaits créés en 2002et les 1235, les 1.297 forfaits créés en 2003 et les 649 forfaits créés en 2004 ont été , prioritairement affectés à des personnes très lourdement handicapées, avec possibilité de mettre en oeuvre ces forfaits renforcés 3 ( * ) ; Une enquête est quasiment achevée s'agissant de l'utilisation des forfaits 2002, une autre est en cours s'agissant de l'utilisation des forfaits 2003.

- les départements ont été encouragés à développer leur pratique de déplafonnement du montant de l'ACTP ;

- enfin, des crédits supplémentaires spécifiques ont été prévus dans le cadre de l'assurance maladie, afin de financer deux types de mesures : le développement des places en SSIAD et la création de places spécifiques de services ambulatoires annexés soit à des MAS, soit à des FAM. Ainsi, 1.318 places de SSIAD ont pu être créées en 2003 et 2004 et ces services sont désormais plus largement ouverts aux personnes handicapées, grâce à la publication - longtemps attendue - du décret n° 2004-613 du 25 juin 2004 relatif aux conditions techniques d'organisation et de fonctionnement des SSIAD, conformément à une disposition de loi de finances pour 2001 restée jusqu'alors lettre morte. Dix-huit services ambulatoires de MAS ont également pu être financés, permettant la prise en charge de 219 personnes.

Dans l'attente de la mise en place de la prestation de compensation, le Gouvernement prévoit d'abonder, par fonds de concours, le chapitre 46-35 sur lequel sont inscrits à l'heure actuelle les crédits relatifs aux forfaits d'auxiliaires de vie. Cet abondement serait financé, à hauteur de 180 millions d'euros par la CNSA . Ainsi, les crédits consacrés au financement des forfaits poste d'auxiliaires de vie passeraient de 53 millions d'euros en 2004 à 233 millions d'euros en 2005, ce qui représente une multiplication par 3,4 des crédits disponibles . Pour une valeur inchangée du forfait, cette enveloppe permettrait le financement de 18.650 postes supplémentaires.

D'après les informations disponibles, des instructions seront données aux DDASS, afin de concentrer cette aide sur les personnes les plus lourdement handicapées.

Votre commission ne peut que se réjouir de constater que le Gouvernement n'attendra pas la mise en place définitive et intégrale de la prestation de compensation, qui pourrait intervenir qu'en 2006, pour améliorer concrètement la situation des personnes handicapées, et notamment celles qui requièrent la présence constante d'une tierce personne, en attente de solutions d'aide à domicile.

Elle estime toutefois que le dispositif proposé par le Gouvernement pour 2005 appelle deux observations :

- les circulaires prévoyant les forfaits renforcés en faveur des personnes très lourdement handicapées n'autorisent, à l'heure actuelle, qu'un triplement du forfait poste, ce qui est encore loin de correspondre à une présence en continu : on évalue en effet à cinq équivalents temps plein le nombre d'heures d'auxiliaire de vie nécessaire dans ce cas. Il sera donc nécessaire d'autoriser un déplafonnement total des forfaits attribués par personne handicapée ;

- le mécanisme de forfaits poste oblige aujourd'hui les personnes handicapées à avoir recours à un service prestataire d'aide à domicile, dans la mesure où les forfaits servent à financer le service lui-même et non à solvabiliser directement la demande d'aide de la personne. Or, dans le système de la prestation de compensation, il est justement prévu de laisser à la personne handicapée le libre choix de son mode de relation avec son auxiliaire de vie. Pour ne pas enfermer dès aujourd'hui les personnes handicapées dans la solution du service prestataire, il est indispensable qu'un assouplissement des conditions d'attribution des forfaits soit prévu .

b) Le dispositif des sites pour la vie autonome, préfiguration des maisons départementales des personnes handicapées

Le dispositif des sites pour la vie autonome, expérimenté depuis 1997 et dont la généralisation a été décidée en 2000, constitue une avancée importante pour les personnes handicapées dans leur accès aux différentes solutions de compensation de leur handicap.

Généralisation des sites pour la vie autonome

 

Nombre de sites

Crédits affectés (en M€)

2000

15

0,6

2001

43

6,7

2002

70

15,5

2003

100

23,9

2004

100

27,8 *

* En 2004, les crédits supplémentaires ouverts ont permis l'abondement des fonds départementaux de compensation des sites ouverts l'année précédente.

Rassemblant l'ensemble des partenaires qui, au niveau départemental, interviennent dans la politique de développement de l'autonomie des personnes handicapées, les sites pour la vie autonome sont constitués de trois outils principaux 4 ( * ) :

- une équipe technique d'évaluation labellisée (ETEL) chargée d'évaluer les besoins de la personne handicapée sur son lieu de vie et de préconiser les aides techniques et les aménagements du cadre de vie susceptibles d'améliorer son autonomie. Pour assurer une équivalence de l'évaluation sur l'ensemble du territoire, elle dispose d'un référentiel d'analyse des besoins mis au point en partenariat avec les associations de personnes handicapées. Elle propose également un plan de financement de l'ensemble des aides qu'elle suggère ;

- une commission des financeurs qui rassemble tous les acteurs susceptibles de contribuer, à titre extralégal, au financement des aides proposées par l'équipe technique. Elle coordonne les interventions financières de chaque partenaire, grâce à un dossier unique de financement, et désigne, pour chaque personne handicapée, une caisse délégataire chargée de liquider les aides ;

- un fonds départemental de compensation abondé par l'État, qui permet de compléter les financements apportés par les autres partenaires.

Le bilan de ces sites est extrêmement positif puisqu'une étude du centre technique national d'études et de recherche sur les handicaps et les inadaptations de juillet 2003 montre une importante mobilisation des financeurs : le « reste à charge » pour la personne handicapée est ainsi passé de 22,5 % dans le cadre de l'expérimentation menée entre 1997 et 1999 à 11,8 % en 2003, toutes solutions de compensations confondues.

Le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées prévoit la création, dans chaque département, d'une maison départementale des personnes handicapées qui assurera les fonctions d'accueil, d'information, de conseil et d'orientation des personnes handicapées et de leurs familles. Elle mettra en place une équipe pluridisciplinaire chargée d'évaluer les besoins des personnes et une commission unique chargée de l'ouverture de l'ensemble des droits.

Les missions actuelles des sites pour la vie autonome seront donc intégrées au sein des futures maisons départementales des personnes handicapées et les avancées réalisées, en particulier en matière d'évaluation globale des besoins, guideront la mise en oeuvre du plan personnalisé de compensation. Enfin, à l'initiative du Sénat, les fonds départementaux de compensation du handicap sont maintenus , afin que les actuelles aides extralégales puissent apporter un complément de ressources à la future prestation de compensation.

L'année 2005 devrait constituer une année de transition, dans la mesure où la date limite pour la constitution des maisons départementales est fixée par le projet de loi au 1 er janvier 2006. De plus, compte tenu du calendrier probable de publication de la loi et de ses décrets d'application, il est peu envisageable que ces maisons soient opérationnelles avant cette date.

Par conséquent, les actuels SVA continueront leur action tout au long de l'année 2005, avec des moyens renforcés : la CNSA devrait abonder à hauteur de 110 millions d'euros les fonds départementaux de compensation attachés à chaque SVA , de façon à majorer les sommes disponibles pour financer les aides techniques et les aménagements du logement.

c) L'entrée en vigueur de la prestation de compensation : des modalités transitoires à prévoir

A compter du 1 er janvier 2006 au plus tard, la nouvelle prestation de compensation entrera en vigueur sur l'ensemble du territoire : attribuée en fonction d'une analyse personnalisée des besoins de compensation de l'intéressé, elle lui donnera la possibilité de financer l'ensemble des aides qui lui sont nécessaires. Ainsi au lieu de prendre la forme d'une subvention de l'offre de service, permettant une participation limitée des usagers, la prestation de compensation sera directement versée à la personne handicapée, pour « solvabiliser » sa demande.

La question se pose donc de savoir si, dans la nouvelle architecture institutionnelle et financière prévue par le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, l'État continuera à subventionner les services d'auxiliaires de vie, à travers l'attribution de forfaits poste. Ce point est d'autant plus important que l'abondement par la CNSA en 2005 des crédits budgétaires alloués devrait pousser ces services à embaucher massivement de nouvelles auxiliaires de vie.

Votre commission considère donc que des mesures transitoires seront indispensables pour que l'entrée en vigueur de la prestation de compensation ne conduise pas à une déstabilisation des services prestataires d'aide à domicile qui seront désormais en concurrence avec d'autres formes d'emplois d'auxiliaires de vie.

S'agissant des sites pour la vie autonome, le Gouvernement prévoit leur intégration au sein des maisons départementales des personnes handicapées. Dès lors, l'État devrait donc, à partir de 2006, transférer ses financements des actuels SVA vers les maisons départementales. Une aide au démarrage de la CNSA est en outre prévue, à hauteur de 50 millions d'euros.

Votre commission souhaite que ne soit pas ignorée l'expérience des SVA lors de la mise en place des maisons départementales . Plusieurs solutions sont envisageables, selon la forme adoptée dans chaque département par le SVA :

- lorsque celui-ci a été constitué avec des personnels mis à disposition par différents financeurs, il conviendra de prévoir une participation de ces derniers au conseil d'administration de la maison départementale, de façon à ce que les personnels puissent désormais être mis à disposition de celle-ci ;

- lorsque le SVA est porté par une association prestataire de service pour le compte de l'État et du département, une nouvelle convention sera nécessaire pour que celle-ci puisse désormais devenir prestataire de la maison départementale.

Votre commission insiste enfin pour que l'État maintienne sa participation aux fonds départementaux de compensation : il lui semble en effet que l'État doit être exemplaire en la matière, de façon à inciter les autres financeurs extralégaux à poursuivre leur contribution au dispositif en faveur de l'autonomie des personnes handicapées.

3. La scolarisation des enfants handicapés : des progrès à confirmer

a) Le nécessaire développement des dispositifs d'accompagnement des élèves handicapés en milieu scolaire ordinaire

Bien qu'une priorité pour cette solution de scolarisation ait été affirmée dès la loi d'orientation du 30 juin 1975, l'intégration des élèves handicapés en milieu scolaire ordinaire est longtemps restée limitée, faute notamment de dispositions juridiques suffisamment contraignantes au niveau du ministère de l'éducation nationale. C'est seulement depuis le plan Handiscol, lancé en 1999, que l'intégration en milieu scolaire ordinaire a connu une progression significative.

A la rentrée 2004, près de 97.000 élèves handicapés étaient scolarisés dans les établissements scolaires ordinaires publics ou privés sous contrat du premier et du second degré :

- 67.000 élèves l'étaient dans le premier degré, dont 30.000 en intégration individuelle, à temps plein ou à temps partiel 5 ( * ) , au sein de classes ordinaires, et 37.000 au sein des classes d'intégration scolaire (CLIS) ;

- 30.000 élèves l'étaient dans le second degré, à temps plein ou à temps partiel, dont près de 5.000 scolarisés en intégration collective au sein des unités pédagogiques d'intégration (UPI). Au lycée, la scolarisation des élèves présentant une maladie invalidante ou un handicap s'effectue selon des modalités comparables à celles du collège. Les élèves intégrés le sont toutefois majoritairement selon des modalités individuelles. Les modalités collectives d'intégration, jusqu'ici très réduites en lycée, se développent très progressivement depuis la rentrée 2002.

En outre, plus de 7.500 étudiants handicapés étaient présents dans l'enseignement supérieur, dont les trois quarts en université.

Les étudiants handicapés

Ils étaient environ 700 en 1981 (date du premier recensement). Ils sont désormais prés de 7.650 (rentrée universitaire 2002-2003) dans l'ensemble des établissements de l'enseignement supérieur, soit une multiplication des effectifs par onze en vingt ans.

Une enquête annuelle de la direction de l'enseignement supérieur permet de connaître la répartition des effectifs des étudiants par établissements d'accueil. Les derniers chiffres disponibles se rapportent à l'année universitaire 2000/2001.

Effectif des étudiants handicapés dans l'enseignement supérieur
année universitaire 2000/2001

 

Déficience sensorielle

Handicap moteur

Troubles

à dominante

psychologique

Troubles de santé

Incapacité temporaire

Autre handicap

TOTAL

Part

en

%

CPGE et BTS

389

155

121

702

27

138

1.532

21,8 %

Universités

1.471

1 390

639

752

212

619

5.083

72,31 %

Grandes écoles

92

27

37

180

1

14

351

4,99 %

IUFM

24

20

6

8

0

5

63

0,9 %

TOTAL

1.976

1592

803

1 642

240

776

7.029

100 %

Part en %

28,2 %

22,6 %

11,4 %

23,4 %

3,4 %

11 %

100 %

 

Sources : Ministère de l'éducation nationale - direction de l'enseignement supérieur.

Le ministère de l'éducation nationale a présenté en 2003 un plan pluriannuel visant à accroître améliorer les conditions d'accueil des élèves handicapés. Trois priorités ont été fixées :

- garantir la continuité des parcours scolaires entre les différents niveaux d'enseignement en faisant porter un effort particulier sur le développement de l'accueil dans le second degré. L'objectif est d'ouvrir mille UPI en cinq ans, afin d'accueillir à terme 10.000 adolescents handicapés supplémentaires. Ces ouvertures sont programmées au rythme de deux cents nouvelles unités par an d'ici 2008 ;

- développer la formation spécialisée des enseignants : une sensibilisation au cours de la formation initiale et des modules de formation continue ont été mis en place dès la rentrée scolaire 2003 au sein des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) pour tous les enseignants des premier et second degrés et seront généralisés au cours des cinq ans à venir ;

- améliorer les conditions de scolarisation des élèves handicapés ou malades en préservant et développant les aides de toutes natures à l'intégration scolaire.

Votre commission souhaite revenir ici sur deux de ces dispositifs qui lui paraissent indispensables pour rendre effective la priorité à l'intégration en milieu scolaire ordinaire, réaffirmée par le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées : les SESSAD et le dispositif des auxiliaires d'intégration scolaire.

Un effort soutenu de création de places de SESSAD

Les besoins d'accompagnement par les SESSAD sont d'autant plus importants que le développement de l'intégration scolaire accroît le nombre d'enfants et d'adolescents handicapés nécessitant leur soutien.

Le plan triennal 2001-2003 en faveur des enfants, adolescents et adultes lourdement handicapés a donc porté une attention particulière au développement de ces structures, consacrant une enveloppe de 36,6 millions d'euros sur trois ans au sein de l'ONDAM médico-social aux créations de places en SESSAD ; une dotation complémentaire de 4 millions d'euros a permis de renforcer cet effort en 2003. Le bilan réalisé en avril 2004 montre que ces crédits ont financé 3.150 nouvelles places, dont 3.042 effectivement installées à cette même date.

Par ailleurs, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 a ouvert une nouvelle dotation de 18,3 millions d'euros, consacrée à la poursuite des créations de places en SESSAD et les premières perspectives montrent que 1.409 places sont programmées par les services déconcentrés.

Enfin, le nouveau programme pluriannuel accompagnant le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées prévoit, entre 2005 et 2007, la création de 3.750 places en SESSAD.

Votre commission ne peut qu'approuver le soutien apporté par le Gouvernement à ces structures dont le développement est indispensable pour accompagner l'intégration scolaire : en leur absence, la seule alternative, pour les enfants handicapés, est l'accueil en établissement d'éducation spéciale.

Un dispositif d'auxiliaires d'intégration scolaire qui reste perfectible

L'accompagnement par une aide humaine est souvent indispensable à la scolarisation d'un élève handicapé en milieu ordinaire mais rien ne permettait d'organiser et de financer ce dispositif d'assistance. C'est pour pallier ce manque que les premiers recrutements d'auxiliaires d'intégration scolaire ont été réalisés par des associations qui ont profité des dispositifs d'emplois aidés, du type « contrat emploi solidarité » (CES), puis contrat emploi jeune. Le dispositif associatif d'auxiliaires d'intégration scolaire est était estimé en 2003 à environ 2.100 auxiliaires.

Par ailleurs, d'autres emplois aidés, directement rattachés aux établissements scolaires, apportaient également leur concours aux élèves handicapés. En 2003, l'État employait ainsi 1.100 auxiliaires de vie scolaire et 38 auxiliaires de vie universitaire sous un statut de contrat aidé.

Cependant, la mise en extinction du dispositif « nouveaux services - nouveaux emplois » a rendu nécessaire une réflexion sur la pérennisation de ces fonctions. Elle a conduit à l'adoption de la loi n° 2003-400 du 30 avril 2003 relative aux assistants d'éducation qui prévoit le recrutement des auxiliaires de vie scolaire directement par l'éducation nationale, dans le cadre d'un contrat de droit public de trois ans, renouvelable une fois.

Le plan quinquennal pour l'intégration des élèves handicapés prévoyait, à la rentrée scolaire et des décrets d'application permetLe 21 janvier 2003, le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, le ministre délégué à l'Intégration scolaire et la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ont annoncé, dans le cadre de la présentation d'un train de mesures nouvelles en faveur de l'intégration des élèves handicapés, 2003-2004, la mise à disposition de la mise à disposition de 6.000 assistants d'éducation spécifiquement affectés à des tâches d'auxiliaires de vie scolaire. C'est la raison pour laquelle la loi de finances initiale pour 2004 prévoyait le financement de 3.500 auxiliaires individuels , résultant soit de la transformation d'anciens auxiliaires sous contrats aidés, soit de créations nettes, pour un montant total de 64,6 millions d'euros, et celui de 2.500 auxiliaires collectifs 6 ( * ) .

Le projet de budget de l'éducation nationale pour 2005 prévoit, cette année encore, une mesure nouvelle de 5,7 millions d'euros, pour le financement de 800 nouveaux postes d'auxiliaires de vie scolaire individuels . Il prévoit également la consolidation des emplois d'assistants d'éducation créés en 2004 et la création de nouveaux postes pour 2005, soit une enveloppe supplémentaire de 224 millions d'euros, sans qu'il soit possible de distinguer, à ce stade, dans quelles proportions ces assistants d'éducation sont affectés à des fonctions d'auxiliaires de vie scolaire.

Le financement de l'ensemble des auxiliaires de vie scolaire devait être assuré par le ministère de l'éducation nationale dès la rentrée scolaire 2003. Cependant, les résultats des enquêtes de terrain menées durant l'année scolaire 2003-2004 ont fait apparaître un nombre plus important que prévu de personnes assurant, tous statuts confondus, une mission d'accompagnement des élèves handicapés. C'est la raison pour laquelle, seuls 18 % des auxiliaires d'intégration scolaire associatifs, jusqu'ici financés par un forfait poste prélevé sur les crédits du ministère chargé des personnes handicapées 7 ( * ) , avaient rejoint le dispositif des assistants d'éducation.

La nécessité d'assurer une transition aussi souple que possible vers la prise en charge de l'ensemble du dispositif par le ministère de l'éducation nationale justifie le maintien, à moyen terme, d'une partie des emplois au financement desquels participe actuellement le ministère chargé des personnes handicapées.

Votre commission se réjouit de l'effort significatif réalisé en faveur du développement du dispositif des auxiliaires de vie scolaire et de la souplesse dont sait faire preuve le Gouvernement dans la transition entre le système de subventionnement associatif et celui du recrutement direct par l'éducation nationale.

Elle souhaiterait qu'une même souplesse soit de mise pour les conditions de sélection des candidats aux fonctions d'auxiliaires de vie scolaire : la loi relative aux assistants d'éducation précitée impose en effet que les candidats soient en possession du baccalauréat ou d'un diplôme équivalent, singulière exigence lorsque leur rôle consiste à porter un sac ou à pousser un fauteuil roulant, ce qui constitue l'unique besoin de certains élèves handicapés pour suivre une scolarité ordinaire.

Compte tenu de la pénurie encore marquée d'auxiliaire de vie scolaire, il semblerait opportun d'ouvrir plus largement leur recrutement, tout en continuant à imposer des obligations de formation stricte en cours d'emploi, de façon à assurer la qualité du service rendu à l'élève et à garantir à l'auxiliaire une possibilité de valoriser ces acquis pour sa carrière future. C'est la raison pour laquelle votre commission souhaite que l'assouplissement de ce dispositif, soit prévu par la loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées.

b) La scolarisation dans les établissements d'éducation spéciale : le maillon faible du dispositif

Au 1 er janvier 2002, 108.235 places en établissements d'éducation spéciale étaient installées. Malheureusement, il n'existe pas, à ce jour, de chiffres plus récents, ce qui ne permet de tenir compte de l'intégralité des efforts de création de places intervenus dans le cadre des plans pluriannuel et triennal en faveur des personnes handicapées et qui sont parvenus à échéance en 2003.

De la même manière, il n'est pas possible d'avancer un chiffre précis concernant le nombre d'enfants handicapés en attente de place dans un établissement d'éducation spéciale. En effet, les systèmes d'information des commissions départementales de l'éducation spéciale (CDES) et des établissements restent incompatibles entre eux, de telle sorte qu'il est impossible de distinguer les demandes multiples formulées dans plusieurs départements par une même personne ou les personnes bénéficiant d'une solution partielle dans l'attente d'un accueil réellement adapté.

Afin d'avancer un ordre de grandeur, tout au plus peut-on rappeler que la Cour des comptes 8 ( * ) a recensé, 9.716  enfants en attente de place en 2001 et que l'enquête « Handicap - Incapacités - Dépendance » (HID) de l'INSEE, réalisée entre 1998 et 2002, évaluait entre 5.000 et 14.000 le nombre d'enfants handicapés en âge d'obligation scolaire n'ayant jamais été scolarisés, malgré le dépôt d'un dossier devant la CDES.

Dans la perspective de la mise en place des nouvelles commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, prévue par le projet de loi réformant la loi d'orientation de 1975, votre commission estime indispensable qu'elles puissent disposer des instruments d'observation adaptés, et ce afin d'améliorer l'effectivité des décisions rendues . Elle espère d'ailleurs que la nouvelle application informatique OPALES, sur laquelle travaillent les services du ministère, tient bien compte de la fusion des COTOREP et CDES.

Enfin, il apparaît nécessaire de renforcer la scolarisation des enfants handicapés accueillis en établissements d'éducation spéciale . En effet, un quart des enfants et adolescents, soit environ 29.000 jeunes, accueillis dans ces structures ne sont pas scolarisés.

Il est vrai que certaines déficiences lourdes rendent difficile une véritable scolarité : 94 % des enfants accueillis en établissement qui souffrent d'un polyhandicap et 78 % de ceux qui ont un retard mental profond et sévère ne sont pas scolarisés, ce qui ne signifie pas pour autant une absence complète d'apprentissage.

Votre commission considère pourtant que dans un nombre de cas qui reste important, les déficiences des enfants accueillis sont compatibles avec une scolarité adaptée, pour autant que les moyens nécessaires soient prévus. Il est donc indispensable qu'un effort particulier soit engagé en matière de formation des enseignants spécialisés et de développement de supports pédagogiques adaptés.

c) La fin de l'imbroglio juridique lié au financement de l'amendement Creton

Introduit par la loi n° 89-18 du 13 janvier 1989 portant diverses dispositions d'ordre social, l'amendement Creton a prévu la possibilité de maintenir un jeune adulte dans l'établissement d'éducation spéciale qui l'accueillait enfant, dans l'attente d'une place disponible dans les établissements pour adultes désignés par la COTOREP.

Au 31 décembre 1998, 3.920 jeunes adultes bénéficiaient de cette disposition. Ils sont un peu plus de 4.000 au 1 er janvier 2002 , ce qui représente un peu plus de 3 % des places existantes dans les établissements pour enfants et adolescents handicapés.

Certaines pathologies, pour lesquelles les prises en charge en établissements pour adultes ont longtemps été inexistantes, conduisent à une application plus fréquente de l'amendement Creton : 10 % des jeunes polyhandicapés et 10 % de ceux qui souffrent d'un retard profond qui sont pris en charge dans un établissement le sont au titre de l'amendement Creton.

Afin d'apporter une réponse de fond à ces difficultés, un plan pluriannuel de création de places pour adultes lourdement handicapés a été engagé en 1999 mais, du fait de l'arrivée de nouveaux jeunes dans les établissements pour enfants et de l'allongement de la durée de séjour dans les établissements pour adultes, le stock de bénéficiaires de l'amendement Creton a continué à se renouveler. Par ailleurs, dans la mesure où les services déconcentrés ne maîtrisent pas les admissions au sein des structures médico-sociales qui relèvent de la compétence de chaque établissement, il est difficile, au niveau départemental ou régional, de mettre en oeuvre une politique d'admission privilégiant les jeunes adultes maintenus en établissements pour enfants.

C'est la raison pour laquelle le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées prévoit de compléter le dispositif inspiré par Michel Creton par trois mesures :

- un rapport sur l'application de ce dispositif adressé tous les deux ans par le préfet au président du conseil général et au conseil départemental consultatif des personnes handicapées ;

- un droit, pour les personnes handicapées concernées, à l'information et aux garanties reconnues par ce dispositif ;

- la mise en oeuvre d'une programmation pluriannuelle pour créer des places nouvelles en établissements pour les jeunes adultes maintenus en établissements pour enfants.

Votre commission ne peut que se féliciter de ce que les outils d'une politique enfin cohérente soient mis en place pour améliorer la connaissance des bénéficiaires de l'amendement Creton et planifier les ouvertures de places nécessaires à la résorption de ses effets pervers.

Par ailleurs, l'application de cette disposition, qui partait de l'intention louable de limiter les ruptures de prise en charge lors du passage à l'âge adulte, a soulevé de nombreuses difficultés techniques. En effet, le financement du maintien des jeunes adultes est à la charge de la collectivité qui aurait normalement pris en charge ses frais d'hébergement dans un établissement pour adulte. Or, les établissements pour adultes peuvent relever, selon la nature de l'établissement et des dépenses considérées, de l'assurance maladie, du conseil général ou de l'État. Il y a donc introduction, au sein d'établissements pour enfants et adolescents intégralement financés par l'assurance maladie, d'éléments de tarification qui mettent en jeu des tiers.

La loi n'a ni fixé les modalités d'application du principe posé, ni renvoyé à un texte réglementaire le soin de les définir, ce qui a conduit le Conseil d'État à annuler à deux reprises les décrets qui visaient à clarifier les conditions de financement du maintien des jeunes adultes en établissements pour enfants handicapés.

Votre commission se félicite donc de l' adoption, dans la loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, d'une disposition l'habilitant précisément à fixer les règles de financement des prix de journée des jeunes adultes maintenus en établissements d'éducation spéciale.

D'après les informations disponibles, l'article L. 242-4 du code de l'action sociale et des familles serait complété par la disposition suivante : « Le tarif journalier de l'établissement dans lequel le jeune adulte handicapé est maintenu est pris en charge par l'aide sociale du département dans lequel il a son domicile de secours, si ledit jeune adulte handicapé est orienté vers un établissement relevant de la compétence du conseil général. Dans les autres situations, ce tarif journalier continue à être pris en charge par les organismes d'assurance maladie ».

4. L'emploi des personnes handicapées : des instruments rénovés

a) Une obligation d'emploi renforcée par le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées

La loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés a mis en place, pour tous les employeurs, publics comme privés, occupant plus de vingt salariés, une obligation d'emploi des travailleurs handicapés et assimilés dans la proportion de 6 % de leur effectif total.

L'obligation d'emploi dans le secteur privé

En 2001, dernier exercice connu, le nombre de bénéficiaires de l'obligation d'emploi s'élevait à 224.000. Ils étaient employés dans 94.870 établissements assujettis à la loi et le taux moyen d'emploi s'établissait à 4,13 %.

Ce taux recouvre une situation réelle de l'emploi des personnes handicapées dans ces entreprises très différente, selon les modalités retenues par les employeurs pour satisfaire leur obligation d'emploi. Ainsi, seuls 30 % d'entre eux remplissaient cette obligation par l'emploi direct uniquement et 6,5 % par une combinaison d'emploi direct et de sous-traitance.

A l'inverse, près de 36 % des entreprises n'emploient aucun travailleur handicapé et ne remplissent leur obligation légale qu'en versant une contribution à l'AGEFIPH ou en recourant à la sous-traitance. Pour 30 % d'entre elles le versement d'une contribution à l'AGEFIPH est en fait la seule réponse retenue pour satisfaire à l'obligation d'emploi.

Le fait qu'un tiers des entreprises qui y sont assujetties méconnaissent l'esprit de l'obligation d'emploi est particulièrement préoccupant au regard de la situation des travailleurs handicapés sur le marché du travail : en effet, le nombre de demandeurs d'emploi handicapés a augmenté de 7 % entre le 31 décembre 2002 et le 31 décembre 2003, pour s'établir à 158.000 à cette date. A titre de comparaison, la progression du taux de chômage en population générale n'a été que de 5 % sur la même période.

Les difficultés d'accès à l'emploi des personnes handicapées ont été aggravées par les incertitudes qui ont entouré, en début d'année 2004, le nombre d'emplois aidés susceptibles d'être autorisés par les directions départementales du travail : le nombre de contrats aidés conclus au profit de personnes handicapées ne s'est élevé qu'à 64.414, en recul de 7,4 % par rapport à 2002.

Votre commission tient pourtant à souligner encore une fois l'effort important de placement réalisé par le réseau Cap Emploi, au nombre de 46.000 en 2003, soit une progression de plus de 7 % par rapport à l'année précédente. Ce réseau a, par ailleurs, pris en charge le tiers des conclusions de plans d'aide au retour à l'emploi (PARE) au profit des personnes handicapées 9 ( * ) .

Votre commission tient également à rappeler l'existence d'un outil potentiellement utile, les programmes départementaux d'insertion professionnelle des travailleurs handicapés (PDITH), mais qui restent encore embryonnaires et peu connus du monde de l'entreprise dans un trop grand nombre de départements.

Il convient par ailleurs de souligner que l'emploi des personnes handicapées est l'un des axes importants du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées. Ainsi, pour inciter les entreprises à recruter des personnes handicapées, il est prévu une modulation de la contribution à verser à l'AGEFIPH en fonction de l'effort consenti par les entreprises en matière de maintien dans l'emploi ou de recrutement direct de personnes handicapées. En revanche, pour les entreprises qui n'intégreront aucune personne handicapée, la contribution à l'AGEFIPH sera majorée.

L'obligation d'emploi dans la fonction publique

S'agissant de la fonction publique de l'État, le taux d'emploi s'élevait en 2002, dernière année connue, à 4,3 %, hors ministère de l'éducation nationale. Si la fiabilité des données reste à améliorer, les statistiques permettent de noter une progression régulière de l'insertion des travailleurs handicapés dans la fonction publique, même si le taux légal de 6 % n'est pas encore atteint.

Évolution du taux d'emploi dans la fonction publique de l'État

 

Nombre de travailleurs handicapés

Taux d'emploi

1997

38.643

4,01%

1998

38.874

4,09%

1999

39.704

4,18%

2000

39.834

4,29%

2001

41.426

4,3%

2002

41.218

4,3%

Dans la fonction publique territoriale, le taux d'emploi dans les collectivités employant au moins vingt agents s'établit, en 2001, à 4,4 %, dont 0,3 % d'équivalents bénéficiaires résultant de la passation de marchés avec des ateliers protégés. Au sein de la fonction publique hospitalière, les remontées d'informations concernent un échantillon représentatif d'environ deux cents établissements de santé, sociaux et médico-sociaux. Les résultats de l'enquête sont variables d'une année sur l'autre et les dernières données, qui datent de l'année 2000, font état d'un taux d'emploi de 5,3 %.

Il est intéressant de noter que les modes de recrutement choisis par les gestionnaires publics évoluent , le recrutement par voie contractuelle conduisant désormais à davantage d'embauches que la voie des emplois réservés. Il semblerait que le recrutement par contrat donnant vocation à titularisation soit jugé plus souple et plus dynamique.

Contrairement au secteur privé, le non respect de l'obligation d'emploi par les employeurs publics n'était jusqu'ici soumis à aucune sanction ayant valeur législative. Il convient toutefois de rappeler que depuis le protocole d'accord du 8 octobre 2001, des plans triennaux en faveur de l'emploi des personnes handicapées ont été signés par chaque ministère, leur non respect devant se traduire par des sanctions de deux ordres : un versement au fonds interministériel pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique et une interdiction de pourvoir les postes sur lesquels des travailleurs handicapés auraient dû être recrutés.

Dans une volonté de rapprochement avec les règles applicables au secteur privé, le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées prévoit la création d'un fonds commun aux trois fonctions publiques reposant sur un système contributif analogue aux contributions des entreprises à l'AGEFIPH. Il serait alimenté par les contributions des employeurs publics qui emploient plus de vingt agents et les cotisations seraient calculées en fonction du taux d'emploi des personnes handicapées au sein de la structure concernée.

Les sommes ainsi collectées seront consacrées au financement d'actions en faveur de l'insertion professionnelle des personnes handicapées dans les trois fonctions publiques, telles que l'aménagement des postes de travail ou encore des actions de formation ou d'information à destination des personnes handicapées ou des personnels.

Votre commission ne peut qu'approuver cet alignement du régime des employeurs publics sur celui du privé car il lui semble essentiel que la fonction publique soit exemplaire en cette matière. Elle encourage le Gouvernement à profiter de l'année 2005 pour se doter des instruments statistiques nécessaires à un calcul fin du taux d'emploi dans chaque collectivité publique et dans chaque ministère, afin de permettre l'entrée en vigueur du système contributif prévu par le projet de loi à compter de l'exercice 2006.

b) La nécessité de réorienter les actions de l'AGEFIPH

Créée par la loi du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés, l'AGEFIPH est une association sans but lucratif régie par les dispositions de la loi du 1 er juillet 1901 chargée de collecter les contributions des entreprises qui n'atteignent pas le taux légal d'emploi de 6 % et d'affecter les produits de cette collecte à des actions en faveur de l'insertion professionnelle en milieu ordinaire de travail des personnes handicapées.

En 2003, les contributions versées par les entreprises à l'AGEFIPH se montaient à 388 millions d'euros, en progression de 4 % par rapport à l'année précédente. Ce taux de progression est néanmoins plus faible que celui constaté les années précédentes, ce qui laisse présager un essoufflement de la collecte, dû notamment à la dégradation de conjoncture économique.

L'activité de l'AGEFIPH a été marquée, depuis 1999, par la mise en oeuvre du « programme exceptionnel » puis du programme complémentaire, imposés par l'État pour affecter les réserves de l'association à des actions en faveur des travailleurs handicapés : dans ce cadre, le montant des actions et des aides financées par l'AGEFIPH a été systématiquement supérieur à la collecte de l'année.

Répartition des financements de l'AGEFIPH en 2004

A l'inverse, depuis deux ans, l'AGEFIPH est conduite à recalibrer ses actions, de façon à les faire à nouveau coïncider avec le produit de la collecte annuelle. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le budget prévisionnel de l'association pour 2004 est en recul de 4,5 %. La nouvelle convention quinquennale d'objectifs, en cours de négociation et à laquelle le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées souhaite donner une base légale, devra donc impérativement tenir compte de l'essoufflement de la collecte et de l'épuisement des réserves .

Votre commission souligne qu'elle devra également tenir compte des enjeux liés au vieillissement de la population active qui touche, de façon plus précoce, les travailleurs handicapés : en effet, l'accroissement des sorties d'emploi des travailleurs handicapés va obliger les entreprises à développer leur embauche en nombre et en durabilité pour maintenir le taux d'emploi.

C'est la raison pour laquelle votre commission estime qu'un soutien particulier devrait être apporté par l'AGEFIPH aux actions de formation des demandeurs d'emploi travailleurs handicapés et aux actions d'orientation des personnes, afin de les inciter à entrer sur des segments porteurs du marché du travail. Elle estime que ce soutien devrait aller plus loin que la seule reconduction de la collaboration avec l'association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).

c) Le travail protégé, un secteur en mutation

Jusqu'ici, le secteur protégé regroupait deux types de structures : les centres d'aide par le travail (CAT), financés sur le budget de la solidarité, et les ateliers protégés, financés sur le budget du travail. Le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées ne laissera subsister dans cette catégorie que les CAT, les ateliers protégés, désormais transformés en « entreprises adaptées » étant considérés comme des entreprises à part entière.

Les centres d'aide par le travail

Malgré un effort déjà très important de création de places en CAT depuis 1999, permettant de porter à 104.811 le nombre de places actuellement financées, le plan pluriannuel 2005-2007, annoncé le 28 janvier 2004, prévoit l'ouverture de 3.000 places supplémentaires en 2005 et de 2.500 places par an en 2006 et 2007.

Malgré cette programmation des ouvertures de places, le projet de budget pour 2005 n'affiche qu'une mesure d'ajustement de 13,8 millions d'euros, visant à couvrir l'évolution de la masse salariale de ces établissements. En réalité, les 3.000 nouvelles places prévues pour 2005 ne seront pas financées sur des crédits inscrits en loi de finances mais grâce à un concours de la CNSA .

Celui-ci devrait s'élever à 48 millions d'euros, ce qui correspond en fait non seulement au fonctionnement des 3.000 nouvelles places pour l'année 2005 mais aussi à la consolidation des 3.000 ouvertures de l'année 2004, qui n'avaient été financées qu'à mi-année en loi de finances initiale pour 2004.

Votre commission estime qu'il n'est pas illogique de mettre à la charge de la CNSA des créations de places en CAT, dans la mesure où ces établissements médico-sociaux constituent, comme d'autres établissements, des moyens collectifs de compensation, ce qui entre par conséquent dans le champ de compétence de la caisse. Elle conteste, en revanche, que l'État puisse se défausser sur la caisse pour le financement d'engagements antérieurs à la création de celle-ci.

En tout état de cause, elle estime que le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées doit être le seul support législatif définissant les compétences de la caisse en matière de financement de telle ou telle catégorie d'établissement, faute de quoi les règles adoptées risquent d'être incompatibles les unes avec les autres.

C'est la raison pour laquelle, votre commission s'opposera à l'adoption en l'état de l'article 76 du présent projet de loi de finances qui donne mission à la caisse de financer les CAT : si elle n'y est pas opposée, à titre transitoire pour 2005, elle estime qu'une réflexion d'ensemble sur le financement des établissements médico-sociaux doit avoir lieu dans le cadre du projet de loi réformant la loi d'orientation du 30 juin 1975.

Les ateliers protégés

Au 31 décembre 2003, 19.681 travailleurs handicapés étaient employés dans les 559 ateliers protégés aujourd'hui répartis sur l'ensemble du territoire national.

Nombre de personnes handicapées employées en atelier protégé

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Nombre d'ateliers protégés

493

515

532

548

547

559

559

Nombre de travailleurs handicapés employés

15.039

16.095

16.765

18.264

18.760

19.444

19.681

Afin de leur permettre d'évoluer dans un environnement économique concurrentiel malgré les contraintes liées à l'emploi majoritaire de personnes handicapées, les ateliers protégés reçoivent une subvention d'accompagnement et de développement, financée par le budget du travail.

Dans le cadre du plan pluriannuel 1999-2003 précité, deux mesures ont été prises en faveur des ateliers protégés : la création de 2.500 emplois nouveaux et la revalorisation de la subvention d'accompagnement. Cette dernière s'élève en 2004 à 43 millions d'euros, soit une progression de 76 % en quatre ans.

Le projet de budget pour 2005 poursuit l'effort de création de places en ateliers protégés, puisque l'augmentation des crédits relatifs à la garantie de ressources des travailleurs handicapés permet le financement de cinq cents nouveaux postes. Pour autant, aucune revalorisation de la subvention d'accompagnement n'est prévue.

D'après les informations disponibles, le Gouvernement envisagerait de faire financer l'augmentation de cette subvention par une dotation de la CNSA , sous la forme d'un fonds de concours qui viendrait alimenter le chapitre 44-71 (article 30) du budget du travail. Cette dotation pourrait s'élever à 2 millions d'euros et la base légale d'un tel financement serait donnée par l'article 76 du présent projet de budget.

Si votre commission pouvait admettre que la CNSA finance les créations de places en CAT, ceux-ci étant des établissements médico-sociaux participant au dispositif collectif de compensation du handicap, il n'en est pas de même s'agissant des ateliers protégés, d'autant plus que le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées souhaite en faire des entreprises à part entière.

Pour autant, votre commission ne souhaite pas supprimer purement et simplement la dotation de la CNSA aux ateliers protégés car elle n'a aucune garantie que ceux-ci obtiennent en compensation une augmentation des crédits affectés à la subvention au titre du budget du travail. Elle tient, en revanche, à ce que ce financement reste exceptionnel et elle y veillera .

d) La garantie de ressources à la croisée des chemins

La garantie de ressources des travailleurs handicapés (GRTH) est un mécanisme qui permet au travailleur handicapé de toucher un complément de rémunération fixé en pourcentage du SMIC, afin que sa rémunération totale soit équivalente à celle d'un travailleur valide occupant le même poste. Depuis 1997, son financement est partagé entre l'État et l'AGEFIPH, selon que le travailleur handicapé est employé dans le milieu protégé ou le milieu ordinaire de travail.

Nombre de bénéficiaires de la GRTH et des dépenses afférentes

 

Milieu protégé

Milieu ordinaire

Tous milieux confondus

 

Nombre de bénéficiaires

Dépenses budgétaires (en milliers d'euros)

Nombre de bénéficiaires

Dépenses AGEFIPH (en milliers d'euros)

Nombre de bénéficiaires

Dépense totale (en milliers d'euros)

2000

104.050

838

10.500

34

114.550

872

2001

106.050

883

11.000

35

117.050

918

2002

108.050

951

11.250

36

119.300

987

2003

111.550

1.006

12.551

38

124.101

1.044

2004

115.050

1.066

12.850

40

127.900

1.106

Le projet de budget du travail pour 2005 prévoit une enveloppe supplémentaire de 56 millions d'euros correspondant aux 3.000 créations de places en CAT et aux cinq cents ouvertures de places en ateliers protégés. Votre commission approuve le fait que les conséquences en termes de garantie de ressources des créations de places n'aient pas été mises à la charge de la CNSA comme les créations de places elles-mêmes.

Il convient toutefois de rappeler que la GRTH devrait être profondément remaniée par le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées : au complément de rémunération versé par l'État à la personne handicapée sera substituée une aide au poste attribuée à l'employeur, à charge pour lui de verser à la personne handicapée concernée une rémunération garantie, d'un montant variable selon que la personne sera accueillie en CAT ou employée en entreprise adaptée 10 ( * ) .

Votre commission approuve le dispositif proposé qui devrait être à la fois plus simple en termes de gestion et plus incitatif , dans la mesure où l'aide au poste attribuée prendra en considération l'effort de politique salariale fourni par chaque structure.

B. UNE NÉCESSITÉ : MAÎTRISER L'ENTRÉE EN VIGUEUR DES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI POUR L'ÉGALITÉ DES DROITS ET DES CHANCES DES PERSONNES HANDICAPÉES

1. Clarifier les conditions d'entrée en vigueur de la prestation de compensation et l'affectation des ressources de la CNSA pour 2005

Malgré les assurances données lors de son dépôt en janvier dernier, le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées n'entrera pas en vigueur au 1 er janvier 2005 : les échéances électorales et l'encombrement de l'ordre du jour législatif n'ont pas permis de respecter le calendrier initialement fixé par le Président de la République. Le vote définitif de la loi ne devrait intervenir, au mieux, que dans le courant du mois de janvier 2005.

Par ailleurs, le projet de loi lui-même repousse l'entrée en vigueur d'un certain nombre de dispositions : tel est le cas du nouveau mode de calcul de la contribution à l'AGEFIPH, du passage de la garantie de ressources à l'aide au poste ou de la mise en place du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique qui n'entreront en vigueur qu'au 1 er janvier 2006.

Une incertitude demeure en outre quant à l'entrée en vigueur de la prestation de compensation : bien qu'elle ne soit pas, pour l'heure, officiellement repoussée, deux facteurs devraient en retarder le versement aux personnes handicapées concernées :

- son entrée en vigueur est d'abord suspendue à la parution des décrets d'application concernant les critères d'éligibilité à la prestation, le mode d'évaluation des besoins de la personne handicapée, les tarifs, montants et taux de prise en charge de ces dépenses qui en découlent ou encore les modalités de versement de la prestation. Conformément à l'article 50 du projet de loi, le Gouvernement dispose d'un délai maximum de six mois après la parution de la loi pour prendre ces mesures d'application ;

- elle dépend également de la mise en place concrète des différentes instances nécessaires à l'instruction des demandes de prestation et à la prise de décision les concernant : l'article 27 du projet de loi laisse aux présidents de conseils généraux jusqu'au 1 er janvier 2006 pour mettre en place les maisons départementales des personnes handicapées qui rassembleront en leur sein l'équipe pluridisciplinaire chargée de l'instruction des demandes de prestation de compensation et la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, instance décisionnelle pour l'ouverture des droits à la prestation.

Il est évident que, même si les textes d'application paraissent dans les six mois, il sera impossible de mettre en oeuvre la prestation de compensation si les acteurs de terrain ne sont pas prêts à en assumer la gestion. Il est également hors de question d'autoriser une entrée en vigueur différenciée selon les départements en fonction de la rapidité avec laquelle ils seront parvenus à mettre en place les différentes instances nécessaires à la gestion de la prestation.

Même s'il les déplore, votre commission ne peut que prendre acte de ces difficultés. C'est la raison pour laquelle, tout en dénonçant les retards inadmissibles dans la préparation des textes d'application du projet de loi, elle se résout à demander au Gouvernement de reporter au 1 er janvier 2006 la date unique d'entrée en vigueur de la prestation de compensation .

En effet, dans la mesure où une partie des ressources de la CNSA est déjà immobilisée au titre de l'exercice 2005 pour permettre une amélioration concrète de la compensation pour les personnes les plus lourdement handicapées, l'entrée en vigueur de la prestation de compensation ne saurait plus intervenir avant le 1 er janvier 2006, les ressources de la caisse ne pouvant logiquement être affectées à deux actions simultanément.

En contrepartie du report de l'entrée en vigueur de la prestation de compensation votre commission demande au Gouvernement de définir explicitement le montant des ressources de la CNSA mobilisé en 2005 et les actions auxquelles elles seront affectées .

2. Améliorer la lisibilité et l'efficacité des financements de la politique en faveur des personnes handicapées

a) Le choix d'un programme portant sur l'ensemble de la dépense publique en faveur des personnes handicapées

L'ensemble des financements mobilisés dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler le « budget social du handicap » dépasse, et de très loin, les seuls crédits budgétaires inscrits dans le projet de loi de finances.

Se référant aux comptes de la protection publiés par la DREES, votre rapporteur estimait 11 ( * ) que les prestations sociales consacrées au handicap s'élevaient à 25,6 milliards d'euros en 2001.

Prestations sociales consacrées au handicap en 2001 (dernière année connue)

 

Dépense
(en millions d'euros)

INVALIDITE (1)

19.884

Remplacement de revenu permanent

6.413

- Rentes d'invalidité

5.529

- Garantie de ressources aux travailleurs handicapés

885

Compensation de charges sans conditions de ressources

353

- Allocation d'éducation spéciale (AES)

353

Compensation de charges avec conditions de ressources

502

- ACTP versée aux personnes de moins de 60 ans

502

Autres prestations en espèces sans conditions de ressources périodiques

1.481

- Congés d'invalidité, prestations d'invalidité

2

- Allocation aux handicapés

51

- Pensions militaires d'invalidité

1.420

- Allocations spéciales

7

Autres prestations en espèces avec conditions de ressources périodiques

4.356

- Allocation aux adultes handicapés (AAH), y compris allocation forfaitaire ou complément d'AAH

4.095

- Allocations et prestations du fonds de solidarité invalidité

262

Autres prestations en espèces sans conditions de ressources occasionnelles

36

- Prestations diverses

36

Action sociale sans conditions de ressources

6.681

- Établissements pour personnes handicapées

4.697

- Frais d'hébergement et aide sociale aux personnes handicapées

1.885

- Centres d'aide par le travail

41

- Prestations extra-légales diverses des caisses de sécurité sociale

58

Prestations en nature sans condition de ressources

62

- Prestations diverses

62

ACCIDENTS DU TRAVAIL (2)

5.715

Remplacement de revenu permanent

3.711

- Rentes d'accidents du travail

3.620

- Allocations du FCAATA

91

Remplacement de revenu temporaire

2.005

- Indemnités journalières

2.005

PRESTATIONS SOCIALES « HANDICAP » (1+2)

25.600

Source : DREES, Comptes de la protection sociale, 2001

Pour apprécier l'effort public global en faveur des personnes handicapées, il convenait d'y ajouter les financements de l'AGEFIPH (412 millions d'euros en 2001), les prestations d'assurance vieillesse versées a titre du handicap (11,6 milliards d'euros), les autres prestations d'assurance maladie engagées au titre du handicap dans le cadre de la liste des produits et prestations remboursables (21 millions d'euros) et les dépenses fiscales en faveur des personnes handicapées (1,5 milliards d'euros). En tenant compte de tous ces éléments, le budget social du handicap pouvait être évalué entre 35 et 40 milliards d'euros en 2001.

Cette multiplicité des sources de financement a toujours gêné l'analyse des crédits consacrés à la politique du handicap, car la seule présentation des crédits budgétaires ne permet pas de donner une vision complète de l'effort de la nation en faveur des personnes handicapées.

C'est la raison pour laquelle, depuis longtemps, votre commission avait fait le choix de faire référence aux crédits inscrits à l'ONDAM et aux dépenses d'action sociale décentralisées mises en oeuvre par les départements. C'est également la raison pour laquelle elle a longtemps demandé la publication d'un « jaune budgétaire », permettant - comme c'est le cas pour la politique de la ville ou l'aménagement du territoire - de donner une vision consolidée de l'ensemble des moyens consacrés à la politique du handicap.

Votre commission ne peut donc que se féliciter du fait que le Gouvernement ait décidé, dans le cadre de la mise en oeuvre de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, de faire porter le programme consacré au handicap et à la dépendance, ainsi que les actions qui s'y rapportent, non pas sur les seuls crédits de l'État mais sur l'ensemble de la dépense publique dans ce domaine .

Répartition de la dépense publique et de la dépense budgétaire par action

 

Action 1
Plan personnalisé

Action 2
Emploi

Action 3
Revenu

Action 4
Compensation

Action 5
Personnes âgées

Action 6
Pilotage

Total

Dépense publique

108

1.646

17.525

10.672

6.476

18

36.445

- dont budget de l'État

98

1.202

6.868

123

71

10

8.372

Poids de l'action dans :

 
 
 
 
 
 
 

- la dépense publique

0,4 %

4,5 %

48,15 %

29,3 %

17,8 %

0,1 %

100 %

- le budget de l'État

1,2 %

14,4 %

82,0 %

1,5 %

0,8 %

0,1 %

100 %

Source : Projet de loi finances pour 2005, avant-projet annuel de performance des programmes de la mission interministérielle « Solidarité et intégration »

Votre commission estime que cette présentation rend plus lisibles les financements de la politique en faveur des personnes handicapées et ce pour trois raisons :

- elle permet de rendre compte du véritable effort public en faveur des personnes handicapées : les effets de la débudgétisation à laquelle donne lieu la création de la CNSA sont ainsi atténués, puisque les financements apportés par la caisse pourront être retracés dans le cadre du nouveau programme au sens de la loi organique ;

- elle donne une meilleure vision du poids respectif des différentes actions au sein de l'ensemble de la politique du handicap : si l'on s'en tient en effet au seul budget de l'État, les efforts en matière de compensation du handicap semblent dérisoires, ce qui est en réalité loin d'être le cas lorsque l'on considère l'ensemble de la dépense publique, et notamment les futurs financements apportés par la CNSA ;

- elle fait apparaître la spécialisation de l'État sur deux actions : l'amélioration des ressources d'existence des personnes handicapées et la politique de l'emploi en leur faveur.

b) Des objectifs et indicateurs de performance pertinents mais perfectibles

Le tableau ci-après récapitule les objectifs retenus par le Gouvernement pour le programme « Handicap et dépendance » , ainsi que les indicateurs chiffrés qui y sont associés.

Action 1 - Évaluation et orientation personnalisée des personnes handicapées

Objectif unique : améliorer l'effectivité des décisions des commissions (du point de vue de l'usager)

Indicateur unique : Taux de réalisation des mesures du plan personnalisé de compensation

Action 2 - Incitation à l'activité professionnelle

Objectif unique : offrir aux personnes handicapées les mêmes chances d'accéder à l'emploi (du point de vue du citoyen)

Indicateur 1 : Taux de participation au marché du travail des personnes handicapées par rapport au taux de participation en population générale
Indicateur 2 : Taux de chômage des travailleurs handicapés par rapport au taux de chômage en population générale

Action 3 - Ressources d'existence

Objectif 1 : développer la part du revenu d'activité dans le revenu d'existence des personnes handicapées (du point de vue du citoyen)

Indicateur 1 : proportion de personnes handicapées percevant une rémunération d'activité
Indicateur 2 : part du revenu d'activité dans le revenu d'existence global pour ceux qui exercent une activité

Action 4 - Compensation des conséquences du handicap

Objectif 1 : Développer la vie autonome (du point de vue du citoyen)

Indicateur unique : Évolution du taux de personnes handicapées à domicile

Objectif 2 : Améliorer l'adéquation de l'offre institutionnelle (établissements et services médico-sociaux) par rapport aux besoins (du point de vue de l'usager et du contribuable)

Indicateur unique : Écart type du taux de couverture offre / demande, décliné par nature de handicap et par région

Action 6 - Pilotage du programme *

Objectif unique : Assurer la couverture pérenne du risque dépendance (du point de vue du citoyen et du contribuable)

Indicateur 1 : Part des ressources de la branche autres que des prélèvements obligatoires (par type de ressources)
Indicateur 2 : Écart entre la réalisation et la prévision sur les effectifs par formes de dépendance (prévisions utilisées pour la planification)

* L'action 5 est omise car elle ne concerne pas les personnes handicapées mais les personnes âgées.

La plupart des objectifs et indicateurs proposés constituent de véritables progrès pour les personnes handicapées.

Votre commission souhaiterait s'arrêter sur trois d'entre eux : l'amélioration de l'effectivité des décision des commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, le développement de la part du revenu d'activité au sein du revenu global de la personne handicapée et l'amélioration de l'offre d'établissements et de services médico-sociaux par rapport à la demande exprimée.

S'agissant de l'effectivité des décisions des commissions, une étude de l'IGAS montre en effet que le taux de réalisation des décisions des COTOREP plafonne aujourd'hui à 50 %. Plusieurs causes expliquent ce faible résultat : une décision trop tardive qui fait que la personne handicapée a déjà trouvé une autre solution ou n'exprime plus le même besoin ; une décision non pertinente faute d'une évaluation réellement personnalisée des besoins ; une décision inapplicable, soit que l'orientation proposée n'ait pas de solution, soit qu'elle soit contestée en aval par les prestataires.

Votre commission estime que l'indicateur retenu, à savoir le taux de réalisation des mesures du plan personnalisé de compensation, est particulière adapté et synthétique , puisque sa progression suppose à la fois une adéquation de la proposition de la commission avec les attentes de la personne handicapée et une adéquation de l'offre d'établissements et de services avec ladite proposition. Pour assurer le suivi de ce taux, les commissions ne pourront plus se contenter de simples outils statistiques mais devront développer des outils de suivi de la qualité.

Cet indicateur pourrait toutefois être utilement complété par un indicateur relatif aux délais de réponse des commissions aux usagers.

Votre commission approuve également l'objectif fixé pour l'action relative aux revenus d'existence, à savoir l' augmentation de la part du revenu d'activité professionnelle au sein du revenu global de la personne handicapée car elle part du principe que la dignité de la personne handicapée passe par le fait qui lui offrir un autre horizon que le seul minimum social. Cet objectif lui paraît en outre de nature à amorcer une nouvelle dynamique, dans la mesure où il suppose la mise en cohérence des dispositions relatives à l'AAH et celles sur l'incitation à la reprise d'une activité professionnelle.

Elle se félicite enfin de voir mieux pris en compte l' écart qualitatif entre offre et demande de places en établissements et services médico-sociaux . Un effort quantitatif important a en effet été conduit depuis 1999 en termes de créations de places et les besoins étaient tels, toutes catégories de handicap confondues, que la répartition des places créées par nature de handicap importait moins que le nombre brut de créations de places. Tel n'est plus le cas aujourd'hui et les créations devront désormais être ciblées sur des pathologies pour lesquelles le déficit de solution d'accueil reste particulièrement important.

Votre commission espère que la mise en place des indicateurs prévus au titre de la loi organique relative aux lois de finances permettra enfin d'obtenir des informations pertinentes et fiables sur l'état des listes d'attentes et sur le nombre de personnes obligées d'accepter des solutions éloignées de leur domicile familial, faute de mieux.

Certains indicateurs doivent toutefois être repensés

Tel est notamment le cas de l'indicateur retenu pour le suivi de l'objectif de développement de la vie autonome. C'est un fait que les personnes handicapées expriment de plus en plus le souhait de pouvoir vivre de façon autonome à domicile et de n'être pas contraintes à intégrer un établissement.

Pourtant, l'enquête HID de l'INSEE montre que 91,8 % des personnes handicapées vivent aujourd'hui à domicile 12 ( * ) . Dans bien des cas, il ne s'agit pas d'un choix, mais d'une solution par défaut, du fait d'un manque de place adapté. C'est la raison pour laquelle votre commission estime que l'indicateur retenu, à savoir le taux de personnes handicapées vivant à domicile, mesure un simple état de fait et non le résultat d'une politique délibérée et qu'il ne constitue donc pas un indicateur de l'efficacité de la dépense publique en faveur de la vie autonome à domicile .

Votre commission considère qu'un indicateur permettant de mesurer le taux d'équipement en services d'accompagnement à la vie sociale ou encore un indicateur faisant apparaître l'adéquation entre offre et demande de services d'auxiliaires de vie auraient été plus pertinents pour mesurer l'effort public en faveur d'un choix de vie à domicile.

Sur toutes ces questions, votre commission est consciente que le projet de budget pour 2005 est, à bien des égards, un budget de transition , dans l'attente à la fois de la mise en oeuvre du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances. Elle engage donc le Gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour concrétiser en 2006 les attentes des personnes handicapées et de leurs familles .

III. LE RENFORCEMENT DE L'ACTION SOCIALE DÉCENTRALISÉE

L'analyse des crédits de la solidarité consacrés à l'évolution de la dépense d'action sociale décentralisée prend, cette année, un tour particulier, en raison de l'entrée en vigueur de la deuxième vague de décentralisation en matière d'action sociale.

Pour conduire cette analyse, votre commission s'est appuyée sur les travaux de l'observatoire de l'action sociale décentralisée (ODAS) 13 ( * ) , dont elle tient encore une fois à saluer la qualité.

A. DES DÉPENSES D'ACTION SOCIALE DÉCENTRALISÉE EN VOIE DE RECOMPOSITION

1. Les budgets sociaux départementaux en 2003 : une croissance toujours forte

En 2003, la dépense nette d'action sociale des départements s'est élevée à 15 milliards d'euros, soit une progression de près de 9 % par rapport à 2002. Bien que moins importante que l'année précédente (14,5 %), cette croissance reste largement supérieure à celle constatée en moyenne sur la période 1997-2001, soit 2,8 %.

Dépense nette d'action sociale

(en milliards d'euros)

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Dépense nette d'action sociale

10,85

11,25

11,52

11,71

12,10

13,85

15,05

Évolution en %

+ 2,6

+ 3,7

+ 2,4

+ 1,6

+ 3,3

+ 14,5

+ 8,7

Source : ODAS

Si cette augmentation continue de s'expliquer par la poursuite de la montée en charge de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), un deuxième facteur a affecté plus particulièrement les dépenses d'action sociale départementale pour 2003 : l'adoption d'une nouvelle nomenclature comptable à compter du 1 er janvier 2004. Celle-ci a obligé les départements à solder avant cette date l'ensemble des dettes qu'ils avaient à l'égard des établissements sociaux et médico-sociaux qu'ils financent, ce qui a entraîné une dépense exceptionnelle de l'ordre de 100 à 150 millions d'euros en 2003.

Contrairement à l'année précédente, l'année 2003 n'a pas enregistré de revalorisations exceptionnelles des rémunérations dans les établissements et services du secteur médico-social financés par l'aide sociale départementale. Il pourrait toutefois ne s'agir que d'une accalmie de courte durée, car l'année 2004 constituera la première année de sortie des aides à la réduction du temps de travail accordées sous l'empire de la loi Aubry II.

2. L'analyse des différentes composantes de la dépense d'action sociale

a) L'aide sociale à l'enfance

Les dépenses d'aide sociale à l'enfance (ASE) sont constituées par :

- la prise en charge des frais d'hébergement des enfants faisant l'objet d'une décision de placement, dans les établissements financés par le conseil général ou en famille d'accueil ;

- le financement du recours aux mesures d'action éducative en milieu ouvert (AEMO) ou aux travailleuses familiales, ainsi que le soutien aux associations d'aide à l'enfance en danger.

Avec une dépense totale de 4,5 milliards d'euros, les frais liés à l'ASE ont augmenté de 4 % en 2003, ce qui correspond à nouveau au rythme moyen de progression de ces dépenses sur longue période.

Dépense nette d'aide sociale à l'enfance

(en milliards d'euros)

 

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Dépense nette

3,69

3,83

3,90

3,98

4,32

4,50

Évolution en %

+ 4,3

+ 3,8

+ 1,8

+ 2,1

+ 8,5

+ 4,2

Source : ODAS

Ces dépenses avaient connu une évolution particulièrement importante en 2002 (+ 8 %), du fait de la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail et de l'application d'un avenant à la convention collective de 1966 entraînant de nouveaux barèmes de primes dans les établissements accueillant les enfants confiés à l'aide sociale.

Pour autant, une augmentation de 4 % des dépenses, dans un contexte de stabilisation du nombre d'enfants suivis par les services départementaux d'aide sociale à l'enfance, demeure inquiétante car elle signifie que même en l'absence de mesures salariales exceptionnelles, la progression de la masse salariale reste forte.

b) L'aide sociale en direction des personnes handicapées

Les dépenses d'aide sociale en direction des personnes handicapées se sont élevées à 3,16 milliards d'euros, en progression de 6,4 % par rapport à l'année précédente. Ce rythme de progression est à nouveau conforme à la moyenne observée ces dernières années, l'année 2002 faisant figure d'exception avec une dépense exceptionnelle liée à la mise en oeuvre des 35 heures dans les établissements médico-sociaux accueillant des personnes handicapées et financés par les conseils généraux.

Dépenses d'aide sociale aux personnes handicapées

(en milliards d'euros)

 

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Aide sociale à l'hébergement

1,80

1,91

2,01

2,15

2,41

2,59

ACTP versées aux personnes de moins de 60 ans

0,49

0,50

0,52

0,53

0,56

0,57

Dépense totale

2,29

2,41

2,53

2,68

2,97

3,16

Évolution en %

+ 6,5

+ 5,2

+ 5,0

+ 5,9

+ 10,8

+ 6,4

Source : ODAS

Le principal facteur permettant d'expliquer le rythme malgré tout encore élevé de progression de ces dépenses réside dans la poursuite des plans de créations de places en établissements, auxquels les départements ont largement participé. Ils ont notamment été massivement sollicités dans le cadre du programme de création de places en FAM, puisqu'ils interviennent obligatoirement comme cofinanceurs de ces établissements.

En revanche, on constate un palier dans l'augmentation des dépenses d'ACTP, le recentrage de cette allocation sur les personnes handicapées de moins de 60 ans semblant désormais achevé, parallèlement à la stabilisation du nombre de bénéficiaires de l'APA.

Dans les prochaines années, le rythme de progression des dépenses d'aide sociale aux personnes handicapées ne devrait pas ralentir et pourrait même encore s'accélérer sous l'effet de plusieurs facteurs :

- le nouveau programme de créations de places, annexé au projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, ne manquera pas de mobiliser le cofinancement des départements ;

- le vieillissement des personnes handicapées entraîne une augmentation de la demande d'hébergement et la nécessité de créer de nouveaux types de structures adaptées à cette nouvelle population ;

- les départements se voient confier un rôle de pilote en matière de prise en charge des personnes handicapées, à travers leur responsabilité sur les maisons départementales des personnes handicapées : il est vraisemblable qu'ils seront amenés à encourager financièrement le développement des nouveaux services destinés aux personnes handicapées ;

- le projet de loi relatif à l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées confie aux présidents de conseils généraux la liquidation et le versement de la nouvelle prestation de compensation : même s'il est prévu que les départements reçoivent, pour y faire face, une dotation de la CNSA visant à compenser les surcoûts de la nouvelle prestation par rapport à l'actuelle ACTP, il y a fort à parier que la participation de la Caisse n'assurera pas une compensation intégrale.

Enfin, des incertitudes demeurent quant aux contours de l'action sociale décentralisée dans le domaine du handicap . En fonction des choix qui pourraient être faits en matière de décentralisation, la dépense brute 14 ( * ) dans ce domaine pourrait tripler : le handicap deviendrait alors le premier poste de l'action sociale départementale.

c) L'aide sociale en faveur des personnes âgées

Les dépenses d'action sociale en faveur des personnes âgées s'élèvent à 2,95 milliards d'euros en 2003, en hausse de 22 % par rapport à l'année précédente. Au total, l'aide sociale aux personnes âgées a progressé de 68 % en deux ans, et même de 150 % avant prise en compte de la contribution du fonds de financement de l'APA (FFAPA).

Dépenses d'aide sociale aux personnes âgées

(en milliards d'euros)

 

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Aide sociale à l'hébergement

0,91

0,88

0,88

0,82

0,70

0,90

ACTP versée aux plus de 60 ans

0,62

0,38

0,25

0,15

0,12

0,11

Prestation spécifique dépendance

0,24

0,44

0,55

0,67

0,42

0,12

APA

-

-

-

-

1,06

1,72

Aide ménagère

0,14

0,13

0,12

0,12

0,11

0,10

Total

1,91

1,83

1,80

1,76

2,41

2,95

Évolution en %

- 3

- 4,2

- 1,6

- 2,2

+ 37

+ 22,4

Source : ODAS

Bien qu'encore élevé, le rythme de progression des dépenses d'aide sociale aux personnes âgées a fortement ralenti par rapport à 2002. Ceci s'explique en partie par les modifications des conditions d'attribution de l'APA, introduites par la loi n° 2003-289 du 31 mars 2003, mais le principal facteur d'atténuation des dépenses en 2003 réside dans la progression exceptionnelle des recettes versées par le FFAPA.

En effet, alors que le fonds devait verser 800 millions d'euros au titre de l'exercice 2002 et 1.250 millions d'euros au titre de celui de 2003, les départements ont réellement perçu 637 millions d'euros en 2002 et 1.437 millions d'euros en 2003 : la dépense pour 2002 a donc été majorée et celle pour 2003 réduite.

Cette situation exceptionnelle ne devrait pas se reproduire en 2004, puisque la fin de la montée en charge du FFAPA réduit les risques de report de recettes. Ainsi, malgré une stabilisation probable du nombre de bénéficiaires, on devrait à nouveau observer une progression vive des dépenses d'APA en 2004.

Il convient enfin de noter une augmentation importante de la dépense d'aide sociale à l'hébergement en 2003, qui s'explique par deux facteurs : la régularisation des paiements aux établissements, après le gel des prix de journée prévu en 2002 dans le cadre de la réforme tarifaire des EHPAD, et le changement de nomenclature comptable au 1 er janvier 2004, qui a obligé les départements à solder l'ensemble de leurs comptes avec les établissements.

d) Les dépenses d'insertion et d'accompagnement social

Les dépenses d'insertion et d'accompagnement social s'élèvent à 4,44 milliards d'euros en 2003, soit une progression de 7 % par rapport à l'année précédente.

Elles sont composées de deux enveloppes, de nature très différentes :

- les dépenses d'insertion consacrées aux bénéficiaires du RMI, dans le cadre de l'obligation légale faite aux départements de consacrer une somme équivalente à 17 % des crédits versés par l'État, l'année précédente, au titre de l'allocation : ces dépenses représentent 640 millions d'euros en 2003 et augmentent donc de plus de 10 % par rapport à l'année précédente ;

- les dépenses d'accompagnement social, qui regroupent les dépenses de fonctionnement et d'intervention des services de protection maternelle et infantile (PMI) et des services sociaux départementaux : elles s'élèvent à 3,8 milliards d'euros en 2003, en hausse de 6,4 % par rapport à 2002.

Dépenses d'insertion et d'accompagnement social

(en milliards d'euros)

 

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Dépense d'insertion des

0,53

0,59

0,55

0,53

0,58

0,64

bénéficiaires du RMI

+12,8 %

+ 11,8 %

- 6,8 %

- 3,6 %

+ 9,4 %

+ 10,3 %

Dépenses

2,82

2,86

2,93

3,15

3,57

3,8

d'accompagnement social

+ 3,3 %

+ 1,4 %

+ 2,4 %

+ 7,5 %

+ 13,3 %

+ 6,4 %

Total

3,35

3,45

3,48

3,68

4,15

4,44

+ 4,7 %

+ 3,0 %

+ 0,9 %

+ 5,7 %

+ 12,8 %

+ 7,0 %

Source : ODAS

L'augmentation des dépenses d'insertion des bénéficiaires du RMI tient essentiellement à la progression du nombre de bénéficiaires en 2003 : leur nombre était de 1,14 million au 31 décembre, ce qui représente une hausse de 4,9 % par rapport à la même date en 2002.

Dans les prochaine années, cette dépense devrait augmenter considérablement, dans la mesure où, conformément à la loi du 18 décembre 2003 15 ( * ) , les départements devront financer non seulement les actions d'insertion des bénéficiaires du RMI mais aussi l'allocation elle-même. Il convient toutefois de rappeler qu'ils reçoivent, pour financer ce transfert, une fraction de la TIPP, calculée sur la base des dépenses d'allocation constatées au 31 décembre 2003.

Mais, selon une étude conjointe de la CNAF et de la DREES, au 31 mars 2004, on comptait déjà 1,2 million allocataires, soit une hausse de 8,9 % par rapport à la même période de l'année précédente, cette situation étant due non seulement à la situation toujours difficile sur le marché du travail mais aussi aux conséquences de la réforme d'assurance chômage, entrée en vigueur au 1 er janvier et partiellement suspendue en avril 2004.

Il ne fait donc nul doute que, conformément au dispositif prévu en loi de finances initiale pour 2004, un ajustement des tarifs de TIPP attribués aux départements devra intervenir en loi de finances rectificative , pour compenser aux conseils généraux la progression des dépenses constatée au cours de cette première année de transfert de compétence.

La question reste toutefois posée au-delà de l'année 2004, puisqu'à compter de 2005, les départements devront assumer seuls les évolutions du coût de l'allocation, sans qu'aucune rectification du montant de la TIPP transférée ne vienne en compenser les dérives. L'inquiétude est d'ailleurs particulièrement importante pour les départements où le taux de bénéficiaires du RMI dans la population est élevé.


Les inégalités entre départements

La dépense d'APA est directement liée au nombre de personnes âgées dans la population et celle de RMI au nombre de bénéficiaires du RMI (lui même étroitement lié au contexte économique). Les départements vont avoir à faire face à des contextes sociodémographiques et socioéconomiques sur lesquels ils n'ont que peu d'influence. Or, ces contextes sont fortement inégaux.

Ainsi, le taux de personnes âgées de 75 ans et plus dans la population varie de 4,5 % dans le Val-d'Oise à 14,1 % dans la Creuse. Ainsi, le taux de bénéficiaires du RMI dans la population varie de 0,8 % dans la Mayenne à 4,7 % dans les Bouches-du-Rhône.

Afin de mesurer l'impact de ces réformes, nous avons sélectionné les 25 départements ayant les plus forts taux de RMI et les 25 ayant les taux les plus faibles ; ainsi que les 25 départements ayant les plus forts taux de personnes âgées de plus de 75 ans, et les 25 ayant les taux les plus faibles. En croisant les deux critères, ont été mis en évidence quatre catégories contrastées de départements :

- Catégorie A (faible taux de RMI - faible taux de personnes âgées) : Ain, Ille-et-Vilaine, Isère, Haut-Rhin, Savoie, Seine-et-Marne, Yvelines ;

- Catégorie B (faible taux de RMI - fort taux de personnes âgées) : Aveyron, Corrèze, Indre, Lozère ;

- Catégorie C (fort taux de RMI - faible taux de personnes âgées) : Haute-Garonne, Pas-de-Calais, Nord, Paris, Seine-Maritime, Seine-Saint-Denis ;

- Catégorie D (fort taux de RMI - fort taux de personnes âgées) : Alpes Maritimes, Ariège, Aude, Charente-Maritime, Lot-et-Garonne, Pyrénées-Orientales, Tarn-et-Garonne, Var.

 

Catégorie A

Catégorie B

Catégorie C

Catégorie D

Dépense d'aide sociale par habitant en 2003 + allocation RMI par habitant

206 €

232 €

333 €

306 €

Poids de l'insertion dans la dépense totale d'aide sociale en 2003

20 %

19 %

36 %

36 %

Dépense supplémentaire pour 10 % de bénéficiaires

+ 6 €

+ 6 €

+ 16 €

+ 15 €

Les caractéristiques de ces quatre catégories sont très contrastées. En particulier l'augmentation du nombre de bénéficiaires du RMI se traduirait par une dépense supplémentaire presque trois fois plus importante dans les 25 départements les plus touchés par le RMI que dans les 25 qui le sont le moins. Comme en outre la dépense initiale est déjà sensiblement plus importante, on n'imagine pas d'autre solution pour une décentralisation efficace qu'une forte péréquation de la part de l'État.

Source : La lettre de l'ODAS, juin 2004, Annexe

3. Les budgets primitifs des départements pour 2004

Une première estimation de la dépense d'action sociale décentralisée pour 2004 peut être donnée à partir de l'analyse des budgets primitifs des départements 16 ( * ) .

Les dépenses d'aide sociale représentent 64 % des dépenses de fonctionnement des départements , après la décentralisation du RMI. Leur montant passe de 16,8 à 22,4 milliards d'euros en 2004, progressant ainsi de 33,7 %. Cette hausse s'explique par quatre facteurs :

- la décentralisation du RMI : les départements ont prévu une dépense de 5,4 milliards d'euros en 2004 au titre du RMI, afin de faire face à la fois au financement des actions d'insertion et au versement de l'allocation ;

- le poids toujours croissant des dépenses d'APA : le coût de cette aide aux personnes âgées devrait atteindre 3,6 milliards en 2004 contre 3,3 milliards en 2003, ce qui représente une progression de 11,1 % ;

- a hausse exceptionnelle des dépenses destinée à la famille et à l'enfance : ces dépenses atteignent 4,9 milliards d'euros en 2004 contre 4,5 milliards d'euros en 2003 et augmentent donc à un rythme de 8,9 %. La généralisation de la nouvelle nomenclature comptable impose en effet la prise en compte des salaires des assistantes maternelles dans ces dépenses ;

- l'augmentation des dépenses en faveur des personnes handicapées : leur progression s'élève à 9,2 %, pour un montant total qui s'établit désormais à 3,6 milliards d'euros. Cette hausse s'explique par une augmentation des prix de journée ainsi que par la poursuite des créations de places.

Répartition des dépenses d'aide sociale départementale en 2004

Source : ADF

Il convient de préciser que ces estimations ne tiennent pas compte des dépenses supplémentaires liées à la gestion du RMI et à la mise en place du RMA. La charge supplémentaire pour les conseils généraux s'établirait à 59 millions d'euros. Elle devrait donc influer sur les dépenses de personnel et les dépenses d'aide sociale, avant que d'autres transferts de compétences à partir de 2005 ne fassent évoluer la structure des comptes départementaux.

B. MAÎTRISER LE FINANCEMENT DES ÉTABLISSEMENTS MÉDICO-SOCIAUX : UN IMPÉRATIF À L'HEURE DE LA DÉCENTRALISATION

Le constat dressé par l'ODAS met en lumière, pour la troisième année consécutive, l'importance de l'augmentation du coût des prestations servies par les établissements médico-sociaux financés par les conseils généraux parmi les facteurs de progression de la dépense d'action sociale décentralisée.

Dans la mesure où les dépenses de personnel représentent les deux tiers de ce coût, la maîtrise de la masse salariale est un enjeu de toute première importance, surtout dans un contexte de décentralisation où les transferts de compétences de la part de l'État conduisent les départements à hiérarchiser leurs priorités d'intervention.


Les établissements et services sociaux et médico-sociaux

Les salariés des établissements et services médico-sociaux sont au nombre de 590.000 et ils relèvent principalement de deux branches :

- la branche « aide à domicile », qui compte 140.000 salariés et regroupe quatre conventions collectives ;

- la branche UNIFED, qui regroupe 450.000 salariés, est régie par deux conventions collectives principales : la convention du 15 mars 1966 de la fédération des syndicats nationaux d'employeurs des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées à but non lucratif et la convention du 31 octobre 1951 de la fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privée à but non lucratif (FEHAP).

Les conventions collectives applicables à l'ensemble de ces deux branches relèvent du régime de l'article L. 314- du code de l'action sociale et des familles et sont donc soumises à agrément ministériel.

1. Un essor inquiétant des dépenses de personnel des établissements médico-sociaux

a) L'impact des accords collectifs agréés jusqu'en 2003

L'année 2003 marque la fin de la période de modération salariale forcée qui avait accompagné la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail dans les établissements sociaux et médico-sociaux : alors qu'il n'avait pas dépassé les 70 millions d'euros en 2002, le coût de l'application en 2003 des accords collectifs a été presque été multiplié par trois . Il s'établit à 187 millions d'euros, ce qui représente une augmentation de la masse salariale de 1,1 %, contre une progression de 0,4 % seulement l'année précédente.

Coût des accords collectifs agréés jusqu'en 2003
sur les exercices 2003 et 2004 dans le secteur social et médico-social

(en millions d'euros)

Type de mesure

Total 2003

Total 2004

Travail de nuit

6,0

10,4

Revalorisation de la valeur du point

88,4

0

Rattachements à la convention collective de 1966

1,6

1,7

Rénovation de la convention collective de 1951

19,0

14,5

Rénovation de la convention collective de la Croix Rouge

0

0,8

Primes des infirmières (convention collective de 1965)

20,0

0

Primes d'internat (convention collective de 1965)

1,2

0

Indemnités de fin de carrière (convention collective de 1965)

224,0

0

Revalorisations des cadres (Mutuelle générale de l'Education nationale)

232,0

37,2

Total branche UNIFED

116,6

27,5

Revalorisation de la valeur du point

62

89

Indemnités kilométriques

8,9

0

Total Branche aide à domicile

70,9

89

Total général

187,5

116,5

Source : Rapport relatif aux agréments des conventions et accords applicables aux salariés des établissements de santé et des établissements médico-sociaux, DGAS, 10 mars 2004.

Il convient également de souligner, qu'avant même la prise en compte des accords agréés pendant l'exercice en cours, la masse salariale des établissements sociaux en 2004 se voit d'ores et déjà grevée par le poids des accords collectifs agréés les années précédentes, pour un coût total de 116,5 millions d'euros . Cela signifie qu'en l'absence de tout nouvel accord en 2004 et notamment avant toute négociation sur la valeur du point et toute prise en compte du GVT, les dépenses de personnel progressent spontanément de 0,7 %.

Or, plusieurs accords agréés en 2004 ou en cours d'instruction pourraient encore venir accélérer la progression de la masse salariale :

- s'agissant de la valeur du point, une décision des employeurs de la convention du 15 mars 1996 revalorisant celui-ci à hauteur de 0,5 % à compter du 1 er janvier 2004 a été déposée et est en cours d'instruction. Son agrément devrait intervenir rapidement puisque deux autres accords du même ordre, concernant la convention collective des centres de lutte contre le cancer et la convention collective du 26 août 1965, ont d'ores et déjà fait l'objet d'un agrément et que la progression proposée est équivalente à celle prévue pour la fonction publique. Une incertitude pèse en revanche sur l'avenant à la convention de la branche « aide à domicile », car la revalorisation prévue se monte à 1 % ;

- plusieurs accords catégoriels ont également été agréés en 2004 : ils concernent le statut de surveillant de nuit et celui de maître et de maîtresse de maison. Leur coût s'élève à 3,85 millions d'euros ;

- enfin, un accord permettant l'alignement des dispositions conventionnelles applicables aux salariés des établissements sanitaires et sociaux de la MGEN sur celles des établissements de la FEHAP a été signé le 22 avril 2004. Son coût est évalué à 5,65 millions d'euros.

Ces mesures salariales devraient donc conduire à une progression encore soutenue du coût des prestations en établissements médico-sociaux en 2004 et à une pression accrue sur les budgets de l'État, de la sécurité sociale et des départements.

Or, les hypothèses sur lesquels ces budgets sont fondés ne tiennent généralement pas compte de l'impact de l'ensemble des accords agréés : le présent projet de loi de finances retient simplement une provision pour l'application du GVT de 0,8 % et une provision au titre des mesures générales intervenues au 1 er janvier 2004 dans la fonction publique de 0,5 %. L'ONDAM 2004 anticipait, quant à lui, un GVT nul.

b) Les incertitudes liées à la sortie des aides à la réduction du temps de travail

Le secteur médico-social a été expressément inclus, par la loi du 13 juin 1998 dite Aubry I, dans le champ de la réduction du temps de travail (RTT).

Dès l'origine, la mise en oeuvre de la RTT dans ce secteur s'est heurtée à plusieurs obstacles, liés à la spécificité de l'activité des établissements médico-sociaux et, notamment, à la difficulté de réaliser des gains de productivité dans des établissements où la permanence de l'assistance requise par les personnes accueillies constitue une figure imposée de l'activité.

Les établissements qui appliquaient un accord collectif fixant la durée maximale du travail soit à 35 heures hebdomadaires, soit à 1.600 heures sur l'année et qui s'engageaient, dans ce cadre, à créer ou à préserver des emplois ont bénéficié, conformément aux dispositions de la loi du 19 janvier 2000, d'un allégement permanent de charges sociales  dégressif entre le SMIC et 1,8 SMIC. Par ailleurs, les établissements qui avaient anticipé, dès la loi du 13 juin 1998, la mise en oeuvre de la RTT ont pu bénéficier d'aides incitatives, sous la forme d'une aide forfaitaire.

Or, la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 substitue, à compter du 1 er janvier 2003, un nouveau régime d'allégement de charges sociales aux allégements liés à la mise en oeuvre de la RTT. Une période transitoire a été fixée jusqu'au 30 juin 2005 et un régime unique entrera en vigueur à compter du 1 er juillet 2005.

Il reste que, comme en témoigne le tableau suivant, les nouvelles aides, dites Fillon, ne compensent pas intégralement la fin des allègements Aubry II pour les salaires compris entre 1,6 et 1,8 SMIC et encore moins la disparition des aides Aubry I, dispositif qui était à ce jour de loin le plus avantageux.

Type d'aide

Montant

Aide forfaitaire Aubry I

915 euros par salarié et par an, dégressif sur 5 ans

Allègements Aubry II

26 % du SMIC brut, soit 300 euros, dégressif jusqu'à 1,8 SMIC

Allègements Fillon

26 % du SMIC brut, soit 300 euros, dégressif jusqu'à 1,6 SMIC*

* 1,7 SMIC en 2004 et 1,6 SMIC à compter de 2005

Par ailleurs, alors que jusqu'ici, un cumul des aides forfaitaires Aubry I  était possible avec les allégements Fillon, ce cumul est devenu impossible à compter du 1 er avril 2004. Il a en effet été considéré que les établissements, aidés pendant cinq ans, devaient être en mesure, au terme de cette période, d'autofinancer le coût des embauches supplémentaires par les marges dégagées par les allègements.

Or, 80 % des établissements médico-sociaux ont signés un accord de réduction du temps de travail relevant de la loi Aubry I : ils sont donc plus particulièrement touchés par la disparition de l'aide forfaitaire au poste prévue par cette loi. Ainsi, la branche UNIFED évalue à 46 millions d'euros en 2003 l'impact du passage des allègements de charges Aubry II aux allègements Fillon et à 484 millions d'euros en 2004 celui de la fin des aides forfaitaires Aubry I .

Conscient que, dans le secteur médico-social à but non lucratif, les marges de manoeuvre permettant de dégager des gains de productivité sont restreintes, le Gouvernement a entrepris, entre juin et septembre 2004, une consultation des fédérations d'employeurs du secteur, afin de dresser un état des lieux des besoins de financement et de s'assurer de la pérennisation des emplois, notamment pour des structures qui pourraient être fragilisées par l'extinction des aides Aubry I.

c) La nécessité de repenser les relations entre gestionnaires et financeurs

Le financement des établissements et services médico-sociaux doit répondre à une double contrainte : la quasi totalité des ressources des établissements provient de fonds publics, c'est à dire de dotations ou de prix de journées versés par l'État, l'assurance maladie ou les départements, mais leur gestion relève du droit du travail, les employeurs étant soumis à l'obligation annuelle de négocier sur l'évolution des rémunération. Afin d'assurer une certaine cohérence entre les contraintes des financeurs et l'évolution des salaires négociée par les partenaires sociaux, une procédure d'agrément des accords collectifs est prévue.

Or, on constate chaque année un grand nombre d'accords refusés à l'agrément, le plus souvent faute de la part des partenaires sociaux d'avoir pu connaître la marge de manoeuvre financière dont ils disposent pour la négociation collective. A l'inverse, les établissements se plaignent souvent que les financements accordés par les autorités de tutelle ne tiennent pas compte de la mise en oeuvre des conventions collectives qu'elles ont pourtant préalablement agréées.

C'est la raison pour laquelle la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, complétée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, prévoit le dépôt d'un rapport annuel au Parlement qui rappelle les accords agréés en cours d'exercice et l'impact financier dont il faudra tenir compte pour l'élaboration des budgets et qui énonce parallèlement les paramètres d'évolution de la masse salariale retenus par les financeurs pour l'année suivante, ces paramètres constituant en quelque sorte la marge de négociation des employeurs.

Pour autant, comme en témoignent les difficultés de financement des accords agréés en 2003 et 2004, ces dispositifs apparaissent encore perfectibles. Votre commission estime donc que deux pistes sont à explorer :

- la responsabilisation des gestionnaires : dans un tel système, les accords collectifs ne seraient plus agréés. N'ayant plus l'assurance d'obtenir les financements nécessaires à l'application de leurs accords, les partenaires sociaux seraient conduits à tenir davantage compte des enveloppes réellement disponibles. Cela suppose toutefois de prévoir une publication suffisamment précoce des enveloppes limitatives opposables, de façon à assurer vis-à-vis des partenaires sociaux une totale transparence des efforts de financement consentis par les pouvoirs publics ;

- l'instauration d'un agrément réellement opposable des conventions collectives : il s'agirait dans ce cas d'établir annuellement un taux de progression maximum de la masse salariale, tenant notamment compte des accords déjà agréés à appliquer et des hypothèses concernant l'activité conventionnelle pour l'année à venir, ce qui permettrait aux employeurs d'avoir un mandat clair. Les accords conclus continueraient à être agréés, mais au regard du taux de progression fixé et deviendrait alors totalement opposable aux autorités de tutelle.

2. Trois ans après la loi du 2 janvier 2002, faut-il remettre en chantier la tarification des établissements médico-sociaux ?

a) Un nouveau cadre budgétaire et comptable qui peine à trouver son rythme de croisière

Le décret du 22 octobre 2003 a entièrement refondu le régime budgétaire et comptable des établissements sociaux et médico-sociaux, dans l'objectif de renforcer la responsabilité des gestionnaires. A cet effet, il prévoit :

- un allègement des approbations et des contrôles a priori : chaque autorité tarifaire fixe désormais globalement le montant des dépenses et des recettes qui lui sont imputables au sein du budget de l'établissement, sans procéder à une approbation compte par compte ;

- un assouplissement des règles budgétaires et comptables pesant sur les gestionnaires : les possibilités de virements de crédits sont accrues, la révision des programmes d'investissement est autorisée et les produits de trésorerie ne seront plus obligatoirement affectés à une réduction du prix de journée à la charge de la personne accueillie mais pourront alimenter des opérations d'investissement ;

- une procédure contradictoire pour la fixation des budgets : si les autorités de tutelle peuvent réduire les dépenses injustifiées, excessives et abusives, les dépenses hors de proportion et les dépenses incompatibles avec le montant des crédits des enveloppes limitatives de crédits, les établissements se voient reconnaître la possibilité de justifier de ces dépenses, notamment au regard des conventions collectives agréées.

En contrepartie, les contrôles a posteriori sont renforcés. Un principe d'inopposabilité aux financeurs des dépenses excédant les enveloppes limitatives autorisées est fixé : l'établissement doit faire la preuve de l'impossibilité de respecter les dépenses que l'autorité de tarification entend autoriser et transmettre, en fin d'exercice, un rapport exposant les mesures prises par l'établissement pour atteindre l'équilibre budgétaire ou exposant les raisons justifiant le maintien d'un déficit.

Le nouveau dispositif doit enfin permettre une meilleure allocation des ressources entre les différents établissements, grâce à l'élaboration d'indicateurs médico-sociaux et médico-économiques autorisant des comparaisons du coût des prestations, tant sur le plan local que régional et national.

Votre commission ne peut qu'approuver la modernisation du cadre budgétaire et comptable auquel procède le décret du 22 octobre 2003. Elle constate toutefois que ses débuts ont été difficiles. Certains établissements attendaient toujours, début novembre 2004, la confirmation de leur budget pour l'année en cours : ils ont donc dû fonctionner pendant onze mois sur la base de douzièmes provisionnels. Des circulaires assouplissant les conditions d'application du décret ont été adressées aux DDASS à compter du mois de mars, mais leur application s'est avérée très disparate d'un département à l'autre

En outre, la branche UNIFED a introduit un recours en annulation de ce décret devant le Conseil d'État , estimant notamment que les dispositions relatives aux frais de siège, celles concernant la possibilité de donner un caractère pluriannuel aux plans de financement des établissements et l'absence de précision sur le financement du déficit des établissements méconnaissaient les dispositions de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale.

Conscient du vide juridique que provoquerait l'annulation du décret, le Gouvernement a engagé une concertation avec les partenaires sociaux du secteur médico-social, afin de parvenir à un aménagement des dispositions litigieuses et à un allègement des obligations pour les établissements de petite taille. D'après les informations disponibles, la concertation devrait déboucher, d'ici la fin de l'année 2004, sur une nouvelle rédaction du décret budgétaire et comptable.

b) Une réflexion renouvelée sur le financement des établissements médico-sociaux

Votre commission estime que la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, le rôle qui lui est dévolu en matière de répartition des financements attribués aux établissements pour personnes handicapées et la mission de planification et de programmation des ouvertures de places confiée au préfet de région par le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées ne peuvent que conduire à ouvrir à nouveau le débat sur les relations entre les autorités de tutelle et les établissements médico-sociaux, notamment en matière de tarification.

Par ailleurs, la création d'une prestation de compensation, cofinancée par les départements et la CNSA, pour les personnes handicapées vivant de façon autonome à domicile conduira nécessairement à poser la question du financement des prestations relevant de la compensation du handicap en établissements. Il faudrait alors mettre en place un mode de tarification tripartite, calqué sur celui prévu pour les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes et dont chacun s'accorde à penser qu'il est d'une complexité excessive.

C'est la raison pour laquelle il paraît nécessaire d'envisager, à moyen terme, une nouvelle réforme du financement des établissements médico-sociaux , qui pourrait être l'occasion de mettre fin à la fixation annuelle de tarifs qui n'ont en définitive aucune signification économique et ne correspondent pas réellement à la rémunération du service rendu.

Une piste intéressante pourrait être de faire reposer le financement des établissements sur un conventionnement pluriannuel : les autorités de tutelle procèderaient à un appel à projet, assorti d'un cahier des charges financier et qualitatif, et les établissements retenus se verraient attribuer une enveloppe pluriannuelle de financement, à charge pour eux de remplir leur mission sur la base des moyens négociés dans la convention.

*

* *

Le projet de budget de la solidarité pour 2005 ne peut pas faire l'objet d'une lecture univoque : dans le domaine du handicap, il constitue sans aucun doute un budget de transition, dans l'attente de l'architecture institutionnelle et financière définitive liée à la CNSA et à la nouvelle prestation de compensation. Mais votre commission relève surtout qu'il permet, malgré un contexte budgétaire très contraint, de financer les priorités nouvelles fixées par le plan de cohésion sociale.

Pour toutes ces raisons, elle a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la solidarité pour 2005.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DES MINISTRES

AUDITION DE M. JEAN-LOUIS BORLOO, MINISTRE DE L'EMPLOI,
DU TRAVAIL ET DE LA COHÉSION SOCIALE

Réunie le mardi 23 novembre 2004, sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale sur les crédits de la solidarité pour 2005 .

Pour introduire le débat, M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale , a souligné combien le projet de loi de finances pour 2005 s'inscrit dans le prolongement du plan de cohésion sociale présenté cet été.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis des crédits de la solidarité , s'est interrogé sur l'évolution des dettes de l'État à l'égard tant de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), au titre de l'allocation parent isolé (API), que de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAM), au titre de l'aide médicale d'État (AME). Il a demandé au ministre si un remboursement total ou partiel de ces dettes interviendra dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2004, et, s'agissant de l'AME, si les dispositions des lois de finances rectificatives pour 2002 et 2003 seront enfin appliquées.

Il s'est également interrogé sur la baisse de la dotation servant de base à la décentralisation, vers les régions, des établissements de formation en travail social : la montée en charge des 3.000 places de formation créées à la rentrée 2004 aurait plutôt justifié, à son sens, une revalorisation de celle-ci. Il a souhaité savoir si le montant de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) qui sera accordé aux régions pour compenser ce transfert de compétence, tiendra compte de la baisse de cette dotation.

Observant que si la diminution de l'endettement de l'État à l'égard des organismes de sécurité sociale figure bien, pour partie, dans les lignes budgétaires de son ministère, sans que la gestion financière de ce dossier ne soit pour autant de son ressort, M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale , s'est félicité de la tendance à la diminution constante des dettes de l'API : celles-ci sont ainsi revenues de 129 à 92 millions d'euros entre le premier et le troisième trimestre de cette année.

Sur la question de la dotation aux régions au titre des établissements de formation en travail social, il a déclaré qu'un rattrapage interviendra dès que sera connue la moyenne annuelle des dépenses effectivement réalisées. Il s'est engagé à fournir des données chiffrées sur ce point.

AUDITION DE M. PHILIPPE DOUSTE-BLAZY, MINISTRE DE LA SANTÉ,
ET DE LA PROTECTION SOCIALE

Réunie le mardi 23 novembre 2004, sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'audition de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale sur les crédits de la santé et de la protection sociale pour 2005 .

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale , a tout d'abord rappelé l'intense travail législatif accompli au cours des derniers mois et a indiqué que le budget pour 2005 du ministère participait à la mise en oeuvre des politiques qui en découlaient. Ses crédits sont quasiment stables en 2005, à hauteur de 8,63 milliards d'euros, mais leur répartition privilégie la politique de santé publique, pour laquelle plus de 26 millions d'euros supplémentaires seront dégagés.

Il est revenu sur la création, par la loi du 30 juin 2004, de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et handicapées. La politique en faveur des personnes âgées sera consolidée, grâce à un effort de 16 millions d'euros permettant la rénovation et la mise aux normes des établissements et le financement de plusieurs antennes et d'une plate-forme téléphonique pour lutter contre la maltraitance. En ce qui concerne les personnes handicapées, le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est encore en cours d'examen devant le Parlement et l'État consacrera près de 6,4 milliards d'euros à ces personnes ; 200 millions d'euros supplémentaires sont inscrits au budget du ministère pour couvrir l'augmentation des dépenses relatives à l'allocation adultes handicapés et de celles relatives aux centres d'aide par le travail.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale , a évoqué enfin la dimension budgétaire de la réforme de l'État, à travers les expérimentations programmées dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances.

En conclusion, il a indiqué que la stabilité du budget de la santé en 2005 résulte de la mise en oeuvre de la décentralisation, qui transfère aux régions le fonctionnement des instituts et des écoles de formation des infirmiers et sages-femmes, ainsi que les bourses aux étudiants, et aux départements celui des centres locaux d'information et de coordination (CLIC) et des comités régionaux et départementaux des retraités. Il a considéré que ce budget est satisfaisant, eu égard aux contraintes globales pesant sur les finances publiques, et qu'il permettra une meilleure prise en compte des besoins des Français en matière de santé et de protection sociale.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis des crédits de la solidarité , a désiré connaître la situation des dettes de l'État à l'égard de la CNAF, au titre de l'allocation de parent isolé (API) et de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), et à l'égard de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), au titre de l'aide médicale de l'État (AME), au 31 décembre 2004. Il a voulu savoir si un remboursement - total ou partiel - de ces dettes était prévu en loi de finances rectificative pour 2004 et s'il était envisagé d'ouvrir à nouveau la question du remboursement à la sécurité sociale des frais de gestion liés à ces prestations.

Il a ensuite indiqué que, selon ses informations, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pourrait financer l'intégralité des créations de places en établissements et services pour personnes handicapées en 2005. Il a souhaité connaître le coût prévisionnel de ces créations et savoir si ce financement resterait à la charge de la caisse en 2006. Il s'est par ailleurs interrogé sur la possibilité de prévoir des financements CNSA dans d'autres domaines en 2005 et sur le caractère durable ou ponctuel de ces financements potentiels.

Enfin, il s'est inquiété de la forte progression des dépenses de fonctionnement des établissements médico-sociaux et notamment de leurs dépenses de personnels. Ces établissements devant désormais sortir du dispositif des aides Aubry II, ce qui alourdira leurs charges de 5 %, il a voulu savoir comment l'État comptait les aider à faire face à cette situation.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale , a indiqué que la dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale s'élèverait, hors loi de finances rectificative, à 1,3 milliard d'euros. La loi de finances rectificative pour 2004 prévoit des dotations supplémentaires de 306 millions d'euros au titre du revenu minimum d'insertion (RMI), de 101 millions d'euros au titre de l'AAH et de 94 millions d'euros pour la couverture maladie universelle (CMU).

S'agissant de l'AME, il a expliqué que la dette à l'égard de la CNAM s'élève à 394 millions d'euros, mais que l'évolution de cette dépense est intimement liée à la politique d'immigration menée au niveau national et européen.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale , a enfin reconnu que, même après les ouvertures de crédits prévues en loi de finances rectificative, l'État resterait redevable à la CNAF de 171 millions d'euros au titre de l'API et de 45 millions d'euros au titre du RMI. Il a également précisé que la question du remboursement à la CNAF des frais de gestion de ces prestations n'est pas à l'ordre du jour.

Revenant sur la question de la CNSA, le ministre a expliqué que celle-ci contribuerait en 2005, à hauteur de 158 millions d'euros, aux créations de places en faveur des personnes handicapées, le solde du financement nécessaire - soit 80 millions d'euros - étant prévu dans le cadre de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM). Il a précisé qu'à l'avenir, une enveloppe de 300 millions d'euros serait prévue au sein du budget de la caisse pour le financement de places nouvelles. En 2005, la caisse consacrera 518 millions d'euros à des dépenses pérennes concernant soit la création de places en établissements, soit la préfiguration de la prestation de compensation, et 255 millions d'euros à des dépenses exceptionnelles pour l'accessibilité et pour l'accélération du plan autisme.

Évoquant enfin la question de la réduction du temps de travail dans les établissements médico-sociaux, il a indiqué qu'il a demandé à ses services une analyse approfondie des conséquences des dispositifs Aubry. Il a précisé que l'ONDAM médico social pour 2005 tient en partie compte du nécessaire recalage des budgets en fonction de la masse salariale. Il a expliqué qu'il souhaite encourager une démarche contractuelle entre les services de l'État, de la sécurité sociale et des départements pour améliorer les conditions de financement des établissements et qu'il songe à expérimenter de nouveaux modes de tarification pour ces derniers.

M. Alain Vasselle a proposé au ministre, dans le cadre des travaux préparatoires à la future loi organique réformant les finances sociales, de mener à bien un audit des relations financières entre l'État et la sécurité sociale. Il a également souhaité connaître les actions envisagées en faveur des structures d'accueil spécialisées dans la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou des pathologies afférentes. Il a notamment insisté sur la nécessité d'ouvrir de nouvelles places pour accueillir ces malades sur de courtes durées afin de soulager leurs familles. Il a enfin rappelé que le Gouvernement s'était proposé, à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, d'examiner la faisabilité et le coût pour les finances publiques de la mise en oeuvre d'une assurance dépendance complémentaire.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale , a précisé que, dans le cadre du plan Alzheimer, un effort particulier sera engagé pour le développement de structures d'hébergement de courte durée. Cet effort sera accompagné d'une politique systématique de formation des personnels travaillant dans ces unités d'accueil afin de les sensibiliser aux spécificités de la prise en charge de ces malades. Il a par ailleurs confirmé que les services du ministère sont effectivement chargés de mesurer l'impact financier d'incitations fiscales favorisant la souscription d'une assurance dépendance complémentaire.

M. Michel Esneu a rappelé que si 10.000 places nouvelles en établissements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ont été prévues dans le plan canicule, les besoins réels s'élèveraient en réalité à 40.000.

M. Nicolas About, président , s'est inquiété des retards observés dans la mise à disposition des crédits prévus par le plan canicule pour les créations de places en EHPAD, qui entraînent l'impossibilité de boucler certains projets au niveau départemental.

M. Guy Fischer a souligné la nécessité d'assurer un juste équilibre territorial dans ces créations de places, en rappelant la sous-dotation chronique des quartiers populaires dans ce domaine.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, a expliqué que les crédits pour la modernisation des EHPAD sont mobilisés dans le cadre des contrats de plan État-région, la procédure des autorisations de programme en loi de finances permettant d'adapter les crédits effectivement disponibles, année après année, au rythme de la réalisation de chaque contrat. Il a indiqué que les 72,3 millions d'euros inscrits en loi de finances pour 2004 permettront de couvrir 35 % des contrats de plan et que 25,8 millions d'euros supplémentaires en autorisations de programme et 16,24 millions d'euros en crédits de paiement sont prévus en 2005, afin de parvenir à un taux de couverture des contrats de 51,4 % dans le domaine du handicap et de 54 % dans le domaine des personnes âgées. Il a précisé enfin que la CNSA serait sans doute autorisée à abonder exceptionnellement les contrats de plan en 2005, afin d'accélérer la mise en oeuvre du plan de modernisation des établissements.

II. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le mardi 30 novembre 2004 sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Paul Blanc sur le projet de loi de finances pour 2005 (crédits consacrés à la solidarité ).

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis , a présenté les grandes lignes de son rapport (cf. exposé général du présent avis).

M. André Lardeux a insisté sur le fait que les crédits de la CNSA devaient être consacrés à des actions nouvelles et non au financement de mesures normalement à la charge de l'État ou de l'assurance maladie. Il a plaidé pour que le budget de cette Caisse soit examiné annuellement par le Parlement, éventuellement sous la forme d'une annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Il a précisé que la fraction des prix de journée payée par les conseils généraux au titre des dépenses de personnel représentait 80 % du total et que les salariés des établissements médico-sociaux cumulaient les avantages du secteur public et du secteur privé.

Il a estimé que les gouvernements successifs ont fait preuve de laxisme dans l'agrément des conventions collectives de ce secteur, sans se soucier de leur impact sur l'assurance maladie et les départements. Il a indiqué que, dans son département, la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail avait coûté l'équivalent de la création de 200 places nouvelles en établissements pour personnes handicapées.

Il a déclaré qu'il n'était pas opposé à un conventionnement pluriannuel des établissements mais qu'un tel dispositif se heurterait à la règle de l'annualité budgétaire à laquelle les départements restent soumis.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis , a insisté sur le fait que l'année 2005 était une année de transition en matière de handicap. Il a expliqué que le Gouvernement n'avait pas souhaité attendre la parution des décrets d'application de la loi sur le handicap pour affecter les ressources de la CNSA à des actions en faveur du droit à compensation des personnes handicapées. Il a toutefois reconnu que les financements de la caisse devraient être clarifiés en 2006.

M. Alain Vasselle a plaidé pour que, comme en matière de sécurité sociale, les transferts de charges vers la CNSA s'accompagnent des recettes correspondantes. Il a souhaité que le statut des personnels des établissements médico-sociaux soit clarifié et que les partenaires sociaux soient davantage responsabilisés face à l'évolution des salaires.

Il a voulu connaître l'articulation prévue entre l'AAH et la future prestation de compensation, certaines associations faisant courir le bruit que la nouvelle prestation pourrait venir en substitution de l'AAH.

Il s'est enfin insurgé contre l'interprétation erronée du décret concernant le conseil de la vie sociale dans les établissements qui conduit à rendre obligatoire la présidence de ce conseil par une personne handicapée, éventuellement handicapée mentale.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis , a reconnu qu'un travail pédagogique important devrait être entrepris auprès des associations, des familles et des personnes handicapées elles-mêmes afin d'éviter la propagation de rumeurs infondées concernant notamment le niveau de la prestation de compensation. Il a estimé, par ailleurs, que certaines associations faisaient preuve de mauvaise foi et laissaient se répandre de telles rumeurs en réaction à l'amendement présenté par le président Nicolas About concernant la place des associations gestionnaires et non gestionnaires dans la représentation des personnes handicapées.

Mme Marie-Thérèse Hermange s'est étonnée du fait que les barèmes nécessaires à la mise en oeuvre de la prestation de compensation ne soient pas prêts, alors que des classifications internationales et européennes existent et sont facilement transposables en France.

Mme Bernadette Dupont a rappelé que la convention collective de 1966 applicable dans les établissements médico-sociaux était particulièrement favorable. Elle a pourtant constaté que ces établissements devaient faire face à une pénurie de personnel qui les plaçait parfois dans une situation de maltraitance passive. Elle a estimé que les vives réactions des associations sur la proposition de distinguer entre les gestionnaires d'établissement et les représentants des personnes handicapées s'expliquaient principalement par la crainte des parents d'être exclus à l'avenir de la gestion des établissements.

M. Jean-Pierre Godefroy a également souhaité relayer l'émoi provoqué par ce qui est perçu comme une contestation du rôle des associations. Il a estimé que les inquiétudes de ces associations étaient sincères, à défaut d'être totalement fondées.

Enfin, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la solidarité pour 2005 .

Au cours de sa réunion du 30 novembre 2004, la commission des Affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la solidarité pour 2005.

* 1 Ces crédits regroupent les agrégats « Développement social » (23), « Intégration et lutte contre les exclusions » (24) et « Famille et personnes handicapées » (25).

* 2 L'AAH peut en effet être attribuée à deux catégories de bénéficiaires : les personnes handicapées présentant un taux d'invalidité supérieur à 80 % (article L. 821-1 du code de la sécurité sociale) et les personnes handicapées titulaires d'un taux d'invalidité compris entre 50 et 79 %, lorsqu'elles sont dans l'impossibilité, reconnue par la COTOREP, de se procurer un emploi (article L. 821-2 du code de la sécurité sociale).

* 3 d'une Circulaires DGAS/PHAN du 10 octobre 2002 et d'une circulaire , DGAS/PHAN du 31 mars 2003 et DGAS/PHAN du 18 février 2004.

* 4 Circulaire du 19 juin 2001 relative au dispositif pour la vie autonome.

* 5 D'après le ministère de l'éducation nationale, les proportions seraient d'un quart d'élèves handicapés scolarisés à temps partiel en classe ordinaire et de trois quarts à temps plein.

* 6 Le montant consacré aux auxiliaires de vie scolaire collectifs n'est pas précisé car il est fongible au sein de l'ensemble des crédits consacrés aux assistants d'éducation, soit 401 millions d'euros en 2004.

* 7 Ce forfait s'élevait, en 2003, à 3.917 euros par poste et par an.

* 8 « La vie avec un handicap », Cour des comptes, rapport au Président de la République, 17 juin 2003.

* 9 Le PARE a bénéficié en 2002 et 2003 à 180.000 chômeurs handicapés (Source : ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale).

* 10 En entreprise adaptée, la rémunération garantie sera désormais, comme dans toutes les entreprises, fixée au SMIC.

* 11 « Compensation du handicap : le temps de la solidarité », rapport d'information n° 369 (2001-2002) de M. Paul Blanc, au nom de la commission des Affaires sociales, 26 juillet 2002.

* 12 Population prise en compte : personnes de moins de soixante ans ayant une reconnaissance administrative de leur handicap.

* 13 La lettre de l'ODAS, numéro spécial, juin 2004.

* 14 C'est-à-dire la dépense avant prise en compte des transferts financiers de l'État vers les départements pour couvrir les transferts de compétences.

* 15 Loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de RMI et créant un revenu minimum d'activité.

* 16 Cf. Assemblée des départements de France, « Budgets primitifs et fiscalité des départements 2004 », juin 2004.

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